• Le Petit héros de papier, écrit par Martin Melkonian.

    De la lecture et de l’écriture, laquelle précède l’autre ? Au début, y avait-il le verbe ? Au début, il y a les parents. Lorsqu’il parle de l’écriture, Martin Melkonian les évoque avec son amour filial et les liens forts d’une complicité intellectuelle qui l’ont conduit à l’écriture et à la peinture. Retour à l’enfance. L’importance de l’enfance : le temps des contes et de l ‘amour. La mort, celle du père. L’abîme et encore l’amour mais sans lien charnel. Les mots de l’amour et l’amour des mots : Les mots des êtres chers, les mots passerelles entre les âmes mortes et vivantes. " Les mots sont des êtres vivants… Ils fourmillent… Rêveurs, tristes, joyeux, amers, doux… Les mots sont les passants mystérieux de l’âme ". Hugo l’a si bien dit et le constat à retenir est toujours le même: Ecritum humanum est.

    L’écriture a besoin de lenteur. La lenteur est le temps de ceux qui sont sur le second versant de la vie, nous dit Martin Melkonian en reprenant ce groupe de mots dans l’incipit de La Divine Comédie de Dante ( nel mezzo del camin di nostra vita). Chaque voyage fait avec lenteur dans la mémoire apparaît alors comme une chance de redécouvrir et d’inventer le passé à la lumière d’un présent insaisissable … " La mémoire : elle est rieuse, oublieuse, bigame – mariée au rêve et à la réalité, écrit-il. "



    La quatrième page de couverture du " petit héros de papier " explique que " Martin Melkonian puise dans sa mémoire et dans sa bibliothèque idéale. Il reprend l’ordre de ses souvenirs qu’il tient à restituer avec justesse. C’est un travail de main et de tête sur la matière du texte ". Même si tout y est littéraire, le petit héros de papier est aussi un héros de chair : l’auteur. Dès les premières lignes du livre, l’emploi du je et du moi le lie à la vérité romanesque de son héros, réel même dans sa fiction.

    Martin Melkonian connaît la valeur des mots qu’elle soit esthétique ou musicale. A quatre ans, il jouait déjà avec eux : " L ‘un après l’autre, les mots irritent la gorge, s’aggrippent à la glotte, puis – passage préparé- roulent sur la langue, patinent, virevoltent, expirent ". La langue ( française), ajoute-t-il dans le Miniaturiste, " elle se dit, elle s’écoute, elle s’épluche, elle se goûte ". Les mots sont l’occasion de longues rêveries et de délicieux voyages. Comme Mallarmé, il leur donne une vie libérée de l’usage utilitaire. Il puise dans ce qu’il nomme " la poésie de mémoire " et il y trouve l’émotion.

    Ralentir, mots-valises. !
    Ralentir, impacts des mots !…
    Ralentir, Melkonian !

    Martin Melkonian mesure le poids des mots sans surpondérer sa plume. Il nous parle d’un quatuor enchanté sans ordre d’entrée décelable: "l’écriture, la poésie, l’émotion, la mémoire. "… L’écriture est dans les couleurs, les parfums, les objets, les lieux, les êtres…

    " L’écriture est un roman. L’écriture est partout " nous dit-il.

    " Il fut papier. Voltaire " telle est la dédicace-épitaphe au début du livre. Nous avons retrouvé la suite de la citation.

    Il fut papier ; cent cerveaux à l'envers
    De visions à l'envi le chargèrent ;
    Puis on le brûle ; il vole dans les airs,
    Il est fumée aussi bien que la gloire...
    Voltaire, Guerre de Genève, IV.





    Lorsqu’il nous avait dédicacé " Le Miniaturiste " , Martin Melkonian avait écrit avec lenteur : " Ce miniaturiste ou l’écriture née des cendres " (voir article précédent sur l'auteur ). Le miniaturiste avait ouvert une suite autobiographique commencée en 1984 et les autres romans ont suivi : Désobéir, Loin du Ritz, Les marches du Sacré-Cœur, Monsieur Cristal et le Clairparlant.

    Dans " Le petit héros de papier ", l’auteur relate l’itinéraire de celui qui a choisi " tous les dieux, tous les textes, ceux écrits et ceux à écrire", et qui a commencé par " aimer la rêverie au dessus des œuvres ". " Je rêvais, dit-il, que ma rêverie d’écriture était déjà de l’écriture ". Et puis il s’est mis à écrire " selon un mode propre, une sonorité propre. Selon sa chanson . " Une chanson où les mots forment parfois des versets rappelant le haïku contemporain. Nous avons relevé quelques passages pour exemples :

    La pensée.
    La précieuse.
    Je subodorais sa présence.

    On biffe parfois.
    On caviarde parfois.
    On déchire parfois…

    Ou encore :

    Je souhaitais le rencontrer.
    J’avais vingt-huit ans.
    Lui, soixante-trois.

    Et cela nous fait adapter un haïku d’Issa à l’attention de l’auteur :

    Sur les écrans de papier
    Elle fait des arabesques
    Sa plume de Phénix.

    L’esprit haïku est présent dans les dédicaces de l’auteur. Après celle du Miniaturiste, je vous livre sa nouvelle dédicace : " Ce petit héros de papier ou la plume d’un phénix ".

    Au bout de notre lecture, l’écriture née des cendres du petit héros de papier apparaît bien comme celle d’un phénix à la plume flamboyante qui enlumine l’écriture et rend la lecture jouissive.

    La mémoire, avec sa part d’imaginaire, est notre livre intérieur à déchiffrer … Le voyage littéraire proposé par l’auteur se termine par le mot " nuit "… Il ne va pas jusqu’au bout , contrairement à celui de Céline. Le petit héros de papier n’est pas une autofiction… Martin Melkonian y raconte son amour et ne montre pas encore sa haine. Sortira-t-elle un jour ? Peut-être une nuit...





    Et parce que la mémoire est rieuse. Posons la question : De quel papier est fait le héros ? Papier d’Arménie qui brûle lentement en dégageant une odeur caractéristique ? Papier d’écolier nostalgique ? Papier dessin de l’artiste-peintre ? Papier buvard de la mémoire ? Papier sensible ? Papier de verre et non pas de vair ?…

    "On prépare le papier en divisant le papyrus en bandes très minces, mais aussi larges que possible ; la bande la meilleure est celle du centre de l'arbre, et ainsi de suite dans l'ordre de la division ; on appelait jadis hiératique, attendu qu'il était réservé aux livres sacrés, le papier fait avec les bandes intérieures ; lavé, il a reçu le nom d'Auguste, de même que celui de seconde qualité porte celui de Livia, sa femme ; de la sorte, l'hiératique devint papier de troisième qualité.... le ténéotique, ainsi nommé d'une localité voisine de Saïs, est fait avec des matériaux plus rapprochés de l'écorce ; il ne se vend plus à la qualité, il se vend au poids ; quant à l'emporétique, il ne peut servir à écrire ; on ne l'emploie que pour envelopper les autres papiers et emballer les marchandises, de là lui vient le nom qu'il porte (papier des marchands)." Pline, Hist. nat. XIII, 23.

    Si l’écriture a sa chanson, le papier aussi. Elle est de Gainsbourg et chantée par Régine. Elle dresse un inventaire à la Prévert.

    Laissez parler
    les p'tits papiers
    A l'occasion
    Papier chiffon
    Puissent-ils un soir
    Papier buvard
    Vous consoler.

    Laissez brûler
    Les p'tits papiers
    Papier de riz
    Ou d'Arménie
    Qu'un soir ils puissent
    Papier maïs
    Vous réchauffer.

    Un peu d'amour
    Papier velours
    Et d'esthétique
    Papier musique
    C'est du chagrin
    Papier dessin
    Avant longtemps.

    Laissez glisser
    Papier glacé
    Les sentiments
    Papier collant
    Ça impressionne
    Papier carbone
    Mais c'est du vent.
    Machin machine
    Papier machine
    Faut pas s'leurrer
    Papier doré
    Celui qui touche
    Papier tue-mouches
    Est moitié fou.

    C'est pas brillant
    Papier d'argent
    C'est pas donné
    Papier monnaie
    Ou l'on en meurt
    Papier à fleurs
    Ou l'on s'en fout.








    Le Miniaturiste , première édition en 1984, a été réédité en 2006 et Un petit héros de papier vient en 2007 comme un codicille, un legs littéraire à ceux qui aiment lire et écrire. C’est le remaillage d’une trame individuelle : celle de l’écrivain fouillant sa mémoire dans une relation réflexive.

    En 2006, deux autres ouvrages de Martin Melkonian ont été publiés : Ils sont assis, Editions Parenthèses (photographies de Max Sivaslian et postface de Martin Melkonian) et Les Corps introuvables, éditions d’écarts.



