• « Le soleil est tragique lorsqu’il tombe ainsi sans pitié. » Jean Giono

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    Marseille, son mistral et son soleil radieux !... Vision solsticiale de la ville phocéenne où, à son Zénith, le soleil laisse les êtres sans ombres. Un poncif sur  Marseille  que l’on oublie dès que l’on plonge dans le premier tome de l’Album « Sans pitié » intitulé « Mistral noir ».

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    Sur la couverture, un homme descend des marches. Son visage et une silhouette en haut du long escalier sont dans l’ombre…

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    De quoi évoquer quelques vers de Louis Brauquier :

    « L’homme invisible qui prend une ombre en filature,<o:p></o:p>

       Et n’arrête à la fin que son complice obscur,<o:p></o:p>

       Coups de feu échangés, et l’ombre tombe morte… »

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    En  première page, un ballez piétine devant un arrêt d’autobus, les mains dans son blouson de cuir, col relevé, jean, Rangers,  bonnet de marin vissé sur la tête,  visage typé, menton carré, pommettes saillantes. Noir c’est noir,  on retrouve le nervi blessé, dans un local vétuste de société fantôme. La lumière de la Lune s’étire comme des rails  sur le sol. Une lampe fait un halo blafard sur l’homme. Les jambes croisées,  il est allongé sur un matelas jeté dans un coin qui côtoie une valise et un fusil mitrailleur… 

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    Plus noir que noir,  le livre entre ses mains : Deuil dans le coton* de Jim Thomson*. Le regard fixe et brillant, il s’est arrêté sur une phrase : «  Ma tête était douloureuse et mes yeux me brûlaient. J’essayai de réfléchir… de décider ce que j’allais faire… ».  Des images lui reviennent à l’esprit : des flashes d’opérations guerrières et un homme âgé assis sur un fauteuil roulant qu’il pousse vers la sortie dans un hall presque désert.  Suit une vue nocturne de Marseille prise d’un toit du boulevard de la liberté, avec en premier plan l’Eglise des Réformés. A la gauche (a sinistra) du dessin, l’ombre de la Bonne mère est présente mais ce ne sont pas des personnages Pagnolesques qui occuperont le premier plan.

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    Manu,  avec son tee shirt « No pasara » chante « Je suis de la mauvaise herbe, braves gens, braves gens je pousse en liberté dans les jardins mal fréquentés… c’est moi qu’on coupe et c’est pas moi qu’on met... Sa petite amie Nawel, beauté à la peau basanée et look de cagole, tient le comptoir d’un bar populaire et cosmopolite. La sœur de Manu, Axelle, est une toxicomane qui est tombée entre les sales pattes de la maffia. Lui, il n’a plus envie de travailler sur les chantiers et ambitionne d’être ingénieur du son. En attendant, il glande et, pour protéger sa sœur, fait partie d’une bande de dealers avec Frak , chef  et organisateur d’une rave – partie* à Fos sur mer mais aussi  Vince et sa coiffure rasta qui, tout en livrant la came et semant la police au volant d’une grosse cylindrée, rêve d’être le boss et  se fait des lignes de poudre blanche sur sa « carte vitale »… 

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    Les auteurs nous sortent de notre train-train quotidien et nous propulsent dans un univers où les rails de coke tracent des lignes de vie tragiques et d’autant plus brèves qu’elles croisent des caïds, gros trafiquants d’une maffia qui a infiltré la police. Dans ce monde interlope, une rave partie devient la kermesse noire de la dope et le champ de manigances mortelles.  Notre nervi énigmatique  y brise la nuque de Vince  et fait un sourire kabyle à  José, gros ventre qui joue les gros bras.  Manu, lui, s’est défoncé à la limite de l’overdose et se réveille couvert de sang, près des deux cadavres, avant d’échapper à la police conduite par Campanella, un ripou. Au petit matin,  dans une chambre, l’accalmie de deux corps jeunes dénudés, ceux de Manu et Nawel, et au réveil, l’angoisse... Les cauchemars de la nuit deviennent réalités. Une tempête a délavé le Vieux port et mis tout sans dessus dessous. Le tueur passe devant la Brasserie La Samaritaine, puis, impassible, s’attable à la terrasse du Grand Comptoir de Paris,  une oreillette indiscrète à l’oreille droite… Qui est-il et qui sera sa prochaine victime ? A la fin, notre tueur énigmatique referme le roman de Jim Thomson, sur la phrase : «  Parce que je savais que la seule chose au monde que je désirais vraiment serait actuellement une erreur.. » La mort violente est une  cruelle banalité  mise en poème par Louis Brauquier, avec justesse et,  comme Izzo,  j’ai un faible pour ce grand poète de Marseille. 

    «  Dans une rue passe un vivant<o:p></o:p>

        Avec tout son sang dedans.<o:p></o:p>

        Soudain le voilà mort<o:p></o:p>

        Et tout son sang est dehors »

    Le spectacle continue… jeu d’ombres entre victimes et tueurs. Point de longues tirades qui nuiraient à la vision filmique d’un thriller  rythmé. Les scènes d’action se suffisent à elles-mêmes. Aucun commentaire superflu ne vient rompre la vision des images et le réalisme des dialogues.

