• Corsité versus corsitude
    Dilemme, roman de Pierre LEPIDI

    " Dilemme " est un roman noir sans meurtre et sans enquête policière. Le héros de l’intrigue est un jeune journaliste. C’est surtout le récit de l’amour filial tel qu’il est vécu par un Corse. La Corse est une île, c’est-à-dire un vaste bateau ancré dans la Méditerranée. C’est à la fois un enfermement et une invitation de l’esprit au grand large. Le père du héros vit ses derniers jours dans son petit village de la côte orientale. Ses voyages, il les fait à travers ses lectures, se retranchant en fin de vie dans une chambre - bibliothèque. C’est ce père, "érudit et passionné des mots ", qui va entretenir avec son fils des liens intellectuels et qui, dans le souffle de vie qui lui reste, ira chanter un long chjam’e rispondi à Casamacccioli pour la foire du Niolu, scandant ainsi sa fierté d’avoir un fils journaliste chez "grands reporters ", dont il possède tous les exemplaires depuis le premier du 23 janvier 1944. " Il n’avait de l’admiration que pour les poètes, les écrivains, les journalistes, bref tous ceux qui vénéraient la plume ". C’est l’amour filial fusionnel qui poussera le fils à vouloir réussir sa vie professionnelle loin de la Corse tout en restant solidement enraciné dans son île.

    La corsitude est faite de liens charnels, passionnels et intellectuels. C’est ce sentiment d’appartenance à une famille, une histoire, une terre et une culture qui légitime la revendication de la corsité. En Corse, l’enracinement est aussi celui d’un arbre généalogique qui unit les générations au-delà de la mort. En refermant " Dilemne ", me sont venus les quelques vers du refrain de la chanson Rivecu écrite par Jacques FUSINA et chantée par I Muvrini.
    En préambule Jean - François Bernardini nous dit : " Quand les chansons se souviennent de la première pierre, du premier pas, elles ramènent nos voix vers un petit village de Haute-Corse : Tagliu Isulaccia. Là, encore enfant, autour d’un établi de menuisier, mon père nous apprenait son chant, son chant d’amour, mais, ce chant ne se dit pas… RIVECU !... et nous vous livrons le refrain :

    Le soleil s’est couché......................................................U sole s’hè ciuttatu
    Il y a longtemps déjà.......................................................Ch’hè une pezzu ad avà
    Mais quelque chose demeure.......................................... Ma s’hè vivu li fiatu
    Où je t’entends parler......................................................E ti senti parlà
    Mais quelque chose demeure...........................................Ma s’hè vivu li fiatu
    Où je te revois mon père…..............................................Et ti rivecu ô Bà…

    C’est ce "quelque chose " qui fait tout. C’est ce quelque chose qui explique la communion charnelle et intellectuelle d’un Corse avec son île peuplée de vivants et de morts. C’est ce "quelque chose " qui fait vivre chez le fils ce qu’il y avait de meilleur chez le père. C’est ce "quelquee chose " qui déterminera son humanité par héritage. C’est ce "quelque chose " qui fait de nous, de père en fils, des passeurs. Dans le roman de Pierre LEPIDI. C'est ce "quelque chose " qui créera le dilemme et forcera au choix.

    Notre héros débarque donc à Paris en stage chez "grands reporter " et fait d’abord équipe avec un jeune aristocrate pour trouver un scoop qui leur permet d’obtenir les deux seuls CDD offerts aux stagiaires par le journal, juste avant le départ à la retraite d’un vieux journaliste et ainsi la promesse d’un CDI pour l’un d’eux. Les deux journalistes en herbe entrent alors en concurrence. Pendant que l’aristo prend de l’avance, notre Corse s’égare dans l’érotisme et les produits illicites avec la sulfureuse Nathalie, plutôt nympho et adepte du piercing. C’est un premier amour d’adulte et un moyen d’échapper à la Cursità, ce mal du pays qui rend l’exil douloureux. C’est aussi une débauche parisienne qui, moderne, l’éloigne de la Corse. " J’estimais, dit-il, que l’écart entre le monde people et déjanté de Nathalie et celui de mon petit village était bien trop grand ". Et puis, son père décède et c’est par devoir de mémoire qu’il va se battre pour évincer l’aristo et obtenir le poste bientôt libre. Pour cela, il lui faut un scoop et un renseignement l’entraîne à Nice où un truand (qui finit toutes ses phrases par " d’enculé ! ") lui remet des fausses factures relatives à des malversations municipales… Malheureusement un entrepreneur proche de son père est trempé jusqu’au cou dans ces magouilles.

    Notre journaliste doit-il aller jusqu’au bout ou renoncer à cette enquête journalistique prometteuse ? Quelle est la bonne réponse au dilemme qui s’installe en lui ? L’auteur nous parle de cette fracture existentielle qui peut être ressentie par un jeune Corse exilé, tiraillé entre sa culture et son avenir professionnel sur le continent, entre la modernité du monde et les valeurs ancestrales de la Corse. Et puis ce sentiment parfois d’être fautif lorsqu’un ami lâche : " Tu es devenu pinz’ ou quoi ? ". Ce reproche est devenu une réalité pour les Corses de la diaspora lorsqu’ils ont découvert dans la bouche de leurs compatriotes le terme d’empinzzudés (signifiant francisés) employé à leur égard.

    Extrait : " Quand je rédigeais un papier ou une enquête dans les colonnes de Grands reporters, je pensais à mon père. Je le faisais pour lui. Parce que je savais qu’allongé dans sa mansarde, au milieu de son univers fait de livres et de timbres, il me lirait. Je l’imaginais, tournant lentement les pages de sa revue favorite à la recherche d’un article signé de ma main. En écrivant face à mon écran d’ordinateur, je le voyais en train d’esquisser un sourire, de chausser ses lunettes puis de plisser son front avant de commencer la lecture… "

    Dilemme a fait l’objet d’un entretien de l’auteur avec Joël Jegouzo dans un article consacré aux Editions Albiana sur le site Noircommepolar.
    Pierre LEPIDI a dit (redondance involontaire et qui aurait eu un effet ludique s’il se prénommait Jacques) : " Pour ce qui est de Dilemme, je rêverais qu’il sorte en langue corse… Les thèmes qui y sont abordés sont ceux de l’exil, de la passion amoureuse et des choix difficiles que nous impose parfois la vie. Ils sont donc universels. Si le livre pouvait un jour être également traduit en wolof, en allemand ou en arabe hassanya : je serai vraiment très fier. "

    Pierre LEPIDI est un ancien élève de l’Institut des Médias ISCPA de Paris. Journaliste, il travaille depuis 1995 au service des sports du quotidien national LE MONDE. Voyageur et passionné du continent africain, il a publié des récits de voyages : Les carnets d’Afrique en 2004 chez Polymédia (intégralement au profit de l’association Frères de foot qu’il préside) et Nouakchott – Nouadhibou en 2005 chez Ibis Press (illustré par des photographies de Philippe Freund). Avec un autre photographe, Clément Saccomani, il a participé à une exposition de photographies et de reportages sur l’Arménie qui a eu lieu à l’institut français de Budapest du 26 octobre au 30 novembre dernier.
     


    Invitation au trépas, traduction du premier polar en langue corse :
    " Saïonara ! U salutu di a morte "


    écrit par Jean – Marie COMITI

    Invitation au Trépas est le premier polar de Jean-Marie COMITI dans la collection Nera des Editions Albiana. Il l’avait écrit en langue corse sous le titre " Saïonara. U salutu di a morte " et signé sous son identité corse Ghjuvan Maria Comiti, chez le même éditeur en 2002, avant la création de la collection Nera qui remonte à 2004. Le titre de ce premier polar en langue corse est accompagné de " Saïonara " et on retrouve ce salut nippon pour la traduction " Invitation au Trépas ".

    Si je regarde l’évolution du héros du polar, lorsqu’il est policier, en France et plus généralement en Europe, il a la cinquantaine : l’âge des bilans et de la prise de recul sur soi-même et sur la société. Il est désabusé mais adepte, faute de bonheur possible, de petits plaisirs culinaires ou autres, fatigué mais tenace, mais sans illusion. Cette lucidité désenchantée le conduit à la solitude. Il est aussi un homme de devoir se jouant des peaux de banane et des pressions hiérarchiques et politiques. Il peut être mélomane, philosophe ou lettré. Il a des fêlures dans sa vie privée. Les héros du polar d’aujourd’hui sont plus dans la lignée d’un Maigret que d’un San-antonio mort avec son créateur. Ce sont des flics encore plus nonchalants que leur prédécesseur (Maigret). On pense bien entendu à Fabio Montale mais aussi à Pépé Carvalho ou au commissaire Montalbano qui vieillit dans la fiction. Aujourd’hui, on pourrait parler de " Tortue – attitude " chez l’archétype du flic dans le polar européen. C’est sans doute du à un besoin inconscient de cette lenteur que nous refuse le modernisme.

    Le héros de Jean-Marie Comiti, l’inspecteur sicilien Cordilione est dans cette lignée européenne. La belle cinquantaine grisonnante, habité d’une force tranquille, il vient d’être blessé par balle lors de sa dernière enquête. Sa blessure le fait boiter. A la mairie de Palerme, il reçoit une décoration sollicitée, pour lui, par le commissaire Desantis, un homme autoritaire, considéré comme droit et honnête, un chef de service pragmatique et attentionné avec ses subordonnés.

    Notre inspecteur "cœur de lion " n’a rien d’un super flic. Il a ses phobies et notamment celle des ascenseurs, des bateaux, des ordinateurs… Il a sa fracture intime : un divorce qui a laissé une profonde amertume sur son passé amoureux. Toutefois ses faiblesses n’empêchent en rien sa pugnacité et sa ténacité lorsqu’il s’agit de mener à son terme une enquête euclidienne. " Cordilione se fiait toujours à son intuition et lorsqu’il ressentait ce picotement qui partait du bas des reins et remontait jusqu’à la nuque, il se disait alors qu’il fallait dérouler le fil et se laisser conduire. C’est ce qu’il fit ". Dans tous les cas, il enfourche sa vielle Lambretta capricieuse entre deux réparations chez son garagiste.

    Le récit commence par le comportement fou d’un certain Denis Benediri, avionneur sicilien fortuné qui agresse un vigile de sa propre banque et se fait descendre en présence de celle qui devient sa jeune veuve. Notre inspecteur Cordilione est chargé de l’enquête au cœur des secrets d’une société sicilienne troublante. L’affaire se complique par l’enlèvement du fils de feu Benediri avec une demande de rançon et apparaît de plus en plus machiavélique lorsque le fils est découvert mort chez un détective privé devenu introuvable. Et puis, au milieu de tout cela, notre Cordilione ne chevauche plus seulement sa vieille Lambretta et succombe à la croupe de sa provocante collègue Lydia. Bien sûr, nous ne dévoilerons pas l’épilogue de cette intrigue digne d’un Hercule Poirot. La recherche de la vérité conduira notre fin limier sicilien dans les îles voisines, Sardaigne et Corse.

    Une particularité dans le récit : une voix -off moqueuse (s’exprimant en vieux français) y est une présence fantomatique du bon sens et de l’humour aux côtés de l’inspecteur Cordilione.
    Une âm’ errante hanterait-elle notr’ héros ?
    La question valait bien un alexandrin boiteux.