    "Etre assis", c'est ainsi qu'on désignait, littéralement, le fait d'être interné dans un camp en Union soviétique. L'expression est restée dans le langage populaire dans toutes les républiques après le démantèlement de l'empire. Le regard de Max Sivaslian, qui a photographié dans cinq prisons et centres de détention en Arménie, dont les prisons pour femmes et pour mineurs, explore avec pudeur l'intimité de l'enfermement. Au-delà des évolutions historiques, l'univers soviétique persiste et marque l'intemporalité des conditions carcérales. Ces visages devenus anonymes, qui sont finalement de nulle part, si ce n'est du lieu universel de la privation de liberté, nous renvoient à nos propres angoisses face à la misère de l'autre. Le texte de Martin Melkonian, qui vient en contrepoint, incite à voir ce que précisément nous ne voulions pas voir. Partout, quel que soit le lieu où s'exerce cet empêchement, avec une révélation de la vision qui a lieu grâce à l'énergie d'un photographe. "Le regard de Sivaslian ne compose jamais avec l'effraction. D'ailleurs, quoi prendre à qui n'a plus rien."



    L’effarement, l’égarement et l’éclipse de l’énergie vitale au seuil d’un abîme désiré plus que tout constituent la trame des Corps introuvables. Plusieurs décors coulissent au fond d’une scène imaginaire pour donner à voir ce que précisément le regard ne souhaite pas voir : des esprits qui n’ont pas assez d’âme pour devenir des esprits, des corps qui n’ont pas assez d’incarnation pour devenir des corps. Il en résulte des personnages électrisés, lucides, disjoints. Les mots suivants sont tatoués sur la peau de l’un d’eux : " il va à l’homme comme à l’échafaud. " Dans ce récit halluciné et dérangeant, l’acuité du regard s’oppose à la perte, à l’oubli, à l’aveuglement par degrés ; elle soutient une lutte farouche contre l’expérience de la défiguration infligée par l’histoire.

    A son tour, Martin Melkonian est entré dans la bibliothèque idéale. Nous suggérons modestement aux enseignants (aux CDI et à tous ceux qui ont pour mission de faire aimer la lecture et de pousser à l’écriture) d’associer l’ouvrage de Martin Melkonian à celui de Daniel Pennac " Comme un roman " (gallimard, janvier 1992) dans leur choix d’œuvres à lire et à commenter…



    FICHE DE LECTURE : " UN PETIT HÉROS DE PAPIER " Editions du Félin, mai 2007. "

    Dans la collection Fiction Félin, la première page de couverture offre une très belle illustration à signaler : Création Olivier Lauga/photo - Nicolaï Pavlovitch Tarassov : Pouchkine (détail) Musée de Noukous. C'est un livre qui donne immédiatement envie de le lire et la quatrième page de couverture pique la curiosité et suscite l’intérêt.

    Extrait du 1er chapitre : Les intercesseurs.

    " L’action se déroule à proximité de la mer, un jour frileux de mars. J’ai allumé un poêle à pétrole Baya. J’écris sur une table ovale en merisier, couverte de traces, de blessures, d’indices. En face de moi, ou plutôt face au cahier sur lequel se trouvent ces premières lignes d’encre, il y a un vase en verre clissé de fils de laiton. Il déborde de renoncules aux tons veloutés.
    Ma plume est lente, car je suis désormais sur le second versant de la vie, inscrit dans le déclin.
    Dehors, en basse continue, le vent du littoral souffle sous le chant têtu des moineaux. Je me laisse aller à une sorte de dictée rurale, inattentif à l’orthographe, mais tout en éveil pour ce qui est du son des mots, des phrases, des évocations haussées jusqu’à ma rêverie, jusqu’à ce que j’appellerais, avec un ravissement jaloux, la poésie de mémoire.
    La mémoire : elle est trieuse, oublieuse, bigame – mariée au rêve et à la réalité. Elle est sans frontières précises, faisant ici des incursions, des invasions même, et là opérant des retraits dans de vagues terrains sans atmosphère, aux configurations inquiétantes : on ne sait plus avancer. Mais la mémoire, c’est aussi une fiction chaleureuse où, sous les masques provisoires du passé, chacun s’invente en dehors du temps. Cette invention est d’abord verbale, et le verbe cherche toujours son commencement.
    La poésie chasse l’utilitaire.
    C’est l’heure du conte. "

    Aux frontières du récit et de l’essai, Un petit héros de papier nous invite à faire une incursion au pays de l’écriture, c¹est-à-dire à l¹endroit même où elle se fabrique : chez l’écrivain.

    L’ouvrage est constitué de quatre parties : I. Les intercesseurs ; II. Les livres complices ; III. La table à écrire ; IV. La trousse à rêveries. Puisant dans sa mémoire comme dans sa bibliothèque idéale, l'auteur trace le chemin d'un homme pour qui les manifestations les plus heureuses de la vie passent par l¹écriture.

    Que propose ce livre ?

    Le style : Un petit héros de papier est une approche aiguë de la force et du mystère d’écrire. Le découpage en quatre parties pourrait faire penser à quatre expériences distinctes. Il n’en est rien. Elles sont en miroir. L’auteur tient son texte de main de maître et nous le donne à lire d'un seul tenant : de la mémoire naît l’idée, de l’idée naît le mot, du mot naît l’écriture. Pour peu que nous aimions lire, nous sommes séduits par la beauté d’une langue juste, forte, précise à l’envi, sensible qui nous engage à rentrer dans le texte, à nous y sentir bien, à nous retrouver dans l’expérience commune du livre que nous avons dans les mains, que nous lisons ou que nous avons l’impression d’écrire, que, de toute façon, nous ne serons pas prêts d’oublier.

    " Le présent livre, écrit l’auteur, participe d'une rêverie sur sa structure. Il y a un thème et, en même temps, des paysages, des sites, des événements pénètrent la matière de la prose. " Pour ceux qui connaissent l’œuvre de Melkonian, nous assistons ici à l’avancée d¹un auteur qui se bonifie.

    Le contenu : alors que nous pouvions redouter le côté suranné des souvenirs, apparaît une dynamique où l’écriture maîtrisée aboutit au partage universel : la fragilité existentielle, les expériences concernant tout le monde (l’enfance, par exemple, qui nous habite à l’âge adulte, nous surdétermine pour le meilleur comme pour le pire). C’est ce que Melkonian appelle l’événement d¹écriture. Cet événement opère tel un fixateur photographique.

    Le cheminement : dans Un petit héros de papier, la mémoire déplie ses trésors à l'infini. Aussi comprenons-nous que l’auteur veuille y mettre de l’ordre, trier, condenser, voire éliminer. Il se rend vite compte que pareille tâche lui est impossible, car il ne peut humainement éviter de repasser sur les points d’origine de son histoire individuelle. C¹est en acceptant de fouiller sans à priori qu’il progresse. Melkonian est un voyageur immobile, mais un voyageur avant tout. La succession des parties de son livre n’est rien d’autre que la pensée en action. Elle entraîne la main dans le geste essentiel de l’écriture. Qui plus est, elle rend le lecteur complice d’une enquête inédite. L’art d’écrire en est l’enjeu. "

    Nota: Le fameux art d'écrire… Et, par les traits divers que notre main conduit, D'attacher au papier la parole qui fuit..." Corneille, cité dans Estarac.

    Les thèmes:

    1. Il y a les personnages chers à Melkonian :
    - Les parents (la vie familiale dans le Paris populaire des années soixante, le père conteur oriental), les instituteurs et professeurs de l'école républicaine, formateurs et pourvoyeurs de culture ;
    - Les écrivains (Voltaire, Miller, Sarraute) qui nourrissent sa propre vocation ;

       

    2. Il y a les livres lus : ceux d’une bibliothèque " animée " qui ne cesse de croître.

    3. Il y a surtout la mémoire qui tend le texte à l’extrême, cette " mémoire " mariée au rêve et à la réalité ". Elle convoque le présent immédiat ; elle retouche la vie ; elle prolonge le rêve qui se réfugie dans l’écriture même. Elle est " une fiction chaleureuse ". Bref, la mémoire est la compagne d’élection.

    Le petit héros de papier est un livre original et attachant écrit dans la tradition littéraire de la phrase et du bien construit. Rien à voir avec l’autofiction. Tout ici est littérature.

    L'AUTEUR:

    Martin Melkonian est l¹auteur d¹une suite autobiographique. Ce sont Le Miniaturiste, Désobéir, Loin du Ritz, Les Marches du Sacré-C¦ur, Monsieur Cristal, Le Clairparlant, ouvrages auxquels il convient dorénavant d¹ajouter Un petit héros de papier. Ses autres livres comme, par exemple, Le Corps couché de Roland Barthes, Clara Haskil, portrait, De la boulimie et de la privation ou encore Edward Hopper luttant contre la cécité engagent un dialogue avec des figures de notre mythologie contemporaine.
    Il compte vingt-cinq années de publications essentiellement orientées vers l'expression d'un regard intérieur, publications en lesquelles le " je " est aussi quelqu'un d¹autre, l'histoire individuelle devenant la caisse de résonance de l'histoire de tout un chacun. Plus que la question identitaire, c¹est le rapport à l'autre (disparu ou vivant) qui les anime.
    Martin Melkonian est également peintre.
    Durant plusieurs décennies, il a fait carrière dans l'édition (de correcteur d¹épreuves à secrétaire général, en passant par les postes de responsable d'un service des manuscrits et de directeur artistique). Il fut durant six ans collaborateur de Jean Malaurie pour la collection Terre humaine, chez Plon, et dirigea une collection d'essais et de littérature classique, L'Ancien et le Nouveau, chez Armand Colin.
    Depuis deux ans, il donne des lectures publiques et visite des classes de collèges et lycées. Une exposition de ses œuvres peintes intitulée " Calligraphies imaginaires " s'est tenue cette année (janvier-février-mars) au Musée muséum départemental de Gap.

