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Dans son recueil « Les passagers dIstanbul », Esther Heboyan nous offre neuf nouvelles, neuf récits intimes de vies qui établissent une généalogie arménienne post-génocidaire. Il sagit dêtres et surtout de femmes à la fois victimes de leur destin qui, paradoxalement, les a rendues plus fortes. A travers des familles, sétablit une filiation identitaire faite de souvenirs suaves comme des loukoums, tendres, parfois burlesques. Si le titre du recueil est aussi celui de la dernière nouvelle, chaque personnage est le «passager » dun pays daccueil, un passager dont lidentité se brouille comme la langue qui se perd ou senrichit selon le point de vue. On prend conscience de la survivance fragile de larménité en Turquie mais aussi dans tous les ailleurs de lAnatolie.
Les Arméniens ont été intégrés dans la nation turque avant le génocide. Nombre des leurs parlent mieux le turc que lArménien. Certains sont restés après le génocide, dans une sorte dexil intérieur. Ils sont allés survivre surtout à Istanbul, grande ville cosmopolite. Et puis, à court, moyen ou long terme, nombreux se sont exilés définitivement, sarrachant des racines qui leur restaient. Ce sont à ces petites gens « démunis, exilés, sans langue», passagers dIstanbul puis dautres villes du monde, qu Esther HEBOYAN a voulu donner la parole.
Lauteur fait partie de la génération née en Turquie, à distance (par sa naissance et par sa scolarité en Turquie) du génocide. Son enfance est liée à Istanbul quelle évoque toujours avec nostalgie. Ses langues de naissance sont dabord larménien, puis le turc. Sa famille sest exilée en Allemagne et ensuite en France. A chaque escale, elle a du surmonter une rupture et apprendre une nouvelle langue. Elle est allée ensuite aux Etats-Unis découvrir son El dorado : la littérature américaine (Peut-être que cet attrait a quelque chose à voir avec les rêves hollywoodiens de quelques femmes arméniennes, lectrices de revues de cinéma). Actuellement, elle est universitaire dans lArtois et, traductrice, impliquée dans des travaux sur les langues, avec le constat quelle a du apprendre lallemand, le français et langlais, puis réapprendre le turc. Elle estime que sa maîtrise de larménien est rudimentaire par rapport au français et à langlais. Il lui faudrait trouver le temps et lénergie, selon elle, nécessaire pour atteindre un niveau de compétence satisfaisant pour larménien. « Loralité est une chose , dit-elle, savoir écrire correctement dans une langue est autre chose ». Cest sans doute ce constat qui a motivé son attrait affirmé pour lécriture. Cest sûrement, en elle, la femme arménienne (envers et contre tout renoncement à sa vraie généalogie) qui a senti le besoin décrire les neuf nouvelles du recueil « Les passagers dIstanbul ». Il ne sagit pas de récits archéologiques mais de la mémoire généalogique dune arménité tenace et vivante chez ses passagers qui transportent partout leurs trésors avec eux trésors culturels, il sentend !...
Esther HEBOYAN nous parle du défi dexister envers et contre lexil, de son appartenance à une diaspora confrontée puis intégrée aux autres cultures, et de la volonté dêtre arménienne : un corps, plutôt quun corpus à ressasser.
Les passagers dIstanbul Editions Parenthèses collection Diasporales -
Le recueil souvre sur Aroussiak, une grand - mère qui sexprime dans une « langue composite à résonances et approximations turco -arméniennes ». Tout juste adolescente, elle a été mariée avec un boucher de 10 ans son aîné. Cette vieille arménienne, épouse bafouée, illettrée et indigente, a pour devise : « Le bidon dhuile du bon dieu vient à qui veut » (une façon à elle de dire « Aide-toi et dieu taidera ») illustrée par son poulailler du Bon Dieu, garde-manger pour les jours de disette. Que reste-il delle, après que « la mort et lexil qui parfois ressemblait à la mort eurent dispersé les êtres et les choses » : quelques photographies dans une vieille boite récupérée par une petite-fille pour qui sa « Medz mayrig » ( grand mère en arménien) reste la plus belle, la « Güzel » du village dIstanoz près dAnkara. Et puis vient la petite sur dAva Gardner, la belle Sylva convaincue quelle ressemble à Ava Gardner par son amie Méliné délaissée par les hommes et décrite avec « une tête de corbeau sur un corps de moineau », la coupable idéale de tous les péchés de son entourage. Suivent le phénoménal Oncle Zareh et Diguine Yester, une femme pieuse et respectée, réunis lors dun banquet familial bien arrosé de Raki. Ils précèdent Mardiros Artinian alias Agha, bel homme « les yeux bleus envoûtant, le chef orné de boucles châtain et la parole magnanime », admiré des femmes et envié par les hommes « Et Mardiros Agha posait, soupirait, saluait tantôt en turc tantôt en grec ou en arménien. » Avec la nouvelle « Un si long chemin », lantagonisme entre son père Antranik le timoré et son oncle Krikor, globe trotter religieux, va faire le bonheur conjugal de Serko On y trouve un dialogue polémique entre les deux frères sur lusage de la langue arménienne en Turquie. Quant à la jeune Hilda, elle va au cinéma, chaperonnée par ses deux grands-mères « avec leurs mots bien à elles, des mots brusques, effervescents à jamais perdus », juste avant la séquence dautomne entre Hagop qui na jamais rien promis et son épouse Ani qui, résignée, se contente de ce quelle appelle « la vie nue». Hagop « a laissé une précieuse partie de lui-même, là-bas, là doù il vient même si il ne sait plus très bien doù il vient ». Lui, qui ne rêvait jamais, a fait un rêve étrange et pénétrant Tous sont des passagers dIstanbul comme les personnages de la dernière nouvelle du recueil : Hovsep rebaptisé Joseph, Anika devenue Annie et leurs enfants, Yester répondant au prénom choisi dEsther avant de découvrir trop tard celui dEsterina dans un mélodrame italien, alors que Herantouhi sest retrouvée Isabellisée , victime de la lettre « H »
« Les passagers dIstanbul » est la dernière nouvelle du recueil, celle de lexil, du trouble de lidentité, de lintégration à un nouveau schéma socio culturel qui passe par lapprentissage de la langue de lexil et loubli de la langue originelle, la montée de la xénophobie loccasion, par les temps qui courent, pour accepter un vaccin de rappel de lexception culturelle française. La devise « Liberté, Égalité, Fraternité » ne devrait pas devenir un slogan vide de sens dans une France qui exporte lhumanitaire et expulse sans humanité. Finalement, ne sommes nous pas tous des passagers dune humanité en marche ?
Cette anthologie familiale contient son florilège de mots, de lieux et de noms dont létrangeté fait imaginer des personnages fabuleux, « enluminés », peut-être parce que lexil et lentropie des souvenirs rendent le passé parfois plus beau dans une vérité romanesque. Lorsque lon referme le livre, les personnages font un carrousel dans notre imagination, tant Esther Heboyan leur donne chair, nous les rend familiers.
Les passagers dIstanbul nous invitent à un voyage nostalgique avec ce sentiment que le temps ne délivre aucun billet de retour, même si le présent se nourrit du passé, souvent avec humour et tendresse. Chacune de leur vie est comme une strate de cette humanité arménienne et les mots, par poussées orogéniques affleurant cette vérité romanesque (écrirait, je pense, Martin Melkonian), renaissent des cendres dun séisme en date du 24 avril 1915. Latent, transparaît ce sentiment dappartenir à une entité historique et culturelle menacée par la fragilité dune transmission familiale orale qui pousse au besoin décrire.