    Extraits : " Cordilione exerçait son métier avec passion. Plus les choses étaient compliquées, plus il y trouvait du plaisir. Il se raccrochait au moindre élément d’un problème, l’examinait sous tous les angles, essayait d’en tirer un quelconque indice jusqu’à ce qu’il lui donne un sens et rende compréhensible une situation… Pour lui, le regard en disait toujours plus que les mots sur la personne et c’était cela qu’il observait avant tout. "

    Jean-Marie COMITI écrit aussi des nouvelles et des essais. Chercheur en linguistique, sociolinguistique et sciences de l’éducation, maître de conférence, il enseigne à l’université de Corte. A ce titre, il s’est totalement impliqué dans l’enseignement de la langue corse depuis plusieurs années. Il a écrit notamment un ouvrage sur le sujet en 2005, " La langue corse entre chien et loup " préfacé par le poète Jacques FUSINA, aux Editions L’Harmattan. Il y analyse les causes multiples de la disparition des idiomes de la langue corse. Ses observations ont donné lieu à de nombreux débats insulaires sur des thèmes récurrents : origines de la langue corse, sa place dans la famille romane, son statut scolaire, sa place dans les médias et la société…
     
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  • Collection Nera des Editions Albiana :
    Deux auteurs corse
    Jean-Pierre SANTINI et Alexandre DOMINATI




    Lorsqu’il avait été interrogé sur la création de la collection Nera, Bernard Biancarelli avait déclaré que les romans de cette collection étaient "sans concession souvent pour le petit monde dans lequel nous vivons, mais ce qui, selon moi, les caractérise, c’est qu’ils ont laissé de côté le victimisme et le désir de justification, le pamphlet ou l’explication de texte, notamment du "problème corse ", qui sont autant de perte de temps et qui éloignent fatalement de la littérature ". Il avait ajouté plus loin "le Made in Corsica est un clin d’œil, un appel effectif à réagir au cliché. Ce qui fait la différence, c’est que les textes publiés, eux, ne trempent pas dans les clichés éculés. " Et sur le roman "isola Blues " de Jean-Pierre Santini, il avait répondu : " Il (le roman) crée un lien et du sens dans une société qui, en retour, se définit souvent en fonction de ses productions littéraires. Il est éminemment politique, au sens noble du terme. Si l’on comprend certaines choses profondes sur la Corse en lisant Isula Blues, c’est qu’il est un vrai roman (le bel oxymore !). "

    L’éditeur de la Collection Néra avait affirmé que les romans y étaient en majorité courts pour un problème de calibrage, en ajoutant : " … S’il fallait quelques pages de plus, nous ferions en sorte de publier tout en gardant une fourchette de prix au plus bas" et c’est chose faite avec le troisième polar de Jean-Pierre Santini : " Nimu ". Le texte fait 402 pages au prix maintenu de 12 euros.



    Jean-Pierre SANTINI

    Jean-Pierre Santini se décrit comme un militant parmi les autres. Il situe l’intrigue d’Isula Blues dans son village natal, Barretali (un village mourant, déplore-t-il) où il est revenu vivre, après trente ans d’absence. Il décrit la Corse qu’il a retrouvée : une île abandonnée dans sa désolation et ses habitants dans leur solitude. " Ici les hivers sont blancs ", dit-il. Alors lui, pour noircir les pages hivernales, il décrit ce désert humain et cette identité corse qui se désintègre. Pour lui "les romans naissent des faillites de l’histoire ". Après des années de militantisme engagé qui a commencé avec la création du FNLC, il a écrit un livre intitulé " Front de Libération Nazionale, de l’ombre à la lumière ". " Nimu " est son troisième roman dans la collection Nera des Editions Albiana. Il écrit sur les Corses parce qu’il est engagé dans la survie de son peuple, dit-il. Il nous offre des passages au lyrisme inspiré et donne chair à des personnages désespérés ou désespérants. Ses ouvrages recèlent la pensée sans concession d’un militantisme qui pousse à la réflexion. Dans Nimu, le constat est amer : "… ce pays (la Corse) n’a jamais écrit sa propre histoire. Il a appris à résister à celle que ses envahisseurs successifs ont voulu lui imposer. C’est comme une histoire en négatif, qui, à une exception près, assez brève, n’a jamais pu se révéler et permettre aux Corses de se révéler à eux-mêmes. Dès lors, l’affaiblissement constant de l’affirmation identitaire était trop souvent compensé par une exacerbation nationaliste de plus en plus vide de sens. "

    Cet auteur corse, avant la collection Nera, écrivait déjà. Il est publié depuis 1967, avec un premier roman "le non-lieu " aux Editions Mercure de France. Nous avons cité son ouvrage sur le FNLC publié en 2000 chez l’Harmattan. Entre 2001 et 2003, cinq ouvrages ont été édités par l’Editeur Lacour : Corse, un froid au cœur, Petite anthologie du racisme anti-corse, Pour une assemblée nationale provisoire, Un petit commerce de nuit (roman), Indipendenza : Pour une Corse libre, démocratique et sociale.

    L’auteur illustre par ses ouvrages les commentaires de l’Editeur sur la collection Nera. Dans le même article de Joël Jegouzo, il avait été interviewé et s’était un peu livré, se définissant comme "un militant parmi les autres ". Depuis la création de la collection Nera, il a écrit trois ouvrages : Corsica Clandestina (2004), Isula Blues (2005) et Nimu (2006). Le militant est aussi un écrivain à suivre ou à découvrir.
     
     
    Corsica Clandestina (2004):

    Corsica clandestina vient un an après la publication du livre " indipendenza " : pour une corse libre, démocratique et sociale " et un deuxième roman "un petit commerce de nuit " en 2003. Son premier roman "Le non-lieu " a été édité en 1967. Le titre de "Corse clandestine " situe le contexte de l’intrigue.

    La réalité corse :
    Le 5 mai 1992, à 20 h 20, la tribune nord du stade de Furiani, montée en moins de quinze jours pour accueillir un maximum de spectateurs lors de la demi-finale de la coupe de France de football entre l'Olympique de Marseille et le Sporting Club de Bastia, s'effondre. La catastrophe fait 16 morts et 2 326 blessés, dont une quinzaine très lourdement handicapés.
    Un militant nationaliste, Robert Sozzi, dénonce publiquement l'attitude des dirigeants bastiais, en reprenant les griefs exprimés mezza vocce par les familles des victimes. Sozzi parle fort. Sozzi parle juste. Sozzi parle trop. Le 15 juin 1993, il prend la route depuis son village pour descendre travailler à Bastia. Un commando l'attend dans un virage et l’assassine : un avertissement clair aux détracteurs de Jean-François Filippi . Au lendemain de Noël, le 26 décembre 1994, il sort de sa maison de Lucciana. Il doit se rendre à l'aéroport, dont on aperçoit les lumières en contrebas. Il va signer à Sarcelles un contrat portant sur l'élimination des ordures ménagères de l'agglomération bastiaise. Mais la date de son voyage a été ébruitée. Jean-François Filippi se trouve encore sur le pas de sa porte lorsqu'un coup de feu, un seul, retentit. L'homme s'écroule, tué par un tireur embusqué, disposant apparemment d'un fusil à visée infrarouge. Trois jours plus tard, le soir de ses obsèques, le FLNC -Canal historique réplique à l'aveugle, en supprimant un autre dissident nationaliste, Franck Muzi: Comme son ami Sozzi, il avait osé dénoncer l'affairisme de Filippi et du SCB. Cette série de meurtres n'a jamais été élucidée. Et les assassins - nationalistes, mafieux ou les deux - courent toujours.

    La fiction de Corsica Clandestina :
    Sylvestre Soler, entrepreneur et président de l’Athlétic club de basket, est responsable de l’effondrement d’une tribune du stade de Casaluccia, agrandie à la hâte pour la finale de la coupe d’Europe des vainqueurs de coupes contre l’équipe yougoslave de Belgrade. Matea Bozzi, rendue veuve par ce drame, a constitué un comité des parents des victimes pour exiger que la justice soit rendue. Le leader du FNLC, Vincent Franchi soutient Sylvestre Soler, maire de la commune et bailleur de fond pour la formation clandestine. C’est l’émergence d’une dissidence, organisée par des scissionnistes purs et durs. Sylvestre Soler est assassiné sur la route de l’aéroport par un tireur embusqué. Entre nationalistes, la machine d’une guerre fratricide s’emballe. Dans un climat social et politique explosif, l’auteur décrit leur justice expéditive. Il dresse une série de portraits plus vrais que nature, acteurs d’une vendetta nationaliste sans pitié.

    Extrait : " On ne dira jamais assez la fragilité du monde et ici plus qu’ailleurs sur les îles dérivantes bercées de sels et de lumières. La lenteur du temps donne des poètes égarés, des leaders charismatiques, des politiciens véreux et des foules infatigables sensibles aux mythes obscurs de la nation. "
     

    Isula Blues (2005):
     
    Dans Isula Blues, Jean-Pierre Santini décrit la Corse profonde : un village perdu où les solitudes se côtoient, s’évitent et parfois s’épient. Sorties du village, des âmes maquisardes errent sur les sentiers de terre et de rocaille où l’on perçoit le drame sourdre. La mort rode et cherche sa proie… Un père et son fils, un commissaire fasciste à la retraite, une femme aussi belle que libre, un amoureux plus âgé qui n’ose pas se déclarer… Chacun a ses fêlures, ses faiblesses, ses névroses dans une Corse désertifiée où le temps épuise la vie et pousse à la mélancolie. Des vies se prennent dans la toile d’araignée que constitue ce récit construit sans espoir et de main de maître (du destin). Le ludi magister vous réserve une fin à la fois tragique et belle : un amour posthume donc éternel.

    Extraits :
    " Cette île est un pays sans retour. Restent les chemins de terre où les pas se font rares et des maisons qui ferment les unes après les autres. Alors, les regards se tournent vers l’intérieur ".
    " Dominique craint parfois que la vie de son fils ne soit à l’image de la sienne. C’est que le pays est fermé. Mais ceux qui prennent le risque de l’évasion n’y reviennent jamais intact. Ils continuent de voyager. Dans l’absence. Comme des touristes que la lumière dissipe aux marches de l’été. Ceux qui restent s’exercent à la mélancolie sans jamais s’émouvoir de leur sort. Quand on est d’ici, l’orgueil commande. On apprend à vivre seul, à exister seul, à se battre seul, à ne jamais aimer s’il le faut puisqu’il n’y a plus personne. "
     

    Nimu (2006)

    Personne, " Nimu ", est le titre du nouveau roman de Jean – Pierre Santini qui, dans la 4ème page de couverture, nous dit, comme un avertissement : " Personne ne peut y échapper… " Echapper à quoi ? Au vertige de la "la mise en abîme de cette Corse à la dérive ".