    Martin Melkonian est né à Paris en 1950. Il habite entre Avranches et Granville, au bord des grèves, à proximité du Mont-Saint-Michel.

    Martin Melkonian
    Bibliographie
    … Le Miniaturiste, Seuil, 1984 ; prix Thyde Monnier de la Société des gens de lettres, 1985 ; nouvelle édition : Parenthèses, 2006
    … Désobéir, Seuil, 1986
    … Loin du Ritz, Seuil, 1988
    … Département des nains, Séguier, 1988
    … Le Camériste et autres récits, Maurice Nadeau, 1991
    … De la boulimie et de la privation ou Le Magasin des troubles, Séguier, 1988 ; nouvelle édition : Armand Colin, 1993
    … Le Corps couché de Roland Barthes, Séguier, 1989 ; nouvelle édition : Armand Colin, 1993
    … Les Marches du Sacré-Coeur, Le Bois d¹Orion, 1995
    … Clara Haskil, portrait, Josette Lyon, 1995
    … Montagne froide, Passage, 1982 ; nouvelle édition : Fourbis, 1996
    … Monsieur Cristal. Journal 1977-1982, Le Bois d'Orion, 1997
    … Le Clairparlant. Journal 1997-1998, Le Bois d'Orion, 2000
    … Ruptures. Moments de vérité (en collaboration avec Véronique Chauveau), Autrement, 2003
    … Pèlerinages tibétains : le goût du sacré
    (avec Pierre Crié, photographe), Autrement, 2004
    … Conversations au bord du vide, éditions d¹écarts, 2004
    … Préface à La Politique du Sultan de Victor Bérard, Le Félin, 2005
    … Edward Hopper luttant contre la cécité, éditions d¹écarts, 2005
    … Postface à l'album photographique de Max Sivaslian,
    … Ils sont assis, Parenthèses, 2006
    … Les Corps introuvables, éditions d’écarts, 2006
    … Un petit héros de papier, 2007




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  • Le théâtre ferroviaire de la Gare franche à Marseille : Une invitation au voyage dans l'imaginaire.

    Implantée dans le quinzième arrondissement de Marseille, la Gare Franche se trouve à la charnière de Saint Antoine et du Plan d’Aou, dans la zone franche, entre les entrepôts de L’Univers du Sommeil, ceux du Dock des Alcools et la ligne de chemin de fer. Le site est composé d’une usine, d’une maison et d’un terrain. Grâce au soutien de ses partenaires, la Ville de Marseille, le Ministère de la Culture et le Conseil Régional, le Cosmos Kolej a pu faire, en 2003, l’acquisition du site et travaille aujourd’hui à sa modification architecturale. La Compagnie poursuit sa recherche artistique et l’expérimentation de nouvelles formes dans cet espace permanent. Après avoir demandé asile aux théâtres pendant une quinzaine d’années, le Cosmos Kolej ouvre également la Gare Franche à d’autres équipes artistiques, de France ou d’ailleurs. Il invite et accompagne artistes, compagnies et collectifs, dans leurs démarches artistiques, du théâtre au cinéma, des arts plastiques à la musique. À Saint Antoine, la Gare Franche doit être le lieu de toutes les rencontres : à la buvette, ouverte à tous et en permanence, dans le centre ressources, dans la cour ou dans l’usine, se déclinent et se travaillent les projets artistiques. Il s’agit de croiser les publics, de diversifier les rencontres, d’aménager les contacts, de contribuer au lien social. Un centre international de projets artistiques doit se développer sur le site qui accueille déjà des activités de jardinage liées à des expérimentations théâtrales pour les habitants du quartier, de cinéma et une école nomade de théâtre, reflétant l'univers singulier du Cosmos Kolej.


    " Avec l’installation du Cosmos Kolej à la Gare Franche, Wladyslaw Znorko a engagé son exploration de Marseille, par le nord. Depuis 2001, il " marche " la géographie de Saint Antoine et du Plan d’Aou. Au fil des rencontres, il tisse une conversation avec les habitants, instille sa part d’imaginaire, tente de modifier ce qu’il est pourtant convenu de nommer vérité, troublant l’ordre normal des choses. Il envisage ensemble la maison et le monde, dans un aller et retour constitutif de la Gare Franche ".





    Nous avons assisté à la représentation théâtrale de samedi dernier (26 mai) et nous avons pu découvrir la Gare franche, une usine désaffectée qui fabriquait des fûts métalliques et jusqu’où des trains de marchandises venaient. Wladyslaw Znorko et les artistes, qui l’accompagnent dans son aventure marseillaise, ont déjà donné une seconde vie à ce sanctuaire habité par des ombres mortes et fait de ce lieu une gare culturelle pour voyager, ouvrir de nouvelles voies et découvrir. C’est un lieu de rencontre entre les artistes et un public venant de tous les ailleurs. Dans ce public, les habitants du plan d’Aou et de Saint Antoine se retrouvent avec ceux d’ailleurs dans une ambiance conviviale. Parmi eux, de jeunes gens des cités HLM découvrent le plaisir du théâtre et des moins jeunes d’ailleurs celui de converser avec eux.

    LES BOUTIQUES DE CANNELLE
    de Wladyslaw Znorko
    d’après l’œuvre de Bruno Schulz

    Distribution :

    Scénographie
    Wladyslaw Znorko,
    assisté d'Espace et Cie
    Univers Sonore
    Olivier Martin
    Lumière
    Richard Psourtseff
    Maître de plateau
    Raphael Odin
    Comédiens :
    Antonella Amirante
    David Bursztein
    Henri Devier
    Elisabeth Ernoult
    Jean Pierre Hollebecq
    Bruno La Brasca
    Irina Vavilova

    Dernière création du Cosmos Kolej, présentée pour la première fois au public marseillais après une tournée internationale. En coulisse, une soupe mijote pour être partagée à l’issue de la représentation.

    Le spectacle est rodé par des tournées en France, en République tchèque, en Sibérie et en Russie. Sur scène, les acteurs ont montré leur talent en donnant chair à des personnages dans une pièce difficile. Le décor est onirique : des voilages blanc vaporeux sur les côtés et au fond une petite maison. C’est par les voilages qu’entrent les personnages. Les deux premiers sont un couple, la femme tire le mari par la main. Elle a mis une belle robe et un beau chapeau et lui a un smoking et haut de forme… Quelque chose cloche déjà : l’homme est en caleçon et n’a donc pas de pantalon … pire : son épouse lui rappelle qu’il est mort. Ces détails ne les empêchent pas d’aller au spectacle avec leur fils qui apparaît en adulte empoté et empêtré dans des monologues intérieurs. Le père a oublié son porte-monnaie et charge alors son fils d’aller le chercher à leur domicile… Le fils nous entraîne dans son errance. Dans un style fait de baroque et de lyrisme, l’auteur pousse à la rêverie, ce vagabondage de l’esprit. Les personnages folklos et les moments de déjantes font penser au cinéma d’Emir Kusturica. L’histoire simple du début ouvre des fissures, des voies d’errance comme des voies d’eau dans la coque du récit. Les personnages morts ou vivants portent des étiquettes à leurs vêtements. Ils se disputent entre deux poses pour des photos. Les voilages s’ouvrent dès la moindre brise, une tempête se lève dans la ville où tout bascule dans le fantasme sous le regard du fils qui déambule dans ce qui apparaît comme un rêve, un espace de liberté. A chacun d’entrer dans cet espace et de se laisser porter par les voilages vaporeux de l’imaginaire. C’est une invitation à l’émancipation et à la découverte de l’infini. La vocation du poète n’est-elle pas de délivrer la grammaire de la logique ? Dans les quatre pages du Journal La Friche de la Belle de mai consacrées à la Gare Franche, nous avons relevé une citation sur le théâtre de Shulz : Ektarina Bogopolka – La pensée russe- janvier 2006 : " Il y règne la liberté d’improvisation d’un théâtre de foire qui échappe à la logique cartésienne pour se placer sous le signe d’une vérité éphémère, vue à travers le prisme des rêves étranges et excentriques d’un poète. "

    "Ce n’est pas sans raison que ces rêves d’antan reviennent aujourd’hui. Aucun rêve, si absurde soit-il, ne se perd dans l’univers. Il y a en lui une faim de réalité, une aspiration qui engage la réalité, qui grandit et devient une reconnaissance de dette demandant à être payée." (Extrait de "La république des rêves" de Bruno Schulz)