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    Le deuxième tome est sorti  sous le titre « Coupe franche » et c’est Manu qui est à l’affiche… Rappelez-vous sa chanson  au début de Mistral noir « Je suis de la mauvaise herbe… C’est pas moi qu’on coupe et c’est pas  moi qu’on met… ». Dans Mistral noir, on  peut vous le dire, Manu a été enlevé et, séquestré, il passe un sale moment. La surprise vient de celui qui le libère.  Que va-t-il lui arriver dans « Coupe franche ». On va en savoir un peu plus sur le tueur solitaire. Que fait la police ? L’inspecteur Cohen mène l’enquête face à son collègue Campanella. Le Bien remportera-t-il son combat contre le Mal. Peut-être les deux sont-ils tellement imbriqués que, à la fin, il n’y aura que des perdants. Nous attendons le troisième tome et l’épilogue. Doit-on s’attendre à une « happy end » ? Peu probable lorsqu’on revient au titre « Sans pitié »… A moins qu’il ne soit la fausse piste d’une histoire qui se terminera bien sous le soleil radieux de Marseille. A vous de découvrir cet album de BD dont les deux premiers volets sont réussis.

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    Que sont les raves – parties ? Avec les free – parties, ce sont des rassemblements festifs à caractère musical, pouvant durer plusieurs jours au cours desquels on diffuse de la musique techno et où, parfois, circulent toutes sortes de produits illicites. Elles sont réglementées depuis la loi du 15 novembre  2001,  ont fait l’objet d’un premier décret du 3 mai 2002 prévoyant une déclaration préalable en Préfecture à partir de  250 participants puis d’une décret plus récent du 21 mars 2006 relevant le nombre à 500.  Cet ajustement est du au fait , après les rassemblements de type « Teknival » qui rassemblaient jusqu’à 40.000 raveurs, les chiffres des fréquentation n’ont cessé de baisser passant de 712 en 2001 à 208 en 20005, la majeure parties des manifestations étant donc passé à moins de 500 participants. Des médiateurs préfectoraux  ont été mis en place pour ce fait de société et les Préfectures ont été appelées à recenser les terrains pouvant accueillir ces rassemblements.

      

    Didier Daeninckx a écrit la  préface de « Sans pitié » et  reconnaît que « pendant des décennies, il n’était de bons crimes qu’à Paris… La province, (comme s’il n’y en avait qu’une), était réduite à quelques accents, à quelques folklores ... Pourtant, de Casério jusqu’au massacre du Bar du téléphone en passant par Carbone et Spirito, le sang de la rubrique des faits divers coulait à flots sur la Canebière. Il a fallu attendre que René Merle et Jean-Claude Izzo se penchent pour y remplir les réservoirs de leurs stylos, bientôt suivis par une cohorte d’arpenteurs du réel… »

    D’accord pour Merle et Izzo, mais il ne faudrait pas oublier Philippe Carrese et des précurseurs comme Pierre Yrondy et Jean - Toussaint Samat (voir notre article du 4/7/2006 à 19 :26).  

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    Le roman « Deuil dans le coton » (titre original : Cropper’s Cabin) est sorti en  1952. Le premier roman de Jim Thomson  est  Now et Earth  (1942), traduction littérale « Maintenant et ici-bas » ayant donné le titre « Ici et maintenant ».

    Jim Thomson a été découvert en France avec la parution de son roman « 1275 âmes », n°1000 de la Série noire (titre original : Pop 1280 et adaptation cinématographique de Tavernier dans « coup de torchon »).Plusieurs de ses romans, alors qu’il est mort dans l’indifférence aux Etats Unis, ont été adaptés au cinéma.  En France, on peut citer aussi  « Série noire »  d’Alain Corneau. 

    Cet auteur texan  a été comparé à Céline et avait une vision apocalyptique du monde.  Il a raconté sa vie dans Bad boy (1953).  Il a travaillé avec Stanley Kubrick pour « Ultime razzia »  et pour « Les sentiers de la gloire » (1955). On le voit apparaître dans le film « Farewell My Lovely » de Dick Richard qui lui a donné le rôle d’un juge trompé par son épouse.  Il a écrit dans les Pulps d’où ont émergé les premiers auteurs du hard-boiled qui ont inspiré le genre noire en France et « les arpenteurs du réel » auxquels fait allusion Daeninckx, qu’ils soient de Marseille ou d’ailleurs.

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    Au Parc Chanot, lors de l’événement « Lire en fête », dimanche 14 octobre, l’arpenteur Pascal Génot n’avait pas assez d’encre dans le réservoir de son stylo  pour dédicacer les deux premiers tomes de « Sans pitié ». Il y avait foule et les albums s’entassaient en attente des dédicaces trop nombreuses à donner. Un franc succès ! Pascal Génot est né à Bastia en 1975. Diplômé d’études cinématographiques, il a écrit un ouvrage : « La Corse au regard des films amateurs ». Nous lui avons soumis cinq questions…

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    1°/ Comment s'est formée et a fonctionné l'équipe de la trilogie?

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    Bruno Pradelle, co-scénariste et coloriste de la série, est un ami de longue date, originaire comme moi de l’Alta Rocca. En 1998, nous avions élaboré une première version du projet qui n’avait pas retenu l’attention des éditeurs.  En 2000, dans un studio de dessin animé marseillais, Bruno a rencontré le dessinateur Olivier Thomas. Après « Arvandor », une série d’heroic-fantasy où Bruno faisait déjà les couleurs, Olivier souhaitait évoluer vers un genre
    plus réaliste, plus contemporain. Il nous a proposé de reprendre le projet « Sans pitié » : l’équipe était formée, et en 2004 nous avons signé avec les éditions EP. Depuis, nous travaillons par un aller-retour critique permanent : Bruno et moi faisons un premier travail d’écriture que nous soumettons à Olivier, puis nous établissons un synopsis très détaillé à partir duquel nous rédigeons le scénario séquence par séquence tandis qu’Olivier travaille un premier story-board que nous corrigeons tous ensemble. Une fois cette étape validée pour la moitié d’un tome, les dialogues sont remaniés et Olivier dessine les premières planches pendant que nous terminons le scénario en tenant compte des éventuels changements opérés en amont. Nous maîtrisons l’intégralité de la chaîne de création, ce qui nous permet d’apporter des améliorations jusqu’au dernier moment de la mise en couleur. Bref, c’est un vrai travail d’équipe.

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    2°/ Dans le premier tome "Mistral noir", on trouve tout ce que Marseille peut évoquer de noir: bandes de jeunes désoeuvrés, caïds de la drogue, flics ripoux... Pour noircir davantage le scénario, un nervi énigmatique lit "Deuil dans le coton" de Jim Thomson  et  traîne ses souvenirs de la guerre d'Algérie qui n'a pas encore refermé  ses plaies. Pourquoi avoir sorti, comme un fantôme, des archives algériennes et des conflits Tchadiens, cet
    ancien légionnaire harki, personnage noir d'une  fiction qui va crescendo
    ?

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    Dès le départ, nous souhaitions que les motivations de l’intrigue trouvent leurs origines dans l’histoire collective. Nous voulions ainsi illustrer les répercussions des conflits et des ruptures que connaissent les peuples et les nations, comme une onde de choc qui se propage au fil des générations. La guerre d’Algérie nous paraissait exemplaire de ce phénomène et depuis l’actualité n’a eu de cesse de le confirmer. Le personnage de Ravel, cet
    ancien légionnaire harki, est donc en quelque sorte à la fois le symbole et le vecteur de cette onde de choc historique. En ce sens, nous sommes proches de la tradition du polar français où les sources de conflits individuels sont souvent sociologiques et historiques.

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    3°/ Le deuxième tome "Coupe franche" confirme le rôle du nervi mystérieux et celui de Manu, jeune paumé qui arbore sur son torse le slogan "No pasaran". Que pouvez-vous nous dire de Manu,  personnage central qui se débat  au milieu des manigances mortelles?

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    Si Ravel est le vecteur de cette violence historique à laquelle je viens de faire allusion, Manu témoigne du rapport à l’histoire d’une génération qui n’a pas pris directement part au conflit franco-algérien, mais qui ne peut pas pour autant faire comme si cela n’avait jamais été. Malgré lui, Manu est concerné et il va devoir assumer sa propre place dans cette histoire. Pour autant, « Sans pitié » n’est pas une bande dessinée sur la guerre d’Algérie. Disons qu’il s’agit d’articuler le lien entre deux citations : l’une de l’historien Marc Bloch qui disait que « les hommes sont plus les fils de leur temps que de leurs pères », l’autre du cinéaste Pier Paolo Pasolini qui pensait que « l’histoire, c’est la passion des fils de comprendre les pères ».

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    4°/ Voulez-vous  nous dire quelques mots sur "Deuil dans le coton" et son auteur  surnommé  en France le "Céline  Texan" ?

    Jim Thomson est l’un de nos auteurs favoris, dont nous apprécions la noirceur et l’humanité. Avec des écrivains français comme Manchette ou Daeninckx, Thompson est l’une de nos principales influences. Introduire le récit par une scène où Ravel lit « Deuil dans le coton » nous permettait d’ancrer d’emblée notre histoire dans une référence explicite au noir. Le choix précis de ce roman tient aux rapports conflictuels de son personnage
    principal avec son père adoptif, rapports qui présentent des similitudes avec la situation du personnage de Ravel et qui seront développés dans le denier volet de la trilogie, « Table rase ». Il y a ainsi plusieurs allusions littéraires ou cinématographiques dans « Sans pitié », dont le titre provient d’ailleurs d’une phrase de Jean Giono : « Le soleil est tragique lorsqu’il tombe ainsi sans pitié. »

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    5°/  Vous êtes né à Bastia. Vous êtes diplômé en Etudes cinématographiques à l'Université de Provence. Vous avez écrit un ouvrage intitulé "La Corse au regard du film amateur". Quel regard portez-vous sur la Corse, terre de romans noirs?

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    J’avoue mieux connaître, de par mes travaux de recherches, la représentation de la Corse au cinéma que dans la littérature. Cependant, ce qui vaut pour le cinéma me semble l’être pour le roman, d’autant plus que l’héritage du romantisme français (dont Mérimée est avec « Colomba » le principal représentant) s’est transmis aux films dès les premiers temps du cinéma et perdure encore de nos jours. Le sujet est complexe, car il fait appel au
    réel comme à la fiction. D’un côté, il y a la réalité socio-historique, à savoir que la Corse est marquée par la violence et que certains corses ont joués un rôle de premier plan dans le milieu français. D’un autre côté, il y a l’usage récurent dans les fictions de la figure du « bandit corse », depuis le bandit d’honneur au nationaliste clandestin d’aujourd’hui, en passant par le voyou des grandes villes comme Paris ou Marseille. Cette
    systématicité dans la représentation contribue à produire une image de la Corse comme un autre déviant, à qui l’on rappelle sans cesse que sa nature est prétendument violente. Ce stéréotype devrait être remanié, travaillé avec les moyens du roman noir, mais il faut reconnaître, me semble-t-il, que la Corse ne connaît pas encore son Jean-Claude Izo ou son Didier Daeninckx. La Corse comme « terre de romans noirs » ne me semble pas avoir livré tous ses fruits : le noir est un genre où les Corses peuvent encore largement travailler leur propre image. Néanmoins, des écrivains comme Jérôme Ferrari ou Marc Biancarelli me paraissent faire une part de ce travail, même s’ils n’écrivent pas des romans noirs au sens usuel du genre.<o:p></o:p>

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    Yahoo!

  • Cœur de rocker  et «  doigts écorchés » :

    « Les doigts écorchés », une histoire à fleur de peau. Sylvie  Robic nous livre l’intimité de la douleur d’un deuil avec le doigté d’une musicienne, le balancer et rouler d’une écriture  au rythme tendu qui fait ressurgir l’esprit « Rock n Roll » toujours vivant d’une époque pas si lointaine. 

    A la fin … au début… non à la fin … non au début et à la fin du roman, un adulte suit la tournée du groupe Hoggboy (venu de Sheffield). Entre les deux, il  renoue avec son passé sans savoir par où commencer. Alors, ses premiers mots sont « Il y a forcément plusieurs débuts » et le premier début s’impose chronologiquement, « …  s’étend et se dilue sur une quinzaine d’années, du milieu des années 60 au début des années 80. Il met en scène deux garçons et leur mère, en Province, au sud-est de la France, sur les contreforts du Vercors ? » . Une enfance ordinaire provinciale : « … Une mère très jeune un peu débordée, des paysages de basse montagne. Les deux couleurs de ce temps – là sont le vert et le blanc mais la musique aussi est une couleur, la plus brillante, la plus intense ».  Cette mère était tombée amoureuse d’un saisonnier au début de l’été 62. Le narrateur naissait un an plus tard et, ensuite vient la naissance de son frère qui coïncide avec l’abandon par le père qui leur  a laissé une seule chose : le goût de la musique. « Dans la maison, de la musique partout, toute le temps, pour combler son absence ». Et puis en 1978, les réunions d’adolescents dans une chambre pour écouter des disques  de LedZep jusqu’aux Sex Pistol… Anarchy in the U.K  ou bien  No more Heroes et les Stranglers répliquant à David Bowie. Le rock emplissait la vie quand sont venues les années 80 « … une ambiance beatnik revue et corrigée par le tranchant rouge, noir du punk ».

    C’était le temps de l’adolescence et de sa révolte : «  Heureusement qu’il y a les copains. Sans eux, on  serait déjà mort. Parce que les couleurs, les odeurs, les conforts de l’enfance ont brusquement perdu tout intérêt à nos yeux et ça s’est fait d’un coup, sans même qu’on s’en aperçoive. Ce sentiment soudain insupportable de vivre dans un pot de chambre, au trou du cul du monde, sous une chape de plomb de montagnes … Passer au Punk, aux Sex Pistol, aux Stranglers, aux Cash,… c’est passer à l’insurrection, à l’intensité électrique. »  et  « Le rock a été inventé pour sortir les petits garçons des prisons des caresses maternelles. Le rock est une guerre inévitable pour échapper à sa mère ». L’important, c’était la musique !  Le rock qui écorchait les doigts sur les cordes d’une guitare électrique.  Le « tout pour la musique » des écorchés vifs de l’adolescence… Les vibrations de l’être… Les révoltes… La guerre du Vietnam, les bombes américaines au nom de fille tueuse « Daisy Cutter », U2 devenu mythique...

    Autre début : la mort de Maurice Pialat et l’hommage rendu à l’amour du cinéaste pour les apprentis rebelles en motocyclette. Le 11 janvier 2003, pour le narrateur, tout recommence. «  Cette nuit-là, j’ai rêvé d’accidents, d’accidents de mobylette, et au réveil je n’ai pas pu m’empêcher de songer très fort à toi. ». Flash back : la présence du frère qui voulait une mobylette. Avec sa MBK, il avait pu frimer jusqu’à sa mort bête, une sortie de route, un arrêt de vie…. Et un « cœur renversé » de rocker. L’entrée brutale dans le monde des adultes. Vingt ans « d’erreur, de fatigue et d’exil », jusqu’à un concert du groupe Hoggboy.  Le riff de  la guitare… L’esprit Rock n roll… Les vibrations de l’être…  Le goût proustien de la musique, Joy Division, Marquis de Sade… et les autres. Mais avant ,  l’enfance coulait ses jours. Les deux frères écoutaient  la voix grave de Nico et The Velvet Underground, Gainsbourg, Birkin , Nino Ferrer et sa chanson pour Nathalie, le prénom de leur mère qui a affublé le chanteur de surnoms affectueux : « Nono Nano mon Nanounet »…

    Comment raconter une vie ? Doit-on commencer par le début et finir par la fin. On dit que tout commence et tout finit par des chansons.  Le narrateur a raison : Il y a forcément plusieurs débuts à l’histoire d’une vie. Le mot fin ne peut être que mortel… Comment accepter la mort d’un proche ? Le narrateur a mis vingt ans avant de dire : « J’ai perdu un frère, il est mort à quinze ans dans un accident de mobylette. ». Mais ce  n’est pas un constat définitif. Au fond de lui, il cherche encore ce frère et  reste à l’affût du moindre signe dans la vie. «  Il y a des signes dans la vie. Il faut y croire », derniers mots d’espoir d’un autre début pour que rien ne soit définitif. A partir des mêmes notes, la musique parle plusieurs langues mais chacune s’adresse directement à notre être le plus profond.  Je me souviens du récit d’une femme corse qui avait perdu son jeune garçon. Lors de la cérémonie religieuse, un cœur de voix d’hommes avait chanté « Diu di Salve Regina… ».  Cette mère a reçu ce chant sacré comme un signe de vie. Grâce à cette musique, son fils n’était plus mort mais s’envolait, et cette image l’a apaisée. Il n’y avait plus la mort entre eux. Elle ressentait à nouveau la présence de son fils devenue son protecteur. Nietzsche a exprimé son point de vue  philosophique sur l’importance existentielle de la musique. Le Rock n Roll et la musique populaire illustrent, en sortant de l’élitisme, ce que, pianiste et mélomane pétri de grande musique, il écrivait : « La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil. »

    Sylvie Robic, maître de conférences à Paris X,  a été publiée pour la première fois en 1999. Il s’agissait d’un essai « Le salut par l’excès ». Et puis en 2003, il y a eu son  premier roman « Une fille gentille » (Editions PUF). Elle a ensuite participé à une écriture collective eux Editions verticales en 2004 : « Tout sera comme avant », des nouvelles autour des chansons de Dominique A.  Avec « Les doigts écorchés », elle nous a composé, avec grâce, un roman à la fois court et dense. Il s’agit d’une chronique intimiste de la Rock n Roll attitude qui sauve de l’autisme une adolescence en rupture avec le monde de l’enfance et en révolte contre les adultes : posters collés aux murs des chambres, look déjanté avec épingles à nourrice, vinyle des 45 ou 33 tours, plastic des minijupes, tournée avec les copains… Dans son premier Roman, la « fille gentille » est rattrapée par un amour perdu dont le film s’est estompé, ne livrant que des flashes et des images incertaines. Dans « Les doigts écorchés », le narrateur masculin renoue avec son adolescence et  la mémoire de son jeune frère décédé à 15 ans. Dans les deux romans, les souvenirs hantent les héros.  Le rapport  avec la musique y est sensuel et charnel.

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  • Michel JACQUET a confirmé son talent d’auteur de romans policiers. Après son premier roman « L’enfer Blanche »  et  son second « La rouste », il récidive avec «  Le Nervi », édité en septembre 2005 aux Editions « Autres temps ». La suite vient de paraître  avec la sortie d’un nouvel opus intitulé « Label Flic », dans lequel vous pourrez retrouver Le Nervi.

    Nous l’avons rencontré au Balcon marseillais du polar. Comme il s’agit d’un homme avenant et  modeste, il nous a conseillé l’ouvrage de son voisin de table, Jean-Louis Pietri, auteur de « Je de dupe » dont nous avons rendu compte dans un article précédent. Depuis lors, sans qu’il ne nous le conseille, nous avons lu son troisième polar « Le Nervi », préfacé par Jean-Louis Pietri. Dans La rouste, le héros nous disait : « Cette enquête est  la plus tordue que je mène depuis le début de ma carrière. Ce mec présente toutes les facettes à la fois ; c’est une anguille, un mirage, un fantôme. Il est identifié, logé et malgré toutes nos investigations mises bout à bout, nous n’avons rien sur lui sinon du vent, des peccadilles. Il va me faire partir à la retraite en lambeaux…  »  Dans le Nervi, la retraite est là et le « mec » est un chef de la pègre marseillaise, un dur à cuire sauf si, au fourneau, on y met un ancien flic inoxydable (ou in-occidable du verbe « occire »).  Laissons  donc Le Nervi se présentait lui-même : « Le Nervi, monsieur, c’est le surnom que mes amis m’ont donné pendant une trentaine d’années. Chez nous, en Provence, nous appelons comme cela les hommes forts, très musclés. Mais aussi les hommes qui aimaient, à l’époque, traîner autour du port à l’affût du moindre coup foireux. Et enfin, ceux qui aimaient le contact physique avec d’autres marlous… » Nous ajouterons, mais ce n’est pas le cas de notre héros, que, dans le reste de la France et selon le petit Robert (l’indic de La rousse),  un nervi est aussi un portefaix, un tueur, un homme de main. Si notre Nervi est un homme de main, il s’agit de la main de la Justice dont on sait qu’elle peut être immanente. Si on évoque la morale, celle du Nervi  n’est pas kantienne et il n’a pas l’intention de se couper les mains pour les garder propres. Ses mains lui servent à créer mais aussi  à boxer ou  appuyer sur la détente.

    Ancien flic de la Criminelle, Raymond Garcia, alias Le Nervi, s’était installé dans  sa retraite et la soixantaine passée. Avec ses mains de cogneur, il sculpte, dans le bois d’olivier et le cep de vigne, des objets qu’il vend sur un marché de Provence. Un jeune motard vient se jeter contre sa fourgonnette de forain.  Cela aurait pu être un simple accident de la circulation si les faits ne s’étaient pas passés sur un Parking et sous une pluie de plombs. Le Nervi aime la castagne et il n’est pas homme à se contenter d’un constat d’accident avec conduite du blessé aux Urgences. A partir de là, l’auteur construit son récit, thriller musclé comme son héros, et met en scène des personnages pittoresques. Le Nervi et sa bande hétéroclite d’amis livrent un combat sans merci contre un Chef de gang brutal et mégalo, qui, comme une grande marque d’eau minérale, a pour slogan « Il faut éliminer ! ». Et, en plus, lorsque certains policiers adoptent le « code d’honneur » des voyous plutôt que le code de déontologie policière, tous les coups fourrés sont possibles… Face à la pègre et à des ripoux, jusqu’où ira Le Nervi ?   Pour ceux qui aiment l’action, ils ne seront pas déçus. On ne s’ennuie pas lorsque l’on suit pas à pas ce héros,  justicier généreux aux méthodes peu orthodoxes mais efficaces. Et puis, de temps en temps, il est bon de montrer qu’il n’existe pas que  des bandits au grand cœur dans le monde romanesque.

    L’histoire est  virile  mais aussi humaine, au milieu des senteurs de Provence, avec des mots qui chantent (bàbi, espillé, engambi, à l’agachon, Té, je me casse, feignasse, fatigué du bulbe…). Elle est peuplée d’individus affublés de surnoms qui ne s’inventent pas : « Nasole », « Gisclette », « Le Criquet », « Le Mammouth »… Michel Jacquet nous offre un bon moment à passer, le soir notamment plutôt que de zapper devant le petit écran qui nous propose des séries policières fadasses. A quand le prochain roman de cet auteur  ou une adaptation télévisée du Nervi? Son Editeur dit de lui : « La cinquantaine ; il est flic, toujours en activité à Marseille. Il apporte avec beaucoup de simplicité et de pudeur, ses deux principales qualités : son expérience professionnelle (homme de terrain depuis 23 ans) et son propre style d’écriture ».

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  • Dans un article précédent, nous avions évoqué  Sarajevo.  Ivo Andric, écrivain croate, a écrit un très beau texte sur cette ville bosniaque dans le recueil «  Contes de la solitude » dont vous nous livrons quelques brefs extraits :

    -         « Vue d’en haut, cette ville vous parle par ses édifices, ses jardins, ses rue dessinées, inscrites sur les pentes des monts abrupts comme sur les pages d’un livre entrouvert. Devant nous surgissent les fragments embrumés de son passé. »<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

    -         « … à l’entrée même du défilé montagneux au fond duquel la Miljacka se glisse, comme un fil par le chas d’une aiguille… La ville s’élargit, embellit, surtout au cours des XVI° et XVII° siècles, tout en restant à la lisière du défile, telle une araignée devant la fissure d’où elle a surgit mais ne s’éloigne jamais complètement »<o:p></o:p>

    -         « Les anciens textes religieux serbes la nomment « Sarajevo, ville donnée par Dieu, »<o:p></o:p>

    -         «  Sarajevo possède ainsi deux aspects et deux visages, l’un sombre et sévère, l’autre lumineux et resplendissant… »<o:p></o:p>

    -         « … Ville aux anciennes et nobles traditions, ville de confréries artisanales, de conscience et de fierté civiques, ville commerçante où non seulement l’argent mais aussi le bon goût étaient respectés, ville où s’est développé le sens de l’ordre et de la beauté, d’une vie harmonieuse et heureuse… »<o:p></o:p>

    -         « … La mort n’y assombrit pas la vie, la vie n’y profane pas la mort. »<o:p></o:p>

    -         «  Quelle que soit l’heure du jour, quel que soit le lieu, quand vous regardez Sarajevo étendu à vos pieds, la même pensée surgit toujours, même inconsciente. Une ville est là. Une ville qui, en même temps, se transforme, agonise et renaît. »<o:p></o:p>

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    Cette ville n’a pas encore trouvé un Jean-Claude Izzo ou un Montalbo  mais, nul ne doute qu’elle est un lieu ou, comme Ivo Andric, les écrivains peuvent trouver une source d’inspiration littéraire. Dans notre article « Voyage en Croatie », nous avions aussi évoqué l’écrivain serbe Radomir Konstantinovic, notamment pour son ouvrage : « Philosophie du bourg », où il propose, par une approche philosophique, une analyse de l’évolution comportementale et sociale des sociétés modernes devenues citadines.   

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    C’est cette évolution que traduit souvent la littérature et notamment la Noire dont les intrigues sont le plus souvent situées en milieu urbain. Pour illustrer ce constat, nous avons trouvé et acheté un recueil de nouvelles édité par LIBRIO. L’opus s’intitule « Villes noires » et contient des nouvelles écrites par Didier Daeninckx, Thierry Jonquet, Michel Quint et Jean-Bernard POUY , quatre polardeux qui ( dixit l’Editeur) «  se sont imposés comme les plus grands auteurs contemporains du roman noir à la française, confirmant leur passions pour les gens simples et les engagements forts. »

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    Villes noires :<o:p></o:p>

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    Ce voyage littéraire en quatre récits nous invite dans les ruelles de Naples, sur les canaux de Hambourg (Nous dit-on…) et face à la géométrie parfaite des immeubles d’Ostende.

    Nous sommes avertis : « Vous ne vous promènerez plus en ville, comme avant. » L’accroche de la 4ème page de couverture est alléchante lorsque l’on y lit aussi : «  les capitales européennes tombent le masques et révèlent leur nature sauvage, débridée, mystérieuse… »  mais ne vous attendez pas à autre chose que de petites intrigues bien ficelées mettant en scène les  réseaux de trafic d’êtres humains, des crimes mafieux, des amours contrariés, des voyageurs sans bagages… pour les grandes villes européennes, vous irez  voir  notamment  Hambourg sur le catalogue d’une agence de voyages.

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    Dans la première nouvelle écrite par Thierry Jonquet , « Hambourg » est le nom d’une péniche dont le propriétaire est originaire de cette ville où ses parents sont morts sous les bombardements alliés pendant la deuxième guerre mondiale pendant lesquels il a lui-même était blessé et a perdu une jambe. Ce sera la seule allusion à la ville, car l’action se passe d’abord en Chine, puis sur les canaux entre Prague et Paris.  A croire que l’auteur ne connaissait pas assez Hambourg pour y situer l’action de sa Nouvelle et a su tourner la difficulté, mais l’astuce laisse sur sa fin le lecteur attiré par le titre de l’ouvrage et la quatrième page de couverture. Une « grande capitale européenne » ne peut être réduite à une péniche sans provoquer une certaine déception. Heureusement, Jonquet se rattrape en nous présentant des personnages intéressants : Dietrich, passeur de clandestins qui est un gros dégueulasse avec peut-être un reste d’humanité enfoui dans sa carcasse adipeuse et répugnante ; Lieu, jeune chinois à l’âme pure et Ginka , une jeune  prostituée paumée. Tous les trois glissent sur l’eau trouble des canaux. Dietrich est le maître à bord qui conduit les deux jeunes gens vers leurs noirs destins.   

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    Patrick Daeninckx est sensé nous amener à Ostende. En fait nous faisons  le voyage avec les parents de la mariée en partant de Bruxelles. Le mariage est à Ostende et le père, raciste ordinaire et nostalgique des anciennes colonies belges, n’arrive pas à accepter que sa fille y épouse un africain du Zaïre (ex Congo belge), qui l’a mise enceinte. Heureusement,  il peut se consoler d’avoir un fils Rodolphe, militaire et parachutiste belge. A Ostende,  la surprise viendra de ce fils et elle est de taille pour ce père issu de la grande bourgeoisie belge. Une occasion pour l’auteur de dénoncer ( encore et toujours) le racisme et le colonialisme.

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    Comme on est arrivé à Ostende, on y reste avec Michel Quint pour la troisième nouvelle intitulée « L’oiseau de  la Kermesse » et dédiée à la mémoire de Ronny Couteurre*. Quint nous sert « un petit plat en prose » à l’accent épicé de la Wallonie, « un hommage au noir des toiles d’Ensor* et à l’infernal théâtre de Ghelderode* ». Vous ne serez pas déçu par le style déjanté et le contenu, en lisant le récit de « Mieke », danseuse exotique dans un peep-show d’Ostende. Elle vient de perdre Voske, son vieil « imprésario », oiseau de kermesse,  bâtard des lendemains de fête, fils d’une amazone qui s’est fait engrosser au bal du Rat mort par le peintre Ensor et le dramaturge de Guelderode.  Pour apprécier la nouvelle de Quint, il faut connaître ces deux créateurs belges.

    James Ensor, peintre avant-gardiste, revendiquait une place pour le laid dans la peinture. Pour lui , la vie était une farce, les visages des masques derrière lesquels on trouvait des squelettes. C’était un artiste obsédé par la mort avec une vision pessimiste du monde mise en scène dans des fêtes et des carnavals. Il s’est rendu célèbre par son tableau provocateur : «  L’entrée du Christ à Bruxelles ». On peut citer aussi « Les Masques singuliers », « Ensor aux masques » ou «  Les squelettes voulant se chauffer ». Il est mort en 1949 et l’essentiel de son œuvre est antérieur à 1915.  

    Michel de Ghelderode est un dramaturge belge décédé en avril 1962. Il a beaucoup écrit (60 pièces  de théâtre, une centaine de contes, 20.000 lettres, des articles sur l’art et le folklore). Il est le créateur d’un univers noir, à la fois cruel et macabre, fantastique et grotesque. De son éducation religieuse à l’Institut Saint Louis de Bruxelles, il retiendra les rites et la magie, croyant plus au diable qu’à Dieu.  Il a écrit sur lui-même : «  Je me sens vraiment contemporain de ces gens du Moyen âge ou du pré - Renaissance. Je sais d’eux comme ils vivent et connais chacune de leurs occupations. Je suis familier de leur cerveau et de leur cœur comme de leur logis et de leur boutique. »  Ses pièces de théâtre ont été joués partout dans le monde. Bien que Flamand, il était d’expression française. Vous trouverez sa biographie et ses œuvres sur le site Wikipédia.

    Ronny Couteurre, on connaît sa grande et large carcasse débonnaire. Il a décidé de quitter le théâtre de la vie le 21 juin 2000 à Frétin. Il avait 48 ans et 30 ans de carrière de comédien, auteur, réalisateur et metteur en scène. Il animait une émission sur FR3 Nord Pas de calais «  Ronny coup de cœur ». On se souvient de lui dans « Les enfants du printemps » ou dans « Merci Bernard », « Les quatre-Vingt-Unards », « Marion et son tuteur » …  Il avait écrit un opéra « Les contes d’un buveur de bière » et faisait des one man show. Il avait baptisé sa maison « La ferme des Hirondelles ».

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    Nous quittons, dans un vol d’hirondelle, la Belgique pour l’Italie avec Jean-Pierre POUY qui nous amène à Naples pour la dernière nouvelle du recueil. Et même si une hirondelle ne fait pas le printemps, c’est le 31 mai que Chantal, héroïne, fête ses trente ans. Ses copains lui offrent deux places d’avion pour Naples et c’est  Bertrand (narrateur du récit) qui est choisi au hasard pour l’accompagner amicalement.  La nouvelle est intitulé «  Le soufre » , celui des solfatares de Pozzuoli et peut-être allusion à la sulfureuse Chantal… certainement aussi à l’air ambiant de cette ville : « A Naples. Le mythe. Un peu. Napoli. Le baiser de feu. Santa Lucia. Des conneries. Mais on y était…» A peine descendu de l’avion,  Bertrand est repéré comme le pigeon voyageur, proie choisie d’une arnaque bien napolitaine, donc plus folklorique que méchante.  Moins folkloriques sont les fréquentations de la mystérieuse Chantal et Bertrand l’apprendra à ses dépends.

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    NOTA BENE : Si vous aimez les nouvelles noires, « Villes noires » est bien de la littérature ferroviaire qui se lit rapidement pendant un voyage entre deux gares, entre deux villes… Mais si votre gare d’arrivée est Hambourg, Ostende ou Naples, il ne s’agit pas d’un guide de voyage, même si des illustrations dessinées par Olivier Balez accompagnent chaque récit. Par contre, si vous allez à Sarajevo, lisez le magnifique texte de Ivo Andric car il est bien mieux qu’un dépliant touristique.

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  • Jean-René Augè vit dans la région de Perpignan.  Lorsqu’on le rencontre, on s’attend  à ce  qu’il nous chante « que la montagne est belle … », avec son  « vrai » air de Jean Ferrat.  Mais c’est avec sa plume taillée dans le rabassou (cep de vigne en patois catalan) qu’il fait chanter les mots par grappes et qu’il nous trace le récit de Taïeb entre les rangées de vignes, lentement pour le bonifier comme du bon vin.  Trouillas est  un patelin viticole pas très loin de Perpignan, planté au milieu de mère Nature, toujours présente et vivante, avec sa « peau d’herbes sauvages », ses « naissances» de fruits et légumes dans les potagers sous « les yeux des maisons, timides »… Un coin du Sud de la France où le soleil « brûlait pareillement espagnols, gitans, arabes ou catalans ».   

