• Le roman noir américain :<o:p></o:p>

     
    Il se développe, au début des années 20 (temps de la prohibition), dans des magazines à bon marché, les dime-novels au début des années 20 puis avec les Pulps dont le plus célèbre est Pulp Black Mask.  Joseph Shaw, directeur du Black Mask, définit l’origine de ce nouveau genre qui va s’appeler le « Hard boiled » lorsqu’il a déclaré : «  Mes collaborateurs et moi-même décidâmes de créer un nouveau genre d’histoires policières, différent de celui en usage au temps des Chaldéens et plus récemment adopté par Gaboriau, Poe, Conan Doyle et tous les autres, à savoir le genre déductif du type mots croisés ou puzzle qui, délibérément, manque de toute émotion humaine ». Ainsi à la place du raffinement et d’un manichéisme trop propre, les auteurs du Hard boiled vont proposer des romans criminels réalistes dont Privés et gangsters sont les héros « durs à cuire », violents, cyniques, adeptes de sexe et de l’alcool.

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    Dashiel Hammet en est  le père fondateur avec une première nouvelle « L’incendiaire ». Avec lui, naissent les personnages de détectives cyniques et désenchantés qui évoluent dans des milieux glauques sur fond de violence, de corruption et de misère sociale. Le sang appelle le sang et le coupable meurt par où il a péché. Dans ses écrits,   Hammet fait aussi une critique acide des institutions américaines, ce qui lui vaudra un emprisonnement sous Mac Carthy. On peut citer parmi ses ouvrages : La moisson rouge et La sang maudit écrits en 1929 , mais aussi le faucon de Malte ( titre en coup de chapeau au Faucon Maltais) avec le privé Sam Spade, et encore La clé de verre (1930) et L’introuvable (1934).

    Hammet va fasciner un autre auteur américain, Raymond Chandler qui publie son premier roman en 1939 « Le grand sommeil » avec l’apparition de Philip Marlowe qui traînera sa dégaine dans 6 autres titres qui suivront  dont le dernier « The Pencil » écrit en 1958 et édité en 1960 après la mort de l’auteur qui survient en 1959. Chandler s’est voulu aussi théoricien du nouveau roman criminel avec son opus : »L’art d’assassiner ou la moindre chose » (1944). Son œuvre noire est parmi les plus violentes de son époque, avec des descriptions très visuelles et des atmosphères dans des récits facilement adaptables au cinéma.



    Entre 1935 et 1939, un certain William Irish écrivait une centaine de nouvelles dans les Dime Détective et Black Mask. Il publie son premier roman, en 1940,  sous le pseudonyme de Woolrich Cornell : « La mariée était tout en noir » , avant sa suite noire de cinq titres : Retour à Tillary street, Alibi noir, Ange, Une peur noire, Rendez-vous en noir, mais, à la même période,  c’est William Irish qui signera Lady Fantôme, L’heure blafarde, la sirène du Mississipi et enfin j’ai épousé une ombre (1948). Il vivait avec sa mère malade et quand celle-ci décède, il se retire dans la solitude et l’alcoolisme. Après l’amputation d’une jambe à cause de la gangrène, il meurt d’une attaque dans l’oubli, tout en restant le maître du roman à suspens avec ses récits qui machiavéliques.

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    Il faut citer ensuite William Riley Burnett qui se fait connaître en 1929 avec la parution de « Le petit césar » , vie d’un truand inspiré de celle d’Al Capone, suivie d’une trilogie urbaine avec Quand la ville dort, Rien dans les manches et  Donnant -donnant. Il a obtenu l’Oscar du meilleur scénario pour La grande évasion en 1962. James Cain décrit un monde qui a pour métaphysique le sexe et de l’argent, notamment avec « Le facteur sonne toujours trois fois » (1934) et Assurance sur la mort (1936). Celui qui se dit l’écrivain maudit du roman noir,  Horace MC Coy  et qui est journaliste sportif, écrit « On achève bien les chevaux », en 1935, mais aussi « Un linceul n’a pas de poches » en 1937 et  publié qu’en 1948. 

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    Un arrêt sur Jim Thomson, un des plus noirs avec une galerie de personnages désespérés et désespérants, en passant par le shérif de « 1275 âmes »  ( en France n° 1000 de la série noire), le représentant de commerce parano dans Des cliques et des claques) , le journaliste alcoolo dans M. Zéro, le garçon de café complètement névrosé dans La mort viendra, petite ou encore le nervi tueur dans Nuit de fureur. Une équipe de dessinateurs et scénaristes ont réalisé les deux premiers tomes d’une trilogie « Sans pitié » en rendant hommage à cet auteur. La premier page du premier tome, montre un ballez en train de lire : « Deuil dans le coton » (titre original : Cropper’s Cabin). Ce roman est sorti en  1952. Le premier roman de Jim Thomson  est  Now et Earth  (1942), traduction littérale « Maintenant et ici-bas » ayant donné le titre français  « Ici et maintenant ».

    Jim Thomson a été découvert en France avec la parution de son roman « 1275 âmes », n°1000 de la Série noire (titre original : Pop 1280 et adaptation cinématographique de Tavernier dans « coup de torchon »).Plusieurs de ses romans, alors qu’il est mort dans l’indifférence aux Etats Unis, ont été adaptés au cinéma.  En France, on peut citer aussi  « Série noire »  d’Alain Corneau. 

    Cet auteur texan  a été comparé à Céline et avait une vision apocalyptique du monde.  Il a raconté sa vie dans Bad boy (1953).  Il a travaillé avec Stanley Kubrick pour « Ultime razzia »  et pour « Les sentiers de la gloire » (1955). On le voit apparaître dans le film « Farewell My Lovely » de Dick Richard qui lui a donné le rôle d’un juge trompé par son épouse.  Il a écrit dans les Pulps d’où ont émergé les premiers auteurs du hard boiled qui ont inspiré le genre noire en France et « les arpenteurs du réel » auxquels fait allusion Daeninckx, qu’ils soient de Marseille ou d’ailleurs.

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    David Goodis était reporter et explorer les bas-fonds urbains, se déguisant même en clodo. Il a mis en scène des anti-héros, galériens urbains qui se révoltent dans un sursaut de dignité humaine avant de sombrer définitivement dans le néant. Pour exemples quelques titres évocateurs: La nuit tombe, Epaves, Sans espoir de retour.. Il est l’auteur de  « Ne tirez pas sur le pianiste adapté au cinéma par Truffaut en 1957.

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    Un écrivain noir dans la Noire,  Chester Himes qui, après avoir purgé sept ans de pénitencier aux USA pour braquage,  s’installe en France où il rencontre Marcel Duhamel et écrit « La reine des pommes » en 1958 et  « Fossoyeur Jones et Ed Cercueil », deux flics violents qui séviront dans une série de 9 romans. On peut citer aussi L’aveugle au pistolet, Affaire de viol et Fin du primitif. Aujourd’hui, un autre écrivain américain et noir vit en France.  Il s’agit de Jake Lamar dont deux ouvrages sont publiés chez Payot et Rivages Nous avions un rêve (Thriller) et  « Le caméléon noir » (noir). Il est né et a grandi à Now York dans le Bronx. Il est journaliste diplômé de Harvard. Il était venu visité la France en 1993 et s’y est établi. Le Caméléon noir est l’histoire d’un journaliste noir américain, Clay Robinette, épinglé pour une histoire de falsification de source d’information et recyclé dans l’enseignement. Son ami Reggie Brogus, obèse et ancien militant de la cause noire,  trouve le cadavre nu d’une jeune femme blanche, une étudiante avec laquelle Clay a une liaison. Malgré les soupçons qui pèsent sur Brogus, Clay va se fourrer dans les ennuis pour couvrir son ami. L’autre roman est une anticipation de l’avenir policier et judiciaire de l’Amérique avec camps de rééducation des toxicos, exécutions télévisées des condamnés à mort de plus en plus nombreux, rétablissement de la pendaison par souci d’économie… et tou cela sous la houlette d’un attorney en passe de devenir le premier vice-président noir des Etats-Unis.