    Le grand poète polonais Cezslav MILOSZ avait un projet : "poétiser la réalité ". Il était en quête du mystère de l’existence. Si, poète maudit, il a percé ce mystère, il ne l’a pas divulgué avant de mourir. C’est par " La pensée captive ", qu’il est connu du lectorat occidental en 1953. Cezslav Milosz, né en 1911, est mort le 14 août 2004 à Cracovie, à l’âge de 93 ans Avec le théâtre de Schulz, Wladyslav Znorko poétise la réalité pour libérer la pensée. " Wladyslaw Znorko est porté par ce que d’aucun appelle l’âme slave, cette capacité à relier mémoire et imaginaire dans une quête des origines qui resterait sans doute toujours un peu nostalgique, mais extrêmement accueillante. " Ecrit Fred Kahn dans le journal de la Friche de la Belle de Mai.
    La Pologne est aussi le pays de Wiltold Gombrowicz, l’auteur de " Cosmos " (comme Cosmos Kolej), " Trans-Atlantique ", " Pornographie "… Le philosophe aimait à dire de lui-même : " Je suis un humoriste, un pitre, un équilibriste... " et de nous tous : " L’homme est un éternel acteur... ". Sans doute le penseur a-t-il rencontré le poète. Tout n’a pas été dit et tant reste à imaginer… Gombrowicz a toujours dénoncé la routine et la paresse intellectuelle. Pour mieux comprendre Bruno Schulz et Wladyslaw Znorko, sans doute faut-il connaître ses amis Tadeusz Kantor, Wiltold Gombrowicz et Stanislas Ignacy Witkievicz. On peut aussi entrer dans cette pièce expressionniste sans autre référence que soi-même, à condition de dépasser les limites de la raison et de traverser les voilages vaporeux qui ouvrent sur l’imaginaire. Il ne s’agit pas de comprendre mais de ressentir. Alors, bouleversé de bonheur, vous partagerez ce moment d’errance et de liberté. Plus tard, les bribes se mettront en place révélant toute la richesse de cette œuvre profondément humaine, avec l’envie d’en savoir plus sur la vie de Bruno Schulz, (12 juillet 1892 - 19 novembre 1942) – écrivain, dessinateur, graphiste et critique littéraire.

    "C'est en 1933 que Schulz commence à publier ses œuvres. Grâce à l'aide de Zofia Nałkowska il publie Sklepy cynamonowe (Les boutiques de cannelle). En 1936, il publie Sanatorium pod klepsydrą (Le sanatorium au croque-mort). Avec l'avènement de la Seconde Guerre mondiale, Drohobycz est occupée par l'Union soviétique, puis par l'Allemagne nazie suite à l'Opération Barberousse. En 1941-1942, Bruno Schulz est contraint de vivre dans le ghetto de Drohobycz. Il est alors sous la "protection" de l'officier de Gestapo Felisk Landau qui lui fait réaliser des peintures sur papier. Schulz est tué au croisement des rues Mickiewicz et Czacki le jeudi 19 novembre 1942. L'œuvre de Schulz se rapproche de l'expressionnisme moderne de Franz Kafka tout comme du surréalisme, du créationnisme et de la psychanalyse. Bruno Schulz lui-même appréciait grandement les œuvres de Rainer Maria Rilke, Franz Kafka et Thomas Mann." Source : Wikipédia – article à l’adresse :
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Schulz

    " Comment découvrir la porte d'entrée des êtres et des choses ? Comment accéder à l'autre, à tout ce qui n'est pas moi, à tout ce qui m'échappe et m'abandonne à la solitude ? Oui, je vais perdre ceux que j'aime. Oui, je vais mourir. Mais à cette certitude s'ajoute une grâce ou une énigme. Il existe des instants, des lieux à mi-chemin entre monde visible et monde invisible où le temps se suspend, où la dimension de l'un et de l'autre donne accès à une vérité plus belle et plus vraie. Seules ces rencontres inestimables avec l'autre nous aident à saisir le fait même de voir ou de penser…. " extrait de la présentation du livre de Cyntia Fleury " La métaphysique de l’imagination " (voir notre article du 19 mai 2007).

    La pièce " Les boutiques de cannelle " peut apparaître comme hermétique à un public qui ne connaît pas l’histoire de la Pologne et ignore tout de la culture juive polonaise. Il suffit pourtant de comprendre qu’il faut " se faire des songes " (pour reprendre une expression de Pagnol au sujet du public qui vient au théâtre) et les acteurs excellents vous aident en cela. Selon Mauriac, " Il n’y a pas de théâtre sans incarnation ". Les personnages prennent chair grâce aux acteurs qui nous permettent de rompre les amarres avec la vie réelle pour une errance dans ce " rêve incarné ", antinomie qui s’applique à la pièce de Bruno Schulz mais aussi à tout le théâtre et au-delà peut-être à la vie elle-même.

    Après la représentation de la pièce " Le traité des Manequins " en 1997, Gabriel Gabin dans le mensuel grattuit …491 : " … Il faut regarder, sentir, se balader autour, écouter le silence et les bruits, se laisser séduire -ou pas-. Dans ce monde déchiré, entre réel et imaginaire, il faut essayer de s'abandonner sans préjugés et sans résistances mentales à son plus primal plaisir. Ici, on est obligé de transgresser le système de critiques traditionnellement utilisé au théâtre : la qualité du texte, le jeu des acteurs, l'efficacité de la mise en scène ? Ce schéma d'analyse presque binaire n'a plus lieu d'être dans l'espace Znorko : il faut oublier et lâcher prise pour découvrir de nouvelles sensations. Le beau ne suffit pas à tout le monde, mais il faut connaître Wladyslaw Znorko et le regarder -libéré de toutes entraves- projeter son esprit prolixe. On aimerait qu'il nous jette parfois quelques passerelles, mais celui-là invente un théâtre qui ne laisse personne indifférent. Lui. " Pour lire l’article, aller à l’adresse :
    http://www.491.fr/Archives%2097/Znorko.html

    Les littéraires trouveront à l’auteur des parentés : Nerval, Proust, Beckett, Artaud, Brecht, Cocteau... Mais il s’agit de Bruno Schulz sans autre référence que lui-même avec, pour seules limites, sa forme et son antiforme pour reprendre l’expression de Gombrowicz. L’antiforme Grombrowiczienne est une forme qui libère en s’opposant à la tyrannie du moule social et psychologique imposé à notre immaturité. C’est le refus de l’enfermement et le choix de chercher librement " quelque chose de plus ample et supérieur ". Le rêve conçu comme clé des régions inconnues de l'âme, comme voie d'accès à une réalité supérieure… L’explication est lapidaire mais veut simplement suggérer l’état d’esprit que nécessite, à nos yeux, la jouissance de ce spectacle qui participe à la réhabilitation de l’imaginaire. Il serait dommages de passer à côté de cet encouragement à dépasser Descartes. C’est l’occasion de ne pas laisser la raison mettre des limites à votre pensée et de débrider votre imagination créative. Le rêve a d’autre rôle que celui de gardien de votre sommeil. Bruno Schulz a écrit un rêve éveillé et Wladyslav Znorko le propose comme un éveil au rêve, cet espace infini peuplé d’étoiles. Il faut savoir d’abord renoncer à la boussole, à la montre et aux autoroutes pour faire le choix de l’errance. On a alors la possibilité " de découvrir la porte d’entrée des êtres et des choses dans des instants, des lieux à mi-chemin entre monde visible et monde invisible où le temps se suspend, où la dimension de l’un et l’autre donne accès à une vérité plus belle et plus vraie... ".

    L’ambiance sonore et les éclairages participent pleinement à la mise en scène. Bravo donc aux artistes des coulisses pour le concert de sons et lumières si justement partitionnés. Après le spectacle, la soupe offerte était " à l’oignon ". Les comédiens viennent vous la servir en donnant à chacun l’occasion de converser avec eux. C’est un personnage habillé en tenue d’uniforme militaire qui m’a servi dans une gamelle de soldat. Dans la pièce, il faisait des apparitions avec une arme. Cette présence, muette et menaçante dans le rêve du héros, est peut-être annonciatrice d’un cauchemar à venir puisque, dans la réalité postérieure à la pièce, l’auteur a été abattu par un SS.