    Taïeb y arrive à 15 ans avec sa famille. Son père y est embauché comme ouvrier agricole après une période de chômage dans la banlieue parisienne. Taïeb est un môme des cités banlieusardes avec des parents d’un « pays avant la France …  un pays qui portait la mer en chapeau et le désert pour chaussures, avec  des écritures comme des pas de mouches ivres qui allaient de droite à gauche » : l’Algérie. Il ne partage pas leur nostalgie ni leur Dieu qui l’empêche d’être ce qu’il est : un Français. « Mon père, dit-il,  parle de ses racines, des vieux de là-bas, de tous ceux qui ont fait notre histoire et j’ai envie de lui crier que je me fous de la graine… C’est là où elle tombe qui a de l’importance. Là où elle pousse et j’ai poussé ici. En France. »  Après quelques larcins commis plus par désoeuvrement que par cupidité, il découvre, dans un petit village du Sud de la France, la mer, la terre, l’amitié   et l’amour.  Il s’émerveille devant cette mer qu’il croyait immobile, comme sur les cartes postales,  alors qu’elle bouge et qu’elle chante : «  un drap tendu entre deux montagnes, bien accroché aux roches, avec un vent, dessous, prisonnier entre la terre et la toile, qui essaie de s’enfuir. Il souffle. Inutile. Le drap se gonfle. Il s’arrête. Le drap se creuse ».

    A Trouillas, malgré sa peau un peu plus marron que les autres,  le jeune beur décide qu’il est catalan et se baptise « Taïeb de Trouillas », une association, presque un titre de noblesse terrienne,  qui devrait l’enraciner  après avoir vécu dans une cité où le béton imperméable entretient le déracinement. Dés son arrivée, il rencontre son nouvel ami : Paulo , le fils du mas d’Avall, « un brave petit pas très porté sur les livres mais qui sait reconnaître le mildiou, la tavelure ou la cloque ». Et puis, apparaît son premier grand amour : Annie. Elle est grande, belle et fille d’un riche vigneron. Taïeb est petit, maigre et pauvre,  mais il est « de la race de ceux qui rêve grand » et il nous dit : «   Je suis pauvre, je rêve riche. Maigre, je rêve gros et même un peu costaud. Ca ne gâcherait pas. Et puis, je me réveille. Forcément, impossible de dormir une vie.» En lui offrant des fleurs volées, l’adolescent va-t-il conquérir sa bien-aimée, promise à Paulo?

    Il faudra lire le roman de Jean-René Augé pour le savoir.  Ce nouvel auteur du terroir catalan aborde, de façon originale, le sujet des jeunes beurs des banlieues parisiennes, mais aussi les mondes étrangers qui se côtoient : celui de la ville et de la campagne, celui des adultes et des enfants, celui des riches et des pauvres. Taïeb est l’un de ces jeunes beurs, étranger dans sa famille, étranger dans sa nationalité française, étranger dans la campagne catalane, étranger dans le monde des adultes, étranger dans sa pauvret酠 Il rêve sa vie, au lieu de la vivre.

    Trouillas est un village du Languedoc – Roussillon dans le département des Pyrénées orientales. Anciennement « Truliars »( An 844), l’étymologie de ce lieu fait polémique. Trouillas ex-Trullars pourrait venir de la racine catalane « « Trullas » ou « Trouill » du latin torcular, torcularis qui désignait un pressoir. Le mot s’est transformé en trohl ou trull qui est un pressoir ou un fouloir à raison. Mais pour d’autres, il s’agissait d’un pressoir à olives et le moulin à huile placé en décoration sur un parking pourrait appuyer cette thèse, comme, du reste le blason de Trouillas sur lequel quatre cercles symbolisent des pressoirs à olives. Le mot trull viendrait alors du latin torcu signifiant moulin à huile. L’orthographe du mot a varié selon les époques , passant de Truliares (18ème) à Trullas (1091), Trulares (1188), Locus de Trullares (1835), Trullas (1441), et  enfin Trouillas en 1742.  Mais ce n’est pas tout, « trulla » , toujours en latin, signifie « cuvette », vase à puiser le vin…

    Situé dans les Aspres ( qui signifie « sec et caillouteux, âpre en catalan), ce village du contrefort des Pyrénées est  entre la mer et la montagne, avec des alentours entièrement plantés de vignes et où l’on découvre plusieurs mas dont les plus importants sont le Mas Deu (ancienne commanderie des Templiers puis centre d’un important domaine viticole appartenant à la famille Durand avant d’être morcelé au 20ème siècle), le Mas de Canterrane ( du nom de la rivière qui traverse le village et qui ne coule que lors de fortes pluies),  et le Mas Conte. Toute l’histoire de Trouillas est liée à la vigne introduite par les Grecques au 13ème siècle avant J.C . C’est là qu’est né le Vin doux naturel au 13ème siècle. On y a soigné des cépages blancs (macabeu, grenache blanc et gris) et des rouges (syrah, grenache noir, carignan, mourvèdre et cabernet sauvignon) puis au 20ème siècle, est apparu le chasselas.

    Nul doute que Jean-René Augé est du coin et qu’il sait reconnaître le mildiou, la tavelure et la cloque. Nul doute aussi qu’il aime Trouillas qui nous vaut quelques beaux passages avec un lyrisme sans emphase. Il écrit sans phraséologie, donnant ainsi au personnage de Taïeb toute  son épaisseur dans le « je » crédible du héros narrateur. Son livre a été d’abord édité par Les Editions Manuscrit qui ont accepté la résiliation du contrat d’édition et il est donc propriétaire des droits d’exploitation, de diffusion et d’adaptation audiovisuelle de « Taïeb de Trouillas » que l’on peut trouver à la FNAC de Perpignan et à la Librairie Privat, 10 rue du docteur Pous,  toujours  à Perpignan. 

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