Engagés dans une croisade contre loubli, les passagers arméniens de lexode et de lexil font escale depuis 1915. Toujours à la croisée entre deux cultures, ils emportent partout, avec eux, cette Arménité qui a son berceau en Anatolie. Lors dune table ronde organisée pendant la journée du livre arménien à Marseille, une participante a demandé : « Arméniens, quapportons nous au monde ? Jaimerai quun non -arménien réponde. » Malheureusement, le temps était écoulé et la séance est restée sur cette question. Mais, finalement, la réponse apparaît évidente : Le peuple arménien apporte son humanité vieille de plusieurs millénaires et sa culture riche de ce long passé. Il apporte son histoire marquée par le premier génocide du 20ème siècle et lexil dune diaspora meurtrie jusquaux enfants qui naissent avec cette tragédie en héritage. Aujourdhui, les Arméniens de cette diaspora représentent une richesse pour les pays daccueil où ils ont su sintégrer avec intelligence et sans se renier. Ils comptent, parmi eux, nombre de talents, notamment dans les domaines de lart et de la littérature. Ils respectent sans faille leur devoir de mémoire et se font les passeurs dune culture toujours et plus que jamais vivante. Le peuple arménien, par sa solidarité trans-générationnelle et sa diaspora, contribue à notre humanité pluri culturelle en devenir.
Dans une lignée généalogique, les grands parents sont les mémoires vivantes dun passé plus lointain. Plusieurs auteurs arméniens, dont Esther Heboyan, ont senti le besoin de revenir, par lécriture, sur les bribes dun passé incarné par une grand-mère arménienne restée en Turquie après le génocide. Nous avions consacré un article à Louis Carzou pour « La huitième colline ». Nous signalons la 7ème réédition du roman « Le livre de ma grand-mère » écrit par Féthiyé Cetin ( publié en 2004). Cette avocate des droits de lhomme et des minorités raconte le secret de toute une vie : être une grand-mère arménienne dans une famille turque. Cétait le secret de sa grand-mère Héranouche, décédée en 2000.
Entretien avec Mme Esther HEBOYAN :
Question 1 : Vous montrez avec talent lexistence de cette arménité qui a repris racine à Istanbul et qui, après lexil, est nostalgique de cette ville turque. Avant le génocide, les arméniens étaient déjà turcs et parlaient souvent mieux le turc que larménien. Dailleurs, vous utilisez des mots arméniens et des mots turcs, voire même de dialecte turco -arménien comme « Arman Astvadzis ! » qui signifie « Ah ! Mon dieu. » Finalement, on saperçoit que les ambiances familiales et les souvenirs denfances en Turquie après le génocide sont très proches des récits faits par des familles arméniennes venues en France immédiatement après le génocide. Finalement, quest-ce qui différencie une femme arménienne et une famille arménienne en Turquie, dune femme arménienne et une famille arménienne en France ?
Réponse dEsther HEBOYAN : Vaste question. Pour pouvoir y répondre, il faudrait prendre en compte quelques paramètres le niveau socio-économique, les possibilités de développement intellectuel, social et politique, les mentalités, les repères culturels, etc. Pour ce qui est de la langue, comme dans tout espace où coexistent plusieurs peuples, il y avait et il y a des interférences entre le turc et larménien. En Turquie, les Arméniens qui navaient pas accès aux institutions éducatives arméniennes parlaient effectivement mieux le turc que larménien.
Question 2 : Vous êtes née en Turquie dans une famille dorigine arménienne. Vous avez émigré en Allemagne puis en France avant de séjourner longuement aux Etats-Unis où, après plusieurs années, vous avez pleuré en entendant parler turc parce que vous avez réalisé que, faute de pratique, vous perdiez votre langue de naissance. Aujourdhui, vous êtes universitaire en France et notamment spécialiste de la littérature américaine. Vous faites des traductions douvrages turcs (Je pense à la traduction de Nedim Gürsel ). Vous parlez plusieurs langues mais pas larménien. Vous écrivez aussi des poèmes dans la revue « Neige daoût » sortie en octobre 2006. Vous avez dirigé un ouvrage « Exil à la frontière des langues » paru en 2001. Certains auteurs exilés choisissent de sexprimer dans la langue du pays daccueil. Dautres restent fidèles à leur langue. Pensez-vous que la langue soit un élément nécessaire à la survie de la culture arménienne et de larménité chez la diaspora en France?
E.H : Il faudrait corriger quelques informations qui circulent depuis peu sur le net et qui sont erronées. Non, je nai pas pleuré en entendant les gens parler le turc aux Etats-Unis, mais plutôt après avoir lu les nouvelles en français de Nedim Gürsel sur lexil qui bien entendu me renvoyaient à mon propre exil. Non, je nai pas perdu ma langue maternelle ; je parle arménien mais ma compétence est limitée. Quant à savoir si la survie dun peuple dépend de la pratique de sa langue A priori, on pourrait croire que oui. Cependant, il y a énormément dArméniens en France, en Suisse, en Allemagne et ailleurs, en Turquie même, qui ne parlent pas arménien mais qui se sentent arméniens, alors « Neige daoût » est une très belle revue dirigée par Camille Loivier ; le numéro doctobre 2006 contient quelques uns de mes poèmes.
Question 3 : Pensez-vous que les Editions bilingues soient un bon compromis entre lidentité culturelle et lédition dans le pays daccueil pour les auteurs faisant partie dune diaspora?
E.H : Cest une très belle trouvaille quil faudrait exploiter davantage.
Question 4 : Vous avez intitulé votre ouvrage « Les passagers dIstanbul ». Pouvez-vous nous parler du choix de ce terme « passager » pour évoquer larménité et lexil ?
E.H : Pour autant que je men souvienne, au début des années soixante Arméniens et Turcs dIstanbul se destinaient à partir sinstaller en Europe et ailleurs. Les entreprises ouest-allemandes surtout ont encouragé un mouvement de masse qui na finalement jamais cessé. Le terme « passagers » est un terme lyrique pour désigner des formes dexil.
Question 5: Vous avez participé à une uvre collective en écrivant une nouvelle sur Istanbul dans un recueil édité par les Editions Albiana. Il sagissait pour chaque auteur décrire une nouvelle située dans une ville. Pouvez-vous nous parler de cette expérience avec lEdition corse ?
E.H : François-Xavier Renucci mavait demandé de traduire une nouvelle de Nedim Gürsel. Par la suite, nous avons échangé des projets décriture ; notre collaboration est née de cette façon.
Question 6: Comme nous avons la chance davoir en vous une spécialiste de la littérature américaine, quelle est lévolution des goûts pour le polar et le roman noir aux Etats-Unis?
E.H : La littérature américaine est un domaine très varié et très fécond. Je nai pas suivi lévolution du polar américain. Il marrive de lire ou de relire les maîtres du genre Dashiell Hammett et Raymond Chandler dont japprécie lécriture minutieuse et le rythme nerveux
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Résumé :
Le lieu présumé est la Corse. Limage du premier épisode est celle du visage buriné de François Paoli, chef dun des principaux clans de lîle. Il meurt dans les bras de sa nièce Sandra. Avec ses gardes du corps, il vient dêtre tué par des cagoulés. Sandra est avocate, à la solde de cet oncle qui la désignée devant notaire pour lui succéder. Jean-Michel, son frère, na pas lenvergure et, conscient de cela, pousse sa sur à accepter le défi. Il se range à ses côtés sans états d'âme. Pour lui, sa sur est la seule capable de gérer les affaires et dassurer la survie du clan. Notre " Mafiosa malgré elle " va être confrontée aux risques du métier, à la solitude du pouvoir, à livresse des interdits : vol d'armes, de diamants dérobés dans un avion, blanchiment de l'argent de la drogue... Elle saguerrit alors que le commissaire Rocca et la D.E.A ( Drug Enforcement Administration) la surveillent, que les alliances claniques et politiques fluctuent au gré des ambitions de chacun. Sandra séduit, décide, manipule, tue trouvant parfois un soutien masculin, pour jouer dans la cour des grands garçons, auprès de son frère et de son vieux parrain de père, qui a pris sa retraite Huit épisodes de solitude à tenir pour être la digne nièce de son oncle, face au machisme et à toutes les manigances mortelles. Et sa nièce Carmen (rôle joué par une jeune actrice prometteuse, dorigine arménienne) pourrait alors se demander : " Ah ! Si ma tante en avait. ? réponse : Elle serait votre oncle ". (Nous déconnons mais ça fait du bien).