    Le récit s’ouvre sur un lendemain de cataclysme qui, en 2033, a ravagé la région du Cap corse, champ de ruines peuplé par les morts. Le commissaire Yann Caramusa, enfant du Pays et flic dans la lignée d’un Sherlock Homes, survit au désastre et, en professionnel, évalue les dégâts puis trouve quelques feuillets écrits soigneusement par Michel Casanova sur L'Etat clandestin de la Corse ( une prêche enflammée sur la responsabilité collective du choix du régime des ombres). Quel rapport existe-t-il entre ce cataclysme et l’assassinat de Pétré Céccé, ce curé de campagne soutenu par un quarteron de paroissiennes zélées et quitté brusquement par sa gouvernante, Maria Maddalena Felici, en 2000 ? Quel lien peut-il y avoir avec une Corse clandestine omniprésente? En ce temps – là, Polo était l’amant d’Alice. Il était chargé de la collecte des ordures dans un village ou chaque maison "mais aussi d’autres endroits les plus anodins éveillait quotidiennement la mémoire… Les souvenirs les plus persistants correspondaient à des faits ou des récits dramatiques… "

    L’auteur nous plonge dans un huit-clos Sartrien d’une Corse désertée où, gardiens de hameaux éparpillés, les derniers habitants, comme piégés, tournent en rond dans le vide de leur existence solitaire jusqu’à perdre les mots, comme Alice qui oublie son nom et celui des choses devenues des innommables. Innommables ! On pense au passage sur le canapé dans la Nausée de Sartre, mais le propos est tout autre. Le roman de Sartre fait de la nausée la prise de conscience par Roquentin de l’existence des choses et de sa propre existence alors que l’auteur de Nimu décrit chez Alice un processus inverse : celui de la perte du sentiment d’exister dans une île à la dérive, face à un abîme vertigineux. Roquentin affirme son existence qui l’atteint de plein fouet et l’envahit. Alice s’étiole dans la solitude qui ronge ses souvenirs jusqu’au plus profond de son être. L’existence la quitte et ne renvoie aucun échos à ses cris désespérés face à la beauté vide de la Nature. Sans véritable histoire d’amour, quel avenir pouvait avoir son couple avec Polo disparu en 2033 et, avec qui, elle avait l’impression d’avoir vécu une suite de vies minuscules… "le temps était devenu perceptible, presque pâteux, au point qu’ils s’étaient résigné à se dire le moins de choses possibles, tout juste le strict nécessaire pour marquer leur raison d’être encore là, presque sans mémoire, dans un monde vacillant ". Et puis, l'esprit de Polo se refuse à la complicité d'un monde qui se déshumanise et il s'enfonce dans l'inconnu pour trouver du nouveau...

    Autre extrait : " On vivait une ère d’errance. Les uns passaient à proximité immédiate des autres comme des objets mobiles, extraordinairement neutres, glissant en orbites lentes dans une sorte de nomadisme intersidéral. Il semblait que l’on se fut lassé de tout et des mots par-dessus tout. Depuis bien longtemps d’ailleurs, il n’y avait plus de littérature. La communication sociale en était réduite à quelques consignes utiles. "
     
    Jean-Pierre Santini ne nous a pas tricoté un récit pour nous tenir chaud l’hiver. Il défait maille par maille l’armure de l’égoïsme qui, comme une camisole, enferme chaque Corse et ses habitants les plus vulnérables dans la solitude et le silence d’une île à l’abandon. Et si, en 2033, la Corse connaissait un cataclysme ! Si ce silence et cette solitude étaient eux-mêmes ensevelis ou noyés sous un Tsunami ! Que resterait-il ? La constatation du désastre, de la catastrophe naturelle. La Corse mourante euthanasiée par une Nature qui, pillée et négligée, se déchaîne. Cette idée tragique, autant que celle d’une mort lente, devrait pousser à la réflexion et à l’action militante, dans le sens noble du terme.

    Dans le recueil de Nouvelles "Corse noire " (collection Librio), un autre auteur corse, Jacques Mondoloni, avait déjà écrit un récit apocalyptique sur la Corse : Le dernier Corse. Le seul survivant y est un prêtre qui refuse de quitter la Corse sous les bombes incendiaires d’une armée envoyée par un pouvoir qui a décidé de couler l’île, comme l’on coule un vieux rafiot devenu inutile. Avant de mourir le curé écrit son journal. Il s’appelle Pascal Géronimi, de père corse et de mère anglaise. Il se raconte pour expliquer son choix de rester en Corse et d’y mourir en dernier témoin. Nous avons relevé ce passage final : " La terre ne fait que vibrer, et cette fois, je comprends pourquoi : la montage s’affaisse, je découvre l’abîme, des abysses vertigineux, des puits sans fond qui se remplissent de liquides et fusent comme des volcans : la Corse a été minée… ". Plus loin : " … Le Cap corse se décroche de son socle – On dirait une immense caravelle dérivant sur la mer. " On y retrouve des mots du roman " Nimu " : abîme, vertige, dérive… des mots qui provoquent le malaise.

    La Corse est-elle minée par la solitude et le silence qui, peu à peu, font disparaître le sentiment d’exister puis l’existence elle-même, plongeant un peuple et sa culture dans le néant ? Les Corses sont-ils progressivement amputés de leur corsité, dissoute dans un océan d’indifférence ?

    Dans Nimu, le Curé du village a été tué, 33 ans avant un cataclysme. Pendant cette longue période, des lieux de culte disparaissent, la mort se désacralise... Quel sens donner à la Corsité, si les morts disparaissent comme éclatent des bulles de savon ? Si chaque décès n’est plus un arrachement, une plaie dans l’utérus social du groupe? Quelle histoire pourrait s'écrire sans lien entre les vivants et les morts ?

    Et nous nous interrogeons... Un jour viendra-t-il où l’on n’aura plus besoin de livres pour mourir ? N’y aura-t-il plus, en Corse, de mère pour enterrer leurs fils en récitant des stances venues de la nuit des temps?... " Ghia ! Mon fils, va sous cette terre, ta nouvelle mère aux vastes séjours, aux bonnes faveurs ! Douce comme laine à qui sut donner, qu’elle te garde du néant ! Terre corse ! Forme voûte pour lui et ne l’écrase point ; Reçois-le, Terre, accueille-le ! Couvre-le d’un pan de ta robe comme une mère protège mon fils… " Cette incantation inspirée du védisme prend toute sa signification sur l’île de beauté où la mère doit rester la déesse de la famille, celle qui assurait la cohésion, la protégeait et la nourrissait. N’y aura-t-il plus de transmission orale, plus de généalogie entre les vivants et les morts?

    Passer de l’ombre à la lumière ! Donner du sens à une résistance millénaire ! Porter son devoir de mémoire et le transmettre ! Faire peuple ! Entreprendre dans les situations les plus désespérées ! Sans doute, des exigences pour que les Corses écrivent enfin leur propre histoire et irrisent leurs hivers blancs.

    Nimu (Personne), le terme polysémique exprime tout et rien. Une personne est un tout humain avec son identité. Personne, c’ est aussi sa négation, son rien. Sorti de la sémantique, entre le rien et le tout, il y a ce que, ensemble, nous y mettons d’humain et c’est de cet intervalle textuellement transmissible que dépend l’histoire d’une famille, d’un village… la survie d’un peuple et, au-delà, de l’humanité.

    De Corsica Clandestina à Nimu, Jean-Pierre Santini nous invite, dans des récits construits et denses, à fouiller notre horizon noir. Lorsqu’on le questionne sur celui du peuple corse, il se dit toujours porteur du projet de Consulta Nazionale, projet ambitieux qui permettrait de passer de l’ombre à la lumière, de "faire peuple ". Mais, à partir de la singularité corse, il fait la cosmologie de l’agonie d’une culture, d’une langue, d’un peuple… En ce sens, il rend le drame corse universel. Il lui arrive de citer Paul Valery, grand poète français de père corse et de mère italienne, qui nous a appris que les civilisations étaient mortelles. Il nous parle de nos peurs, des sociétés qui fonctionnent sans nous, du cours trop tranquille d’une vie où l’existence diaphane se dilue en attendant un déluge final. Il incitera peut-être les Corses à faire de leur île l’arche de Noé d’une identité culturelle menacée.
     
    Pour reprendre les mots de Bernard Biancarelli, le roman "crée un lien et du sens dans une société qui, en retour, se définit souvent en fonction de ses productions littéraires. Il est éminemment politique, au sens noble du terme. " Jean-Pierre Santini, qui, selon Joël Jegouzo de NCP, "travaille au corps une société en perdition ", invente des histoires qui ressemblent à la vie plus que la vie elle-même, sans doute parce qu’il est un arpenteur du réel. " Nimu " est un roman noir d’anticipation sans concession au chauvinisme béat et aux clichés. Deux enquêtes, deux époques s'imbriquent à 33 ans de distance. C'est donc aussi un polar et plus encore. Il s’inscrit dans la ligne éditoriale définie par son éditeur pour la collection Nera : une collection dont la qualité semble être une constante depuis sa création en 2004. C’est aussi vrai pour Alexandre DOMINATI.


     
    Alexandre Dominati

    Alexandre Dominati est formateur dans l’aéronautique. Lorsqu’il a les pieds sur terre, il invente des histoires entre l’île et le continent, entre passion et raison, entre croyances irrationnelles et lucidité… Aussi dans le jeu des passions, nous offre-t-il de beaux passages qui enchantent et des intrigues qui ensorcellent, sans donner la part trop belle à la raison, car les grands mystères de la nature humaine sont plus insondables que les petits mystères des affaires criminelles. Cet auteur de la collection Nera a déjà commis deux romans noirs : Le cerisier et Le loup.

     
    Le cerisier (2004)

    Alexandre DOMINATI allume la mèche de son premier roman " Le cerisier " par un incendie comme la Corse en connaît trop souvent. C’est le baptême du feu pour le pompier Simon qui échappe au brasier mais va brûler d’une autre flamme. Hélène a été élevée par sa grand-mère Zia Catalina, surnommée " Les yeux " (Cucchi), parce que, dit-elle, elle regarde le soleil dans les yeux, comme dans une boule de cristal. Malheureusement, son père est un vaurien, qui, entre deux séjours en prison, leur pourrit la vie, jusqu’à vendre sa fille au rejeton d’un bandit proxénète et violent. Et puis, heureusement, il y a Schwartz, le bon adjudant alsacien… Voilà les principaux éléments d’un drame qui serait resté familial et villageois si la belle Hélène n’avait pas disparu et si Zia Catalina n’avait par convaincu Simon qu’il était l’Archange Gabriel. Il s’envole pour Paris avec une mission: y sauver sa belle Hélène. Mais, pourquoi le titre " Le cerisier " ? A vous de le découvrir…

    Extrait : " Simon possède une force qui n’a nul besoin ni de preuve ni de raisonnement d’aucune sorte. Une force extraordinaire ; elle absout ou condamne sans appel, pour un mot, un geste, trois fois rien. Cette force chasse, et la logique, et le droit. Intime, elle côtoie le divin, elle est donc irréfutable. Elle s’affranchit de tous et de tout, elle " est ! "

     
    Le loup (2005)

    L’entame du roman " Le loup " est l’arbre généalogique de la famille Doménica, qui, sur quatre générations, n’a donné qu’une fillette née de André Doménica et Odile Garonne. Quels lourds péchés leur grand – tante, Anna, a-t-elle confessés le jour de sa mort?

    Retour à l'enfance du père: André a un petit frère Pierre qui, à 7 ans, aimait Lisette, âgée de 10 ans. Tous les trois jouaient aux indiens du Canada et Lisette leur lisait les aventures du " Dernier des Mohicans "… C’est le premier commencement car il y en a un deuxième… André, comme fou, s’est enfermé chez lui avec sa fillette morte et refuse l’enterrement. C’est ce que l’on appelle un fort chabrol… Le maire du village est là, Lisette devenue Lise accourt pour raisonner le grand frère de Pierre… Mais où est ce dernier ? Au Canada. Il revient au village dans une belle auto et, à son retour, des horribles assassinats sont commis par un être mystérieux et habile surnommé " Le loup ". Les gendarmes perdent à chaque fois sa trace. La peur ancestrale du loup s’installe dans le village et les soupçons pèsent sur Pierre. Serait-il venu régler quelques comptes non soldés d’une vieille vendetta ? Dans une Corse en proie à des démons, le loup serait-il un justicier ? Ses victimes, des coupables ? Est-ce la même main qui tue ou absout ? Plutôt qu’au devoir de vengeance, faut-il s’en remettre à une justice immanente ? Quel mal ronge ce petit village corse ? Dans cette atmosphère lourde de crimes mystérieux, de croyances irrationnelles et de " divins secrets " gardés par le curé du village, quel dénouement peut avoir les retrouvailles entre Pierre et Lisette qui en a épousé un autre, Jacques, un brave gars resté au village ? Y aura-t-il un troisième commencement ou une fin tragique ?

