• " La France d'après ": