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« Le soleil est tragique lorsquil tombe ainsi sans pitié. » Jean Giono
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Marseille, son mistral et son soleil radieux !... Vision solsticiale de la ville phocéenne où, à son Zénith, le soleil laisse les êtres sans ombres. Un poncif sur Marseille que lon oublie dès que lon plonge dans le premier tome de lAlbum « Sans pitié » intitulé « Mistral noir ».
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Sur la couverture, un homme descend des marches. Son visage et une silhouette en haut du long escalier sont dans lombre
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De quoi évoquer quelques vers de Louis Brauquier :
« Lhomme invisible qui prend une ombre en filature,<o:p></o:p>
Et narrête à la fin que son complice obscur,<o:p></o:p>
Coups de feu échangés, et lombre tombe morte »
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En première page, un ballez piétine devant un arrêt dautobus, les mains dans son blouson de cuir, col relevé, jean, Rangers, bonnet de marin vissé sur la tête, visage typé, menton carré, pommettes saillantes. Noir cest noir, on retrouve le nervi blessé, dans un local vétuste de société fantôme. La lumière de la Lune sétire comme des rails sur le sol. Une lampe fait un halo blafard sur lhomme. Les jambes croisées, il est allongé sur un matelas jeté dans un coin qui côtoie une valise et un fusil mitrailleur
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Plus noir que noir, le livre entre ses mains : Deuil dans le coton* de Jim Thomson*. Le regard fixe et brillant, il sest arrêté sur une phrase : « Ma tête était douloureuse et mes yeux me brûlaient. Jessayai de réfléchir de décider ce que jallais faire ». Des images lui reviennent à lesprit : des flashes dopérations guerrières et un homme âgé assis sur un fauteuil roulant quil pousse vers la sortie dans un hall presque désert. Suit une vue nocturne de Marseille prise dun toit du boulevard de la liberté, avec en premier plan lEglise des Réformés. A la gauche (a sinistra) du dessin, lombre de la Bonne mère est présente mais ce ne sont pas des personnages Pagnolesques qui occuperont le premier plan.
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Manu, avec son tee shirt « No pasara » chante « Je suis de la mauvaise herbe, braves gens, braves gens je pousse en liberté dans les jardins mal fréquentés cest moi quon coupe et cest pas moi quon met... Sa petite amie Nawel, beauté à la peau basanée et look de cagole, tient le comptoir dun bar populaire et cosmopolite. La sur de Manu, Axelle, est une toxicomane qui est tombée entre les sales pattes de la maffia. Lui, il na plus envie de travailler sur les chantiers et ambitionne dêtre ingénieur du son. En attendant, il glande et, pour protéger sa sur, fait partie dune bande de dealers avec Frak , chef et organisateur dune rave partie* à Fos sur mer mais aussi Vince et sa coiffure rasta qui, tout en livrant la came et semant la police au volant dune grosse cylindrée, rêve dêtre le boss et se fait des lignes de poudre blanche sur sa « carte vitale »
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Les auteurs nous sortent de notre train-train quotidien et nous propulsent dans un univers où les rails de coke tracent des lignes de vie tragiques et dautant plus brèves quelles croisent des caïds, gros trafiquants dune maffia qui a infiltré la police. Dans ce monde interlope, une rave partie devient la kermesse noire de la dope et le champ de manigances mortelles. Notre nervi énigmatique y brise la nuque de Vince et fait un sourire kabyle à José, gros ventre qui joue les gros bras. Manu, lui, sest défoncé à la limite de loverdose et se réveille couvert de sang, près des deux cadavres, avant déchapper à la police conduite par Campanella, un ripou. Au petit matin, dans une chambre, laccalmie de deux corps jeunes dénudés, ceux de Manu et Nawel, et au réveil, langoisse... Les cauchemars de la nuit deviennent réalités. Une tempête a délavé le Vieux port et mis tout sans dessus dessous. Le tueur passe devant la Brasserie La Samaritaine, puis, impassible, sattable à la terrasse du Grand Comptoir de Paris, une oreillette indiscrète à loreille droite Qui est-il et qui sera sa prochaine victime ? A la fin, notre tueur énigmatique referme le roman de Jim Thomson, sur la phrase : « Parce que je savais que la seule chose au monde que je désirais vraiment serait actuellement une erreur.. » La mort violente est une cruelle banalité mise en poème par Louis Brauquier, avec justesse et, comme Izzo, jai un faible pour ce grand poète de Marseille.
« Dans une rue passe un vivant<o:p></o:p>
Avec tout son sang dedans.<o:p></o:p>
Soudain le voilà mort<o:p></o:p>
Et tout son sang est dehors »
Le spectacle continue jeu dombres entre victimes et tueurs. Point de longues tirades qui nuiraient à la vision filmique dun thriller rythmé. Les scènes daction se suffisent à elles-mêmes. Aucun commentaire superflu ne vient rompre la vision des images et le réalisme des dialogues.
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Le deuxième tome est sorti sous le titre « Coupe franche » et cest Manu qui est à laffiche Rappelez-vous sa chanson au début de Mistral noir « Je suis de la mauvaise herbe Cest pas moi quon coupe et cest pas moi quon met ». Dans Mistral noir, on peut vous le dire, Manu a été enlevé et, séquestré, il passe un sale moment. La surprise vient de celui qui le libère. Que va-t-il lui arriver dans « Coupe franche ». On va en savoir un peu plus sur le tueur solitaire. Que fait la police ? Linspecteur Cohen mène lenquête face à son collègue Campanella. Le Bien remportera-t-il son combat contre le Mal. Peut-être les deux sont-ils tellement imbriqués que, à la fin, il ny aura que des perdants. Nous attendons le troisième tome et lépilogue. Doit-on sattendre à une « happy end » ? Peu probable lorsquon revient au titre « Sans pitié » A moins quil ne soit la fausse piste dune histoire qui se terminera bien sous le soleil radieux de Marseille. A vous de découvrir cet album de BD dont les deux premiers volets sont réussis.
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Que sont les raves parties ? Avec les free parties, ce sont des rassemblements festifs à caractère musical, pouvant durer plusieurs jours au cours desquels on diffuse de la musique techno et où, parfois, circulent toutes sortes de produits illicites. Elles sont réglementées depuis la loi du 15 novembre 2001, ont fait lobjet dun premier décret du 3 mai 2002 prévoyant une déclaration préalable en Préfecture à partir de 250 participants puis dune décret plus récent du 21 mars 2006 relevant le nombre à 500. Cet ajustement est du au fait , après les rassemblements de type « Teknival » qui rassemblaient jusquà 40.000 raveurs, les chiffres des fréquentation nont cessé de baisser passant de 712 en 2001 à 208 en 20005, la majeure parties des manifestations étant donc passé à moins de 500 participants. Des médiateurs préfectoraux ont été mis en place pour ce fait de société et les Préfectures ont été appelées à recenser les terrains pouvant accueillir ces rassemblements.
Didier Daeninckx a écrit la préface de « Sans pitié » et reconnaît que « pendant des décennies, il nétait de bons crimes quà Paris La province, (comme sil ny en avait quune), était réduite à quelques accents, à quelques folklores ... Pourtant, de Casério jusquau massacre du Bar du téléphone en passant par Carbone et Spirito, le sang de la rubrique des faits divers coulait à flots sur la Canebière. Il a fallu attendre que René Merle et Jean-Claude Izzo se penchent pour y remplir les réservoirs de leurs stylos, bientôt suivis par une cohorte darpenteurs du réel »
Daccord pour Merle et Izzo, mais il ne faudrait pas oublier Philippe Carrese et des précurseurs comme Pierre Yrondy et Jean - Toussaint Samat (voir notre article du 4/7/2006 à 19 :26).
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Le roman « Deuil dans le coton » (titre original : Croppers Cabin) est sorti en 1952. Le premier roman de Jim Thomson est Now et Earth (1942), traduction littérale « Maintenant et ici-bas » ayant donné le titre « Ici et maintenant ».
Jim Thomson a été découvert en France avec la parution de son roman « 1275 âmes », n°1000 de la Série noire (titre original : Pop 1280 et adaptation cinématographique de Tavernier dans « coup de torchon »).Plusieurs de ses romans, alors quil est mort dans lindifférence aux Etats Unis, ont été adaptés au cinéma. En France, on peut citer aussi « Série noire » dAlain Corneau.
Cet auteur texan a été comparé à Céline et avait une vision apocalyptique du monde. Il a raconté sa vie dans Bad boy (1953). Il a travaillé avec Stanley Kubrick pour « Ultime razzia » et pour « Les sentiers de la gloire » (1955). On le voit apparaître dans le film « Farewell My Lovely » de Dick Richard qui lui a donné le rôle dun juge trompé par son épouse. Il a écrit dans les Pulps doù ont émergé les premiers auteurs du hard-boiled qui ont inspiré le genre noire en France et « les arpenteurs du réel » auxquels fait allusion Daeninckx, quils soient de Marseille ou dailleurs.
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Au Parc Chanot, lors de lévénement « Lire en fête », dimanche 14 octobre, larpenteur Pascal Génot navait pas assez dencre dans le réservoir de son stylo pour dédicacer les deux premiers tomes de « Sans pitié ». Il y avait foule et les albums sentassaient en attente des dédicaces trop nombreuses à donner. Un franc succès ! Pascal Génot est né à Bastia en 1975. Diplômé détudes cinématographiques, il a écrit un ouvrage : « La Corse au regard des films amateurs ». Nous lui avons soumis cinq questions
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1°/ Comment s'est formée et a fonctionné l'équipe de la trilogie?
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Bruno Pradelle, co-scénariste et coloriste de la série, est un ami de longue date, originaire comme moi de lAlta Rocca. En 1998, nous avions élaboré une première version du projet qui navait pas retenu lattention des éditeurs. En 2000, dans un studio de dessin animé marseillais, Bruno a rencontré le dessinateur Olivier Thomas. Après « Arvandor », une série dheroic-fantasy où Bruno faisait déjà les couleurs, Olivier souhaitait évoluer vers un genre
plus réaliste, plus contemporain. Il nous a proposé de reprendre le projet « Sans pitié » : léquipe était formée, et en 2004 nous avons signé avec les éditions EP. Depuis, nous travaillons par un aller-retour critique permanent : Bruno et moi faisons un premier travail décriture que nous soumettons à Olivier, puis nous établissons un synopsis très détaillé à partir duquel nous rédigeons le scénario séquence par séquence tandis quOlivier travaille un premier story-board que nous corrigeons tous ensemble. Une fois cette étape validée pour la moitié dun tome, les dialogues sont remaniés et Olivier dessine les premières planches pendant que nous terminons le scénario en tenant compte des éventuels changements opérés en amont. Nous maîtrisons lintégralité de la chaîne de création, ce qui nous permet dapporter des améliorations jusquau dernier moment de la mise en couleur. Bref, cest un vrai travail déquipe.<o:p> </o:p>
2°/ Dans le premier tome "Mistral noir", on trouve tout ce que Marseille peut évoquer de noir: bandes de jeunes désoeuvrés, caïds de la drogue, flics ripoux... Pour noircir davantage le scénario, un nervi énigmatique lit "Deuil dans le coton" de Jim Thomson et traîne ses souvenirs de la guerre d'Algérie qui n'a pas encore refermé ses plaies. Pourquoi avoir sorti, comme un fantôme, des archives algériennes et des conflits Tchadiens, cet
ancien légionnaire harki, personnage noir d'une fiction qui va crescendo?<o:p> </o:p>
Dès le départ, nous souhaitions que les motivations de lintrigue trouvent leurs origines dans lhistoire collective. Nous voulions ainsi illustrer les répercussions des conflits et des ruptures que connaissent les peuples et les nations, comme une onde de choc qui se propage au fil des générations. La guerre dAlgérie nous paraissait exemplaire de ce phénomène et depuis lactualité na eu de cesse de le confirmer. Le personnage de Ravel, cet
ancien légionnaire harki, est donc en quelque sorte à la fois le symbole et le vecteur de cette onde de choc historique. En ce sens, nous sommes proches de la tradition du polar français où les sources de conflits individuels sont souvent sociologiques et historiques.<o:p> </o:p>
3°/ Le deuxième tome "Coupe franche" confirme le rôle du nervi mystérieux et celui de Manu, jeune paumé qui arbore sur son torse le slogan "No pasaran". Que pouvez-vous nous dire de Manu, personnage central qui se débat au milieu des manigances mortelles?
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Si Ravel est le vecteur de cette violence historique à laquelle je viens de faire allusion, Manu témoigne du rapport à lhistoire dune génération qui na pas pris directement part au conflit franco-algérien, mais qui ne peut pas pour autant faire comme si cela navait jamais été. Malgré lui, Manu est concerné et il va devoir assumer sa propre place dans cette histoire. Pour autant, « Sans pitié » nest pas une bande dessinée sur la guerre dAlgérie. Disons quil sagit darticuler le lien entre deux citations : lune de lhistorien Marc Bloch qui disait que « les hommes sont plus les fils de leur temps que de leurs pères », lautre du cinéaste Pier Paolo Pasolini qui pensait que « lhistoire, cest la passion des fils de comprendre les pères ».
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4°/ Voulez-vous nous dire quelques mots sur "Deuil dans le coton" et son auteur surnommé en France le "Céline Texan" ?
Jim Thomson est lun de nos auteurs favoris, dont nous apprécions la noirceur et lhumanité. Avec des écrivains français comme Manchette ou Daeninckx, Thompson est lune de nos principales influences. Introduire le récit par une scène où Ravel lit « Deuil dans le coton » nous permettait dancrer demblée notre histoire dans une référence explicite au noir. Le choix précis de ce roman tient aux rapports conflictuels de son personnage
principal avec son père adoptif, rapports qui présentent des similitudes avec la situation du personnage de Ravel et qui seront développés dans le denier volet de la trilogie, « Table rase ». Il y a ainsi plusieurs allusions littéraires ou cinématographiques dans « Sans pitié », dont le titre provient dailleurs dune phrase de Jean Giono : « Le soleil est tragique lorsquil tombe ainsi sans pitié. »<o:p> </o:p>
5°/ Vous êtes né à Bastia. Vous êtes diplômé en Etudes cinématographiques à l'Université de Provence. Vous avez écrit un ouvrage intitulé "La Corse au regard du film amateur". Quel regard portez-vous sur la Corse, terre de romans noirs?
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Javoue mieux connaître, de par mes travaux de recherches, la représentation de la Corse au cinéma que dans la littérature. Cependant, ce qui vaut pour le cinéma me semble lêtre pour le roman, dautant plus que lhéritage du romantisme français (dont Mérimée est avec « Colomba » le principal représentant) sest transmis aux films dès les premiers temps du cinéma et perdure encore de nos jours. Le sujet est complexe, car il fait appel au
réel comme à la fiction. Dun côté, il y a la réalité socio-historique, à savoir que la Corse est marquée par la violence et que certains corses ont joués un rôle de premier plan dans le milieu français. Dun autre côté, il y a lusage récurent dans les fictions de la figure du « bandit corse », depuis le bandit dhonneur au nationaliste clandestin daujourdhui, en passant par le voyou des grandes villes comme Paris ou Marseille. Cette
systématicité dans la représentation contribue à produire une image de la Corse comme un autre déviant, à qui lon rappelle sans cesse que sa nature est prétendument violente. Ce stéréotype devrait être remanié, travaillé avec les moyens du roman noir, mais il faut reconnaître, me semble-t-il, que la Corse ne connaît pas encore son Jean-Claude Izo ou son Didier Daeninckx. La Corse comme « terre de romans noirs » ne me semble pas avoir livré tous ses fruits : le noir est un genre où les Corses peuvent encore largement travailler leur propre image. Néanmoins, des écrivains comme Jérôme Ferrari ou Marc Biancarelli me paraissent faire une part de ce travail, même sils nécrivent pas des romans noirs au sens usuel du genre.<o:p></o:p><o:p> </o:p>
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Cur de rocker et « doigts écorchés » :
« Les doigts écorchés », une histoire à fleur de peau. Sylvie Robic nous livre lintimité de la douleur dun deuil avec le doigté dune musicienne, le balancer et rouler dune écriture au rythme tendu qui fait ressurgir lesprit « Rock n Roll » toujours vivant dune époque pas si lointaine.
A la fin au début non à la fin non au début et à la fin du roman, un adulte suit la tournée du groupe Hoggboy (venu de Sheffield). Entre les deux, il renoue avec son passé sans savoir par où commencer. Alors, ses premiers mots sont « Il y a forcément plusieurs débuts » et le premier début simpose chronologiquement, « sétend et se dilue sur une quinzaine dannées, du milieu des années 60 au début des années 80. Il met en scène deux garçons et leur mère, en Province, au sud-est de la France, sur les contreforts du Vercors ? » . Une enfance ordinaire provinciale : « Une mère très jeune un peu débordée, des paysages de basse montagne. Les deux couleurs de ce temps là sont le vert et le blanc mais la musique aussi est une couleur, la plus brillante, la plus intense ». Cette mère était tombée amoureuse dun saisonnier au début de lété 62. Le narrateur naissait un an plus tard et, ensuite vient la naissance de son frère qui coïncide avec labandon par le père qui leur a laissé une seule chose : le goût de la musique. « Dans la maison, de la musique partout, toute le temps, pour combler son absence ». Et puis en 1978, les réunions dadolescents dans une chambre pour écouter des disques de LedZep jusquaux Sex Pistol Anarchy in the U.K ou bien No more Heroes et les Stranglers répliquant à David Bowie. Le rock emplissait la vie quand sont venues les années 80 « une ambiance beatnik revue et corrigée par le tranchant rouge, noir du punk ».
Cétait le temps de ladolescence et de sa révolte : « Heureusement quil y a les copains. Sans eux, on serait déjà mort. Parce que les couleurs, les odeurs, les conforts de lenfance ont brusquement perdu tout intérêt à nos yeux et ça sest fait dun coup, sans même quon sen aperçoive. Ce sentiment soudain insupportable de vivre dans un pot de chambre, au trou du cul du monde, sous une chape de plomb de montagnes Passer au Punk, aux Sex Pistol, aux Stranglers, aux Cash, cest passer à linsurrection, à lintensité électrique. » et « Le rock a été inventé pour sortir les petits garçons des prisons des caresses maternelles. Le rock est une guerre inévitable pour échapper à sa mère ». Limportant, cétait la musique ! Le rock qui écorchait les doigts sur les cordes dune guitare électrique. Le « tout pour la musique » des écorchés vifs de ladolescence Les vibrations de lêtre Les révoltes La guerre du Vietnam, les bombes américaines au nom de fille tueuse « Daisy Cutter », U2 devenu mythique...
Autre début : la mort de Maurice Pialat et lhommage rendu à lamour du cinéaste pour les apprentis rebelles en motocyclette. Le 11 janvier 2003, pour le narrateur, tout recommence. « Cette nuit-là, jai rêvé daccidents, daccidents de mobylette, et au réveil je nai pas pu mempêcher de songer très fort à toi. ». Flash back : la présence du frère qui voulait une mobylette. Avec sa MBK, il avait pu frimer jusquà sa mort bête, une sortie de route, un arrêt de vie . Et un « cur renversé » de rocker. Lentrée brutale dans le monde des adultes. Vingt ans « derreur, de fatigue et dexil », jusquà un concert du groupe Hoggboy. Le riff de la guitare Lesprit Rock n roll Les vibrations de lêtre Le goût proustien de la musique, Joy Division, Marquis de Sade et les autres. Mais avant , lenfance coulait ses jours. Les deux frères écoutaient la voix grave de Nico et The Velvet Underground, Gainsbourg, Birkin , Nino Ferrer et sa chanson pour Nathalie, le prénom de leur mère qui a affublé le chanteur de surnoms affectueux : « Nono Nano mon Nanounet »
Comment raconter une vie ? Doit-on commencer par le début et finir par la fin. On dit que tout commence et tout finit par des chansons. Le narrateur a raison : Il y a forcément plusieurs débuts à lhistoire dune vie. Le mot fin ne peut être que mortel Comment accepter la mort dun proche ? Le narrateur a mis vingt ans avant de dire : « Jai perdu un frère, il est mort à quinze ans dans un accident de mobylette. ». Mais ce nest pas un constat définitif. Au fond de lui, il cherche encore ce frère et reste à laffût du moindre signe dans la vie. « Il y a des signes dans la vie. Il faut y croire », derniers mots despoir dun autre début pour que rien ne soit définitif. A partir des mêmes notes, la musique parle plusieurs langues mais chacune sadresse directement à notre être le plus profond. Je me souviens du récit dune femme corse qui avait perdu son jeune garçon. Lors de la cérémonie religieuse, un cur de voix dhommes avait chanté « Diu di Salve Regina ». Cette mère a reçu ce chant sacré comme un signe de vie. Grâce à cette musique, son fils nétait plus mort mais senvolait, et cette image la apaisée. Il ny avait plus la mort entre eux. Elle ressentait à nouveau la présence de son fils devenue son protecteur. Nietzsche a exprimé son point de vue philosophique sur limportance existentielle de la musique. Le Rock n Roll et la musique populaire illustrent, en sortant de lélitisme, ce que, pianiste et mélomane pétri de grande musique, il écrivait : « La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil. »
Sylvie Robic, maître de conférences à Paris X, a été publiée pour la première fois en 1999. Il sagissait dun essai « Le salut par lexcès ». Et puis en 2003, il y a eu son premier roman « Une fille gentille » (Editions PUF). Elle a ensuite participé à une écriture collective eux Editions verticales en 2004 : « Tout sera comme avant », des nouvelles autour des chansons de Dominique A. Avec « Les doigts écorchés », elle nous a composé, avec grâce, un roman à la fois court et dense. Il sagit dune chronique intimiste de la Rock n Roll attitude qui sauve de lautisme une adolescence en rupture avec le monde de lenfance et en révolte contre les adultes : posters collés aux murs des chambres, look déjanté avec épingles à nourrice, vinyle des 45 ou 33 tours, plastic des minijupes, tournée avec les copains Dans son premier Roman, la « fille gentille » est rattrapée par un amour perdu dont le film sest estompé, ne livrant que des flashes et des images incertaines. Dans « Les doigts écorchés », le narrateur masculin renoue avec son adolescence et la mémoire de son jeune frère décédé à 15 ans. Dans les deux romans, les souvenirs hantent les héros. Le rapport avec la musique y est sensuel et charnel.
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Michel JACQUET a confirmé son talent dauteur de romans policiers. Après son premier roman « Lenfer Blanche » et son second « La rouste », il récidive avec « Le Nervi », édité en septembre 2005 aux Editions « Autres temps ». La suite vient de paraître avec la sortie dun nouvel opus intitulé « Label Flic », dans lequel vous pourrez retrouver Le Nervi.
Nous lavons rencontré au Balcon marseillais du polar. Comme il sagit dun homme avenant et modeste, il nous a conseillé louvrage de son voisin de table, Jean-Louis Pietri, auteur de « Je de dupe » dont nous avons rendu compte dans un article précédent. Depuis lors, sans quil ne nous le conseille, nous avons lu son troisième polar « Le Nervi », préfacé par Jean-Louis Pietri. Dans La rouste, le héros nous disait : « Cette enquête est la plus tordue que je mène depuis le début de ma carrière. Ce mec présente toutes les facettes à la fois ; cest une anguille, un mirage, un fantôme. Il est identifié, logé et malgré toutes nos investigations mises bout à bout, nous navons rien sur lui sinon du vent, des peccadilles. Il va me faire partir à la retraite en lambeaux » Dans le Nervi, la retraite est là et le « mec » est un chef de la pègre marseillaise, un dur à cuire sauf si, au fourneau, on y met un ancien flic inoxydable (ou in-occidable du verbe « occire »). Laissons donc Le Nervi se présentait lui-même : « Le Nervi, monsieur, cest le surnom que mes amis mont donné pendant une trentaine dannées. Chez nous, en Provence, nous appelons comme cela les hommes forts, très musclés. Mais aussi les hommes qui aimaient, à lépoque, traîner autour du port à laffût du moindre coup foireux. Et enfin, ceux qui aimaient le contact physique avec dautres marlous » Nous ajouterons, mais ce nest pas le cas de notre héros, que, dans le reste de la France et selon le petit Robert (lindic de La rousse), un nervi est aussi un portefaix, un tueur, un homme de main. Si notre Nervi est un homme de main, il sagit de la main de la Justice dont on sait quelle peut être immanente. Si on évoque la morale, celle du Nervi nest pas kantienne et il na pas lintention de se couper les mains pour les garder propres. Ses mains lui servent à créer mais aussi à boxer ou appuyer sur la détente.
Ancien flic de la Criminelle, Raymond Garcia, alias Le Nervi, sétait installé dans sa retraite et la soixantaine passée. Avec ses mains de cogneur, il sculpte, dans le bois dolivier et le cep de vigne, des objets quil vend sur un marché de Provence. Un jeune motard vient se jeter contre sa fourgonnette de forain. Cela aurait pu être un simple accident de la circulation si les faits ne sétaient pas passés sur un Parking et sous une pluie de plombs. Le Nervi aime la castagne et il nest pas homme à se contenter dun constat daccident avec conduite du blessé aux Urgences. A partir de là, lauteur construit son récit, thriller musclé comme son héros, et met en scène des personnages pittoresques. Le Nervi et sa bande hétéroclite damis livrent un combat sans merci contre un Chef de gang brutal et mégalo, qui, comme une grande marque deau minérale, a pour slogan « Il faut éliminer ! ». Et, en plus, lorsque certains policiers adoptent le « code dhonneur » des voyous plutôt que le code de déontologie policière, tous les coups fourrés sont possibles Face à la pègre et à des ripoux, jusquoù ira Le Nervi ? Pour ceux qui aiment laction, ils ne seront pas déçus. On ne sennuie pas lorsque lon suit pas à pas ce héros, justicier généreux aux méthodes peu orthodoxes mais efficaces. Et puis, de temps en temps, il est bon de montrer quil nexiste pas que des bandits au grand cur dans le monde romanesque.
Lhistoire est virile mais aussi humaine, au milieu des senteurs de Provence, avec des mots qui chantent (bàbi, espillé, engambi, à lagachon, Té, je me casse, feignasse, fatigué du bulbe ). Elle est peuplée dindividus affublés de surnoms qui ne sinventent pas : « Nasole », « Gisclette », « Le Criquet », « Le Mammouth » Michel Jacquet nous offre un bon moment à passer, le soir notamment plutôt que de zapper devant le petit écran qui nous propose des séries policières fadasses. A quand le prochain roman de cet auteur ou une adaptation télévisée du Nervi? Son Editeur dit de lui : « La cinquantaine ; il est flic, toujours en activité à Marseille. Il apporte avec beaucoup de simplicité et de pudeur, ses deux principales qualités : son expérience professionnelle (homme de terrain depuis 23 ans) et son propre style décriture ».
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Dans un article précédent, nous avions évoqué Sarajevo. Ivo Andric, écrivain croate, a écrit un très beau texte sur cette ville bosniaque dans le recueil « Contes de la solitude » dont vous nous livrons quelques brefs extraits :
- « Vue den haut, cette ville vous parle par ses édifices, ses jardins, ses rue dessinées, inscrites sur les pentes des monts abrupts comme sur les pages dun livre entrouvert. Devant nous surgissent les fragments embrumés de son passé. »<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
- « à lentrée même du défilé montagneux au fond duquel la Miljacka se glisse, comme un fil par le chas dune aiguille La ville sélargit, embellit, surtout au cours des XVI° et XVII° siècles, tout en restant à la lisière du défile, telle une araignée devant la fissure doù elle a surgit mais ne séloigne jamais complètement »<o:p></o:p>
- « Les anciens textes religieux serbes la nomment « Sarajevo, ville donnée par Dieu, »<o:p></o:p>
- « Sarajevo possède ainsi deux aspects et deux visages, lun sombre et sévère, lautre lumineux et resplendissant »<o:p></o:p>
- « Ville aux anciennes et nobles traditions, ville de confréries artisanales, de conscience et de fierté civiques, ville commerçante où non seulement largent mais aussi le bon goût étaient respectés, ville où sest développé le sens de lordre et de la beauté, dune vie harmonieuse et heureuse »<o:p></o:p>
- « La mort ny assombrit pas la vie, la vie ny profane pas la mort. »<o:p></o:p>
- « Quelle que soit lheure du jour, quel que soit le lieu, quand vous regardez Sarajevo étendu à vos pieds, la même pensée surgit toujours, même inconsciente. Une ville est là. Une ville qui, en même temps, se transforme, agonise et renaît. »<o:p></o:p>
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Cette ville na pas encore trouvé un Jean-Claude Izzo ou un Montalbo mais, nul ne doute quelle est un lieu ou, comme Ivo Andric, les écrivains peuvent trouver une source dinspiration littéraire. Dans notre article « Voyage en Croatie », nous avions aussi évoqué lécrivain serbe Radomir Konstantinovic, notamment pour son ouvrage : « Philosophie du bourg », où il propose, par une approche philosophique, une analyse de lévolution comportementale et sociale des sociétés modernes devenues citadines.
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Cest cette évolution que traduit souvent la littérature et notamment la Noire dont les intrigues sont le plus souvent situées en milieu urbain. Pour illustrer ce constat, nous avons trouvé et acheté un recueil de nouvelles édité par LIBRIO. Lopus sintitule « Villes noires » et contient des nouvelles écrites par Didier Daeninckx, Thierry Jonquet, Michel Quint et Jean-Bernard POUY , quatre polardeux qui ( dixit lEditeur) « se sont imposés comme les plus grands auteurs contemporains du roman noir à la française, confirmant leur passions pour les gens simples et les engagements forts. »
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Villes noires :<o:p></o:p>
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Ce voyage littéraire en quatre récits nous invite dans les ruelles de Naples, sur les canaux de Hambourg (Nous dit-on ) et face à la géométrie parfaite des immeubles dOstende.
Nous sommes avertis : « Vous ne vous promènerez plus en ville, comme avant. » Laccroche de la 4ème page de couverture est alléchante lorsque lon y lit aussi : « les capitales européennes tombent le masques et révèlent leur nature sauvage, débridée, mystérieuse » mais ne vous attendez pas à autre chose que de petites intrigues bien ficelées mettant en scène les réseaux de trafic dêtres humains, des crimes mafieux, des amours contrariés, des voyageurs sans bagages pour les grandes villes européennes, vous irez voir notamment Hambourg sur le catalogue dune agence de voyages.
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Dans la première nouvelle écrite par Thierry Jonquet , « Hambourg » est le nom dune péniche dont le propriétaire est originaire de cette ville où ses parents sont morts sous les bombardements alliés pendant la deuxième guerre mondiale pendant lesquels il a lui-même était blessé et a perdu une jambe. Ce sera la seule allusion à la ville, car laction se passe dabord en Chine, puis sur les canaux entre Prague et Paris. A croire que lauteur ne connaissait pas assez Hambourg pour y situer laction de sa Nouvelle et a su tourner la difficulté, mais lastuce laisse sur sa fin le lecteur attiré par le titre de louvrage et la quatrième page de couverture. Une « grande capitale européenne » ne peut être réduite à une péniche sans provoquer une certaine déception. Heureusement, Jonquet se rattrape en nous présentant des personnages intéressants : Dietrich, passeur de clandestins qui est un gros dégueulasse avec peut-être un reste dhumanité enfoui dans sa carcasse adipeuse et répugnante ; Lieu, jeune chinois à lâme pure et Ginka , une jeune prostituée paumée. Tous les trois glissent sur leau trouble des canaux. Dietrich est le maître à bord qui conduit les deux jeunes gens vers leurs noirs destins.
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Patrick Daeninckx est sensé nous amener à Ostende. En fait nous faisons le voyage avec les parents de la mariée en partant de Bruxelles. Le mariage est à Ostende et le père, raciste ordinaire et nostalgique des anciennes colonies belges, narrive pas à accepter que sa fille y épouse un africain du Zaïre (ex Congo belge), qui la mise enceinte. Heureusement, il peut se consoler davoir un fils Rodolphe, militaire et parachutiste belge. A Ostende, la surprise viendra de ce fils et elle est de taille pour ce père issu de la grande bourgeoisie belge. Une occasion pour lauteur de dénoncer ( encore et toujours) le racisme et le colonialisme.