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    Il y a en d’autres écrivains américains comme Mickey Spillane, inventeur de Mike Hammer, Erie Stanley Gardner, père de Perry Mason, Ed Mc Cain et son commissariat du 87ème district ou encore James Hadley Chase et ses 89 romans dont « Pas d’orchidées pour Miss Blandish, adapté au théâtre. On ne peut tous les citer. Il existe des dictionnaires du polar. Il y a aussi de bons libraires qui mettent même des fiches de lecture dans leurs livres.

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    Toutefois, on ne peut éviter le contemporain Donald Elwin Westlake, recordman prolifique  des pseudonymes qui, depuis son premier roman « Le  Zèbre » édité en 1960, a constitué des bibliographie et filmographie impressionnantes.  Il a écrit ses premiers romans dans la veine de Hammet et Irish . Avec son sixième roman « Le pigeon d’Argile », il va changer de style pour adopter la dérision et l’humour jusqu’au grotesque, avec, par exemple son héros John Dortmunder, chef de gang. Parmi sa filmographie européenne, on peut citer « Mise à sac » d’Alain Cavalier d’après le roman « The Score »,   « Je suis un assassin de Thomas Vincent d’après le roman « Le contrat » ( roman inspiré du mythe de Faust), mais aussi « Le couperet » de Costa Gavras d’après un roman éponyme de 2005.


    Prochainement l'évolution du roman noir en France ... à suivre!

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  • Eléments de l’histoire du polar - 1ère partie jusqu’aux années 1930.

    Le genre policier fait l’objet de controverses sur sa définition même, sur sa valeur littéraire et sur ses origines. Toutefois, il s’agit d’un genre qui, sans se renier, est en perpétuellement évolution avec ses variantes dont les auteurs ont un seul but « capturer le lecteur jusqu’à la dernière ligne ».



    On peut faire remonter l’origine du genre aux temps bibliques. Powel s’adressant au bon dieu, lui dit : «Seigneur, tu n’es pas contre l’assassinat, la Bible est pleine d’assassinats… ». J’en ai pour exemple les anecdotes de Daniel et les prêtres, de Suzanne et les vieillards, de Dalila trahissant Samson … On peut citer des tragédies antiques comme Œdipe, Les mille et une nuits, et les grands auteurs grecs ou latins : Esope, Archimède, Pline le jeune ou Cicéron, avec une mention spéciale pour Hérodote et son ouvrage «Les fils de l’architecte » considéré par certains comme la pierre angulaire du genre policier. Un mystère de chambre close en 1237 avant J-C et, comme ingrédients : vols mystérieux, corps sans tête, maison de débauche, bras coupé à un cadavre… Originaire de Carie, un état en Asie mineure conquis par les colons qui massacrèrent les hommes pour épouser les femmes, Hérodote était l’enfant d’un métissage entre l’Asie et l’Europe, d’une double appartenance identitaire. Il est considéré comme un géographe, un sociologue, un ethnographe et un reporter. Il a voyagé beaucoup, remplissant ce qu’il appelait des carnets « d’enquête » qui correspond au mot grec « historia » aux sens de documentation, exploration, découverte. Il racontait surtout les batailles et s’intéressait aux adversaires des Grecs, à leurs us et coutumes notamment. Allant toujours plus loin dans le détail de ses récits, il faisait de nombreuses digressions sur des anecdotes et des petites histoires qu’on lui racontait.

    Plus près de nous, on peut évoquer le cours de médecine légale dans la tragédie de Shakespeare, Henri IV, ou bien les épisodes du « Cheval du roi » et de « L’épagneule de la reine », dans Zadig de Voltaire, la gaieté de l’amateur français de Beaumarchais et même le Barbier de Séville. On trouve dans ces récits des passages dignes de Sherlock Homes.



    Le roman policier est un ouvrage littéraire qui met en scène principalement des personnages policiers ou détectives professionnels ou amateurs, en lutte contre des gangsters ou des criminels. Sur la base de cette définition liminaire et sans remonter aux chalandes grecques, c’est au 19ème siècle, celui de l’industrialisation et de l’urbanisation, que le genre policier va émerger, en même temps qu’évolue la police. Son inspiration va se trouver dans des biographies de bandits et des récits de meurtres étranges, vendus de porte en porte par des colporteurs. Des personnages deviennent des mythes comme Vidocq. Balzac est considéré, par certains, comme l’auteur des premiers romans noirs avec « La grande Bretèche » en 1832 et « Une ténébreuse affaire » en 1841 (enlèvement du Sénateur Clément de Ris. Mais c’est Edgar Allan Poe en 1841 avec «Double assassinat de la rue Morgue » (première traduction faite par Charles Baudelaire) qui va être considéré comme le père du roman policier. Ce jeune américain a choisi Paris comme cadre de ses premiers romans et pensait avoir découvert une technique de raisonnement applicable à la fiction et fondé sur la détection d’indices. Il explique sa méthode dans « genèse d’un poème ».

    Dans l’hexagone, le roman policier va garder sa spécificité française jusque vers 1918. On part de la découverte d’un crime pour remonter jusqu’aux causes (les mobiles) : un crime, un problème, une enquête. L’archétype du détective (raisonneur et psychologue) naît avec le chevalier Dupin.
    Le premier disciple de POE est Emile Gaboriau, journaliste (C’est un métier qui, comme flic, donnera beaucoup de polardeux) il publie en 1866 « L’affaire Lerouge » avec un personnage dans la filiation de Dupin, c’est le Père Tabaret alias Tirauclair. Ensuite il invente le personnage de l’Inspecteur Lecocq qui , comme Sherlock Holmes plus tard, utilise la déduction et les moyens scientifiques dans ses enquêtes : relevés d’indices matériels, moulage d’empreintes. Les auteurs utilisent les techniques du roman populaire ou les péripéties l’emportent sur la déduction. On peut citer « Le coup d’œil de Monsieur Piédouche » de Fortuné du Boisgobey, « Maximilien Heller » de Henry Cauvin (publié en 1886 dont le héros ressemble à Sherlock Homes qui n’apparaîtra qu’un an plus tard et certains parleront de plagiat en direction de Conan Doyle) ou encore « La chambre du crime » d’ Eugène Chavette.
     
    Après 1918, les auteurs français vont suivre le modèle anglais en privilégiant l’analyse, la déduction. Jusqu’à la première guerre mondiale (1914-18) le récit policier est surtout distribué par des mensuels. Il entre dans l’édition après guerre, avec l’apparition de deux collections prépondérantes : « L’empreinte » et « Le masque », fondée en 1927 par Albert Pigasse. On passe des nouvelles composées d’une cinquantaine de pages aux livres plus étoffés. Il faut noter que, sur les 60 premières parutions de l’Edition «Le masque », trois seulement étaient françaises.