    Extraits : " Anna Domenica veut, pour se présenter à son créateur, une âme neuve… Elle se libère à grands coups de mots. Elle ouvre le bubon de son âme, libérant le pus qu’elle contient. Elle charcute jusqu’au sang pour assainir la plaie. El elle en crachote des saloperies et elle en crache de la merde. Du fond de ses entrailles remontent les égouts du village, de la famille et de toute sa vie. "
    " Pourquoi cet homme, devenu bête sauvage, bête féroce, s’en est-il pris aux Domenica, aux Marchesi et à Baptiste Bartolomi ? Je vous fais confiance, vous trouverez mille raisons, mille explications à tout ça. Quant à moi je pense que ce qui a fait sortir ce " loup " de la forêt, ce sont vos mensonges, vos calomnies, vos trahisons, et tout le sang que l’on fait couler pour un peu plus d’argent, de gloire, ou d’orgueil… "

    A suivre...


     
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  • Du néo –polar au roman noir régionaliste en Europe
    Polar marseillais et polar corse



    Roman noir régionaliste en Europe:

    C’est Manuel Vasquez Montalban, avec sa ville Barcelone, qui en a ouvert la voie dans les années 1970. Il est l’inventeur de Pépé Carvalho, personnage représentatif de la capitale catalane espagnole. Il a déclenché l’apparition d’une vague d’auteurs revendiquant leur identité, leur culture, leur ville… En premier lieu en France et en Italie. Le polar régional doit sans doute quelque chose au néo –polar, comme celui-ci doit beaucoup au Hard boiled… ainsi de suite, réciproquement et inversement…
    En Italie, Andrea Camilieri va même appeler son héros récurrent " Montabalno " en hommage à l’auteur catalan et en France, Jean-Claude Izzo va s’inspirer de Pépé Carvalho pour inventer Fabio Montale (Montale comme Montalban). Depuis lors d’autres auteurs ont émergé en Europe comme Petros Markaris en Grèce mais aussi, autour de la Méditerranée jusqu’au Maghreb comme Yasmina Khadra en Algérie, Driss au Maroc…

    En dehors de Montalban, Andréa Camilieri est l'auteur le plus lu en Italie. Son héros le commissaire Montalbano est un sicilien acharné à faire toute la lumière au bout de ses enquêtes. Son auteur n’a jamais caché que, depuis son enfance, il vouait un culte particulier au Commissaire Jules Maigret. Il a lu Simenon alors qu’il signe encore sous le nom de Georges Sim et qu’il était publié par un bimensuel italien, avant de découvrir une série complète des Maigret éditée par Mondadori, éditeur italien. Maigret est devenu un modèle pour son personnage de Montalbano.



    Définition de la littérature régionale par Elodie Charbonnier, docteur es Lettres modernes :

    Les écrits de Nathalie Caradec proposés dans une étude sur la littérature de Bretagne illustrent parfaitement la difficulté de donner une définition, ne serait-ce qu’à l’échelle d’une seule région :

    - Nous considérons la littérature bretonne de langue française comme si l’ensemble ainsi défini allait de soi, pourtant nous ne pouvons pas éviter le débat lancé depuis une trentaine d’années sur cette terminologie. En effet, dans les années 1970, la discussion a été ouverte dans les colonnes de la revue Bretagne. Cette revue littéraire et politique a soulevé un certain nombre de questions et cherché des critères pour caractériser cette littérature. […] Plus récemment, Pascal Rannou s’est penché sur le sujet […]. En 1993, il retrace la chronologie de ce débat inachevé et problématique. Quelques années plus tard, Marc Gontard souligne la "difficulté de mettre en œuvre des critères décisifs de détermination " mais essaie de trouver "un certain nombre d’indices, thématiques ou formels, spécifiques d’un imaginaire ou d’une pratique textuelle, qui [lui] semblent caractériser cet ensemble nécessairement "pluriel " […] pour lequel on peut revendiquer le nom de littérature bretonne de langue française. " Plus récemment, Marc GONTARD considère que l’expression désigne "toute pratique textuelle où la question de l’identité, comme patrimoine culturel, travaille la question de l’écriture. "

    Privilégiant l’expression "littérature régionale " et non "régionaliste ", toute connotation à caractère uniquement politique est donc exclue de cette étude. J’entends ainsi parler d’une littérature en région et non pas seulement d’un mouvement littéraire revendicateur ou contestataire. Néanmoins, la question de l’identité régionale reviendra obligatoirement dès lors que nous nous attacherons à l’étude de régions comme la Corse, la Bretagne ou le Pays basque.

    Si la littérature se décline en plusieurs genres reconnus, la "littérature régionale " n’en fait pas partie. Pourtant, il s’agit bien d’une forme littéraire particulière se distinguant du roman ou de la nouvelle généraliste. Présente au cœur de nos terres, cette littérature porte en elle une culture et retranscrit l’âme de sa région. Certes, notre étude ne portera pas sur les langues régionales mais il est indéniable que cette littérature contient des particularismes linguistiques propres au régionalisme. Ainsi, les nombreuses expressions linguistiques régionales ne sont guère employées dans la littérature dite "généraliste ". De fait, il ne faut pas ignorer les spécificités propres à chacune de ces régions pour les englober dans une unicité nationale.

    La littérature corse résulte des pratiques ancestrales d’une littérature orale. Ayant subi des transformations constantes par l’alphabétisation et l’apparition de supports écrits ou audiovisuels, elle conserve encore aujourd’hui les traces de son histoire. Ainsi, certaines pratiques des littératures orales se sont donc transformées en littératures écrites ou même chantées. Evidemment, toutes les régions françaises ne revendiquent pas autant les questions identitaires que la Corse, l’Alsace ou bien la Bretagne. Néanmoins, toutes les régions possèdent une identité, une histoire et des particularismes propres parfaitement représentés par la littérature régionale.

    Garante de la conservation et de la protection d’un patrimoine culturel, la "littérature régionale " devrait être au cœur de certaines préoccupations. En effet, à l’heure de la mondialisation, nombreuses sont les entreprises réalisées pour préserver les régions d’une unicité nationale ôtant toutes les spécificités locales. Ainsi, la démarche de reconnaissance d’une littérature régionale en tant que telle s’inscrit dans le contexte actuel de conservation de l’identité des minorités culturelles.

    Souvent jugée péjorativement et réduite au simple folklore local, la "littérature régionale " est pourtant un genre abondant qui concerne de nombreux acteurs du livre. Il répond ainsi à une demande d’un public soucieux de se rapprocher de sa région, de sa culture.

    " [C]’est au moment fort [d’une] prise de conscience que la littérature régionale émerge de par la volonté d’un groupe qui la voit comme un bien collectif important à revendiquer et à développer ". La littérature régionale, liée au développement et à la survie du groupe qu’elle représente, "vivraa plus ou moins dans la mesure où elle accompagnera ce groupe dans son cheminement historique ".

    " Je considère comme littérature régionale tout ouvrage littéraire de langue française affichant un rapport à sa région et édité dans celle-ci.  Le choix des auteurs régionaux est le premier critère de sélection des ouvrages. Selon moi, l’auteur ne doit pas nécessairement être issu de la région dont il s’inspire, ni forcément y écrire, pour l’utiliser à des fins littéraires. Dans l’objet de ma problématique, il semble moins intéressant de considérer comme écrivain régional l’auteur qui possède ses racines en région, qui y écrit et y est édité mais qui n’y s’y réfère jamais.  Différentes thématiques permettent de situer les ouvrages littéraires régionaux. Utiliser la région comme lieu d’action romanesque est une première possibilité ; ainsi, elle apparaît comme un repère géographique et culturel pour l’auteur mais aussi pour le lecteur. L’intervention d’un folklore régional incluant contes et légendes populaires est un autre moyen de "régionaliser " son ouvrage tout comme l’utilisation de la mémoire collective ; par cette dernière, j’entends parler des ouvrages littéraires liés à une histoire locale touchant des événements comme la Résistance en Alsace au cours de la seconde Guerre Mondiale ou le Débarquement en Normandie ", conclue Mlle Elodie CHARBONNIER.
     

    Le polar marseillais :

    " Marseille est très loin de la France profonde engourdie dans ses principes. Métropole orientale, flibustière et vaguement métèque, elle présente le visage ambigu d’un monde pétri de misères et d’ambition " M. Gouiran, auteur marseillais.
    Si Jean-Claude Izzo a fait monter le polar marseillais à Paris et si Philippe Carrèse peut mettre en avant la publication de " Trois jours d’engatse " (Collection Misteri de l’Editeur corse Méditorial) antérieure à celle de Total Khéops (1995), ce débat sur l’antériorité des uns et des autres car il faut remonter beaucoup plus loin. Il faut remonter avant la première guerre mondiale pour retrouver les pionniers de ce polar régional : Pierre Yrondy et  Jean-Toussaint Samat.

    Marius Pegomas , détective marseillais crée par Pierre Yrondy :
    Son créateur Pierre Yrondy a créé ce personnage récurrent qui a fait l’objet de la parution de 35 fascicules connus aux Editions Baudinière. Tel qu’il apparaissait en illustration, il s’agit d’un personnage faisant les 30 à 40 ans, cheveux noir coupés courts et coiffés vers l’avant, portant une petite moustache bicéphale et une barbichette partant en pointe du milieu de la lèvre supérieure pour s’évaser sur le menton. Il a les yeux bleus très clairs, sourcils, barbes et moustaches soignés, le visage rond, le nez plongeant et fin. De ses lèvres bien dessinées, sort une pipe droite qu’il serre dans ses dents, crispant donc les mâchoires, ce qui a pour effet de faire descendre les commissures des lèvres donnant à la bouche une impression de sourire inversé, alors que le front fuyant marqué par quelques rides est soucieux.
    Les 35 fascicules, publiés en 1936 par L’éditeur Baudinière, étaient vendus 1 franc. Nous avons retrouvé les titres :
    - les gangsters de la joliette – Le crime de l’Etang de Berre – Le trafiquant d’opium – Ficelé sur le rail – L’ogresse de la Canebière – L’étrange aventure de M. Toc – Les bijoux de Lady Merry – L’énigme de Monte Carlo – La terreur d’Aubagne – Un drame au Palis du Cristal – Le naufrage du Sphinx – Un vol de 3 millions – L’aveugle de N-D de la Garde – Le bout de cigare – Une disparition de Bourse – Un mariage tragique – Le Mystère du cabanon – Le revenant d’Aix – Les ciseaux d’argent – Le moulin sanglant – Les incendiaires de La Ciotat – Le doigt coupe – Le Roi de la neige – Une macabre distribution – Le vampire de Martigues – Un cimetière dans le jardin – Le sourire de mort – Un enlèvement audacieux – Le cœur percé – Le village malade – Le Tyran de Nîmes – Une atroce machination - Le laboratoire diabolique – Un dangereux bandit.

    Jean Toussaint SAMAT et ses polars régionaux :
    Un auteur contemporain marseillais Jean Contrucci a obtenu le prix de roman policier Jean -Toussaint SAMAT en 2003 avec son roman " L’énigme de la Blancarde ". Ce prix est un hommage au père des romans polars marseillais puisqu’il a publié son premier opus " L’horrible mort de Miss Gildchrist " en 1932 avec lequel il fut lauréat du prix du roman d’aventure. En 1928, il avait déjà co-écrit un ouvrage engagé sur les trafics d’armes et d’hommes sous le titre " Aux frontières de l’Ethiopie ". Après son premier roman, il enchaîne les titres avec d’abord " Circuit fermé " en 1933. Il écrit deux romans d’espionnage en 1934 : " Les espionnes nues " et " L’espionne au corps bronzé ". Il revient au roman policier en 1935 avec " Circuit fermé " et " Le mystère du Mas piégé ". En 1946, il publie plusieurs polars : "La mort du vieux chemin", "Le mort de la Canebière ", " Le mort à la fenêtre" et " Le mort du vendredi saint"; en 1947 " Erreurs de caisse " ; en 1949 " Le mort et la fille " ; en 1950 " Concerto pour meurtre et orchestre ", qui a été récemment repris en feuilleton par le Journal littéraire (2004-2005). Il a publié la plupart de ses romans policiers dans la collection "Cagoule" des Editions La Bruyère. Nous avons retrouvé une édition de " Le mort de la Canebière ", Les Editions de France avec en première page la contre indication " … à ne pas lire la nuit ! ".

    Et quelques décennies plus tard…
    " Le terme de polar marseillais recouvre une production très hétérogène et n’a donc aucune signification. Par contre, compte tenu de la publication foisonnante de romans noirs sur Marseille… nous pouvons nous interroger sur les raisons de cet engouement… Pour le polar, Marseille est plus qu’un décor, c’est souvent une héroïne (sans mauvais jeu de mot) parce que cette ville possède, pour des raisons à la fois historiques, économiques, sociologiques et politiques, tous les ingrédients du (bon) roman noir… explique Maurice Gouiran dans un article consacré au polar de la revue culturelle de la ville de Marseille n°213 de juin 2006. Les raisons sont les nombreuses migrations avec la constitution de familles, de clans avec des éléments au sang chauffé par le soleil qui exacerbe les haines et les passions dans la tradition méditerranéenne entre esbroufe et obstination, fraternité et conflits, vengeance et violence sur fond de misère sociale avec des poussées xénophobes dans des relations intercommunautaires pourtant paisibles. Une ville, terre de drames et de tragédies, donc de littérature noire.

    Un arrêt sur Jean-Claude Izzo :
    Marseille est resté le point fixe de Jean-Claude Izzo.. " son biotope, l’épicentre de sa destinée personnelle et littéraire ", écrit Daniel Armographe dans la même revue. Jean-Claude Izzo qui a fait monter le polar " marseillais " à Paris, a tracé les chemins de sa géographie humaine de Marseille et, poète sur les traces de Rimbaud, en a saisi l’âme. Le photographe Daniel Mordzinski a fait des photographies de Marseille dans un ouvrage Le Marseille d’Izzo avec des textes d’Izzo
    L’éditeur Gallimard a sorti en juin 2006 la Trilogie de Fabien Montale dans la collection Folio, préfacée par Nadia Dhoukar qui avait déjà présenté une thèse de littérature française sur le pouvoir de fascination du personnage dans le roman policier, à partir des personnages d’Arsène Lupin, de Jules Maigret et de Nestor Burma. Captivée par les personnages récurrents du roman policier, c’est naturellement qu’elle a croisé le chemin de Fabio Montale. A signaler le prix : 10 euros.

    Quelques éditeurs : Editions L’Ecailler du Sud, Edition Jigal, Editions Autres temps…
    Quelques auteurs actuels: Philippe Carrese, François Thomazeau, Jean Contrucci, Maurice Gouiran, Gilles Del Papas , Michel Jacquet, g-m Bon, Serge Scotto, Jean-Paul Delfino, René Merle…
    Site et évènements : Pour les Marseillais et les visiteurs, nous signalons la présence d’une association " Pole art marseillais – polar marseillais " avec son site : http://www.lepolartmarseillais.com
    Cette association organise des mardis littéraires au restaurant Le Corléone, rue sainte à Marseille et l’évènement " Le balcon marseillais du polar



    Le polar corse :

    Dans une anthologie présentée par Roger Martin, on peut lire au sujet du genre policier comme étant universel : " Cette universalité –société, police, crime, nature humaine – permet d’avancer que le genre policier, qu’il soit français, anglais, espagnol, russe ou japonais, s’abreuve à des sources communes, auxquelles bien entendu, il convient d’ajouter celles propre au génie et à l’histoire de chaque peuple "

    Avant le western et le roman policier, c’était le roman d’aventure, de cape et d’épée, qui avait les faveurs du lectorat populaire. Un auteur corse y avait excellé avec son personnage du chevalier Pardaillan, il s’agit de Michel ZEVACO né à Ajaccio (1860), mort à Eaubonne (Val d'Oise, 1918). Militant, Zévaco se présente aux élections législatives de 1889, fonde des syndicats, et il sait se servir de sa plume pour faire passer ses idées (un article écrit contre le Ministre de l’Intérieur lui valut quatre mois de prison, séjour qui sera suivi d’un autre, pour raisons politiques également, quelques années plus tard). Sartre, qui le présente à plusieurs reprises comme l'un des auteurs qui ont le plus influencé sa carrière d'écrivain, le décrit comme un "auteur de génie [qui], sous l'influence de Hugo, avait inventé le roman de cape et d'épée républicain. Ses héros représentaient le peuple; ils faisaient et défaisaient les empires, prédisaient dès le XIVème siècle la Révolution française, protégeaient par bonté d'âme des rois enfants ou des rois fous contre leurs ministres, souffletaient les rois méchants" (Les mots). Pour Zévaco, l’Histoire semble souvent un moyen commode de critiquer les mœurs et la politique de son époque. Le personnage de Pardaillan en témoigne, qui affiche volontiers ses opinions républicaines et anticléricales., Il a été feuilletoniste au journal Le Matin à partir de 1906, avec Gaston Leroux (à qui l’on doit la série des Rouletabille, L’épouse du soleil ou le fameux Fantôme de l’opéra).

    En France, alors que le polar devient un genre littéraire répandu chez les lecteurs, les auteurs et les éditeurs, le polar reste cantonné longtemps dans la capitale ou bien à l’étranger car les éditeurs choisissent de traduire les grands auteurs anglo-saxons. Dans ce contexte jacobin, un Corse, José GIOVANNI, pourtant montagnard, va devenir un auteur et un cinéaste célèbre. Ancien taulard, il va exceller dans le genre.

    Zevaco et Giovanni ont écrit sans référence avec leurs origines insulaires.

    La Corse est une terre de romans noirs et de polars. Dernièrement, un hebdomadaire publiait un article "Terreur sur Ajaccio " sous-titre " Le gang qui fait trembler la Corse ". La première phrase est " Ils sont tous des enfants du cru et forment le noyau dur de la bande du Petit bar. Des tueurs sanguinaires… " N’y a-t-il pas là le titre et le début d’un polar bien noir avec des héros hard boiled ? On y trouve même des idées de dialogue : " Hep, salut ! Je t’aurais bien offert un café… - Vaut mieux pas s’attarder aux terrasses de bistrot en ce moment, c’est trop risqué !... " La suite de l’article qui relate la réalité d’une série d’assassinats qui serait la suite d’une lutte sanglante entre bandes rivales venant déranger les vieux truands jusque dans leur " semi -retraite " ( Le point , du 19 octobre 2006 ).

    Depuis quelques années, on a vu émerger le polar de terroir qui existait pourtant depuis de nombreuses années. Alors que Marseille et la Corse ont alimenté l’imaginaire de bon nombre d’auteurs et de cinéastes, mais il faudra attendre 1995 et Jean-Claude IZZO pour consacrer le polar marseillais en le faisant connaître à Paris.

    Et la Corse ? A la même époque, un Editeur ajaccien, Les Editions MEDITORIAL, avait créé une " collection Misteri " qui a édité, entre autres, Philippe CARRESE et François THOMAZEAU. Tous les deux font partie aujourd’hui des auteurs de polars connus. " Les trois jours d’engatse " de CARRESE a été d’abord édité dans la collection " Mistéri " en 1994 (un an avant TOTAL KEOPS qui a fait émerger le polar marseillais ), puis réédité au " FLEUVE NOIR " en 1995. François THOMAZEAU est l’auteur de plusieurs polars édités dans la collection Misteri et a créé, avec deux autres auteurs, " L’écailler du Sud ", éditeur marseillais qui obtient un réel succès. Les premiers polars de THOMAZEAU de la collection Misteri ont été réédités par LIBRIO. L’éditeur ajaccien MEDITORIAL a fait connaître aussi des auteurs corses comme Ange MORELLI, Elisabeth MILLELIRI et Marie-Hélène COTONI.

    Depuis lors, si quelques auteurs de polars corses ont été édités, il n’existait plus de série noire insulaire. Enfin, les éditions ALBIANA ont lancé, en 2004, leur collection " Néra " qui compte déjà plusieurs polars dans son catalogue. Elles éditent quatre à cinq polars par an. La relève est assurée. Des auteurs corses se ré –approprient la Corse noire. L’éditeur ajaccien écrit : " Qui douterait encore que la Corse ne soit malheureusement définitivement, une terre de polar et de romans noirs ?... La collection Nera ouvre les portes des bas-fonds du crime avec l’aide des auteurs insulaires… Elle propose de donner à lire cette profonde noirceur, ce goût pour le drame et la mort chevillé à l’âme, avec l’indispensable dimension littéraire qui seule peut rendre justice des mécanismes à l’œuvre. Loin des clichés, jouant parfois avec eux, elle ouvre des espaces de pensée d’autant plus efficaces qu’ils viennent de l’intérieur de la société, des meurtrissures vécues enfin domptées par l’écriture. Néra est une jalousie précautionneusement ouverte sur la rue, sur la vie insulaire, ce que l’on voit et qui ne se dit pas… " (Il faut lire l’interview de Bernard BIANCARELLI par Joël JEGOUZO sur le site www.noircommepolar.com )

    Des auteurs de nouvelles, précurseurs du polar et du roman noir, se sont inspirés de la " légende noire de la criminalité insulaire ". Librio a publié un recueil où l’on retrouve Mérimée, Balzac, Flaubert, Saint Hilaire, Gaston Leroux et deux Corses Pierre BONARDI et Jacques MONDOLONI, auteur par la suite de polars, comme " Corsica Blues " paru en 1996.

    Ainsi, depuis quelques années, est née la Noire corse avec des auteurs comme Francis ZAMPONI, Jean-Paul BRIGHELLI, Jean-Marie COMITI, Jean-Pierre SANTINI , Alexandre DOMINATI, Ange MORELLI, Daniel PIANI, Jean-Louis ANDREANI, Jean-Pierre ORSI et d’autres. Il est dommages que Elisabeth MILLELIRI ne se commette plus dans le genre. Un homonyme vient de prendre la relève en 2006, Paul MILLELIRI qui a écrit son premier polar " Pace è Salute " aux éditions Albiana, mais déjà auteur de cette édition dans d’autres genres.

    Les éditeurs corses de polars : Editions Albiana (collection Nera), DCL, Editions La Marge, Colonna Editions… et Méditorial qui a cessé son activité.

    Editions Albiana et la collection " Nera " - Déclarations de M. Bernard Biancarelli, directeur de la colection, :
    - " Albiana existe depuis plus de vingt ans, c'est dire qu'elle est née en plein cœur du mouvement culturel appelé en Corse U Riacquistu (la ré-appropriation). Elle a d'ailleurs signé son entrée dans le monde éditorial par un monumental dictionnaire Corse/français en quatre volumes (suivi par de la poésie en langue corse !). Cette participation proclamée et assumée à un fort mouvement culturel - caractérisé dans les esprits par l'éclat soudain mondial des fameuses polyphonies - a procédé en quelque sorte de la même approche : inventorier le patrimoine, ré-étayer les fondements et puis enfin ouvrir les champs de la création. Dans un cadre où la langue par exemple avait été très peu écrite jusqu'à présent - pour des raisons historiques et politiques que tout le monde désormais connaît - c'était une vraie gageure que de se mettre soudainement à écrire, à créer et, évidemment, à publier en corse. En ce sens, les éditeurs historiques dont font partie les éditions Albiana, ont grandement aidé à l'expression telle qu'on la connaît aujourd'hui. Ils ont fait non seulement œuvre utile mais aussi, et surtout, œuvre nécessaire, et dans des conditions politiques qui n’ étaient pas les meilleures. Je le dis d'autant plus librement qu'à l'époque je n'étais pas concerné, sauf en tant que lecteur. Il est évident que les conditions ont évolué et que nous serions bien en peine de dire si celles d'aujourd'hui sont vraiment meilleures. Albiana, au bout d'un parcours de vingt ans, c'est une quarantaine de livres par an, un catalogue de plus de trois cent titres. C'est dire que le pourquoi de son existence aujourd'hui est devenu beaucoup plus simple à définir : une présence essentielle dans le panorama culturel insulaire à la fois comme médiateur de culture, passeur si l'on préfère, espace de création et d'invention, lieu de soutien à l'expression (notamment en langue corse). Tout cela adossé bien sûr à une structure d'entreprise importante à l'échelle insulaire (un secteur distribution, un secteur commercial, un atelier graphique et maintenant la grande librairie La Marge, forment un ensemble dont le secteur édition est le noyau de départ)

    - La collection noire, j'en rêvais depuis mon arrivée aux éditions Albiana (en 1998). Mais il existait déjà un éditeur à Ajaccio quasiment spécialisé dans le noir (Méditorial) et plutôt bon dans ses choix (il fut l'éditeur de Thomazeau par exemple, qui a ensuite fondé " L'écaillers du Sud ", une petite maison du Noir qui monte, qui monte,…). Sa collection était bien implantée et puis on ne marche pas sur les plates-bandes de quelqu'un que l'on connaît et que l'on respecte. Bref, nous étions restés en retrait. Son arrêt et notre envie toujours présente ont permis d'ouvrir le chantier. La collection Nera permettait aussi de dynamiser notre ligne éditoriale, de signaler au public que nous étions toujours en évolution et prêts pour les aventures. Nous avions au cours des années précédentes pris des risques éditoriaux chaque année, en publiant notamment pas mal de premiers romans ou des recueils de nouvelles, en dépit des préventions largement répandues dans la profession à ce sujet. Nombreux sont assez durs et violents, sans concession souvent pour le petit monde dans lequel nous vivons, mais ce qui selon moi les caractérise, c'est qu'ils ont laissé de côté le victimisme et le désir de justification, le pamphlet ou l'explication de texte, notamment du " problème corse " qui sont autant de pertes de temps et qui éloignent fatalement de la littérature. Il s'agit d'un vrai mouvement qui est la mutation du "Riacquistu " dont je parlais précédemment. Une attention soudaine pour la Corse d'aujourd'hui (ni celle d'hier, ni celle que désire l'Autre - ou que nous croyons qu'il désire - ni celle des cartes postales, ni celle des chromos) s'est manifestée et il nous a juste fallu aider à l'éclosion. La collection noire est évidemment pour nous un des outils qui nous manquaient pour aider à cet avènement. Et je peux certifier que son apparition a donné un coup de fouet qui s'est traduit par l'arrivée d'un grand nombre de manuscrits. Non seulement la collection Nera était profondément désirée chez nous, mais elle était probablement attendue par les auteurs - et certainement aussi par les lecteurs qui lui ont réservé un très bon accueil "

    La Maison Albiana a maintenant ses auteurs comme Jean-Pierre Santini, Alexandre Dominati, Pierre Larminier, Jean-Marie Comiti, Pierre Lepidi... Avec deux nouveaux dans la collection noire en 2006, Paul Milleliri (Pace è Salute) et Kentaro Okuba (Evanescence de l’hiver).

    Ancienne collection " Misteri " de MEDITORIAL :
    Un pionnier de la Noire made in Corsica.- Si nous connaissons les carrières poursuivies par ces auteurs découverts par l’Editeur Méditorial, nous ignorons le parcours de l’Editeur inspiré, après sa cessation d’activité. Il s’agit de Paul-André BUNGELMI.
    Il y avait Misteri dans l’édition corse. Il s’agissait d’une collection de l’Editeur Méditorial qui a publié des polars corses dans les années 1990, d’excellents polars commis par des auteurs ayant pour la plupart fait leur chemin. J’ai lu huit de ces bouquins que j’ai le plaisir de citer :
    - Comme un chien dans la vigne et caveau de famille, écrits par Elisabeth Milleliri
    - La moisson ardente et raison d’état, écrits par Archange Morelli
    - Trois jours d’engatze, écrit par Philippe Carrese
    - La faute à Déguin et Qui a tué monsieur cul, écrits par Philippe Thomazeau..
    Voilà, ce que deux auteurs en ont dit :
    Philippe Carrese
    A l’époque (1992), j’ai envoyé le manuscrit à plus de trente maisons d’édition, y compris "Fleuve Noir". Tous l’ont refusé. J’ai croisé Paul André Bungelmi, en corse, un type adorable qui me l’a pris mais qui a été dépassé par le succès du livre. Fleuve Noir a repris la suite en moins de quinze jours. Paul André est un vrai méditerranéen, il a tout de suite tout compris, tout mon coté "sudiste" que pas mal de parisiens ont encore beaucoup de mal à cerner.
    François Thomazeau
    Je ne connaissais Carrese que de nom et j'ai atterri chez Méditorial parce que ma mère avait vu un reportage sur "Trois jours d'engatse" sur France 3 Marseille. C'est elle qui m'a forcé à envoyer le manuscrit de Dégun à Méditorial. Comme Carrese, je ne rendrai jamais assez hommage au patron de cette maison, Paul-André Bungelmi, un honnête homme comme on n'en fait plus. Il a arrêté l'édition faute d'argent et tient un bar de nuit extrêmement sympa à Ajaccio. On amène sa bouffe, y a une cheminée au fond pour faire cuire le rata, et lui fait payer le vin.".
     
    A suivre… des auteurs corses de polar.
     
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  • Le néo polar : roman noir post- soixante –huitard:<o:p></o:p>

    Entre la France et les Etats Unis, il y a une différence de culture qui apparaît dans le polar. Alors que les auteurs américains n’ont pas de message politique, nos auteurs français sont beaucoup plus politisés en ayant compris tout ce que le roman noir pouvait contenir de social. Je reprends le slogan cher à des auteurs comme Jean-Pierre Pouy, Patrick Raynal… entre autres : " Le roman noir, c’est le roman de la vigilance ! De la résistance ! De la transgression!".<o:p></o:p>

    C’est le polar d’après 1968, année de troubles sociaux quasi révolutionnaires et qui, par ailleurs, voit l’intégration de la police municipale parisienne à la police nationale. En France, parmi les interrogations politiques et sociales, la question se posait de savoir si la police était détournée de sa finalité, si elle n’était qu’un moyen d’oppression. On s’est interrogé sur son pouvoir régalien, sur ses bavures, sur le sens de ses missions, sur sa place dans la société en proie à des injustices sociales et à l’insécurité. Cette réflexion a entraîné des efforts de démocratisation de l’institution et la rédaction d’un code de déontologie policière.<o:p></o:p>

    C’est dans la rue et dans les bas-fonds que ce genre trouve des espaces de liberté. C’est là que des auteurs anarchistes ou gauchistes ont pu jouer les empêcheurs de tourner en rond, dans nos sociétés " ronronnantes ". Patrick Raynal se souvient :"On avait tous un petit livre rouge dans une poche et un roman de Dashiell Hammet dans l’autre". C’est ce que certains ont appelé la nouvelle vague. "La criminalité politique, avec ses prises d’otages, ses voitures piégées, ses détournements d’avions offre maintenant une riche matière à la Série noire qui commençait à s’essouffler" (Boileau- Narcejac).<o:p></o:p>

    Sur le site " Noir comme l’espoir ", Patrick Pécherot écrit : " Les seventies et leur parfum de révolution marqueront l’émergence d’une génération d’auteurs majeurs qui renouvèleront le style tout en poursuivant le chemin tracé par les grands anciens, y compris dans sa dimension critique. Qu’ils s’appellent Manchette, Raynal, Pouy, Daeninckx, Fajardie, Villard, Jonquet… ils construiront une œuvre qui s’inscrit bien au-delà de ce que l’on a alors appelé, dans une tentative de qualifier en vrac tout récit policier en prise directe sur les réalités sociales ou politique, le néo –polar… "<o:p></o:p>

    Le leader historique en est Jean-Patrick Manchette qui est entré dans la Série noire en 1971 avec un roman signé avec Jean-Pierre Bastide " Laissez bronzer les cadavres ". Il a dit : " Dans le roman criminel, violent et réaliste à l’américaine, l’ordre du Droit n’est pas bon, il est transitoire et en contradiction avec lui-même. Autrement dit le mal domine historiquement. La domination du mal est sociale et politique. Le pouvoir est exercé par des salauds. On reconnaît là une image grossièrement analogue à celle que la critique révolutionnaire a de la société capitaliste… Lorsque le héros n’est pas lui-même un salaud… lorsqu’il a connaissance du bien et du mal, il est seulement la vertu d’un monde sans vertu. Il peut bien redresser quelques torts, il ne redressera pas le tort général du monde, et il le sait, d’où son amertume. "

     Site dédié à J.P Manchette :   http://manchette.rayonpolar.com<o:p></o:p>

    En 1971, L’AffaireGustro de Manchette et en 1972, La Nuit des grands chiens malades écrit par A.D.G  seront les deux romans les plus novateurs de ce que les critiques ont considéré comme une nouvelle école du polar.  <o:p></o:p>

    A la suite de Manchette, les " barons " du Néo –polar sont Jean Vautrin ( A bulletins rouges, Billy Ze Kick, Boody Mary, Groom, Canicule), Marc Villard ( Légitime démence, Nès pour Perdre, Corvette de nuit…) , Frédéric H Fajardie (Tueurs de flics, Le souffle court, Clause de style, La théorie du 1%), Hervé Prudon ( Mardi gris, Tarzan malade, Banquise…), Joseph Bialot (Le salon du prêt à saigner ; Le sentier, Babel ville…), Sébastien Japrisot ( Compartiment tueurs, La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil) qui est devenu scénariste pour le grand écran ( Le passager de la pluie, La course du lièvre à travers les champs…) ou encore Jean-François Coatmeur, Hervé Jaouen, Hugues Pagan, Jean-Hugues Opel, Tonino Benaquista… <o:p></o:p>

    En 1979, les collections " Engrenage " et " Sanguine " furent créées pour ce nouveau genre. Les auteurs et les éditeurs de néo-polars ont voulu vendre des bouquins bon marché et c’est toujours dans cet esprit que fonctionnent certaines collections.<o:p></o:p>

    Dans les années 1980, des auteurs réalisent et scénarisent une série policière « Néo polar », anthologie d’histoires inspirées  de romans du néo-polar français. Sept épisodes ont été diffusés sur Canal+ en 1984 et FR3 en 1985. Dans la distribution, Michel Beaune, Dominique Blanc, Jean-Pierre Léaud, Vincent Lindon, Claude Nougaro, Florent Pagny. Parmi les scénaristes, on trouve Férédric Fajardié, Hervé Jaouen et Marc Villard entre autres ; et parmi les réalisateurs , Jean-Pierre Bastid, Michel Andrieu, Patrick Jamain… Quelques titres d’épisodes : Shangaï Skipper, La Théorie du 1%, Salut ma puce…  On voit apparaître des néo- polars dans des collections grands formats.<o:p></o:p>

    Manchette disait que le polar était une " littérature ferroviaire ". Jean Bernard Pouy sera surnommé " l’homme des trains " après avoir écrit un premier roman ferroviaire " La vie duraille " cosigné avec Daniel Pennac et Patrick Raynal. On lui doit aussi " Train perdu, wagon mort Il a multiplié les romans avec des titres évocateurs à deux reprises de son passé de professeur de philosophie comme Spinoza encule Hegel et la suite : A sec ! (Spinoza encule Hegel : le retour). Dans le néo –polar, les arpenteurs du réel sont plutôt spinoziens bien sûr. ". Il est à l’origine de l’aventure du Poulpe, alias donné au personnage de Gabriel Lecouvreur, à cause de ses longs bras. À partir de sa fiche identitaire, il a vécu sous la plume de nombreux polardeux revendiquant leur opinions de gauche et anti- Front national. Les petits polars du Poulpe étaient édités par les Editions La Baleine au premier petit prix de 39 francs. " Qu’est-ce qui fait courir Gabriel le juste ? L’injustice, surtout si elle est pratiquée par un patron sans scrupules, un intégriste vachard, des néonazis pédophiles, des trafiquants de cassettes porno et des politiciens véreux. Défenseur d’une gauche orpheline de ses promesses évanouies, Lecouvreur va, court, vole et nous venge… " - Article " La pieuvre est faite " de Emmanuel Laurentin dans Télérama n°2508 du 7 février 1998 dans une rubrique " La rage et le noir : le polar " pages 10 à 18. On peut citer comme bon récit du poulpe, celui de Patrick Raynal " Arrêtez le carrelage ". Patrick Raynal, patron de la série noir, a dit : " Je suis un marxiste qui pratique la concurrence ".<o:p></o:p>

    Un arrêt sur Didier Daeninckx :<o:p></o:p>

    Il a donné sa définition du roman policier : " un type de roman dont l’objet se situe avant la première page " ; et celle du roman noir : " Un roman de la ville et des corps en souffrance ". Didier Daeninckx participe à la revue Amnistia.net<o:p></o:p>

    Lorsque Daeninckx parle d’un « roman de ville et des corps en souffrance »,  il définit ce que d’autres ont nommé le « Polarville ». Jean-Noël Blanc, sociologue, a publié en 1991 aux P.U.F une étude sur les rapports entre le roman policier et l’espace urbain défini comme : «  cet univers complexe, contradictoire et non- maîtrisable que représente la ville dans les sociétés industrialisées ».  Dans le roman noir, des couples écrivain- ville se sont formés : Hammet- San Francisco, Chandler – Los Angéles, Goodis – Philadelphie… Montalban – Barcelonne, Izzo – Marseille. <o:p></o:p>

    Il y a le couple Malet – Paris et puis, dans la région parisienne, la ville c’est aussi la banlieue. Daeninckx décrit la sienne documentée, où les tours, les barres, les centres commerciaux, les bistrots… côtoient les usines, les friches industrielles mais aussi les îlots pavillonnaires.  Au milieu de ce décors, des voleurs, des camés , des agents de sécurité mais aussi des syndicalistes, des militants d’associations de proximité, des clandestins… C’est une banlieue bien différente de celle « stylisée », presque abstraite d’un Vautrin. Ce sont des banlieusards bien plus ordinaires et non des personnages pittoresques ou déjantés évoluant dans des récits picaresques. Daeninckx parle des conflits sociaux, du racisme, des sans -abris sans- papier  et des magouilles immobilières. <o:p></o:p>

    Daeninckx  revient aussi sur des dénis historiques,  notamment la répression sanglante du 17 octobre 1961 et la politique colonialiste de la France au début du XXème siècle.  L’arpenteur du réel Didier Daeninckx fait ressurgir dans le présent les ombres noires de l’histoire de la France et notamment son passé colonial. Pour cela, il imbrique dans ses récits le présent et le passé, la réalité et la fiction. Tel un archéologue, il fait ressurgir les dessous de l’histoire pour éclairer le présent à la lumière de ce passé souvent mis sous l’éteignoir.<o:p></o:p>

    Meurtre pour mémoire, roman qui revient sur la répression sanglante, le 17 octobre 1961, par la police parisienne d’une manifestation de ressortissants algériens. Parmi les mort : Thibaud. S’agissait-il d’une bavure policière ou d’un meurtre ? C’est son fils, en 1981, est tué à son tour, après avoir consulté les archives de la Préfecture de Police. L’inspecteur Cadin mène l’enquête qui va l’amener à s’intéresser à un certain André Veuillot, fonctionnaire compromis sous le régime de Vichy en 1942.<o:p></o:p>

    Le retour d’Altaï : Il s’agit de la suite donnée par l’auteur à son excellent roman " Cannibale ". Vous y retrouverez Gocéné, trois quarts de siècle plus tard, qui revient en France sur les traces d’un kanak tué 124 ans plus tôt en Nouvelle Calédonie. De quoi sortir du formol des spectres historiques et parler aussi de la culture des kanaks, de leur humanité. La piste du repentir passe par le musée de l’homme, dans cet opus de 114 pages. Avec le retour d’Altaï, Gocéné nous donne une belle leçon de ce repentir généalogique et le chef de la tribu de Kowale peut lui accorder un pardon collectif. A méditer….Question extraite : " Vous tous qui dites " hommes de couleur ", seriez-vous donc des hommes sans couleur ?"Didier Daeninckx écrit, pour Shangaï express, un feuilleton " l’inspecteur L’entraille ", qui sifflote des refrains de Maurice Chevalier. Des meurtres sous le régime de Vichy et l’occupation allemande. Le décor historique est planté. Le coéquipier de l’inspecteur L’entraille est un certain " Verdier ". Justement, notre auteur a publié un recueil aux Editions Verdier. Il s’agit du titre : " Les cités perdus "…. à lire et, dernièrement, un livre également sous le régime de Vichy, au titre annonciateur: Itinéraire d'un salaud ordinaire!<o:p></o:p>

    Daeninckx a écrit lui aussi dans la série du Poulpe. A l’époque,  Il avait déclenché une querelle interne, lorsqu’il avait révélé que Serge Quadrupani, auteur du n°2 du Poulpe, aurait fréquenté les milieux révisionnistes. On a reproché à Daeninckx d’avoir lancé une fatwa  sur Quadrippani et il avait  même du faire face à des " broncas " non littéraires notamment lors d’un salon du Polar, place de la Bastille à Paris.<o:p></o:p>

    Une collection " Polarchives " a été créée en 2002 par Gérard Streiff. Il s’agissait de mêler une intrigue policière à un événement historique. Si des polars mêlent encore intrigues et faits historiques, cette collection s’est mise en sommeil après quelques titres comme, pour exemples, Les caves de la Goutte d’or écrit par Gérard Streiff ou L’inconnu du Paris – Rome, écrit par Gilda Piersanti. <o:p></o:p>

    Et tous les autres auteurs :<o:p></o:p>

    " De Dominique Manotti à Thierry Jonquet en passant par Dennis Lahane ou Cesare Battisti et Paco Ignacio Taïbo II, les écrivains témoignent de leur temps et s’ancrent dans le réel. Même si l’imaginaire et l’efficacité de l’intrigue restent le pivot de ces fictions, la description de milieux particuliers, de marges interdites ou de professions singulières leur confère une valeur documentaire. " Christian Barbault dans un article de Valeurs mutualistes n°236 Mars/Avril 2005 – article " Le polar, une passion contemporaine ".<o:p></o:p>

    Sans oublier les femmes :<o:p></o:p>

    Depuis 1990, des femmes se sont affirmées dans le genre avec notamment : Andréa H.Japp ( La Bostonienne), Brigitte Aubert ( Les quatre fils du Docteur March), Maud Tabachnik (Un été pourri ), Fred Vargas ( Debout les morts) , Claude Amoz ( Le Caveau )… puis s’y sont maintenues, comme leur homologues anglo-saxonnes.

    à suivre...
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  • Evolution du roman policier en France :
     
    Le 20ème siècle, une pègre organisée s’est établie en France. Parmi les truands, des Corses mis en scène dans le décor parisien et notamment le quartier de Pigalle, qui devient le haut lieu de la drogue et de la prostitution. En France, alors qu’il devient un genre répandu chez les lecteurs, les auteurs et les éditeurs, le polar reste cantonné dans le giron de la capitale, Paris ou bien à l’étranger car les éditeurs choisissent le plus souvent d’éditer des traductions de romans américains.
     
    Pendant que, aux USA , le détective " hard boiled " ( dur à cuire) enquête dans le roman noir, la France se plonge dans le Milieu, le Mitan et ses truands hauts en couleurs avec leur langage argotique. C’est la belle époque des tractions avant et des gros coups, mais aussi des auteurs à succès alimentant avec leurs romans le grand écran avec des belles gueules d’acteurs : Jean Gabin, Eddy Constantine, Lino Ventura, Bernard Blier, Michel Constantin, …
     


    En 1953, Albert Simonin publie " Ne touchez pas au Grisbi ", adapté au cinéma par Jean Beckert. Ce premier roman consacré à des truands vieillissants, sera suivi de deux autres : " Le cave se rebiffe " adapté au cinéma par Gilles Grangier en 1961, et " Grisbi or not Grisbi " adapté au cinéma par Georges Lautner sous un autre titre " Les tontons flingueurs " en 1963. Simonin a initié le lecteur à l’emploi de l’argot et a même écrit un dictionnaire de mots argotiques : " Petit Simonin illustré par l’exemple " ( édité en 1968) . Son ultime roman est " L’élégant " (1973).
     


    José Giovanni est d’origine corse. Il a connu la prison. Il a été incarcéré à 22 ans, condamné à mort puis sa grace a été obtenue par son père qui l’a toujours soutenu lors de son incarcération. Il devient écrivain à 34 ans. Son premier ouvrage " Le trou ", écrit en prison, sort en 1958 et s’inspire de sa propre tentative d’évasion de la prison de la Santé. En 1960, il sera adapté au grand écran par Jacques Becker et à l’affiche, apparaissent Jean Keraudy et Michel Constantin. Le réalisateur décédera le 21 février 1960 sans assister à la sortie de ce film qui sera suivie, jusqu’en 1988, d’une longue filmographie pour le nouvel écrivain, scénariste et réalisateur, José Giovanni : Le nommé Rocca d’après le roman " L’excommunié ", La loi du survivant, Le rapace, Un aller simple, Dernier domicile connu, La Scoumoune, Deux hommes dans la ville, Le gitan, Comme un boomerang, Les égouts de Paris, Une robe noire pour un tueur, Le Ruffian, Les loups entre eux, Mon ami le traître. Dans ces films, ont joué les plus grands acteurs français du genre : Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, Paul Meurisse, Marcel Bozzufi, Annie Giradot… La même année que " Le trou ", il sortait ses romans " Le deuxième souffle, Classe tous risques et l’excommunié.
    Après une adolescence agitée, José Giovanni a beaucoup écrit dans la série noire. Il a souvent décrit avec justesse et réalisme, le milieu carcéral et le monde des voyous. Il a été un auteur prolifique dans le genre policier et d’aventure dans une œuvre où est présente une dimension sociale et politique. Il s’est montré préoccupé par le devenir de la jeunesse et la délinquance. Il s’insurgeait contre toute violence " qui ne tient pas compte de la valeur d’un être humain " et considérait la pornographie comme dégradante et destructrice chez les jeunes. En 1995, il sort le roman " Il avait dans le cœur des jardins introuvables " (Chez Robert Laffont), qu’il adaptera au cinéma avec son ami Bertrand Tavernier. Le film sortira sous le titre " Mon père ". C’est l’histoire de José Giovanni et de son père, qui s’est battu pour que son dernier fils échappe à la peine capitale dans la France d’après-guerre. Il met en scène ce père qui gagne l’argent du procès en jouant par habitude, par nécessité et parce que c’est le meilleur moyen, pour lui, de gagner cet argent. Très présent dans le monde du polar, josé Giovanni participait à de nombreux évènements organisés en France. Ilest décédé le 21 avril 2004 à Lausanne. Il avait 80 ans et s’était marié avec Zazie, secrétaire de Bernard Queneau.
     