Pour comprendre lusage à nouveau exotique de la Corse dans La Mafiosa, il faut revenir sur quelques déclarations faites par le staff de ce feuilleton .
Mme COLLET , co-productrice - propos recueillis le jeudi 20 juillet 2006 par B.Jacquiau.
"Pour Mafiosa, j'ai eu personnellement l'idée de faire une série sur une famille de mafieux corse. Je l'ai ensuite vendue à notre partenaire Canal +, dont le directeur de la fiction, Fabrice de la Patelière, avait approuvé l'idée. Après, je suis allée chercher un scénariste, Hugues Pagan. Quand je lui ai raconté l'histoire, il m'a dit : "Oui, ça m'intéresse, mais j'ai une autre idée complémentaire : et si la famille de mafieux était dirigée par une femme ?". J'ai trouvé cette idée formidable ! Voilà comment peut se passer le début d'une fiction. Ensuite on écrit et très vite, on cherche un réalisateur. Et comme on travaille en fonction des diffuseurs, on cherche un réalisateur différent selon que ce soit un film pour Canal + ou France 2. Il y a une exigence d'originalité, mais aussi d'être plus proche du cinéma à Canal +. J'ai décidé de prendre un canadien, qui n'avait jamais travaillé en France et avait donc une expérience différente. Mon choix s'est aussi orienté sur lui parce que je trouvais que ce qu'il avait fait était formidable et que cela correspondait exactement à ce que je voulais. Ensemble on s'est occupé du casting, et on a engagé les techniciens. Pendant le tournage, je me rendais sur les lieux pour régler tous les problèmes que cela pose chaque jour, qu'ils soient financiers, artistiques, ou humains. Maintenant, je regarde tous les jours les rushs, les montages, et je surveille les photos et les dossiers de presse. Finalement, un producteur s'occupe de tout sur une série ".
Sur le choix de la Corse :" J'ai choisi ce lieu parce qu'il y a une mafia en corse ! Il y a des particularités de la mafia insulaire corse. C'est une spécialité locale quand même. A Paris, la mafia n'est pas organisée de la même façon qu'en corse. C'est une mafia qui irrigue toute l'île, elle est insulaire. C'est ça qui m'intéressait. Et l'avantage quand on a beaucoup de personnages, dont toute une famille, c'est qu'outre de travailler sur le côté policier, on peut faire une saga".Et à la question : La série n'a malheureusement pas pu être tournée sur l'île de beauté. Pourquoi ? Elle a répondu : " Non, je n'ai pas pu la tourner en Corse pour des raisons de logistique parce que c'est trop cher. Il n'y a pas d'équipe technique complète en Corse, donc on serait obligé d'y emmener tout le monde, de payer le voyage et divers frais, ça reviendrait très cher ! Alors qu'à Marseille, il y a des techniciens. Par contre, j'ai des acteurs corses, beaucoup d'acteurs corses ".
Une précision sur le budget : Coproduite par Nicole Collet (Image et Compagnie) et Canal Plus, la série a bénéficié d'un budget de 10 millions d'euros.
(Entre Corses, un petit aparté : A signora hà fume senza arrostu. Parini foli ! Chi ne pensate ?)
Des propos recueillis par Alice Coffin pour le quotidien " 20 Minutes " :
Pierre-Marie Mosconi: " Même si le tournage s'est déroulé en Provence, on a essayé d'être le plus fidèle possible à l'île, explique l'acteur insulaire Pierre-Marie Mosconi. Il figure au générique et a fait office de " coach pour les autres comédiens, histoire qu'ils aient le bon accent. J'ai aussi corrigé certaines approximations. " Il est ainsi intervenu alors que le réalisateur s'apprêtait à faire un plan sur " une charrette à bras pleine de légumes ". " La Corse n'est pas un territoire du tiers-monde ! raille-t-il. Pas plus qu'elle n'est réductible à la mafia. J'espère que les téléspectateurs le comprendront. "
Pour le journaliste Jacques Follerou, coauteur des Parrains corses (éd. Fayard), " les pratiques mafieuses qui pèsent sur la Corse sont, au contraire, largement minimisées. Les médias préfèrent s'intéresser aux maisons qui sautent et aux nationalistes. Il est salutaire qu'une série se saisisse de ce sujet. " Reste, souligne Hugues Pagan, auteur de " Mafiosa ", que " cette oeuvre dépasse son cadre géographique. Je m'intéressais surtout au banditisme et je me suis appuyé sur une documentation de 4 000 pages ! Je me doute qu'il va y avoir des susceptibilités froissées, mais alors il ne faut programmer que du "Julie Lescaut".
Emile Zuccarelli, député-maire radical de gauche (PRG) de Bastia., se dit " consterné qu'une nouvelle fois notre région soit montrée du doigt et qu'on en parle toujours à l'aune d'attentats ou de dérives présumées. Pourquoi ne traite-t-on jamais de l'influence des clans dans le Cantal ou en Lozère ? Nous payons les fantasmes continentaux sur une certaine idée de notre île. "
Van, internaute sur un forum de Fluctuat.net : " Est-ce exagéré de réaliser une série autour de clans mafieux corses - la mafia ne sévissant pas qu'en Corse - ou n'est-ce pas finalement un moyen de parler tout de même d'une réalité passée le plus souvent sous silence ? Les nationalistes, les attentats, on en parle beaucoup - trop -, mais les dérives mafieuses, on en parle peu. Certes la Corse n'est pas la Sicile, et je ne pense pas d'ailleurs qu'on puisse en tirer une aussi bonne histoire que Le Parrain, mais il y règne un état de non -droit assez hallucinant malgré tout Certains élus de l'île s'inquiètent du message que Mafiosa fait passer aux oreilles du public qui n'entend parler de la Corse que lorsqu'une maison saute, ou quand il programme ses vacances. Après tout, ne s'agit-il pas d'une histoire de gangsters de plus, sans autre message caché, que la télé et le cinéma affectionnent tant ? C'est vrai qu'en Corse, il y a des histoires de famille, de clans, des particularités insulaires pittoresques, tout ça est en soi très cinématographique et permet de faire un bon polar qui aurait à la fois un côté saga, parfait pour du prime time somme toute. C'est aussi simple que ça. Que ça se passe en Corse ou dans le Cantal, ça ne devrait pas changer grand chose. Mais c'est vrai qu'on parle peu du banditisme dans le Cantal. "
Fabrice de la Patelière, directeur de cette fiction à Canal+: " les héros, les décors, tout est plus grand , plus coloré, plus contrasté que dans la réalité "
Notre constat après les premiers épisodes :
Avec La Mafiosa, Canal+ a voulu servir, pour son besoin daudimat, un alcool fort avec un réalisateur qui représenterait 37% du marché des séries télévisées. En ce qui concerne le label Corse, nous ne dirons pas quil sagit de canada-dry , pour faire un jeu de mot facile avec lorigine de ce réalisateur. Toutefois, nous ny avons trouvé aucun goût deau de vie dArbousier ou de liqueur de Myrte. Nous le savions, dès le départ, cet alcool est frelaté même si on y a incorporé, à doses homéopathiques, quelques vues de Bastia et quelques idiomes courants dont la phonétique a été contrôlée par un acteur corse, Pierre Marie Mosconi (Il joue le rôle de Mattei, homme de main du clan Paoli).