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Comme on est arrivé à Ostende, on y reste avec Michel Quint pour la troisième nouvelle intitulée « Loiseau de la Kermesse » et dédiée à la mémoire de Ronny Couteurre*. Quint nous sert « un petit plat en prose » à laccent épicé de la Wallonie, « un hommage au noir des toiles dEnsor* et à linfernal théâtre de Ghelderode* ». Vous ne serez pas déçu par le style déjanté et le contenu, en lisant le récit de « Mieke », danseuse exotique dans un peep-show dOstende. Elle vient de perdre Voske, son vieil « imprésario », oiseau de kermesse, bâtard des lendemains de fête, fils dune amazone qui sest fait engrosser au bal du Rat mort par le peintre Ensor et le dramaturge de Guelderode. Pour apprécier la nouvelle de Quint, il faut connaître ces deux créateurs belges.
James Ensor, peintre avant-gardiste, revendiquait une place pour le laid dans la peinture. Pour lui , la vie était une farce, les visages des masques derrière lesquels on trouvait des squelettes. Cétait un artiste obsédé par la mort avec une vision pessimiste du monde mise en scène dans des fêtes et des carnavals. Il sest rendu célèbre par son tableau provocateur : « Lentrée du Christ à Bruxelles ». On peut citer aussi « Les Masques singuliers », « Ensor aux masques » ou « Les squelettes voulant se chauffer ». Il est mort en 1949 et lessentiel de son uvre est antérieur à 1915.
Michel de Ghelderode est un dramaturge belge décédé en avril 1962. Il a beaucoup écrit (60 pièces de théâtre, une centaine de contes, 20.000 lettres, des articles sur lart et le folklore). Il est le créateur dun univers noir, à la fois cruel et macabre, fantastique et grotesque. De son éducation religieuse à lInstitut Saint Louis de Bruxelles, il retiendra les rites et la magie, croyant plus au diable quà Dieu. Il a écrit sur lui-même : « Je me sens vraiment contemporain de ces gens du Moyen âge ou du pré - Renaissance. Je sais deux comme ils vivent et connais chacune de leurs occupations. Je suis familier de leur cerveau et de leur cur comme de leur logis et de leur boutique. » Ses pièces de théâtre ont été joués partout dans le monde. Bien que Flamand, il était dexpression française. Vous trouverez sa biographie et ses uvres sur le site Wikipédia.
Ronny Couteurre, on connaît sa grande et large carcasse débonnaire. Il a décidé de quitter le théâtre de la vie le 21 juin 2000 à Frétin. Il avait 48 ans et 30 ans de carrière de comédien, auteur, réalisateur et metteur en scène. Il animait une émission sur FR3 Nord Pas de calais « Ronny coup de cur ». On se souvient de lui dans « Les enfants du printemps » ou dans « Merci Bernard », « Les quatre-Vingt-Unards », « Marion et son tuteur » Il avait écrit un opéra « Les contes dun buveur de bière » et faisait des one man show. Il avait baptisé sa maison « La ferme des Hirondelles ».
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Nous quittons, dans un vol dhirondelle, la Belgique pour lItalie avec Jean-Pierre POUY qui nous amène à Naples pour la dernière nouvelle du recueil. Et même si une hirondelle ne fait pas le printemps, cest le 31 mai que Chantal, héroïne, fête ses trente ans. Ses copains lui offrent deux places davion pour Naples et cest Bertrand (narrateur du récit) qui est choisi au hasard pour laccompagner amicalement. La nouvelle est intitulé « Le soufre » , celui des solfatares de Pozzuoli et peut-être allusion à la sulfureuse Chantal certainement aussi à lair ambiant de cette ville : « A Naples. Le mythe. Un peu. Napoli. Le baiser de feu. Santa Lucia. Des conneries. Mais on y était » A peine descendu de lavion, Bertrand est repéré comme le pigeon voyageur, proie choisie dune arnaque bien napolitaine, donc plus folklorique que méchante. Moins folkloriques sont les fréquentations de la mystérieuse Chantal et Bertrand lapprendra à ses dépends.
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NOTA BENE : Si vous aimez les nouvelles noires, « Villes noires » est bien de la littérature ferroviaire qui se lit rapidement pendant un voyage entre deux gares, entre deux villes Mais si votre gare darrivée est Hambourg, Ostende ou Naples, il ne sagit pas dun guide de voyage, même si des illustrations dessinées par Olivier Balez accompagnent chaque récit. Par contre, si vous allez à Sarajevo, lisez le magnifique texte de Ivo Andric car il est bien mieux quun dépliant touristique.
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Jean-René Augè vit dans la région de Perpignan. Lorsquon le rencontre, on sattend à ce quil nous chante « que la montagne est belle », avec son « vrai » air de Jean Ferrat. Mais cest avec sa plume taillée dans le rabassou (cep de vigne en patois catalan) quil fait chanter les mots par grappes et quil nous trace le récit de Taïeb entre les rangées de vignes, lentement pour le bonifier comme du bon vin. Trouillas est un patelin viticole pas très loin de Perpignan, planté au milieu de mère Nature, toujours présente et vivante, avec sa « peau dherbes sauvages », ses « naissances» de fruits et légumes dans les potagers sous « les yeux des maisons, timides » Un coin du Sud de la France où le soleil « brûlait pareillement espagnols, gitans, arabes ou catalans ».