    " Une pièce de théâtre ne m’intéresse que si l’action extérieure réduite à la plus grande simplicité n’est qu’un prétexte à l’exploration de l’homme " disait Montherlant. Et Wladyslas Znorko ajoute :
    "Les histoires les plus simples font les plus beaux ouvrages. Dans le cas des Boutiques de Cannelle, je parlerai même de simplicité enfantine. Ecoutez voir : dans une obscure ville de province en Pologne, un couple de commerçants s’endimanche pour aller au théâtre ; occasion aussi de sortir leur fils un peu empoté. Un point c’est tout. Comment faire plus simple ? Cette histoire, cependant, se pimente un peu car le père est mort depuis longtemps et en plus de ce désagrément, il a oublié son porte-monnaie à la boutique. Afin d’honorer le prix du vestiaire et la buvette de l’entracte, il demande à son fils, avant le lever de rideau, de courir à la maison chercher les sous. Le fiston s’exécute avec joie et galope dans les ruelles qu’il connaît par cœur. Pour gagner du temps il prend des raccourcis en passant par des boutiques vieillottes, des arrière-cours et des chemins de traverse. Mais tout est en désordre : les rues ont changé de place et les places sont désormais des rues. Il en oubliera sa mission, émerveillé par cette soudaine liberté, bouleversé par ce ciel étoilé qui, peu à peu, va se transformer en une belle aube d’ambre. Il va vivre ce que nous avons tous vécu un jour : Un instant de grâce où nous ne regardons plus le nom des rues, mais les minuscules failles des murs où se reflète en paillette, l’or du futur. C’est tout. C’est simple. Pourtant l’univers vous tombe sur la tête." - Wladyslaw Znorko. St Antoine . A l’aube.-


    Présentation de l’auteur Bruno Schulz : Né en Galicie autrichienne en 1892. Il est devenu polonais par le rattachement à la Pologne de sa ville natale, Drohobycz, après 1918. Tôt attiré par la peinture, il devait, toute sa vie enseigner le dessin dans le bourg même où il avait ses attaches et où son père, Jacob Schulz, tenait boutique de marchand de papier. Il est venu à la littérature par hasard : sous forme de lettres qu'il envoyait à un ami pour le mettre au courant, sur un mode très inattendu de sa vie solitaire, des faits et gestes de ses proches et concitoyens, des menus événements de sa bourgade. Les lettres s'organisèrent bientôt en récits : ainsi parurent en 1934 Les Boutiques de Cannelle et trois ans plus tard Le Sanatorium au croque-mort. Il introduira Kafka en Pologne en 1936 en traduisant Le Procès. Du reste, par ses origines juives, sa culture, son humour, son existence effacée, il est souvent comparé au Praguois dont le sépare cependant un art tout différent : un art sensualiste, une exubérance verbale dont la somptuosité baroque reste toujours remarquablement maîtrisée. Il commence un roman qui sera, hélas, définitivement perdu dans les ruines du ghetto. Il a été tué d'un coup de revolver dans la nuque par un SS en 1942, Feliks Landau.
    Schulz n’est pas un écrivain. Ce n’est pas non plus un prof de dessin comme il est dit dans les biographies officielles. C’est un prof de travaux manuels de collège, dans une obscure ville des confins orientaux. Une petite ville où rien ne se passe. Pourtant, lui, est quelqu’un d’extrêmement sensible et tourmenté. C’est quelqu’un d’émacié avec un regard de fou. Du même genre que celui d’Artaud. Il dessine seul, le soir, dans son atelier et de sa plume naît quelque chose d’incroyable. D’ailleurs, Vialatte disait que ses dessins et ses récits, c’était comme "si on retrouvait un pot de chambre en émail noyé dans une mare et qui aurait pris l’apparence du porphyre." (Wladyslaw Znorko)

    Isaac Bashevis Singer dira plus tard : " Parfois il écrivait comme Kafka, parfois comme Proust, et il a fini par atteindre des profondeurs auxquelles ni l’un ni l’autre n’avaient accédé ".

    Bibliographie sommaire : Les Boutiques de cannelle, Denoël, 1983, Le Sanatorium au croque-mort, Denoël, 1983, Correspondances, Denoël, 1991, Bruno Schulz. Œuvres complètes. Collection " Des heures durant... ", Denoël, 2004, Bruno Schulz. Le Livre idolâtre. Albums et Beaux Livres, Denoël, 2004, Bruno Schulz. Œuvres complètes. Collection " Des heures durant... ", Denoël, 2004



    Pour plus aller sur le site de Cosmos Kolej à l’adresse ci-dessous :
    http://www.cosmoskolej.org/
    et les photos du spectacle :
    http://www.cosmoskolej.org/creation/cannelles/can_photos.html
    Dossier complet établi par le journal de la Friche de la Belle de Mai à l’adresse ci-dessous :
    http://www.lafriche.org/friche/zdyn1/rubrique.php3?id_rubrique=351
    Site sur Bruno Schulz :
    http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/schulz/schulzbruno.html

    Sur le théâtre polonais : Lecture d'une œuvre : Kordian de Slowacki (PDF) à l’adresse ci-dessous :
    http://www.edutemps.fr/extrait/EX2kord.pdf



    Quelques articles de presse :

    - Des morts-vivants plutôt hilares -Le Cosmos Kolej de Wladyslaw Znorko joue une pièce de Bruno Schulz, les Boutiques de cannelle - " N’oublie pas que tu es mort ", glisse du coude la mère, à Jacob son mari, pourtant hilare. Déjà mort, comme elle, mais bien vivant sur scène. Il s’agit moins d’un emprunt à Tadeusz Kantor qu’à Bruno Schulz. Lui aussi Polonais, auteur des Boutiques de cannelle, nouvelle dont est tirée cette pièce éponyme créée par le Cosmos Kolej aux Subsistances à Lyon. Puis présentée au Glob à Bordeaux, dans le cadre de Novart. " Les Boutiques de cannelle donnent une certaine recette de la réalité. Sa substance est en état de fermentation incessante, de germination, de vie secrète. Il n’y a pas d’objets morts, durs, limités ", pensait Schulz. Et au-delà l’idée que " la réalité prend certaines formes seulement pour l’apparence ". Ce dont on peut jouer au théâtre. Comme le fait Wladyslaw Znorko, avec gourmandise (...) -Hugo LATTARD, L’humanité.

    - Théâtre. Les voilages qui ondulent comme vagues frémissantes. Le bois brut, presque gris d'avoir trop vécu. Une maison, une armoire. Une fenêtre. Dedans-dehors, ici, cette distinction n'a pas lieu d'être. Une femme un peu ronde et un homme assez maigre, jambes nues sous la jaquette de son habit... Bruit incessant des sabots des chevaux sur le pavé. Lumières qui changent. Apparition d'autres personnages. Retrouvant l'univers de Bruno Schulz qu'il aime profondément et connaît, Wladyslaw Znorko propose, après Le Traité des mannequins, une adaptation des Boutiques de cannelle, premier des textes publiés par l'écrivain de Drohobycz (Galicie autrichienne lorsqu'il naît, en 1892, Pologne après 1918). L'écriture remonte aux années trente (...) Armelle HÉLIOT- Le Figaro

    - Dans le dédale des souvenirs d'enfance. On est un peu désarçonné au début par cet assemblage hétéroclite et bizarre de scènes de rues, qui s'enchaînent en désordre. Et puis, on se laisse tout doucement happer par la magie de ces tableaux, accrochés entre rêve et réalité sur le mur des souvenirs d'enfance. La mise en scène de Znorko restitue à merveille l'univers de Bruno Schulz. Pierre BIGOT – Ouest France



    Encore du Théâtre :


    Les 13Paniers -Festival de Théâtres Forains

    Pour la deuxième année consécutive à Marseille, le théâtre forain investit le quartier historique du Panier à l’occasion du festival des 13Paniers.

    Du 30 Mai au 11 Juin 2007 " Tiens, voilà les comédiens... ! " Musiciens, chanteurs, clowns, conteurs… envahissent le vieux quartier marseillais.

    Sur la place de la Cathédrale de la Major, tout près de la Méditerranée, place à 13 jours de théâtre, de rencontres, de cinéma, d’échanges, de musiques, de réflexions, d’initiatives culturelles, de partage et de découvertes… dans deux théâtres insolites : la Posada et Le Théâtre Volant.

    Le nouveau rendez-vous artistique et culturel de Marseille est un rendez-vous de théâtres populaires hérités du théâtre de foire dans une ambiance conviviale et festive. Un programme qui associe tradition artistique et modernité, poésie et jubilation comique ! Ce week end, véritable creuset des arts forains, s’inscrit dans la démarche de rencontres des compagnies itinérantes soutenues par le CITI (Centre International pour le Théâtre Itinérant). Cabaret, clowns, mimes, contes, opérette, Commedia Dell’Arte : le public pourra apprécier toutes les dimensions du théâtre forain. Parmi les pièces de cette édition, on trouve : Scaramuccia l’européen et Un de la Canebière (les Carboni), Cité H (la Compagnie du Mystère Bouffe), l’Incroyable Fanfare (les PIle ou Versa), ou encore Les poules auront des dents (Le Théâtre du Maquis).
    " Nous voulons faire des 13Paniers un festival de théâtre convivial et tous publics, rendre le spectateur heureux, l’impressionner, l’émouvoir, sans barrière d’âge ou d’origine sociale ", déclare Fred Muhl, directeur artistique du Festival.


    Yahoo!

  • De l'ubiquité insulaire aux pathologies de la démocratie...

     La philosophe Cynthia Fleury bientôt en Corse ! Dans ses ouvrages et ses conférences, elle livre, de façon pédagogique et interactive, les cheminements de sa réflexion avec la tolérance comme fil rouge. Elle ausculte la démocratie et réhabilite l’imagination. De l’imaginaire insulaire aux pathologies de la démocratie, elle philosophera en île.Entre l’écriture d’ouvrages et d’articles, l’enseignement, la recherche, les conférences, les débats, les colloques … elle trouve toujours le temps de venir sur l’île de beauté.

    Cette année, du 1er au 3 juin, elle sera présente au colloque " Iles. Expressions de l'imaginaire " organisé par Isula viva à l’hôtel Coralia de Porticciu ( près d’Ajacciu), autour d’une phrase du philosophe corse (ou Corse philosophe) Jean-Toussaint DESANTI : " Être né en Corse, serait donc porter en soi, dans son extrême singularité, le tourment de -l’ailleurs- ". Les journées se dérouleront en trois grands chapitres : insularité et origines, le mythe de l’éternel retour ; l’ubiquité symbolique " partir, revenir " ; enfin, insularité et destinées extraordinaires (Voir notre article " Qui suis-je ? Dans quel état j’erre ! " mis en ligne le 28/04/2007). Pour les renseignements complets, aller sur le site d’Isula viva : http://www.isulaviva.net/

    Par la suite, elle sera présente au Lazaret Ollandini pour Les quarantaines du Lazaret Ollandini 2007, qui se déroulent du 6 au 7 juillet sur le thème " Les politiques de la ,philosophie ". Le vendredi 6 juillet à 21h30, elle fera une conférence suivie d’un débat sur Les pathologies de la démocratie. Pour les renseignements, vous pouvez aller sur le site du Lazaret Ollandini : http://www.lazaretollandini.com/

    Cynthia Fleury est Research Fellow et Associate Professor à l'American University of Paris ( School of Government ). Ses travaux portent sur les conduites entropiques des démocraties, les outils de régulation démocratique et de gouvernance publique. Dans le cadre du CNRS (UPS 2262), ses travaux portent sur l'impact des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur la définition des enjeux et des dispositifs démocratiques, ainsi que sur la refonte d'une théorie du politique dans le cadre d'une théorie de la communication. Elle est Maître de Conférences à l'IEP ( Institut d’Etudes politiques) de Paris. Sa conférence porte sur les " Principes, les Pratiques et les Pathologies des démocraties adultes " (Enjeux Politiques) et l'usage perverti ou rénové des fondamentaux démocratiques. Elle a publié plusieurs livres dont Dialoguer avec l'orient, (2004, PUF), Les pathologies de la démocratie (Fayard, 2005) et Imagination, imaginaire, imaginal (PUF, 2006). Elle est Conseiller scientifique du programme " Cap sur la diversité ", " programme départemental de communication, de formation et de réflexion pour une politique active d'intégration et pour l'égalité ".

    Cynthia Fleury est membre de l’Institut des sciences de la communication, une structure pluridisciplinaire au CNRS de création récente. Le fondateur de cet institut est Dominique Wolton. Dans la revue " Valeurs mutualistes " de mai – juin 2007, nous avons relevé une réponse faite par Cynthia Fleury à la question " Bien communiquer se réduit-il à une question de langage ? De langues ? " (propos recueillis par Katia Vitarasau) :
    " Pour bien communiquer, il faut pouvoir partager des valeurs. Une langue n’est pas un code, mais une vision du monde. En ce sens, ne pas préserver la diversité linguistique revient à entériner la disparition d’une analyse plus complexe et plus équitable du monde. Le pluralisme des langues est une condition et non un obstacle à l’acte de communiquer. Il rappelle notamment que le " dialogue des cultures " ne peut se réduire à un phénomène d’inféodation culturelle. "
    ... et Dominique Wolton de poursuivre: "J’ajouterais que la communication est synonyme de démocratie, car la démocratie c’est accepter de cohabiter avec des personnes qui ne pensent pas comme soi. Il en va exactement de même pour la communication. Celle-ci existe entre la volonté de convaincre, le souhait de partager et la nécessité de cohabiter. "


    En remontant dans des temps plus anciens, nous avons trouvé sur le Web les traces d’une revue philosophique " Les cahiers de la torpille " à laquelle elle participait. Cette revue se voulait semestrielle et nous n’avons relevé que trois parutions en 1998-1999. Cynthia Fleury avait traité deux thèmes:"Colonisation et sublimation " puis " On n'est pas céleste impunément"
    Dans le premier éditorial de cette revue, nous avons repris les premières lignes aux quelles elle avait souscrit :" […] La prégnance de la forme écrite est telle et la forme orale si discréditée qu'il semble difficile de justifier le recours à l'oralité des Cahiers de La Torpille. Nous faisons partie depuis si longtemps d'une civilisation de l'écrit que nous avons arrêté de nous méfier de discours pourtant privés de leur père, comme le notait déjà lucidement Platon. Aveuglés par le prestige de l'écriture, on ne s'afflige plus du tout de nos jours de la rigidité de l'écrit, de son caractère figé, définitif. L'effroi de Nietzsche de voir ses pensées "en passe de devenir des vérités" et avoir, dès le moment où elles sont couchées sur le papier, "l'air si impérissable, si mortellement inattaquable, si ennuyeux!" passe aujourd'hui pour une coquetterie d'écrivain. Refusant cette hégémonie de l'écriture, notre revue se propose de renouer avec une certaine oralité et plus précisément avec la forme dialectique elle-même, c'est-à-dire avec l'art du dialogue. Elle privilégie à cet égard la technique du torpillage utilisée par Socrate dans le Ménon de Platon afin d'engourdir ses interlocuteurs. Au-delà de la forme proprement platonicienne de l'échange dialectique, que nous ne reprenons pas à notre compte, au-delà aussi de la forme française de la conversation propre au XVIIe et XVIIIe siècle, nous voulons faire retour au mode d'une discussion qui, loin de mesurer les opinions à l'aune d'une improbable vérité, vise simplement à mettre à nu les ressorts cachés de toute conviction. L'entretien, la conversation ou le dialogue est d'abord, à notre sens, une joute, une sorte de duel. L'avantage du torpillage est qu'il provoque presque toujours une vive réponse de la part de l'auteur interrogé, qu'il l'incite au contre-torpillage, une fois qu'il s'est défait de son engourdissement premier… "


    Cynthia Fleury, docteur en philosophie, a déjà écrit quatre ouvrages qui traitent pour moitié de l’imagination et du soi, pour l’autre de tolérance et de politique. Son premier, " Métaphysique de l’imagination " (éditions des écarts, 2001), a été salué. Elle y montre combien l’imagination, la " folle du logis " selon Mallebranche, " la maîtresse de fausseté " pour Pascal et Descartes, a été méprisée par la philosophie européenne, jusqu’à concevoir une vision étriquée de " l’âme " et la psyché. Dans " Pretium Doloris. L’accident comme souci de soi ", (Pauvert 2002), elle étudie comment la connaissance de soi passe par la douleur et l’accidentel, quoiqu’en disent les champions modernes du positivisme. Dans " Difficile tolérance " (PUF, 2004), écrit avec Yves Charles Zarka, elle étudie l’absence de la notion de tolérance dans l’Islam, comment elle apparaît en Europe et chez les Encyclopédistes, et pourquoi le droit français devrait l’intégrer à son corpus sous forme d’un " droit à l’altérité ". Dans les " pathologies de la démocratie ", (Fayard, 2005), son dernier essai, elle montre comment les réformes démocratiques de 1789 ont été arrêtées par l’" épuisement nerveux " des révolutionnaires, et combien la démocratie doit toujours être revivifiée par les valeurs égalitaires et fraternelles de la première République.



    Nous vous présentons quelques ouvrages et articles de Cynthia Fleury dans un ordre arbitraire ( et sans doute pathologique), en commençant par " Pathologies de la démocratie " …

    Ouvrons une parenthèse...
    L’illustre Clemenceau, surnommé le Tigre ,décrivait la démocratie comme " le pouvoir pour des poux de manger les lions ". Quel mépris ! Etymologiquement " Démocratie " signifie le pouvoir du peuple… Il faut croire que le tigre avait mangé du lion et que les poux vexés pouvaient se mettre à manger du tigre. La démocratie devait être pour lui cet enfant " plein de rouges tourmentes " ou bien, enfant, avait-il rêvé des " chercheuses de poux " du poème de son contemporain Rimbaud. Ses déboires politiques avaient certainement blessé son orgueil… Finalement, il devait être orgueilleux comme un pou, cet homme-là... Arrêtons de lui chercher des poux dans la tête.
    Pour nos origines, nous avons craint un instant la catégorie de poux " Lécanie ", originaire d’Amérique, dite aussi " pou des Corses ". Heureusement, nous avions mal compris car il s’agit du " pou des écorces " qui s’attaque aux arbres fruitiers et non pas généalogiques. Ce pou américain n’entrerait pas dans les pathologies de la démocratie, pourtant toujours sujette à des démangeaisons sournoises qui cachent peut-être un mal plus grand, voire une maladie génétique pour laquelle aucun remède n’aurait encore été trouvé.
    Nous vous conseillons de lire l’ouvrage " Pathologies de la démocratie " de Cynthia Fleury qui gratte où ça démange. La démocratie apparaît souvent comme un moindre mal alors qu’elle devrait être un état de la bonne santé des rapports humains dans nos sociétés dites civilisées. Il ne s’agit pas de faire du mauvais pathos, de la rhétorique par des moyens propres à émouvoir l’auditoire mais de procéder, par une démarche épistémologique, à un examen clinico-philosophique prenant en compte les agents pathogènes et les antécédents historiques. Pour le diagnostic, on revient inlassablement à la quiddité de la démocratie et à ses principes fondateurs : la liberté, l’égalité, et la fraternité. Ces trois gènes républicains sont sains à condition de refuser les OGM de l’individualisme et les humanismes Canada dry.
    Fermons la parenthèse !

    Pathologies de la démocratie :
    Les beaux principes fondateurs de notre démocratie, que sont la liberté et l'égalité, sont-ils voués à dégénérer en exacerbation de l'individualisme et des identités, tyrannie du dépassement de soi, obsession de la transparence ? En indiquant par quels chemins nous pourrions passer de la démocratie naissante à la démocratie adulte, Cynhtia Fleury nous engage dans la voie de l'effort et de l'autolimitation au nom de la laïcité, de l'éminence de l'esprit public, de la responsabilité citoyenne et parentale.

    Nous avons trouvé un article qu’elle a écrit sur "Liberté - Egalité - Fraternité", un CD de textes lus par Orson Welles et Charles Boyer - direction artistique : André Bernard - Label : Fréneaux et associés. Ce CD présentait, pour la première fois, un historique sonore de la longue maturation des valeurs liberté, égalité et fraternité des intellectuels aux hommes politiques de l’Ancien et du Nouveau monde. Dans des interprétations historiques de Charles Boyer et d’Orson Welles, les textes font revivre pleinement la construction démocratique de l’Occident.
    Article de Cynthia Fleury ( L’Humanité) : "Profitons-en pour explorer la généalogie philosophique des idées républicaines, notamment celle de notre chère trinité . Depuis longtemps déjà ces notions de liberté, d’égalité et de fraternité taraudent les esprits. On pense à Voltaire, à Jean-Jacques Rousseau, et l’on réécoute ici leurs textes fondateurs, ou encore ces lignes de Michelet trop peu connues dans lesquelles il rappelle que " la cité n’est nullement une loi fixe et morte de bronze " mais une " initiation ", une " éducation mutuelle de l’ignorant par le savant et du savant par l’ignorant ". Tel est " le point de départ de toute politique sérieuse. Se rapprocher, s’estimer, se respecter ". Ni l’énergie du premier, ni la haute culture du second n’ont de légitimité à régner : elles ont à construire ensemble la souveraineté. Puis c’est au tour de Hugo de nous enthousiasmer avec l’inébranlable, l’inusable " roc " du droit dans le cœur du peuple. Et puis vient Péguy et sa " mystique républicaine ", cet instinct plus " sûr " que toutes les connaissances. De " pensées ", la politique est devenue simple marché de " propositions ". Le sentiment républicain n’est plus " organique ", il est " logique ". Les générations suivantes sauront-elles redevenir " mystiques "? Enfin, de Gaulle et l’idée d’une " France combattante ", d’une nation libre toujours unie pour la " rénovation de la patrie ", et, pour conclure, Jefferson et Roosevelt, qui par cette histoire sonore de la démocratie nous témoignent de sa construction plurielle."

    Liste des intervenants sur ce CD : Voltaire , Boyer Charles, Rousseau Jean Jacques, La Fayette , Danton , Michelet , Hugo Victor, Gambetta Leon, Peguy Charles, Clemenceau Georges, De Gaulle Charles, Jefferson Thomas, Welles Orson, Lincoln Abraham, Wilson Woodrow, Roosevelt.
    Textes fondamentaux de Voltaire, Rousseau, La fayette, Danton, Hugo, Gambetta, Peguy, Clemenceau, De Gaulle lus en français par Charles Boyer ainsi que les discours présidentiels de Jefferson, Lincoln, Wilson, Roosevelt interprétés en langue anglaise par Orson Welles.

    Pretium doloris
    " S'interroger sur l'accident, sur sa réalité, nous permet d'accéder à une autre compréhension de ladite réalité. L'accident peut se révéler un facteur de visibilité, une sorte de mise à nu de l'invisible. Il dit la vérité de l'énigme du réel qui nous entoure, son fracas. L'accident, comme la douleur, apparaît comme l'occasion privilégiée d'une rencontre avec la vérité. C'est un haut lieu de transformation et de capacité. Pour connaître le vrai, faut-il être capable de douleur et d'accident ? " Le pretium doloris, le prix de la douleur, parachève le " connais-toi toi-même " socratique et le " souci de soi " stoïcien.
    Quel risque est-on prêt à vivre pour connaître le vrai ? C'est grâce à la figure dionysiaque de démembrement et de métamorphose et à la catégorie de l'accident, pensée comme condition de possibilité d'une connaissance de soi, que le pretium doloris invente la critique imaginale du soi et son face-à-face avec le réel. Entre l'Orient et l'Occident, il y a l'accident. Orient désigne le lieu où l'âme se lève ; Occident, le lieu où elle s'exile et chute.
    Entre ce qui se lève et ce qui chute, il y a " ce qui arrive ". Comprendre la dialectique de l'accident, c'est accepter le nécessaire dialogue entre Orient et Occident.


    La Métaphysique de l’imagination :
    " Comment découvrir la porte d'entrée des êtres et des choses ? Comment accéder à l'autre, à tout ce qui n'est pas moi, à tout ce qui m'échappe et m'abandonne à la solitude ? Oui, je vais perdre ceux que j'aime. Oui, je vais mourir. Mais à cette certitude s'ajoute une grâce ou une énigme. Il existe des instants, des lieux à mi-chemin entre monde visible et monde invisible où le temps se suspend, où la dimension de l'un et de l'autre donne accès à une vérité plus belle et plus vraie. Seules ces rencontres inestimables avec l'autre nous aident à saisir le fait même de voir ou de penser. " Dans la Métaphysique de l'imagination, l'imagination est une âme ; les images sont, selon Bachelard, les " métaphores de la vie ". L'Orient et l'Occident s'absentent de la géographie pour devenir les pôles métaphysiques de la pensée. C'est quand l'imagination devient principe de réalité et d'événement que l'âme quitte son exil occidental pour accomplir son " lever " oriental. On approche alors d'un monde imaginal, situé entre sensible et intelligible, entre spiritualité et corporalité. C'est à la lumière de Sohravardî et en essayant de saisir la pensée de l'Imâm que l'auteur tente d'accéder à l'essence de l'imagination poétique, où la Révélation côtoie l'Intelligence. C'est grâce à Blanchot et à son interprétation de l'écriture et de la lecture qu'elle entrevoit le face-à-face ultime avec la lumière de l'autre : la source d'où émane la connaissance de soi. C'est avec Ibn Arabi, Rûzbehân, Kant, Lévinas et Rilke que l'auteur fait l'apprentissage de l'imagination poétique et créatrice... Cette démarche définit une " impiété filiale " qui se révèle être la véritable fidélité à l'Un. En vous proposant de partager son sillon, l'auteur vous convie à devenir le pèlerin de ce voyage dans le réel qu'est l'imagination.


    Imagination, imaginaire, imaginal
    A l'opposé d'une tradition philosophique, principalement occidentale, qui n'a eu de cesse de vilipender l'imagination, il existe une histoire de la philosophie selon laquelle l'imagination, l’ imaginaire et l'imaginal participent pleinement de l'activité noétique ( la noèse est l’acte même de penser et le noème est l’objet de la pensée) et détiennent une dimension herméneutique ( Ils peuvent être interprétés et sont donc sources de connaissance).
    Loin d'être cette puissance d'aliénation et de mystification, la faculté imaginative possède au contraire un véritable rôle dans la recherche de la vérité, permettant à l'homme d'accéder à des pans entiers de la réalité qui, sans elle, lui resteraient à jamais étrangers. Ce volume se propose de redéfinir ce lieu de " rencontre" et de " négociation "entre l'âme et le monde qui l'entoure, te sensible et l'intelligible, le spirituel et le corporel, le visionnaire et le conceptuel, et d'inviter à découvrir ces promoteurs du paradigme imaginal qui n'opposent pas au grand rationalisme l'activité imaginatrice. Que ce soient Sohravardî, John Smith, René Descartes, Henry Corbin ou Jean-Paul Sartre, tous ont eu à cœur de se libérer de la dichotomie raison/imagination pour penser plus rigoureusement le réel et ses événements.


    Manifeste pour une nouvelle école écrit avec Jean-Luc Muracciole -
    Dans le Manifeste pour une nouvelle école, Jean-Luc Muracciole, directeur de la collection et collaborateur de François Dagognet, s'associe avec Cynthia Fleury pour présenter une nouvelle structure expérimentale destinée aux élèves en rupture de scolarité. La collection " Nomad’s land " des Editions " Little big man " est apparue dans le paysage de l’édition pédagogique en 2004, en s’engageant dans le renouveau. Son directeur était déjà à l’origine de structures expérimentales pour les exclus du système et engagé dans une réflexion sur d’autres modes d’enseignements possibles.