Si ce feuilleton en huit épisodes prévus nétait que la fiction de la fiction corse entretenue dans limaginaire par les médias et les auteurs " pinzutti ", nous en serions restés à notre premier article. Mais, au delà de cet usage exotique dune identité, il y a la vérité indigène et, de ce côté là, les Corses nont certainement pas pu se reconnaître dans ce clan inspiré par la Mafia sicilienne. Si lassociation " Mafia sicilienne " est un pléonasme, le clan corse est tout autre chose et les truands corses sont bien différends des Siciliens et des Sardes. On ne parle pas de mafia mais de Milieu corse, comme lon parlerait de Milieu marseillais, de Milieu niçois... La mafia, cest tout autre chose que la dérive mafieuse. Le clan na pas une essence mafieuse mais familiale et communautaire. Le scénariste aux 4000 documents doit le savoir.
La Mafiosa est un produit du petit écran avec ses scènes à la Brian de Palma sur une musique de thriller ( de Cyril Morin ), alors que les personnages ont des airs de Soprano. Si le scénariste " sest appuyé une documentation de 4000 pages ", il sagit dune documentation sur le banditisme et non pas sur la Corse. Avant lui, des gens mieux documentés sur la Corse ont écrit sur le thème du clan un polar : " Le Corse ". Il sagit des journalistes Paul - Claude Innocenzi et Jean Bazal édités en Livre de poche. Nous lavons lu en 1977 mais leur récit remonte aux années 1930, à loccupation avec les atrocités de la Carlingue, les règlements de compte de laprès-guerre puis les vendettas du Combinate.
Paul-Claude Inoncenzi avait déjà écrit auparavant une quinzaine de romans ou de documentations : Lénigme de Pelissanne, Piège pour un flic, La Brigade antigang, Le Juge assassiné et même Un tiercé pour la mafia " Le Corse " et un polar sur le thème du clan : la naissance dun clan et lépanouissement de son empire. Cest lenfance dun truand qui explique son entrée dans la délinquance puis le crime organisé. Cest sa généalogie et la clanisme qui peut expliquer son charisme de chef de gang ou de chef de parti. Le cinéaste et la productrice de La Mafiosa sont passés à côté de cette généalogie, préférant une équation simple pour la Corse : clan égal mafia. Ensuite, il suffit de saupoudrer le récit de quelques poncifs exotiques, en relayant, de façon souvent subliminale donc plus perverse, des préjugés, des articles de presse orientés et enclins aux amalgames. Pour cela, nous comprenons la réaction un peu vive du député-maire Emile Zuccarelli. Mais ne nous laissons pas gagner par la mauvaise humeur. Chez Canal+, le clientélisme de la cheftaine du clan de la coproduction a pour seul objectif : lAudimat. Restons-en là pour ne pas être taxé de paranoïa et de chauvinisme, tout en fournissant quelques autres propos.
Aujourdhui le banditisme a évolué et la Corse aussi, mais en dehors de la Mafia quelle soit sicilienne, russe ou américaine. Ne vous étonnez pas si des Corses en ont marre de voir à la télévision des poncifs qui les décrivent en fonction des fantasmes des uns et des autres, ignorants dune culture marquée par une réalité plus souvent faite de souffrances endurées que de crimes commis.
Le " clan " est le prolongement de la famille, pilier de nombres de peuples. Dans lindividualisme inhérent du monde daujourdhui, la famille clanique et patriarcale est le pilier des minorités qui veulent survivre avec leur culture. Que lon mette en scène un clan dans le banditisme ou la politique est une chose. Que lon associe le clanisme corse à la Mafia est autre chose. La Mafia est sicilienne et, lorsque lon montre des actes de cruauté, il sagit danciennes murs sardes et siciliennes qui ont déjà alimenté le cinéma américain avec notamment " Le parrain " de Scorcese. Les amalgames avec la Corse reflètent une méconnaissance nuisible de la réalité corse déjà malmenée par dautres pourvoyeurs de racisme rampant.
Jacques FUSINA, universitaire et poète corse, nus dit : " Le clan a joué un rôle non négligeable dans la vie politique et économique, tout autant sociale et culturelle de lïle puisque les chefs ( capî partitu) se proposait avec efficacité dêtre les intermédiaires entre leurs familles de partisans et léchelon décisionnel supérieur, auxquels ils pouvaient avoir affaire dans leurs tractations pragmatiques : il sagissait le plus souvent de pourvoir quelque emploi subalterne ou dépauler quelque intervention de faveur au profit de protégés, à charge pour ces derniers et leurs proches de remercier électoralement ad vitam aeternam leurs bienfaiteurs. On peut à la rigueur saccorder sur lorigine de cette fonction traditionnelle du clan qui reste de lordre, en somme, de la solidarité familiale u communautaire ". Ce sont les excès individuels et les dérives engendrées qui ont rendu le système obsolète, explique-t-il aussi. Depuis de nombreuses années, daucuns auront peut-être remarqué que des mouvements mettent en avant des intérêts collectifs majeurs. La seule survivance du clan reste le clientélisme, mais ce nest pas une exclusivité politique corse.
Par ailleurs, en Corse, même si le temps nest pas si loin où les femmes, pour servir, ne sasseyaient pas à table au moment du repas, elles ont toujours été respectées et ce respect, elles limposent aujourdhui comme hier. Columba est un personnage de roman et la Mafiosa une simple vue de lesprit ou le fantasme dun cinéaste en quête doriginalité. Les femmes corses ne sont pas des Lysistrata mais des gardiennes de la culture corse au même titre que les hommes et, sur bien des points, davantage. Elles ne sont pas des " pousse au crime " et respectent la vie quelles donnent. La Mafiosa ne présente aucun réalisme corse même romanesque contrairement à Columba et, si la société corse est plus féministe quil ne paraît, une femme corse et encore plus celle dun clan, nafficherait pas devant son frère sa liberté sexuelle et ses perversités, non par peur mais simplement par pudeur et respect mutuel. Sandra aurait pu prendre le patronyme de Soprano ou Corleone, et lArdèche servir de décor à la Sicile, mais la Mafiosa nen aurait pas été plus crédible. Il suffit de poser la question aux Siciliens.
Hugues Pagan, scénariste, sattendait à froisser les susceptibilités. Comment pourrait-il en être autrement ? Pour écrire un scénario situé en Corse, il sest servi de 4000 pages de documentation sur le banditisme. Il aurait pu consacrer un peu de son temps à quelques pages sur la Corse. Il le dit lui-même " cette uvre (le terme est de lui ) dépasse le cadre géographique. Je mintéressais surtout au banditisme " Il ne sintéresse donc pas à la Corse, mais cela, on la vite compris. En outre, ce travail de documentation a visiblement bridé son imagination. Il na trouvé que le mot inventé de " Mafiosa " pour appâter le chaland. Dans la production dune série télévisée, un réalisateur mavait confié que la matière grise était très mal payée au regard des frais de gestion des coproducteurs indépendants. Ceci expliquerait peut-être cela. Quant à la susceptibilité corse, elle sexprime avec humour lorsquil sagit, comme dans Lenquête corse, de faire rire. On peut se moquer des Corses mais il ne faut surtout pas le faire avec sérieux, car le propos tourne alors à linjure. En ce sens, la Mafiosa est une injure à la Corse daujourdhui.
Pour finir sans agressivité, nous reconnaissons volontiers aux acteurs le mérite de sauver lensemble de ce feuilleton simili corse. Ils comblent, par leur présence et leur talent, la pauvreté des dialogues qui frôlent souvent lindigence. La caméra et le réalisateur ne se trompent pas en sattardant sur leurs portraits, parce que , en dehors de quelques scènes daction, elle na rien dautre à filmer si ce nest des vues furtives du port de Bastia. Il est vrai que la production avait décidé de mener en bateau les téléspectateurs de Canal+ sans escale en Corse.
Louis Choquette, réalisateur québécois a été primé pour dautres travaux. Il est le lauréat de 7 gémeaux dont celui de la meilleure réalisation démission jeunesse. Le vent en poupe, il a réalisé plusieurs épisodes de séries télévisées : Les 2 frères, Delirium, Rumeurs, Les aventures tumultueuses de Jack Carter, Temps dur Pour La Mafiosa, il a fait ce quil a pu et il la bien fait avec sa culture cinématographique nord américaine, plus proche de la Mafia que de la Corse. Quant à lhomme, selon nos sources, il aurait été apprécié par les quelques acteurs corses qui ont participé aux tournages.
Il nous fait plaisir de rappeler que :
Hélène Fillières est sur les grands écrans dans Lady Chaterley , avec Marina Hands, Jean-Louis Coulloc'h, Hippolyte Girardot
Thierry Neuvic est présent aux côtés de Tchéky Karyo, Michaël Youn, Anne Parillaud, Elsa Zylberstein, Jérémie Renier dans "Aux armes, etc.", premier long métrage de la cinéaste Laure Hassan, dont l'intrigue tourne autour d'un pistolet automatique
Enfin, notre compatriote Pierre- Marie Mosconi joue dans " Le Silence " dont le réalisateur est Orso Miret. Ce film raconte lhistoire dOlivier, un jeune homme d'origine corse, l'unique témoin d'un meurtre commis par un proche de ses amis. De peur d'être exclu de la communauté, il devra tenter de garder le silence.
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Le Miniaturiste - L'écriture naît des cendres:
Martin Melkonian est né en 1950 à Paris. Ecrivain confirmé, il possède une bibliographie dune quinzaine douvrages et Les Editions Parenthèses, en 2006, ont édité un autre ouvrage dont il est lauteur " Ils sont assis " (cest ainsi quon désignait le fait dêtre enfermé dans un camp en Union soviétique). Il est aussi peintre et on lui doit en 2005 aux éditions décarts " Edward Hopper luttant contre la cécité ". Il expose actuellement dans une galerie à Gap (05).
Cet auteur fait partie de ces personnages pour lesquels on éprouve immédiatement de la sympathie. Il vous reçoit avec un grand sourire et, lorsquil sexcuse de sa lenteur feinte pour vous dédicacer un livre, il remplit cette lenteur de quelques mots qui sont des pistes pour votre lecture. Et puis, lorsque vous le quittez, ces mots que vous pensiez vite oublier car un salon du livre est comme une grande salle des mots perdus, ils vous reviennent Vous les redécouvrez et vous vous les appropriez. Vous avez alors lenvie décrire une apologie de la lenteur et une autre de loubli La lenteur est le temps que lon vous donne et non pas celui que lon vous vole. Loubli est une chance de redécouvrir et dinventer le passé à la lumière dun présent insaisissable. Jai attendu un peu avant douvrir le livre et de prendre connaissance de sa dédicace en forme de sous titre : " Ce miniaturiste où lécriture naît des cendres ". Son livre est une réédition. Quelle chance, je navais pas lu la première, avant de le rencontrer. " Le miniaturiste " ouvre une suite autobiographique commencée en 1984 et les autres romans ont suivi : Désobéir, Loin du Ritz, Les marches du Sacré-Cur, Monsieur Cristal et le Clairparlant.
Le Miniaturiste est un roman autobiographique situé dans le 10ème arrondissement de Paris (jadis populaire) et déjà publié au Seuil en 1984. Lauteur se souvient de son enfance au 204 du Faubourg Saint-Martin dans le minuscule appartenant atelier où il a vécu avec un père, artisan tailleur, et sa mère. Louvrage est divisé en trois chapitres importants de la vie : voir, parler et mourir.
Voir :
Le peintre va chercher ses couleurs dans la vie où rien nest figé. Lhomme veut faire durer le présent mais il est déjà dans un autre moment, un présent insaisissable qui se nourrit dun passé qui toujours séloigne. Lécrivain, spéléologue de lintime, déchiffre les hiéroglyphes de sa mémoire, sonde les cendres du passé et, pour écrire, se sert des plumes de ce Phoenix quest le temps. Sous les cendres, couvent les braises dune humanité morte et toujours renaissante. Lécriture, qui naît des cendres, enveloppe de sa chaleur le lecteur plongé dans lunivers du miniaturiste Le passé est sauvé de loubli par lécriture qui naît de ses cendres. Lécrivain est un passeur de mémoire. Limagination du lecteur, sollicitée par ce Miniaturiste, enlumine forcément ses récits. Dans notre mémoire, les êtres et les lieux de lenfance deviennent des enluminures imaginées avec les couleurs de nos propres récits intérieurs. Les récits intérieurs ainsi enluminés de Martin Melkonian soffrent, à chacun de nous, dans lintemporalité de notre imaginaire.
Parler :
" Renoncer à sa propre langue (accepter ce renoncement), cétait renoncer à bien plus, qui ne se chiffre pas, porter en soi le deuil dune inconnue, dune civilisation imaginaire qui tient dans la faculté de prononcer, cest maintenant vivre (continuer) avec un accablement sans fond et sans nom. " Nous dit lauteur.
Lécriture naît des cendres, terreau du " rhizome voyageur " qui a perdu ses racines et cherche une terre daccueil " propice à une fixation définitive à des milliers de lieux de son point dorigine, de son circonstanciel et sûrement douloureux prélèvement ". Lencre bleue est un "recouvrement archéologique " sur le papier, avec, pour repères, " la peau, peut-être aussi une mémoire cénesthésique, animale, et la volonté de créer de nouveaux talismans " et, pour dessein, laisser quelques traces dans des paysages et des lieux " jusquau seuil dun néant immobile où ne comptent que les traces de lavoir été ". Le Miniaturiste raconte son histoire individuelle " amoureusement reconquise " et cette histoire nominative, palpable, incarnée, savoureuse dun passé infinitésimal porte trace de lautre histoire " majuscule " des hommes, générique et impalpable.
Lécriture passe par la langue et lauteur sinterroge : " Pour quelle raison, mon père renonça à sa langue à notre langue et cultiva lautre, ladoptive, à lexcès ? ", toute en se réservant des échanges idiomatiques avec la mère qui " parlait un amalgame darménien, de turc, de grec et ditalien ". Sans aucun doute, par volonté dintégration. Peut-être aussi pour ne pas transmettre la lourde douleur du génocide à son fils , qui, adolescent, a souffert de la révélation de cette langue " encore vivante humectée de salive " qui, chuchotée, " remuait en lui, soulevait des nappes doublis ", cette langue dune autre rive de lui-même quil ne pouvait atteindre, " avec ses assemblages rythmiques et gutturaux ", ses trois variétés de " r " dont le félin, " ruminant, savance à mezzo voce, sans coup férir, comme si de rien nétait, puis, qui, en quelques fractions de secondes, laisse échapper un grincement chuinté, comme le chat ou le tigre, en position défensive, sur le point de griffer ou de mordre, grasseye, crache, feule ".
Il évoque ses souvenirs de " slum " (bidonville) vertical, cette pauvreté " qui blessait son regard et, dune certaine façon aveuglante, le tatouait à chaud ". Cest dans ce nid familial, sur sa terre natale constituée dun deux pièces et dun réduit de cuisine, au 204 de la rue du Faubourg Saint Martin que Martin a perdu sa " langue coupée, hachée menue comme lArménie " et quil en a conquis une autre : dans cette chambre partagée où son père (qui avait appris le français en lisant des romans policiers dans la collection Le masque) lui inventait et lui réinventait mille histoires de Cendrillon. Quelle conquête ! Quelle chance pour le lecteur!