Taïeb y arrive à 15 ans avec sa famille. Son père y est embauché comme ouvrier agricole après une période de chômage dans la banlieue parisienne. Taïeb est un môme des cités banlieusardes avec des parents dun « pays avant la France un pays qui portait la mer en chapeau et le désert pour chaussures, avec des écritures comme des pas de mouches ivres qui allaient de droite à gauche » : lAlgérie. Il ne partage pas leur nostalgie ni leur Dieu qui lempêche dêtre ce quil est : un Français. « Mon père, dit-il, parle de ses racines, des vieux de là-bas, de tous ceux qui ont fait notre histoire et jai envie de lui crier que je me fous de la graine Cest là où elle tombe qui a de limportance. Là où elle pousse et jai poussé ici. En France. » Après quelques larcins commis plus par désoeuvrement que par cupidité, il découvre, dans un petit village du Sud de la France, la mer, la terre, lamitié et lamour. Il sémerveille devant cette mer quil croyait immobile, comme sur les cartes postales, alors quelle bouge et quelle chante : « un drap tendu entre deux montagnes, bien accroché aux roches, avec un vent, dessous, prisonnier entre la terre et la toile, qui essaie de senfuir. Il souffle. Inutile. Le drap se gonfle. Il sarrête. Le drap se creuse ».
A Trouillas, malgré sa peau un peu plus marron que les autres, le jeune beur décide quil est catalan et se baptise « Taïeb de Trouillas », une association, presque un titre de noblesse terrienne, qui devrait lenraciner après avoir vécu dans une cité où le béton imperméable entretient le déracinement. Dés son arrivée, il rencontre son nouvel ami : Paulo , le fils du mas dAvall, « un brave petit pas très porté sur les livres mais qui sait reconnaître le mildiou, la tavelure ou la cloque ». Et puis, apparaît son premier grand amour : Annie. Elle est grande, belle et fille dun riche vigneron. Taïeb est petit, maigre et pauvre, mais il est « de la race de ceux qui rêve grand » et il nous dit : « Je suis pauvre, je rêve riche. Maigre, je rêve gros et même un peu costaud. Ca ne gâcherait pas. Et puis, je me réveille. Forcément, impossible de dormir une vie.» En lui offrant des fleurs volées, ladolescent va-t-il conquérir sa bien-aimée, promise à Paulo?
Il faudra lire le roman de Jean-René Augé pour le savoir. Ce nouvel auteur du terroir catalan aborde, de façon originale, le sujet des jeunes beurs des banlieues parisiennes, mais aussi les mondes étrangers qui se côtoient : celui de la ville et de la campagne, celui des adultes et des enfants, celui des riches et des pauvres. Taïeb est lun de ces jeunes beurs, étranger dans sa famille, étranger dans sa nationalité française, étranger dans la campagne catalane, étranger dans le monde des adultes, étranger dans sa pauvreté Il rêve sa vie, au lieu de la vivre.
Trouillas est un village du Languedoc Roussillon dans le département des Pyrénées orientales. Anciennement « Truliars »( An 844), létymologie de ce lieu fait polémique. Trouillas ex-Trullars pourrait venir de la racine catalane « « Trullas » ou « Trouill » du latin torcular, torcularis qui désignait un pressoir. Le mot sest transformé en trohl ou trull qui est un pressoir ou un fouloir à raison. Mais pour dautres, il sagissait dun pressoir à olives et le moulin à huile placé en décoration sur un parking pourrait appuyer cette thèse, comme, du reste le blason de Trouillas sur lequel quatre cercles symbolisent des pressoirs à olives. Le mot trull viendrait alors du latin torcu signifiant moulin à huile. Lorthographe du mot a varié selon les époques , passant de Truliares (18ème) à Trullas (1091), Trulares (1188), Locus de Trullares (1835), Trullas (1441), et enfin Trouillas en 1742. Mais ce nest pas tout, « trulla » , toujours en latin, signifie « cuvette », vase à puiser le vin
Situé dans les Aspres ( qui signifie « sec et caillouteux, âpre en catalan), ce village du contrefort des Pyrénées est entre la mer et la montagne, avec des alentours entièrement plantés de vignes et où lon découvre plusieurs mas dont les plus importants sont le Mas Deu (ancienne commanderie des Templiers puis centre dun important domaine viticole appartenant à la famille Durand avant dêtre morcelé au 20ème siècle), le Mas de Canterrane ( du nom de la rivière qui traverse le village et qui ne coule que lors de fortes pluies), et le Mas Conte. Toute lhistoire de Trouillas est liée à la vigne introduite par les Grecques au 13ème siècle avant J.C . Cest là quest né le Vin doux naturel au 13ème siècle. On y a soigné des cépages blancs (macabeu, grenache blanc et gris) et des rouges (syrah, grenache noir, carignan, mourvèdre et cabernet sauvignon) puis au 20ème siècle, est apparu le chasselas.
Nul doute que Jean-René Augé est du coin et quil sait reconnaître le mildiou, la tavelure et la cloque. Nul doute aussi quil aime Trouillas qui nous vaut quelques beaux passages avec un lyrisme sans emphase. Il écrit sans phraséologie, donnant ainsi au personnage de Taïeb toute son épaisseur dans le « je » crédible du héros narrateur. Son livre a été dabord édité par Les Editions Manuscrit qui ont accepté la résiliation du contrat dédition et il est donc propriétaire des droits dexploitation, de diffusion et dadaptation audiovisuelle de « Taïeb de Trouillas » que lon peut trouver à la FNAC de Perpignan et à la Librairie Privat, 10 rue du docteur Pous, toujours à Perpignan.
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