    Mallarmé et la parole de l'imâm :
    " Obscurité mallarméenne et science de l'imâm. Mallarmé et l'imâm savent ce qui les sépare de Dieu ou de la poésie, c'est eux-mêmes : le voile, symbole de la descente de l'Idée, devient le lieu de la conquête poétique du soi. Il découvre le fondement du réel : l'aperception du rythme éternel ou aperception de l'inouï. Entre la fiction et le vers, entre le sens et la mesure, la poésie s'énonce. On entend dans le vers l'inaudible, ce qui pousse l'inouï vers l'in-ouï, vers sa limite in-finie. À l'instar de l'imâm, le poète connaît le peu de valeur d'un sens découvert. Entre le sens et la littérature, il y a l'Idée ou la subtilité de la musique. Cette alchimie du sens et de la littérature, c'est proprement de l'in-ouï, l'ampleur du vers mallarméen conjugué au vent naturel qui souffle dans la demeure d'Igitur. Comme les Noces d'Hérodiade, les noces de l'imâm et de Mallarmé sont solitaires : face-à-face du seul avec le Seul. La noce ne dit plus la fusion, mais la condition phénoménale du monde et la vérité de l'intelligibilité. Le monde apparaît parce que la noce existe. Pourtant, la noce est vierge et créatrice. Face-à-face ultime entre science de l'imâm et parole poétique : Hérodiade, nom divin, " pierre précieuse ", est indissociable d'une effectivité qui se traduit dans le verbe du prophète. Il est le " chaton de sagesse ", centre langagier, puissance hallucinatoire. Accéder à la sagesse, c'est accéder à la véracité du phénomène, à l'apparition sous l'apparence, ou encore à la disparition nécessaire du soi devant l'invisible de la Face. "


     Difficile tolérance
    Un ouvrage en collaboration avec Charles Zarka : Ce traité sur la tolérance, qui occupe la plus grande partie de l'ouvrage, est suivi d'une réflexion critique de Cynthia Fleury qui porte sur les rapports entre l'Occident et l'Islam. Difficile tolérance se termine ensuite par un entretien entre les deux auteurs qui reprennent les principaux éléments de leur réflexion pour évaluer avec le lecteur l'applicabilité du concept de " structure-tolérance " dans le contexte de la France actuelle et, de façon moins spécifique, dans les autres démocraties constitutionnelles.
    Dans son essai, " La crise contemporaine de la tolérance : Islam ou Occident ", qui constitue la deuxième partie de Difficile tolérance, Cynthia Fleury s'engage dans la tâche d'interroger la tradition arabo-musulmane sur la notion de tolérance. Elle se livre donc, dans cette perspective, à un travail de déconstruction idéologique de certaines croyances islamistes.
    Cynthia Fleury affirme que l'Islam n'a pas pu penser la tolérance alors que dès l'Hégire les pays arabo-musulmans se trouvaient dans une situation plurireligieuse voisine de celle de l'Europe au moment des guerres de religion. L'altérité ne peut pas exister pour l'Islam qui pense plutôt en termes de territoires, de domaines, de maisons : 1. la maison du frère, c'est-à-dire du même, dâr al islam, on y retrouve la famille, le clan, la tribu et 2. la maison de l'ennemi, dâr al harb, la maison de celui qui ne fait pas partie de dâr al islam. Le devoir de défendre ce domaine contre celui qui n'en fait pas partie c'est le jihad. Bien que la distinction des dâr ne se trouve littéralement ni dans le Coran ni dans la Sunna, elle demeure " indiscutée pendant de longs siècles " et la fracture qu'elle sous-entend fonde les scissions politiques et culturelles que l'on connaît. […] Tant que les dénominations de dâr al islam et de dâr al harb prévalent, l'éternité du jihad est obligatoire et la " guerre permanente " lui est indissociable.
    Cynthia Fleury considère par ailleurs que la dhimmitude souvent évoquée comme étant la forme qu'a pu prendre la tolérance chez les musulmans ne correspond aucunement à ce que l'Occident entend par tolérance. Le statut de dhimmî a été aboli en 1839 par un décret impérial ottoman, l'édit de Gülhane, mais il a perduré au-delà de cette date de façon officieuse. L'étranger, le vaincu, qui vivait dans le monde musulman d'avant 1839 était " protégé " par son statut de dhimmî. Ses vêtements et le type d'impôt qu'il devait payer le distinguaient du reste de la communauté. Protégé ou persécuté, ce qui semble certain c'est qu'il n'avait pas un statut de " citoyen " à part entière. Le dhimmî n'était pas un frère, mais il ne pouvait pas non plus être un ami parce que dans la perspective islamiste Dieu seul est l'ami. Dans ce contexte idéologique de l'Islam, la séparation des sphères privée et publique, du religieux et du politique ne peut pas non plus avoir lieu.
    Aucune religion n'est par essence tolérante, mais l'Islam, historiquement et pour des raisons idéologiques, n'a pas pu penser la tolérance. Après avoir voulu, dans son essai, mettre à l'épreuve le concept juridico-politique de " structure-tolérance ", elle se joint à Yves Charles Zarka pour échanger sur " l'applicabilité " de ce nouveau concept. Les deux auteurs tiennent des propos inquiets sur les perspectives de résolution des tensions actuelles entre l'Occident et l'Islam, celles qui ont cours en France plus particulièrement. Mais tout en réaffirmant avec vigueur les valeurs et les principes de la démocratie, cet entretien est aussi une occasion de prendre position contre une certaine tendance actuelle à la négociation et au compromis au sein de pays régis par une constitution libérale.

    Dialoguer avec l’Orient :
    " Le dialogue se serait-il rompu ? A-t-il d'ailleurs jamais réellement existé ? Nous vivons dans un monde divisé, ayant fait le deuil de l'idée de fraternisation universelle, toujours prompt à penser un usage territorial des concepts, l'irréductibilité des idéologies et les cultures en termes de " frontiérisation " indépassable. Or, pour modifier le contexte " sinistré " des relations de l'Occident avec l'Orient arabo-musulman où la concurrence des hégémonismes et l'intransigeance des volontés de domination prévalent de part et d'autre, pour redéfinir un horizon possible de la réconciliation, le " dialogue " est nécessaire. Sans doute, un nouveau dialogue, un dialogue à inventer ou à réinventer, peut-être à rénover. C'est en faisant " retour " à la Renaissance que l'on se propose de chercher des schèmes de dialogues permettant de s'articuler, de façon critique et généreuse, au monde contemporain, et d'inventer un nouveau rapport entre Orient et Occident. Ce " retour " n'a rien de passéiste. Il est au contraire une modalité de " réouverture " du dialogue avec l'Orient et la possibilité de lui découvrir une " mémoire ". Contre l'absence et l'oubli du dialogue actuels et la déchirure civilisationnelle, la reformulation de nos héritages communs semble l'unique ligne de fuite indépassable.



    Cynthia Fleury participe à de nombreux travaux collectifs et à diverses revues dont " Cités " :

    Hors série : L'Islam en France : Soixante-dix intellectuels prennent la plume pour appeler les musulmans de France à une "critique radicale" de leur vision du monde, dans un livre intitulé "L'Islam en France". Cette somme d'informations et recherches sur la communauté musulmane française, le Coran et les contextes historiques dans lesquels l'islam s'est développé, le discours et les méthodes actuelles des islamistes, devrait rapidement s'imposer comme un ouvrage de référence. C'est également un livre de combat, qui offre tous les outils intellectuels pour la réaffirmation des valeurs républicaines mises à mal par les intégristes musulmans, et leurs thuriféraires, plus ou moins conscients. Les trois concepteurs de L'Islam en France, Yves-Charles Zarka, directeur de recherche au CNRS, la philosophe Cynthia Fleury, également chercheuse au CNRS, et l'écrivain Sylvie Taussig ont sollicité quelque soixante-dix intellectuels – démographes, sociologues, philologues, anthropologues, historiens, islamologues, philosophes des religions..
    Dix Questions sur l'islam en France : Un étrange secret : combien y a-t-il de musulmans en France ? - Le Conseil français du Culte Musulman : une solution ou un problème ? - Les territoires conquis sur la République - L'islam en trompe l’œil : presse, radio, télévision, Internet - À la recherche de l'identité perdue - Les femmes : infériorité et oppression - Les frontières du culte - L'argent de l'islam - Stratégies d'islamisation vers un islam européen ? - Islam : vers une phase critique ?

    Hors série : La France et ses démons, annoncé comme une radioscopie des passions françaises. Les démons radioscopés sont ceux de l’exception, de la révolution, de l’étatisme, du monarchisme, du populisme, de l’extrême-droite, de l’anti-américanisme, des médias, des honneurs, du moralisme et de l’antisémitisme.


    Cynthia Fleury communique beaucoup. On la retrouve dans la Chronique libertaire à l’adresse :
    http://1libertaire.free.fr/index.html. ( Ce site est consacré à l'idée libertaire par Philippe Coutan)
    et dans une autre Chronique sur le Web de l’humanité à l’adresse :
    http://www.humanite.fr/journal/chroniques/52/lachroniquedecynthiafleury/

    Vous avez peut-être vu la philosophe dans une émission télévisée "Décryptages", sur la chaîne du Sénat : 26 minutes pour décrypter le travail du Législateur, celui des commissions parlementaires ou encore celui des colloques. Cynthia Fleury y fait découvrir tous ceux qui contribuent à enrichir la réflexion démocratique contemporaine et la vie parlementaire. Mêlant extraits d'auditions publiques, analyses et comptes-rendus des séances, l’émission se veut un laboratoire où s'élabore la pensée démocratique. -fiche de l’émission à l’adresse ci-dessous:
    http://www.publicsenat.fr/emissions/emission_detail.asp?emission=31


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