     Les historiens de polar définissent deux écoles :
    - la française avec Gaboriau qui s’est développée dans la veine des feuilletons alors très en vogue et qui met en scène un policier scientifique et professionnel, tout en préservant l’aspect romanesque du récit.

    - L’anglo-saxonne avec Edgar Poe qui privilégie le déroulement de l’enquête et la figure du détective amateur. Deux ans avant la parution de « double assassinat de la rue Morgue », Thomas de Quincey avait écrit un essai noir « De l’assassinat considéré comme l’un des beaux-arts »

    Si Edgar Poe et Emile Gaboriau apparaissent comme les précurseurs d’un genre qui a ses codes, les historiographes comme Claude Mesplède ( surnommé « Le pape du polar » par ses amis polardeux en hommage à sa connaissance encyclopédique du genre), citent ensuite les pères fondateurs, inventeurs de héros : Conan Doyle, Gaston Leroux, Maurice Leblanc, Pierre Souvestre et Marcel Allain, Arthur Bermède (Belphégor) ; Jacques Norbert (Docteur Mabuse), Maurice Renard ( Le mystère du masque et le bracelet d’émeraude) et Gustave Lerouge (Voleur de visages, Le mystérieux docteur Cornélius, Todd Marvel).



    En 1887, Conan Doyle livre les premières aventures de Sherlock Homes avec, en premier lieu, « Une étude en rouge ». Sans doute dépassé par le succès de son héros affublé de son compagnon fidèle, le Docteur Watson, il le tue en 1893 dans « Le dernier problème », pour le ressusciter 10 ans plus tard sous la pression de son lectorat. Entre cette date et 1927, il écrira 4 romans et 56 nouvelles. C’est l’ère du QQOCP qui s’ouvre comme le cri du poulet à l’aube de chaque enquête : Quoi ? Un meurtre. Qui ? Une victime et un coupable. Où ? Découverte du cadavre dans un lieu insolite ou familier. Comment ? Les moyens sont multiples et variés… Pourquoi ? Par vengeance, par cupidité, par sadisme, par folie pure….
    Sherlock a eu une suite récente en Corse; La vendetta de Sherlock Holmes de Jean Pandolfi - Crozie ( témoignage de son arrière grand-oncle Ugo Pandolfi)

    En 1905, Maurice Leblanc livre les premières aventures d’Arsen Lupin, le gentleman cambrioleur, avec « L’arrestation d’Arsen Lupin ». En 1907, Gaston Leroux est l’inventeur de « Rouletabille », Joseph Joséphin, reporter – détective. On peut citer « Le mystère de la chambre jaune » et « Le parfum de la dame en noir». En 1911, les journalistes Pierre Souvestre et Marcel Allain composent l’anti-Lupin qu’est Fantômas, qui est « personne mais cependant quelqu’un » et « Il fait peur ».


    Maurice Leblanc et Arsène Lupin par Nadia Dhoukar :
    « Arsène Lupin est un personnage de la Belle Epoque, empreint du positivisme et de la frivolité ambiante du moment. Il se divertit sans cesse, n'agit que par goût du jeu ; c'est un individu léger qui aime l'art, le défi et les jolies femmes. A l'instar de Sherlock Holmes, il fait rire et sourire et entraîne son lecteur dans un univers qui se moque des lois et des convenances, et cela, toujours avec intelligence et finesse. Mais surtout, plus que ses homologues tels Holmes ou encore Fantômas, Lupin n'est pas hiératique dans le sens où il prend corps au fil des aventures, change, se remet en question, éprouve des sentiments humains et s'avère plus proche du lecteur anonyme que d'un détective infaillible. La réunion de tous ces éléments a fait de Lupin un personnage qui a plu et qui plaît encore. En effet, Poirot par exemple et son esprit déductif a fait sensation au moment de son apparition, il plaît encore aujourd'hui mais son talent est quelque peu désuet parce qu'il puise la solution de l'énigme dans une analyse psychologique qui apparaît aujourd'hui comme schématique, réductrice et rudimentaire. Lupin lui, illustre une légèreté et une désinvolture qui plaisent de tout temps parce qu'il se joue des limites que les hommes ont tracées, limites qui, si elles se transforment, existent et existeront toujours. De ce fait Lupin possède un caractère qui relève de l'universel : celui du défi. Nous verrons d'abord en quoi Arsène Lupin n'est personne, ensuite de quelle manière, à travers la quête et le duel, il devient quelqu'un ».



    Un peu d’histoire de la police : 1790, création du corps des commissaires de police qui remplacent les commissaires enquêteurs –examinateurs. 1791, Antoine Waldec de Lessart est le premier ministre de l’intérieur, gardien de la légalité, garant de la paix publique et de la sécurité des personnes et des biens, tuteur et responsable de l’administration territoriale. 1795, distinction entre police judiciaire et police administrative. 1800, création des commissariats et de le Préfecture de police, et organisation de la police urbaine en Province. 1829, première police en tenue d’uniforme, les sergents de ville. 1854-1856, mise en place de l’îlotage. 1870, remplacement des sergents de ville par les gardiens de la paix. 1879-1882, mise en place de l’anthropométrie inventée par Bertillon, adoptée en 1887 par la Préfecture de police puis répandue dans toute l’Europe. 1888, premières photographies métriques. 1902, Les services de l’Identité judiciaire relèvent et utilisent les empreintes digitales. 1907, création par Clemenceau des Brigades du Tigre qui deviendront les Services régionaux de police judiciaire. 1912, création de le Brigade criminelle. 1920, le commissariats sont équipés de camionnettes de police secours (surnommées par la suite « Les paniers à salades »). 1941, étatisation de la police et création de la police nationale…



    Dans la lignée de ce que l’on appelle l’école anglaise, le roman est construit de façon rationnelle et scientifique. Il s’agit d’un puzzle dont chaque indice est une pièce ou pas. Le lecteur -détective doit faire appel à son esprit d’observation et de déduction pour découvrir la clef de l’énigme avant l’épilogue. C’est Agatha Christie, avec ses héros Hercule Poirot et Miss Marple, qui donnera au roman de détection ( à énigme ) sa marque de fabrique« Made in British ». En 1924, Austin Freeman, médecin et auteur, publie à 62 ans son essai : « L’art du roman policier ». On lui a reproché son approche trop scientifique, sa police de laboratoire qui déconcertait les lecteurs, malgré ses efforts de vulgarisation. Il a écrit de nombreux romans à problème dont : L’œil d’Osiris, L’os chantant, Le singe en argile, le mystère de la rue Jacob… Il est l’inventeur du personnage du policier Thorndyke, raisonneur et pragmatique.


    En 1928, S.S. Van Dine se posera comme le théoricien du genre avec son opus énumérant les « Vingt règles pour le crime d’auteur ». Il est l’inventeur du détective Philo Vance, cultivé et fin psychologue. Pour résumer les règles de Van Dine, dans le roman policier, il doit pas y avoir d’intrigue amoureuse ; le coupable ne doit pas être un détective ou un policier, ni un domestique et il ne doit y en avoir qu’un même si les assassinats sont multiples ; Il doit bien sûr y avoir au moins un cadavre ( et plus ce cadavre est mort mieux ça vaut) et un seul détective ; le coupable doit avoir joué un rôle important dans le récit et l’épilogue doit y transparaître pour un lecteur suffisamment perspicace ; enfin, il faut proscrire les longs passages descriptifs, les analyses trop subtiles et de préoccupation d’atmosphère.