    Alphonse Boudard sait aussi de quoi il s’agit lorsqu’il parle de prison. Il a été maquisard pendant la dernière guerre et s’est reconverti ensuite dans le cambriolage, ce qui lui a valu de connaître les cellules de Fresnes. En 1962, il sort " La métamorphose des cloportes ". Une trentaine de romans suivront. Comme Simonin, il utilisera l’argot dans certains, comme " Les combattants du petit bonheur " ou " L’éducation d’Alphonse ". Il a travaillé pour le cinéma et la télévision avec de grands acteurs comme Jean Gabin, Alain Delon ou Simone Signoret.
    On peut citer aussi André Héléna (Les héros s’en foutent , Les flics ont toujours raison) , Pierre Lesou (Le doulos) et bien sûr Auguste Le Breton ( Du rififi chez les hommes, Rafles sur la ville) qui, à l’instar de Simonin, écrivit un dictionnaires " Argotez, argotez ".
     


    Le roman noir en France :
     
    " Le roman policier ne voit de mal que dans l’homme alors que le polar voit le mal dans la société " selon Jean-Patrick Manchette, né à Marseille.
     
    Deux noms vont marquer le roman noir français dans la deuxième moitié du 20ème siècle : Léo Malet avec son héros Nestor Burma et Frédéric Dard avec le commissaire San Antonio, affublé de l’inspecteur Bérurier comme faire-valoir.
     


    Léo Malet, connu comme poète surréaliste anar, a d’abord publié sous des romans populaires sous des pseudonymes (Frank Harding, Léo Latimer, Jean de Selneuves et Lional Doucet). En 1943, il sort sous son nom 120, rue de la Gare et invente le personnage de Nestor Burma, détective français inspiré de son confrère américain. Mlle Nadia Dhoukar, a fait un énorme travail sur Léo Malet chez Robert Laffont.. Elle nous dit :
    " Léo Malet (1909-1996) a toujours été passionné de mystères. Né à Montpellier d'un père employé de commerce et d'une mère couturière, il est élevé par son grand-père, tonnelier de son état, qui l'initie au socialisme de Jean Jaurès et à la littérature de Victor Hugo, de Maurice Leblanc et d'Alexandre Dumas. A huit ans, il écrit ses premiers romans ; à seize, il vit à Paris de petits boulots et de chapardage et se produit comme chansonnier au cabaret de La Vache enragée. André Breton l'introduit auprès des surréalistes et l'encourage à publier ses poèmes (Ne pas voir plus loin que le bout de son sexe, 1936; L'arbre comme cabane, 1937; ...Hurle à la vie, 1939). Déporté dans un camp de travail allemand, il revient à Paris huit mois plus tard et aborde le roman policier par des chemins buissonniers, servi par une plume acérée et des penchants libertaires. Il commence à publier des " polars " à l'américaine sous les pseudonymes de Frank Harding et Léo Latimes. C'est en 1943 qu'il signe sous son vrai nom 120, rue de la Gare, la première enquête de Nestor Burma, un " détective de choc " qui lui ressemble (signes particuliers: libre et aventurier) et qui lui survivra. Léo Malet est mort le 3 mars 1996, laissant une oeuvre placée sous le double sceau de l'humour et de la poésie. Cette nouvelle édition en quatre volumes des romans de Léo Malet suit pas à pas la biographie fictive de Nestor Burma. Le lecteur découvrira en lui l'un des personnages les plus originaux de toute la littérature policière ".
     
    Léo Malet, créateur de Nestor Burma chez Robert Laffont:
    " Léo Malet est de retour. Curieux homme, vagabond, anarchiste, vendeur de journaux à la criée, surréaliste, puis inventeur de Nestor Burma, ce personnage de détective privé (signe particulier : libre et aventurier) qui lui ressemble tellement. Etrange écrivain, qui a influencé beaucoup de nos auteurs de policiers et donné un nouveau style, sensible et poétique, au roman noir. Francis Lacassin l’avait aidé pour la première publication de ses œuvres chez " Bouquins ". Aujourd’hui, c’est Nadia Dhoukar qui a veillé sur cette nouvelle édition. Elle a notamment rédigé une biographie de Léo Malet placée en début de volume et nous offre quelques textes (chansons, poèmes, nouvelles, articles) en best off… note de l’éditeur.
     


    Frédéric Dard, avec sa verve déjantée et son commissaire San Antonio, policier infaillible et tombeur de femmes, est un immense succès populaire et le nombre de sites qui lui sont dédiés est impressionnant. Il faut bien sûr citer l’inspecteur Bérurier, boulimique, gros, crasseux, libidineux, vulgaire et fort en gueule, mais virtuose du calembour, son épouse monumentale, Berthe, et son collègue Pinuche, minuscule, oublié et décalé. Dard fils a bien essayé de prendre la relève de Frédéric père en continuant à exploiter le filon paternel mais le charme est rompu. San Antonio restera orphelin. Frédéric Dard a su conquérir un large lectorat par un mélange subtil de burlesque jusqu’à l’extravagance et de rigueur dans l’intrigue dans des récits sûrs se déroulant sans détours inutiles et ménageant le suspense.
    Nous vous signalons un site à la fois très personnel et très documenté sur la bibliographie des San Antonio:  http://www.crescenzo.nom.fr/san-antonio.html
     

     
    Pierre Boileau et Thomas Narcejac sont connus comme théoriciens du genre, notamment dans l’opus commun " Le roman policier " ou bien " Esthétique du roman policier et une machine à lire : le roman policier " de Narcejac seul. Ils ont collaboré avec succès en écrivant L’ombre et la proie (sous le pseudonyme de Allain Bouccarèje). Le film " Les diaboliques " réalisé par Henri -Georges Clouzot est une adaptation de leur roman " Celle qui n’était plus " sorti en 1952. Hitchcock a adapté un autre roman intitulé " D’entre les morts " en lui donnant le titre Vertigo/Sueurs froides. On peut citer " Les louves " mais aussi " Les victimes " qui, au début de l’intrigue, donne davantage d’importance à la victime.
     


    On peut citer aussi Jean Meckert qui a écrit, sous le pseudo de Jean Amila, dans la série noire : Y a pas de bon dieu en 1950, Le loups dans la bergerie, Noces de soufre, jusqu’à plus soif et langes radieux, La lune d’Omaha (Il y règle ses comptes avec la guerre). Après 1968, il invente le personnage d’un flic hippie surnommé Géronimo qui est " au service des victimes et pas au service des puissance " : Le grillon enragé, la nef des dingues, Contest-flic... Alain Demouzon écrit des romans utilisant le jargon du quidam (Quidam est un de ses livres paru en 1980) dans des atmosphères grises et pluvieuses. Après avoir abordé le genre noir avec son titre " Un coup pourri " et son héros le détective Placard , il écrit, en 1978, Adieu ma jolla, en hommage à Chandler… Georges J. Arnaud qui signe " ne tirez pas sur l’inspecteur " sous le pseudo de Saint-Gilles (1954), puis continue à écrire des romans noirs sous son nom dont " Le coucou " en 1978… Raf Valet avec Mort d’un pourri et Adieu Poulet…
     


    Un arrêt sur Pierre Siniac :
    Pierre SINIAC est né le 15 juin 1928 à Paris. Il a donc connu les deux guerres. C’était un auteur prolifique. Le grand public a pu faire sa connaissance avec l’adaptation cinématographique de son roman " Les Morfalous ", qui traitait déjà de l’héroïsme en temps de guerre. Il a obtenu le grand prix de la Littérature policière en 1981. De cet auteur, on peut citer " Illégitime défense ", son premier roman en 1958, " Monsieur cauchemar " en 1960, " L’unijambiste de la côte 284 ", " reflets changeants sur marre de sang ", " Femmes blafardes ", " Aime le maudit ", " Des amis dans la police ", " Le mystère de la sombre Zone " …. Il a inventé aussi les personnages étonnants de Luj Infernan et la Cloducque.
    Pierre SINIAC est mort dans l’indifférence et l’anonymat en mars 2002. On a découvert son corps le 11avril 2002 dans son HLM d’Aubergenville (Yvelines).
    Il a écrit " la course du hanneton dans une ville détruite " (ou " Corvée de soupe " ) en 1994. Ce livre sera édité 4 ans après son décès. (Rivages/noir). Résumé : Juillet 1994, un manoir normand est en vente. Il recèle des tombes de FTP et de soldats de la dernière guerre. Une dalle tombale n’a aucune inscription et dessous repose Barbara ROUSSET, morte dans sa vingt sixième année. " C’était une fille de l’Est. Père inconnu. Enfin , on racontait que sa mère, une serveuse d’auberge dans la Meuse, l’avait eue avec un soldat américain, en 17-18, pendant l’autre guerre ; ce qui expliquerait le prénom. En 40, par ici, on a eu des réfugiés. Des Lorrains, des Alsaciens. Barbara était dans le lot… " Et nous voilà projetés en plein débarquement des Alliés dans ce Manoir où Barbara se retrouve seule avec huit orphelins à protéger et nourrir. Elle a , à sa disposition , un véhicule prestigieux : la Delage D8, modèle 1937 de couleur prune. Elle tente une première sortie, avec tous les enfants : " Et la voiture de tourner sans trêve, comme sous la coupe d’une mécanique devenue folle, prise dans ce malstrom de feux et d’acier, avec sur les neuf têtes enfermées dans le véhicule un ciel livré à un feu d’artifice démentiel ". Retour au manoir et puis, elle repart seule au volant du véhicule criblé d’impacts de balles pour la " corvée de soupe ", tel un hanneton qui cherche maladroitement son chemin au milieu des ruines.. Il s’en suit une épopée cauchemardesque, celle d’une jeune femme dont le courage n’a d’égal que la maladresse. Cette chronique d’une mort annoncée montre les horreurs et les dégâts collatéraux de la guerre. Barbara, pacifiste par nature, se retrouve en première ligne. Elle livre son propre combat au milieu du fracas des bombes. Pour le personnage de l’héroïne malgré elle, SINIAC s’est inspiré d’une histoire qui lui a été racontée à Canisy où l’écrivain passait ses vacances. Dans le roman, le narrateur est un certain Tiercelin, qui fait visiter le Manoir aux acheteurs.

    Prochainement le neo polar ... à suivre!
     
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