Martin Melkonian nous offre un livre profond dans un lyrisme qui révèle sa grande sensibilité denfant arménien, fils unique dun tailleur du Faubourg Saint Martin. Cest cette partie arménienne de lui-même qui fait dire à ladulte quinquagénaire que la première langue garde toujours sa part de territoire : " il est des sentiments uniques, exclusifs, qui ne relèvent que dune ethnie spécifique, sans équivalence dune langue à lautre ". Cette langue arménienne est associée, dans la mémoire de lauteur, aux escaliers de son immeuble que son père gravissait en comptant les marches en arménien " meg, yergou, yerek " Un, deux, trois cette langue arménienne ne cesse dêtre pour le restant de ses jours un appel. Il les redescend seul dans la mélancolie, lorsquil rate une ou deux marches comme cela arrivait à son père malade
Mourir :
" Je relevais ses oreillers, je retapais son lit, je rangeais sa table de chevet, je pliais et dépliais ses jambes Je lui donnais à manger, je lui faisais la lecture, je lui caressais la main. " La mort sinstalle lentement chez le père et use les forces vitales du fils. Il prend sans doute conscience que ses gestes attentionnés et tendres sont des soins palliatifs dictés par lamour filial face à la mort hospitalière. Après, il y a la séparation, la douleur, la solitude et la nécessite de ne plus commenter ce que Martin Melkonian écrit avec cur et talent, dans une langue française dont il joue des subtilités, pour nous dévoiler son goût prononcé pour la miniature et la divination des mots.
Face à la douleur, lauteur se livre à une introspection inspirée du Bouddhisme et qui débouche sur son nirvana : lécriture.
Ecritum humanum est24 décembre 2007En cette fin de décembre, tous les fils savent-ils quun père est plus quun père Noël et que les plus beaux cadeaux ne sont pas les plus évidents ? notamment sa tendresse et les histoires racontées avant de dormir. Il se fait surtout le passeur dune identité et de lamour des mots qui sauvent de loubli, seconde mort plus définitive. Lécriture naît des cendres Tu es poussière et redeviendras poussière. Cest écrit dans la Bible qui, depuis les temps immémoriaux, renaît de ses cendres. Les paroles senvolent et les écrits restent. Je préfère técrire car je narrive pas à te parler Ecrivez-nous !... Cest écrit !...
Le pire dans un destin, cest dy laisser des pages blanches.24 avril 1915........Sagissant du peuple arménien, un génocide saccompagne souvent dautodafés des livres. Cest pour cela qu" écrire " fait partie du devoir de mémoire des survivants et de leurs descendants. Les auteurs arméniens le font avec talent.
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BABEL, film du réalisateur mexicain Alejandro Gonzàlez Inàrritu, prix de la mise en scène au 59ème festival de Cannes et prix du jury cuménique, sorti en 2006. Principaux acteurs : Brad Spitt, Cate Blanchett, Gael Garcia Bernal et Kôji Yakusho.
Babel serait le nom hébreu de Babylone, ou un mot akkadien " Bab-ili " la Porte de Dieu, ou encore " Bab-el " la cité de dieu. La tour de Babel a été dabord évoquée par les Sumériens. Puis, selon la Genèse, les descendants de Noé représentaient lhumanité entière et parlaient la même langue adamique, jusquà lédification de cette tour qui déclencha lire céleste. Dieu " brouilla les langues ". Les hommes ne se comprirent plus et ne purent plus faire uvre commune. La tour de Babel resta inachevée et lhumanité se dispersa sur la terre avec de multiples idiomes et dialectes. Cette parabole biblique met en garde les hommes qui défient le pouvoir céleste de Dieu et, par exégèse, met en évidence la nécessiter de se parler, de communiquer et de se comprendre pour mener à terme un grand projet. Il nest pas étonnant que la tour de Babel reste une source dinspiration pour nombre dauteurs.
Babel, cest le titre du dernier volet de la trilogie réalisée par Alejandro Gonzalèz Inàrritu , après " Amours chiennes " ( Amores perros) en 2000 et " 21 grammes " en 2004. Lauteur fait une nouvelle mise en scène des destins de plusieurs personnages, avec laccumulation de faits contingents qui deviennent les rouages du drame humain. Dans chacun de ses trois films, les destins se nouent de façon accidentelle. Se servant de la nature humaine comme métier à tisser les fils disparates des vies de ses personnages, Inàrritu cherche une trame commune. Cest une grande ambition et un vaste champ dinvestigation dans lequel les thèmes sont nombreux.
Donc rien à voir avec le Babel de Gérard Pullicino qui, en 1999, avait réalisé, avec ce même titre, un film fantastique. En choisissant ce titre de Babel, Alejandro Gonzalèz Inàrritu a voulu " englober toute lidée de la communication humaine, ses ambitions, sa beauté et ses problèmes, en un seul mot ". Il y déroule des vies totalement indépendantes qui vont se rejoindre à la suite dun coup de feu dans le désert marocain. Ce sont deux jeunes marocains qui ont le fusil et qui ont appuyé sur la détente en déclenchant un drame accidentel qui va être le théâtre dun choc des cultures entre des destins, jouets de malentendus. Le drame apparaît alors comme la conséquence dun enfermement obsessionnel, dun repli intra-muros des individus, murés dans lincompréhension et la méfiance de lautre. Dès lors, quels points communs peuvent exister entre deux jeunes chevriers marocains, un couple de touristes américains en proie à leur crise conjugale, une nourrice mexicaine avec deux enfants américains et une jeune sourde muette japonaise révoltée dont le père est poursuivi par les policiers de Tokyo ? La solitude et la douleur.
Les êtres sont condamnés au malentendu dêtre autre. Entretenu pour que lhomme ne défie plus Dieu, ce malentendu éloigne du ciel les hommes qui, tout en se référant à des valeurs religieuses, ne se sont jamais montrés aussi peu solidaires. Privée de tour de Babel, lhumanité creuse des tunnels de solitudes. La multiplication et les progrès des moyens de communication devraient favoriser leur solidarité alors quils se laissent guider par la paranoïa collective, telle quon a pu la ressentir après des attentats terroristes spectaculaires. Inàrritu explique que " chaque empire a tendance à avoir un regard sur lautre Généralement lincompréhension engendre la paranoïa, tout le monde dès lors est un terroriste en puissance. Cette idée est devenue obsessionnelle aux Etats-Unis ".
Si le constat est solipsiste et communautaire, Alejandro Gonzalez Inàrritu nous parle aussi de notre destin individuel lié à celui de lhumanité, de la douleur mais aussi des amours et des sentiments dans ce XXIème siècle qui voit sinstaller la méfiance. " On est extrêmement vulnérable à travers les êtres que nous aimons, dit-il " et il ajoute, sur les personnages du film quils " souffrent de leur incapacité à entrer en contact avec autrui : époux, enfants ou frontières tout tourne autour de ce besoin dêtre touché lorsque les mots ne fonctionnent plus. " Il nous entraîne sur des pistes humaines dans le désert marocain. A la croisée humaine de trois continents, il recherche ce qui peut se trouver duniversel dans lintime. Il scénarise des réactions en chaîne humaine et nous fait entendre des échos dans le désert. Pour lui, " il sagit dun film sur les êtres humains et non sur les Marocains, les Mexicains ou les Américains ".
Babel versus Babel : Un humanité pluriculturelle ou rien ?
Pour revenir à la Tour de Babel, que peut-on trouver dautre dans cette parabole ? Ne serait-elle pas aussi une mise en garde contre la pensée unique, lintégrisme, leugénisme et plus généralement toute hégémonie ? Si lhomme, dans son unité perdue, na pas atteint le ciel, cet échec navait-il pas pour but de lui montrer une autre voie, celle de son humanité ? Lhumanité réduite à un seul peuple et une seule langue ? Ce projet fou ne vous rappelle rien ?... Donc, plus jamais ça !
La tour de Babel serait-elle, à rebours de ce que montre le film dInàrritu, le symbole de ce que lhumanité ne doit plus être, car la voie de cette humanité en devenir devrait se trouver dans la pluralité. Le premier but à atteindre ne serait pas le ciel mais la solidarité dans la diversité. Cette solidarité ne peut pas être une fin en soi mais le ciment de notre humanité dans la mesure où tout projet commun sinscrit dans des perspectives humanitaire et humaniste, en commençant par porter un autre regard sur lautre.
Enfin, faut-il parler la même langue pour faire uvre commune ? Pour Inàrritu : " Ce nest pas un problème ; une langue peut être en effet vite apprise. En revanche, je pense que le problème concerne ces idées reçues qui maintiennent une séparation entre les peuples " et il ajoute : " Jai voulu explorer la contradiction entre limpression que le monde est devenu tout petit en raison de tous les outils de communication dont nous disposons, et le sentiment que les humains sont toujours incapable de sexprimer et de communiquer les uns avec les autres au niveau fondamental... "
Chaque culture, chaque civilisation qui disparaît est un appauvrissement pour lensemble de lhumanité. Les langues sont des facteurs identitaires de première importance. Elles permettent la survie et le prolongement de cultures minoritaires. " Interdire lusage de sa langue à des peuples conquis " était la première mesure inique prise par leurs colonisateurs pour les intégrer de force. Lavenir, ce nest pas un seul peuple et une seule langue mais des peuples polyglottes.
Les langues ont des passerelles : les traductions. Si on prend pour exemple la littérature qui se nourrit de mots et transfuse la langue, les éditeurs shonoreraient à proposer davantage de textes en éditions bilingues lorsquil sagit de sauver un patrimoine culturel et promouvoir une culture dans ce quelle a de vivant.
Enfin, il ne faudrait pas que, sous leffet dune hégémonie linguistique, des langues ne participent plus aux babils des enfants qui, plus tard, seront à la recherche archéologique et généalogique dune identité perdue. La langue est un outil de pouvoir et de domination. Si les minorités sont aujourdhui menacées, quen sera-t-il de certaines grandes nations demain ? Quelles soient culturelles, économiques, politiques etc , toutes les Babélisations ne sont pas bonnes à suivre ! Cest Dieu qui le fait comprendre si on tient compte de lexégèse.
Exrtait de la genèse 11 de la Bible " la ville et la tour de Babel " , en français
" Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots Allons bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche le ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre. LEternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Et lEternel dit : Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et cest là à ce quils ont entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce quils auraient projeté. Allons ! Descendons, et là, confondons leur langage, enfin quils nentendent plus la langue, les uns des autres. Et lEternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre ; et ils cessèrent de bâtir la ville. Cest pourquoi on lappela du nom de Babel, car cest là que lEternel confondit le langage de toute la terre, et cest là que lEternel les dispersa sur la face de toute la terre. "
et en Corse : A Bibbia - Genesi 11
" Tutta a terra avia una sola lingua è e listesse parolle . Aio ! custruimuci una cità è una torra chi a cima tocchi u celu, è fèmuci un nome, affinchi no un siamu spargugliati nantu à a fàccia di tutta a terra. LEternu falo per vede a cità è a torra chelli costruianu i figlioli di lomi. E lEternu disse : Eccu, formanu un solu populu è hanu tutti a listessa lingua, è ghjè quessa chelli hanu intrapresu ; avà nunda limpédiciaria di fà tuttu cio chelli avarianu prughjittatu. Aio ! falemu, è cunfundimu u so linguàgiu, affinchi luni un capiscanu piu u linguàgiu di laltri. E u Signore i sparguglio luntanu da culà nantu à a faccia di tutta a terra ; è cissonu di custruisce a cità. Hè per quessa chella fu chjamata Babele, perchè ghjè quà chi u Signore cunfuse u linguàgiu di tutta a terra, è ghjè da quà chi u Signore i spagliuglio nantu à a faccia di tutta a terra. "
Nous nous excusons auprès des puristes pour labsence de nombreux accents toniques, absence due à de " pures " raisons techniques
Note : La belle édition bilingue de La Bible ( A Bibbia ) date de 2005. Nous la devons aux Editions DCL avec le soutien de la Collectivité Territoriale Corse. La traduction corse est de Christian Dubois en collaboration avec Ghjuseppe Maria Antone Rabazzani. Il sagit dune édition cuménique réalisée sous la direction de Gabriel Xavier Culioli.
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Comment choisit-on un livre ? Il y a plusieurs façons, me direz-vous. Alors, je vais vous raconter comment jai choisi " Cest quoi la Philo ? " de René Merle aux Editions Lécailler du Sud. Dabord, je regarde toujours les parutions de cet éditeur, comme celles de quelques autres. Et puis le titre ma interpellé. Ensuite, jai pris le livre dans les mains et jai lu la quatrième page de couverture : " Ses ennemis le surnomme le " PPE ", le présumé Philosophe et Ecrivain. Et des ennemis, Abailard en a Le héros était donc Abailard ! La référence au Pierre Abailard ( ou Abélard ) , né en 1079 et mort en 1142, philosophe et théologien, fondateur de la méthode scolastique avec Alexandre de Hales ne pouvait être fortuite, sachant que René Merle est historien. Sagissant dun polar, quel allait être le destin dun Abailard des temps modernes ? Allait-il rencontrer une belle Héloïse ? Quadviendra-t-il de sa virilité ? Jai donc payé le prix de ma curiosité : 7 euros. Je nai pas été déçu par ce petit polar dense avec une intrigue bien construite et le discours savamment dosé.
Abailard est le nom du narrateur et avant lui , cétait le pseudonyme de son père communiste dans la résistance, pendant lOccupation. Notre Abailard se raconte en commençant par son " sale rêve " : dans le midi, devant la porte dune usine voisinant la mer, à 13h30, la sirène appelle à la reprise du travail . " Le bruit de la barre de fer sur le crâne du type. Et puis le silence ". Il se réveille. De la fenêtre de sa chambre dhôtel, il voit la Croisette. Dans son lit, Ornella Muti non pas lactrice, une inconnue qui lui ressemble. Mais lui ressemble-t-elle vraiment ou est-ce laveu dun fantasme érotique? Abailard aime trouver des ressemblances avec des personnalités.
Quand il ne dort pas, Abailard écrit et fait la promo de son dernier roman " Le Mal court ", titre déjà utilisé par Audiberti, précise-t-il. Notre écrivain revendique le sobriquet dont on la affublé : PPE (Présumé Philosophe et Ecrivain). Philosophe autoproclamée et médiatique, il senorgueillit de dispenser le blâme et léloge sur le monde comme il va, assumant dêtre un donneur de leçons. Il anime une émission télévisée " Cest quoi la philo ? " Pour faire comme tout le monde, il a commis quelques polars et il " shonore (sans fausse modestie) dêtre de ceux qui ont sorti le polar du ghetto de la sous - culture pour le hisser, comme on dit, au niveau de la littérature. En tout cas, à défaut des journalistes spécialisés, cest ce quon dit les pages " Livres " de nos deux quotidiens, et les chroniques de tous les magazines. Et je me garde, ajoute-il, de participer au cirque itinérant et dominical, qui parcourt lhexagone. Cirque cruellement baptisé la grande famille des polareux, ou je ne tiens pas à avoir une place. On ne semble pas dailleurs me la proposer. " On comprends que Abailard na pas peur de se faire des ennemis, même chez les " polareux ". Car si le titre du dernier polar dAbailard contemporain niçois est " Le Mal court ", cest son " Historia calamitatum " quil raconte pour reprendre le titre de luvre monastique de son illustre homonyme médiéval et breton.