    A la même époque la collection Le Masque ouvre une autre voie, celle des auteurs francophones avec une prépondérance des auteurs français et belges, des romans classiques qui sortent des règles de Van Dine. Dans cette veine, on peut citer Pierre Very, qui voulait « rénover la littérature policière en la rendant poétique et humoristique ». Il invente le personnage de Maître Prosper Lepicq avocat qui traque les criminels pour en faire ses clients. Le belge S.A Steeman invente le personnage d’un ancien policier installé à son compte M. Wens et un précurseur de Maigret, Aima Malaise. Charles Exbrayat entre dans le genre policier à l’âge de 51 ans avec un premier roman « Elle avait trop de mémoire » en 1957 suivi rapidement de deux autres en 1958 « La nuit de Santa Cruz » et « Vous souvenez-vous de Paco ? » pour devenir l’auteur vedette de la collection Le Masque et produite, par la suite, une centaine de titres. Mais l’auteur phare de cette école franco-belge est Georges Simenon, père du Commissaire Maigret, avec 400 livres et des centaines de millions d’exemplaires vendus dans le Monde. Il consacrera au commissaire Maigret, qui naît avec « Pietr le Letton » en 1929, 76 romans ou nouvelles avec la devise de son héros : « comprendre et ne pas juger ».

    Le roman noir connaîtra son âge d’or dans les années 30-40 d’abord aux Etats-Unis, dans le contexte de la crise économique de 1929 et d’une société violente, avec Dashiel Hammet et la génération de ceux que l’on a surnommés les « fouille-merde » (Muckrakers). Ce sont les américains qui ont sorti le polar des salons feutrés anglo-saxons et ont mis au goût du jour le Thriller, découvert et apprécié en France dans les années 1950. Gallimard crée la collection prestigieuse « Série noire » après avoir créé en 1936 celle « Le scarabée d’or ». Aujourd’hui, en coup de chapeau à la Série noire, une collection « Suite noire » a été créée récemment par Jean-Pierre Pouy, auteur et éditeur qui fait partie de l’aventure du Poulpe.

    Avec Hammet, c’est donc les américains qui ont inspiré le roman noir français. Dans la suite, Raymond Chandler disait que Hammet « a arraché le meurtre du vase vénitien et l’a jeté dans la rue ». Pour Hammet, un détective devait « être un type dur et rusé, capable de se tirer de toutes les situations ».

    A suivre… prochainement Le roman noir américain.
     
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  • " La huitième colline ", écrit par Louis CARZOU - Entretien avec l’auteur en fin d’article

    Livre acheté le 24 avril 2006, 91ème anniversaire du génocide arménien. Un premier roman passionnant et convaincant. Son auteur est d’origine arménienne et, à 42 ans, rédacteur en chef adjoint à LCI. Site:

    http://www.louiscarzou.com

    Mémoire généalogique…
    Dans les familles arméniennes, le génocide est un lourd héritage que chaque enfant porte à son tour pour que les voix des Anciens, au-delà de la mort, traversent les siècles d’écho en écho. C’est cela que l’on appelle le devoir de mémoire.

    Carzou : Un patronyme déjà célèbre…

    Louis Carzou dédie son roman " La huitième colline " à son grand-père Garnik Zouloumian, plus célèbre sous le nom de Jean Carzou, peintre, graveur et décorateur français d’origine arménienne, né le 1er Janvier 1907 à Alep (Syrie ) et décédé le 12 août 2000 à l’âge de 93 ans. Académicien à l’Institut des Beaux Arts, récipiendaire de hautes décorations, récompensé par des prix prestigieux, on lui doit la fresque " Apocalypse " qui décore l’église de la présentation à Manosque, œuvre qui traduit sa hantise de l’holocauste. Il a décoré la chapelle de l’Eglise du couvent de Manosque qui est devenu la fondation Carzou en 1991.

    Notre auteur ne s’arrête pas là en ce qui concerne ses illustres ascendants. Sa grand-mère Nane Carzou écrivait des recueils de contes et des livres pour enfants dont " Voyage en Arménie ", un voyage fait avec son illustre époux ou bien Antranik et la montagne sacrée, des contes arméniens. Elle est décédée en 1998.

    Jean et Nane Carzou ont eu un fils Jean-Marie Carzou, auteur de l’ouvrage Arménie 1915 – Un génocide exemplaire- édité chez Flammarion en 1975, professionnel de l’information, producteur et réalisateur d’émissions pour la télévision et qui a, pour fils, Louis Carzou. Celui-ci, auteur de " La huitième colline ", a pris la relève d’une lignée qui ne s’éteint pas. Son père avait ouvert la voie en écrivant sur le génocide arménien avant les autres. Dans son premier roman, il remplit son devoir de mémoire.


    Une fiction pour un témoignage serein et fier : La huitième colline

    Comment les destins se croisent ? Bien souvent, par des rencontres banales. Et puis, il y a les tragédies de l’histoire de l’humanité qui révèlent des héros ordinaires parce qu’ils restent simplement humains alors que leurs congénères s’enlisent dans la barbarie par obscurantisme ou veulerie. Ce refus de la barbarie conduit forcément à un acte héroïque.

    Dans son premier roman pétri d’humanisme au titre " La huitième colline ", Louis Carzou évoque le génocide arménien. De nombreux ouvrages historiques ont été publiés sur le sujet. Il n’y a plus que des négationnistes, des hommes politiques cyniques et des affairistes pour en contester la réalité. L’auteur utilise le genre romanesque et donc la fiction à partir d’un fait historique majeur dans le cours fragile de l’humanité. Il fait appel à l’empathie du lecteur et, par là, nous donne à ressentir, par la lecture et donc l’imaginaire, ce que les Arméniens ont vécu dans leur chair.

    Dans une famille turque, une grand-mère révèle, au seuil de sa mort, qu’elle est arménienne, enfant sauvé et adopté par un médecin turc. Ce choix révèle que, en 1915, tous les Turcs n’ont pas participé ou approuvé le génocide, de même que, de nos jours, des Turcs le reconnaissent avec tous les risques encourus. L’auteur met en scène des femmes arméniennes dans une histoire romancée à la fois tragique et belle par les émotions qu’elle suscite. Les personnages sont porteurs de vérités historiques et contemporaines. L’écriture est subtile et leur donne chair.
    En 1915, le Colonel Mehmet, fier d’être un descendant des Janissaires, incarne la barbarie la plus cruelle à côté du lieutenant Zafer, intellectuel qui, au fil du temps, s’aguerrit et obéit par conviction ou couardise. Le bon Docteur Bey ( Ragip) découvre avec horreur le sort réservé aux Arméniens et se souvient de ce que lui disait un professeur, lorsqu’il était étudiant : " Un médecin fait un diagnostic. Un bon médecin agit ". Il y a aussi le personnage de Itsak. Protégé par le médecin, ce jeune turc est un pacifiste, amoureux de Gayané, jeune fille arménienne à en perdre la raison, dans une Turquie qui est en guerre et prépare le génocide.
    Dans la Turquie contemporaine, Sibel est une journaliste émancipée et une femme moderne qui résiste à la pression de sa famille : une mère, Nermin, qui l’appelle " Mon petit moineau " tout en la culpabilisant de n’être pas mariée à 27 ans ; un frère, Sédat, traditionaliste et conservateur lorsqu’il s’agit de la nation turque et de la religion musulmane ; et le père, Arda, qui, par ses regards et ses silences, veut peser sur la conscience de sa fille. La jeune femme a un amant, Volkan et travaille pour CNN Turquie, qui " n’est qu’une licence exploitée par un groupe de presse turc. " Elle s’intéresse à la répression contre les Kurdes et s’arrête sur une image d’une mère kurde qui offre son enfant à la caméra en disant : " Prenez-le ! Prenez-le ! Qu’est-ce que je vais en faire moi ? Qu’est-ce que je vais lui donner ? La misère ? La répression ? L’exil ? "… Un geste désespéré qui s’était déjà produit en 1915 …
    Ragip (Docteur Bey) et Sibel, à des décennies et trois générations d’intervalle, sont des personnages à la fois forts et fragiles dans une société turque figée dans ses croyances. L’arrière-grand-père turc et sa petite fille portent en eux cette humanité qui permet de ne jamais sombrer dans l’obscurantisme même lorsque tout vous y pousse. Louis Carzou met leurs vies en parallèle dans deux récits qui se suivent et s’imbriquent. Le premier élément matériel de l’intrigue est un ornement fait de " dix pétales qui tournaient dans le sens des aiguilles d’une montre autour d’un rond central ". En 1915, cet objet d’art est observé d’abord, dans la région de Sivas, par Ragip et appartenait au Colonel Mehmet. Celui-ci dévoile son racisme et sa cruauté en disant : " C’est un cadeau… le gavour ( infidèle arménien pour les Turcs) cet infidèle qui me l’a donné m’a assuré qu’il n’en fabriquait plus d’autres comme cela… Mais vous faites confiance, vous, à ces chiens ?... Ah, ça, pas moi ! A peine le dos tourné, ils vont chercher leurs saloperies de frères russes ! Alors pour être sûr qu’il tienne sa promesse, je suis parti avec ses bras !... hè…hè…hè… " A l’époque qui est la notre, Guluzar, grand-mère de Sibel, porte un pendentif au motif identique, en arménien " averjagan " qui signifie et symbolise l’éternité.
    Tout le monde appelle Guluzar par le petit nom de " Nine ". Sibel, qui adore cette grand-mère paternelle, nous confie même que, petite fille, elle lui avait demandé ce qu’était le noir et Nine lui avait répondu : " C’est la couleur qui est privée de lumière "… Sibel avait pris alors pour habitude, la nuit, de laisser sa chambre éclairée pour " consoler la nuit de l’obscurité "… Quelle métaphore à saisir !... allumer la lumière de la vérité pour consoler la longue nuit arménienne… La lumière de la vérité face à l’obscurantisme et au négationnisme… La lueur de l’espoir qui résiste à tous les éteignoirs… la fin de l’éclipse historique qui, depuis bientôt un siècle, maintient un soleil noir au dessus de la Turquie privée de lumière.
     
    " Les mots sont les passants mystérieux de l’âme " écrivait Victor Hugo. Plus près de nous, Kevork Témizian, cardiologue et poète arménien né en Syrie, a écrit un beau poème " Tes mots peuvent-ils ériger un nouveau monde ? ". Les premiers vers questionnent encore : " Tes mots peuvent-ils tracer des sillons dans la terre, se muer en semence, alliant la substance et la saveur des siècles passés aux siècles à venir ? ". Les mots ont une musique avec des échos intérieurs. Lorsque Sibel, intellectuelle, apprend que sa grand-mère est arménienne elle veut savoir et comprendre. Le seul livre qu’elle trouve en librairie est un vieux dictionnaire anglais-arménien. Elle y découvre le mot " Medz Mayrig ", Grand-mère. Elle est prise d’un dégoût, d’une mélancolie jusqu’à la nausée face à son identité nationale turque. Elle dit : " Je ne sais plus si je suis turque ou arménienne, parce que les deux… Les deux, ça me semble difficile… Impossible … Parfois je me dis que je hais ce pays qui se ment, alors que c’est le mien… " Comment va-t-elle surmonter cette crise existentielle ?

    La huitième colline est une métaphore pudique utilisée dans le roman de Louis CARZOU qui a inventé une fin optimiste à son récit. Donc, ne la cherchez pas en Anatolie où une grande partie des massacres eurent lieu et à Sivas où le drame trouve son origine dans ce roman. A Sivas, le 4 septembre 1919, se réunissait le congrès qui a jeté les fondations de la République turque. Plus récemment, le 2 juillet 1993, des fondamentalistes sunnites y incendiaient l’Hôtel Madimak, en représailles de la présence de l’écrivain Aziz Nesin, traducteur des Versets sataniques de Salman Rushdie. Dans cet incendie, 36 intellectuels alévis et un anthropologue néerlandais ont péri.

    Ce premier roman est profondément pensé et écrit tout en finesse, sans haine, sur un sujet qui concerne Louis CARZOU, puisqu’il a une origine arménienne. Il est édité aux Editions Liana Levi… à découvrir sans attendre la fin de l’ " année de l’Arménie ". En France, des événements culturels sont organisés dans de nombreuses villes et offrent l’occasion de découvrir un peuple martyrisé, issu d’une grande civilisation, et porteur de richesses pour le patrimoine de l’Humanité.
     
    La reconnaissance du génocide arménien concerne en premier lieu les Arméniens et les Turcs. Elle est aussi un symbole fort de la communauté internationale pour toutes les minorités intégrées ou non dans une grande nation. Elle touche à leur droit de survie et de sauvegarder un patrimoine identitaire et culturel lié à leur histoire ancestrale dont ils sont les témoins vivants : " un témoignage serein et fier ". Elle est la condamnation des comportements hégémoniques qui refusent l’idée que l’on puisse vivre en harmonie dans un pays, en respectant des règles constitutionnelles, civiles ou pénales, mais sans renier son appartenance identitaire plus ancienne que celle nationale. Elle condamne la pensée et la religion uniques qui fondent, sur la haine de l’autre, le racisme, les dictatures et les communautarismes. " Il n’y a qu’un coin de la planète qui peut se revendiquer ethniquement pur… c’est le Groenland… Enfin, d’après ce que je sais des pingouins ", dit un sage arménien dans le roman de Louis CARZOU, qui nous offre une happy end, avec une vision optimiste de l’évolution sociale en Turquie dans les années à venir. Le jour où la Turquie reconnaîtrait les années noires de son histoire, nous fêterions volontiers ce repentir à Istambul ou à Erevan. A Erevan, on pourrait boire un coktail Malkhaz, un verre dans chaque main, en écoutant l’ Américan Navy Band au Malkhaz jazz Akam et peut-être que le patron , Levon Malkhazian se mettrait au piano… A Istanbul, on consommerait un caïprina au bar 360°, avant d’aller flâner chez les bouquinistes de Sihangir pour feuilleter quelques livres sur le génocide arménien comme Arménie 1915 , un génocide exemplaire d’un certain Jean-Marie Carzou qui cite Jean Jaurés : " Nous en sommes venus au temps où l’humanité ne peut plus vivre avec, dans sa cave, le cadavre d’un peuple assassiné ".
    Et puis, rêvons encore un peu, il y aurait un rayon complet de livres sur le génocide chez un libraire prénommé Serguei avec : Les passagers d’Istanbul d’Esther Héboyan, Un poignard dans un jardin de Vahé Katcha, Les héritiers du pays oublié et Le ciel était noir sur l’Euphrate de Jacques Der Alexanian, 1915… Les derniers Laudes de Perdj Zeytoutsian, Les massacres des Arméniens de Arnold J.Tynbee, Nuit turque de Philippe Videlier, 1918-1920 , La république arménienne de Anahide Ter Minassian, L’Arménie à l’épreuve des siècles par Annie et Jean-Pierre Mahè, Les naufragés de la terre promise de Robert Arnoux, Les yeux brûlants d’Antoine Agoudjian, La victoire de Sardarabad de Serge Afanasyan, L’état criminel de Yves Ternon, Les lettres rouges de Jean-Pierre Badonnel, Embarquement pour l’Ararat de Michael J. Arlen, Moi, Constance, princesse d’Antioche de Marina Bédéyan, Arménia de Robert Dermerguerian, Dictionnaire de la cause arménienne de Ara Krikirian, Le tigre en flammes de Peter Balakian, Deir-es-Zor de Bardig Kouyoumdjian et Christine Simeone, La province de la mort de Leslie A.Davis…

    En 1915, les Arméniens avaient été condamnés à mort à cause de leur appartenance ethnique et de leur localisation géographique. La tension régnait entre les Arméniens séparatistes et les occupants turcs, la guerre mondiale avait atteint les Balkans, et, le 24 avril 1915, le débarquement des troupes alliées échouait à Gallipoli. Cet échec marquait la date du début des massacres organisés contre les Arméniens. En 1916, le peuple arménien avait perdu, en deux ans, 1.500.000 des siens, avec l’alibi turc de la subversion. Par la suite, d’autres génocides ont été perpétrés… Dans son roman, Louis Carzou évoque les massacres de femmes arméniennes avec leurs enfants. On peut évoquer à ce sujet les paroles de Pierre Loti de l’Académie française : " Je ne puis penser sans une spéciale mélancolie à ces femmes massacrées qui, pour la plupart sans doute, avaient d’admirables yeux de velours. "
    Pour finir en poème, dans " vô lu mondu " chanté par les Muvrini et dont un couplet est interprété par le chanteur arménien du groupe Bratch, nous avons relevé ces passages…
    U ventu dice un tu nome
    Da rompe a chjostra di tu campa…
    Calvacu mari è corgu mondi…
    Les mers défilent au long du voyage
    Pour découvrir la liberté
    Ma vie s’arrime à tant de peuples
    Tantôt en lutte ou en prière
    A tant d’attente, à tant d’espoir
    Pour la lumière qui reviendra...
    E vo lu mondu…
     
    ENTRETIEN AVEC LOUIS CARZOU :
     
    1°/ La huitième colline est votre premier roman publié. Vous êtes d’origine arménienne. A 42 ans, vous êtes rédacteur en chef adjoint à LCI. Vous êtes donc journaliste de formation et on aurait pu penser que vous auriez choisi le genre historique ou documentaire pour écrire un ouvrage sur le génocide arménien. Pourquoi avoir choisi le roman, donc la fiction ?

    LC : L’écriture, qu’il s’agisse de romans, de nouvelles ou de tout autre forme de fiction, est chez moi un désir bien plus ancien que celui du journalisme, même si je suis très attaché à ce métier. Sur le thème du génocide arménien, mon père avait déjà ouvert la voie des ouvrages historiques avec la publication en 1975 du premier livre d’histoire en français consacré à cette tragédie. Surtout, je ne crois pas avoir écrit un roman sur le génocide des arméniens, mais plutôt sur la question de la transmission, de la mémoire. C’est d’ailleurs pour cela que mon héroïne est une jeune femme d’aujourd’hui. Lorsque j’ai commencé à travailler sur ce roman, elle se posait cette question : " A travers mes enfants, à quoi je donne une vie supplémentaire ? " . Et puis seule la fiction permettait cette construction avec l’alternance de passages contemporains et de plongées dans le passé.

    2°/ Le génocide arménien est au centre de votre roman et vos personnages apparaissent porteurs de vérités historiques et contemporaines. Pouvez-vous nous parler des personnages de Ragip et Nine, du colonel Mehmet et du lieutenant Zafer, mais aussi, dans la Turquie contemporaine, de Sibel et Sedat?

    LC : Sibel est évidemment le personnage auquel je suis le plus attaché. C’est aussi le personnage qui m’a donné le plus de difficultés, car, en toute humilité, rien n’est finalement plus complexe que de se glisser dans la peau d’un personnage féminin. Mais il n’y a rien de plus passionnant non plus, du moins à mes yeux. Paradoxalement, les heures passées avec Ragip ont été plus aisées, du point de vue de l’écriture. C’est paradoxal parce que c’est à sa suite que l’on traverse l’horreur de ce génocide, que l’on se trouve confronté à sa réalité la plus immédiate, sa dimension humaine. Je dois reconnaître que pour le personnage de Nine, je me suis inspiré de ma grand-mère paternelle, dotée d’un sacré caractère. Quant aux deux personnages de militaires turcs, ils me semblaient bien symboliser les deux faces d’une même volonté d’extermination : celle qui fait du zèle, qui se venge à travers sa cruauté de sa propre médiocrité, et celle qui laisse à sa propre lâcheté le soin d’oublier sa responsabilité lorsque l’on applique des ordres barbares jusqu’à en faire des réflexes.

    3°/ A la fin de La huitième colline, la grand- mère Nine veut se convertir à la religion musulmane qu’elle n’avait pas réellement embrassée jusque là. Elle est née arménienne de naissance et donc chrétienne Grégorienne. Elle a vécu en musulmane sans l’être. Elle veut mourir en musulmane, par reconnaissance envers celui qui l’a sauvée. Cette conversion voulue et non pas subie est-elle simplement, pour vous, la reconnaissance d’un " Juste " parmi les Turcs ou doit-on y voir un autre message plus polémique sur les Arméniens vivant toujours en Turquie? Est-ce, à cet égard, un geste symbolique significatif ?

    LC : Cette conversion m’a été racontée par un ami français d’origine arménienne, et c’est cette anecdote incroyable qui est à l’origine de ce roman. J’ai été tellement frappé par le récit de ce geste, qu’il me semblait impossible de ne pas écrire sur cette dernière volonté aux allures de révolution intime. Quinze jours après cette conversation, j’avais déjà pratiquement toute la structure du roman en tête, organisée autour de cette anecdote. J’ai demandé à cet ami la permission de me servir de ce geste, ce qu’il a accepté bien volontiers, d’autant que le phénomène des familles turques qui se découvrent un aïeul arménien est assez répandu en Turquie. C’est pour moi un acte très fort, symbolique, de réconciliation. Il est incontestable qu’il y a eu un génocide des arméniens, mais il est aussi incontestable qu’il y a eu, dans cette tempête d’inhumanité assassine, des hommes qui refusaient de prendre part à l’extermination de leurs voisins. Et je trouve important, dans le respect de mes origines arméniennes, d’être aussi capable d’écrire cela.

    4°/ La Huitième colline se situe en Anatolie où une grande partie des massacres a été perpétrée et plus particulièrement la région de Sivas où a été réuni le 4 septembre 1919 le congrès qui a jeté les fondations de la République turque. Plus récemment, dans cette ville, des fondamentalistes sunnites ont incendié l’Hôtel Madimak le 2 juillet 1993, en représailles de la présence de l’écrivain Aziz Nesin, traducteur des Versets sataniques de Salman Rushdie. Dans cet incendie, 36 intellectuels alévis et un anthropologue néerlandais ont péri. Pour quelles raisons avoir choisi ce lieu ?

    LC : Justement parce que cette ville symbolise les effets tragiques du nationalisme turc dans ce qu’il a de plus ombrageux, que ce soit en 1915 ou aujourd’hui. Si le lecteur se renseigne sur cette ville, il se rendra compte que le combat contre l’intolérance, les discours et les saillies extrémistes, est un combat toujours d’actualité en Turquie. De plus, cette ville était très loin des lignes de front de la première guerre mondiale. Or elle a abrité nombre de massacres. C’est donc, à cet égard, un parfait exemple contre l’un des arguments préférés des négationnistes aujourd’hui, qui consiste à dire qu’il s’agissait d’empêcher les populations arméniennes de pactiser avec les russes. Jamais, de toute la guerre, un soldat russe n’a mis le pied à Sivas. Or la population arménienne de Sivas a, elle aussi, été très largement décimée, dès 1915.

    5°/ J’ai lu sur le site de votre éditeur, votre définition biblique des Arméniens comme " le peuple élu… au second tour ". Nous sommes dans l’année de l’Arménie en France. Pensez-vous que cet événement qui se concrétise par de nombreuses manifestations culturelles, soit de nature à faire encore bouger les choses, notamment en ce qui concerne la reconnaissance du génocide par la Turquie comme condition préalable à son entrée dans la communauté européenne ?

    LC : Ma définition des arméniens est une boutade, et n’a rien de " biblique "… Quant à la reconnaissance du génocide des arméniens par la Turquie, je pense que nous finirons par y assister. Certes, les informations, que ce soient les procès contre les intellectuels, ou les actions plus perverses (la modification des noms latins de certaines espèces qui comportent le mot " armenia "…), ne rendent pas optimistes. Mais souvenez vous de l’exemple de l’URSS. En 1981, j’avais 18 ans, et c’était Brejnev qui tenait le Kremlin. A l’époque, si l’on m’avait dit que tout s’effondrerait huit ans plus tard, sans déclencher un conflit majeur, j’aurais pris mon interlocuteur pour un fou. Il faut donc continuer de se battre pour cette reconnaissance, parce que, parfois, l’Histoire peut être porteuse d’espoir. Surtout, je crois sincèrement que cette reconnaissance serait ce qui pourrait arriver de mieux aujourd’hui… pour les citoyens turcs. Car elle impliquerait trois changements majeurs pour eux : un vrai respect du droit des minorités, une authentique liberté d’expression et la remise en cause du rôle de l’armée dans ses institutions, acteur qui échappe encore au suffrage universel.


     
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  • Un auteur corse de talent : Philippe FRANCHINI:

    Nous venons de lire " Continental Saïgon " écrit par Philippe FRANCHINI, édité en 1977 et réédité en 1999. Il relate, au fil de sa vie, l’histoire du Viet Nam et celle de l’Hôtel Continental de Saïgon, où il a pris la suite de son père au décès de ce dernier, en 1965, après la guerre d’Algérie. Cet hôtel qui faisait donc partie de son patrimoine, était aussi considéré comme un monument historique de cette ville mythique qu’est devenue Saïgon. Au milieu d’un lyrisme aux senteurs d’Extrême - Orient, on trouve des phrases efficaces et bien pensées. Certains passages laissent apparaître l’auteur de polar que Philippe FRANCHINI pourrait devenir, notamment celui " faire du fric américain ". A découvrir ou redécouvrir ! L’auteur , né de père corse et de mère vietnamienne, a quitté l’enseignement pour peindre et écrire. Vous pouvez consulter sa biographie sur le site de l'éditeur qui porte le nom d'un tableau de Kadinsky: http ;/www.lecavalierbleu.com . Si ses racines vietnamiennes nourrissent sa sève humaniste dans "Continental Saïgon", il y a aussi de la graine corse chez lui.

    Dans la collection " Idées reçues " de l'éditeur "Cavalier bleu" , vous trouverez son essai " Les corses " avec cette entrée en matière : " Le sujet est explosif. Et les débats passionnés. Mais en toile de fond de la question politique, il y a une île, une population, une culture. Et beaucoup d’idée reçues… " et il ajoute : " En tant que métis, j’ai éprouvé tout ce que les idées reçues peuvent susciter de malentendus, de conflits, de lourdeurs dans les rapports sociaux et professionnels. Et puis la Corse est mon pays, et , à l’heure actuelle, son peuple est l’objet d’une corsophobie aussi inique que stupide. Néanmoins, le Corse et les corses n’ont nullement besoin d’être défendus. Compte tenu de mon parcours d’historien et de mon expérience vécue des confrontations politiques et guerrières, je crois bénéficier d’un regard différent sur un problème de différence. "

    Nota:

    "Le cavalier bleu" est aussi une revue pour une nouvelle esthétique, fondée à Munich en 1911 par les peintres kubin, Münter, Franz Marc et Kadinsky. Cette revue se voulait anticonformiste.
    " L'homme vit toujours parmi les tombes, et , selon la dignité qu'il met à se mouvoir parmi elles, on peut augurer de son comportement futur" a écrit Franz Marc.

     
    Un jeune auteur américain: Jon FASMAN:

    Pour ceux qui ont aimé " Le pendule de Foucault " de Umberto Ecco et le Da Vinci Code de Dan Broxn, nous leur proposons de se plonger dans l’univers d’un premier roman écrit par un journaliste américain , Jon Fasman: La bibliothèque du géographe. C’est un ouvrage à la fois fantastique et policier. Le personnage principal , Paul Tomm, est le narrateur de sa vie d’abord morne de journaliste provincial sans ambition, jeune homme ayant refusé de se transformer, dans une des mégapoles américaines, en androïde du management où autre secteur de l’économie de marché. Son rédacteur en cher, Art Rolen, lui confie une enquête sur un professeur ne répondant plus au nom de Jaan Pühapâev car il a été retrouvé mort. Il s’agit de préparer une notice nécrologique, tout en cherchant les causes du décès. A partir de ce premier cadavre, notre journaliste va jouer les détectives façon tribulations dans deux histoires en miroir. On remonte le temps jusqu’au 12ème siècle : quel maléfice frappe tous les propriétaires successifs de quinze fabuleuses reliques volées dans la bibliothèque d’Al – Idrisi, géographe du roi Roger II de Sicile ? Mais aussi dans l’espace : où est l’Estonie ? Derrière l’ancien mur de Berlin...

    L’auteur a mis , en exergue et au début du roman, une citation de Graham Greene : " Je suis perpétuellempent tiraillé entre deux pensées ; d’un côté, que la vie devrait être meilleurs ; de l’autre, qu’elle est vraiment pire, quand elle semble meilleure . " et suit une lettre adressé par Paul Toom à sa chère H… ; " Je te croyais morte. En tout cas, je ne m’attendais pas à avoir de tes nouvelles. D’ailleurs, peut-être n’en ai-je pas eu : Je reconnais ton écriture, mais la contrefaçon est sans doute un jeu d’enfant pour tes nouveaux amis.. .. "
    De quoi vouloir en savoir plus !…

    Et puis Jon Fasman a l’art de donner des portraits laconiques mais visuels. Nous en donnons deux pour exemples, car ils sont en début du roman :
    Art Rolen : " Art fumait parce qu’il fumait, sans honte ni volonté de prouver quoi que ce soit, mais tout bonnement parce que fumer faisait partie de lui. Ses sourcils blancs et épais, ses yeux noirs très enfoncés, sa longue mâchoire et sa barbe blanche lui donnait un air constamment endeuillé : Il ressemblait à la fois à Humphrey Bogart d’âge mûr et au Toltoï de la fin.. "
    Feu Jaan Pühapäev : " … était professeur d’histoire à l’université de Wickenden. Je ne me souvenais pas du contenu de ses cours. C’était plus un meuble – vieux, triste, usé, anodin – qu’un professeur en chair et en os ."
     