Il ne sagit pas de reprendre la querelle des universaux, ni de nominalisme ou de conceptualisme. René Merle a écrit un roman noir avec un personnage central original. Notre Abailard des temps modernes "Internationaliste à vingt ans, jet society humanitariste à cinquante lâge de son prédécesseur lorsquil écrit, vers lAn 1129, "l Histoire de mes malheurs ". Et ses malheurs, notre Abailard contemporain les rencontre en revenant dans la région de Nice pour un festival littéraire. Dabord apparaît Eloïsa qui ressemble à Ornella Mutti, et ensuite deux membres de ce quil appelle son ancien " Groupe " (révolutionnaire dextrême gauche sentend) : la pulpeuse Reparata, fille de notable encanaillée, et lénigmatique Tchoco, plébéien auréolé dun passé de guérillero révolutionnaire et aigri dans un présent de journaliste local Cest ce dernier, auteur dun livre de cuisine, qui va entraîner Abailard dans une salade niçoise avec une aubergine. Mais qui est ce Légume niçois auquel Tchoco fait allusion dans un poème ; " Ode à celui que nous avons massacré " ? Qui sera le mort, puisque, dans un polar, il y a toujours au moins un cadavre et souvent davantage ? Est-ce que notre philosophe donneur de leçon naurait pas quelque mauvaise action dans un passé qui le rattrape ? Quel va être le destin de Abailard le niçois et Eloïsa, la Piémontaise ? Vont-ils nous fabriquer un petit Astrolabe De quoi réveiller un mort, lorsque lon sait que Gaston Leroux est enterré à Nice.
Au fait , Abailard, cest quoi la philo ? " Mais au réveil , javais senti dans mon caleçon une présence bienvenue. La vie était belle. Cest quoi la philo ? Des choses assez simples en définitive " et pourquoi philosopher ? pour atteindre une vérité sur moi-même , " le point déquilibre à partir duquel on peut considérer le monde, les autres, et soi-même, je ne dirais pas en toute sérénité, mais en toute justesse. Bref, ce que les philosophes ont cherché depuis que la philo existe. Et quils nont probablement jamais trouvé. "
Abailard Pierre, philosophe et théologien de lépoque médiévale : lorthographe de son nom est variable Abailard, Abeilard ou Abélard., mais son vrai nom est Beranger. Il est né en 1079 à la seigneurie du Pallet, près de Nantes. Son père était un noble guerrier qui voulait que ses enfants soient instruits et façonnés au métier des armes. Pierre était laîné dune nombreuse fratrie. Il renonça à son droit daînesse et à son héritage en refusant les armes au profit de la culture des sciences, en premier lieu la dialectique. Il sopposa à lun de ses maîtres, Guillaume de Champeaux, archidiacre de Notre Dame et premier dialecticien de son temps, notamment dans ce que lon a appelé la querelle des universaux. Il enseigna dans une école créée sur la Montagne Sainte Geneviève, aux portes de Paris.
Et il y a sa liaison avec son élève Héloïse, belle et intelligente! Abélard se met en pension chez loncle de la belle, le chanoine Fulbert, la met enceinte puis lenlève. En Bretagne, ils ont un fils, Astrolabius et se marient. Mais loncle envoie à Abélard des hommes de mains qui le castrent. Les hommes de mains le paieront de leurs propres virilités plus les yeux en prime. Le chanoine Fulbert est suspendu de ses fonctions. Le mal est fait. Héloïse entre au couvent et échangera avec son mari une correspondance publiée sous le titre " Lettres dAbélard et dHéloïse " vers 1130. René Merle sest inspiré de ces trois personnages, car si vous trouvez dans " Cest quoi la Philo ? ", Abailard et Eloïsa cette dernière a aussi un oncle Fulberto.
En marge, nous avons relevé dans le roman de René Merle , deux intrusions allusives, presque subliminales aux Corses. La première lorsqu Abailard se souvient que, dans sa jeunesse, il avait enlevé la piémontaise Reparata à " un étudiant corse assez remuant " et la deuxième lorsquil se trouve face à deux individus " assez jeunes, lunettes de soleil, cheveux très courts, vestes dété manches retroussées, jeans. Le F.L.N.C ou les flics. Javais souvent dit du mal des nationalistes corses dans mes chroniques, mais jai opté pour les flics et javais raison "
A ce sujet, lauteur nous a gentiment confié : " Mon héros est étudiant dans les années 70, et son groupe gaucho mao niçois, qui s'affronte à l'UEC et à d'autres groupes gauchistes, ne sait pas comment se situer par rapport aux étudiants corses nationalistes, alliances de circonstances et parfois affrontements. D'où le lien ambigu avec le type à qui il enlève Reparata. Plus tard, mon philosophe devient, genre Finkielkraut, ennemi de tous les communautarismes, autonomismes, etc et écrit des articles entre autres sur la Corse. Il développe une paranoïa de la persécution et a effectivement peur de se faire coincer un jour par ceux qu'il a critiqués. D'où sa réaction stéréotypée devant le look des flics. Je vous parlais de "Treize reste raide". Je ne sais pas si vous connaissez ce Série noire publié en 1997 et 1998. La trame est un aller retour entre le Marseille des années 1930 et Marseille présent, à travers le destin d'un groupe de militants communistes du quartier du Panier, tous d'origine corse et travaillant sur le port, déchirés par leur engagement politique et leur fidélité à celui qui les y avait poussé, Sabiani, passé ensuite à d'autres engagements diamétralement opposés. Je n'écrivais qu'à travers de ce que je savais, c'est-à-dire ce que m'avaient dit tant de vieux, aux termes de leur vie, et je ne voulais en rien vilipender les Corses. Je pense que la plupart des lecteurs ne s'y sont pas trompés. Il s'agissait, à travers l'intrigue imaginée, d'évoquer, en sympathie humaine et en proximité, cette émigration corse dans un Marseille "rouge", et parfois "brun". Il n'empêche : J'ai eu droit à une volée de bois vert de la part de certains écorchés vifs ".
Donc ceux qui, ajoutant un commentaire sur les Corses qui en ont marre d'être toujours présentés comme des bandits, pensaient que René Merle avait voulu les agresser, n'avaient pas dû lire le bouquin et lauteur dajouter : " Autre volée de bois vert : lorsque je présente le voyage en Corse de mon enquêteur, le Cicérone est le prototype de mon "étudiant corse remuant" de "C'est quoi la philo", à savoir étudiant nationaliste à Nice devenu militant indépendantiste. Cet engagement n'est pas la tasse de thé de mon enquêteur, mais des liens humains ont été tissés... Bref, je me suis fait taper sur les doigts de diverses façons : tu cautionnes l'indépendantisme, tu agresses l'indépendantisme... "
René MERLE est né en 1936 . Il est agrégé dHistoire, Docteur es Lettres. Il a enseigne toute sa vie. Il dit de lui-même : " Jai toujours eu une sensibilité patrimoniale, occitaniste Jai été embarqué dans ce monde occitaniste très varié qui va des nationalistes persuadés quil existe une nation occitane jusquau félibre avec sa cigale. Il écrit des textes poétiques en occitan et traduits en Français par lui-même. Après une rencontre avec Patrick Raynal, il sest mis au polar en 2001 avec " Treize reste raide " édité par Galimard , Série noire.Pour mieux le connaître, vous pouvez aller sur son site : http://www.rene-merle.com
Vous y trouverez un entretien à loccasion de la sortie de son premier polar dont nous vous donnons un accès direct : http://www.rene-merle.com/article.php3?id_article=293
4ème page de couverture de " Treize reste raide " :
"À Marseille, une étrange série de meurtres décime les pépés. Pas vraiment des pépés ordinaires. À travers le Marseille daujourdhui, le journaliste Laurent Laugier découvre une sale histoire commencée dans les années trente, quand lalliance des armateurs, des truands et de lextrême droite avait su ratisser pour prendre la ville. Treize reste raide, comme on dit aux boules. Une vieille histoire marseillaise qui résonne aujourdhui dangereusement sur fond de racisme et dobsession sécuritaire".