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  • J.L LUCIANI , auteur de romans juniors et de polars :

    Jean-Claude Izzo a ouvert la voie du polar marseillais et la grande voie de Marseille, c’est la Canebière, une avenue qui, à elle seule, symbolise le polar marseillais. Comme elle, il se jette dans la Méditerranée et nous embarque sur le ferry boat pour des voyages dans les îles lointaines de l’imaginaire. Jean-Luc Luciani a d’abord embarqué sur le grand paquebot de l’Education nationale. Il fait aussi naviguer les juniors sur les esquifs littéraires qu’il leur destine. Il est, depuis 2004, le capitaine de la collection Cannelle. Aujourd’hui, il affronte des tempêtes fictionnelles sur le radeau de la méduse, celui des polardeux marseillais avec des recueils collectifs de nouvelles et des polars.

    Comme d’autres auteurs, qui sont devenus des caciques, et à 45 ans, Jean-Luc Luciani a déjà plusieurs vies professionnelles et littéraires. Les quartiers Nord de Marseille, où il est né et où il vit aujourd’hui, ses voyages, ses jobs successifs, ses réussites et ses échecs ont façonné son humanisme. Il a d’abord trouvé le regard des enfants avant celui des adultes. Il a intitulé son site " Au jour le jour ". En 1983, Il avait créé une maison d’édition " utopique et provisoire " qui avait édité un premier recueil de Nouvelles, regroupant 11 auteurs marseillais : " Ecritum humanum est ". Voilà trois indices " à méditer " sur la personnalité de Jean-Luc Luciani , pour qui " un bon éditeur est un éditeur qui médite "… mais que me dites-vous , Jean-Luc Luciani ? Pour le savoir, nous lui avons proposé notre interview en quatre questions à la suite de la présentation de ses deux derniers polars.

    Puzzle noir : Comment reconstituer le puzzle d’une mémoire plongée dans le noir ? Dans la douleur. Il y a des souvenirs qu’il vaudrait mieux oublier et qui se rappellent à Maryse Aubanel par vengeance. La vendetta n’est jamais frappée d’amnésie et ajoute du rouge sang dans l’obscurité de noirs desseins. Pour l’héroïne, l’oubli serait-il un refuge et la vérité, les morceaux d’un puzzle qui, recomposé, réinvente un passé inattendu?

    Un léger bruit dans le moteur : Selon Freud, un enfant est un pervers polymorphe et selon Sartre, restera un être en devenir. Dans une famille recomposée, quelle conséquence peut avoir " un léger bruit dans le moteur " ? Une panne ? Un arrêt fatal dans le devenir ? Lorsque vous aurez lu cet opus, vous ne regarderez plus votre enfant ou votre petit frère de la même façon.

     Entretien avec Jean-Luc LUCIANI en quatre questions :

    I . Vous avez 45 ans et derrière vous déjà une vie littéraire riche dans le domaine des juniors. Vous avez par ailleurs écrit plusieurs polars destinés au lectorat adulte. Pouvez-vous nous expliquer cette évolution ou prolongement ou diversité dans votre travail d’auteur et nous parler de vos deux derniers polars ?

    Je ne considère pas mon travail d'écrivain jeunesse et adulte de manière séparée. Ce n'est ni une évolution (d'autant que j'ai commencé à écrire pour les adultes) ni un prolongement. C'est juste une autre facette de ma vision du monde. En adulte, ma face sombre reprend le dessus.
    "Un léger bruit dans le moteur" a été écrit en 1999 . La base du travail était la suivante : écrire une histoire totalement hors normes, à la limite du publiable. Qui ne reposerait que sur le style de l'écriture. Effectivement une fois le manuscrit terminé, beaucoup de gens l'ont lu, aimé, mais m'ont dit qu'il était impubliable.
    La rencontre avec Patrick Coulomb et François Thomazeau a permis de démontrer le contraire. La construction de "Puzzle noir" a été plus complexe. Réécrit suivant plusieurs modèles de construction, ce n'est, finalement, qu'une fois trouvée l'idée de cette amnésique qui va reconstruire son passé à la manière d'un puzzle que l'histoire a pu trouver son équilibre.


    II. Vous avez déjà écrit et publié plusieurs polars et notamment " un léger bruit dans le moteur " et " Puzzle noir ". Vous aviez participé, auparavant, à des recueils de nouvelles dont " La fiesta dessoude " et " Meurtres sur un plateau ". On relève votre ancrage dans le polar marseillais. Est-ce que vous vous êtes installé dans le polar marseillais et/ou avez-vous d’autres ambitions et d’autres projets?

    Comme beaucoup d'écrivains j'aime bien situer l'histoire que je raconte dans la ville où je vis. Tout simplement parce la ville joue un rôle essentiel au même titre qu'un personnage de l'histoire. Mais je ne revendique en aucun cas l'identité d'écrivain marseillais. D'une part parce que j'ai horreur des étiquettes que les gens ont vite fait de vous coller dans le dos et d'autre part parce que "le polar marseillais", si au début il a rassemblé de bons écrivains, est maintenant en train de virer au grand n'importe quoi: chacun essayant de surfer sur la vague et de prendre le train du succès en marche. Mes derniers ouvrages d'ailleurs ne se situent plus à Marseille et les prochains non plus.

    III. Dans votre bibliographie junior, j’ai noté l’opus " " Les 10 petits maigres ". Vous avez bâti une histoire enfantine à partir du roman d’Agatha Christie. Je m’adresse à la fois à l’auteur et au pédagogue. Pour vous, quelles sont les bases d’un polar et que doit-il en rester, lorsque l’on a refermé le bouquin ? Avez-vous des prédilections pour des auteurs et des personnages?

    J'ai juste utilisé l'idée de mettre dix personnages dans un même lieu et de les faire disparaître les uns après les autres. D'après moi un bon polar doit avant toutes choses divertir le lecteur, lui faire passer un bon moment, lui permettre d'oublier, l'espace d'un instant, son quotidien ;Si en plus il peut délivrer un message cela n'en sera que mieux. Mes références en matière de polar sont plutôt américaines ( Connelly, Pelecanos...) j'aime bien les personnages au bout du rouleau, qui n'ont plus rien à prouver.

    IV. Vous êtes né à Marseille et votre patronyme indique des origines corses. Vous écrivez des polars marseillais et, à ce titre, vous allez participer au festival du roman noir et méditerranéen à La Roque d’Anthéron. Un de vos ouvrages pour junior est titré : " L’île qui rend fort ". Est-ce que vous trouvez de la force dans vos origines insulaires. En d’autres termes, que représente, pour vous, le mot " corsitude ". Avec votre ancrage marseillais, vous sentez-vous méridional, corse ou méditerranéen ? A quoi liez-vous le mot " identité " ?

    Le livre s'appelle ainsi parce que le héros va découvrir sa famille et son passé. On est toujours plus fort lorsque l'on sait d'où l'on vient. Le mot "Corsitude" ne veut absolument rien dire pour moi. J'ai horreur des identités communautaires et je pense qu'elles ne font que renforcer le racisme latent. Si une personne n'existe au sein d'un groupe uniquement parce qu'elle est née au même endroit, cela n'a pas de sens. Je me sens avant tout citoyen du monde.

    Pour faire plus ample connaissance avec cet auteur confirmé dont le parcours affiche des vocations littéraires, vous pourrez le rejoindre sur son site :     http://aujourlejour.free.fr


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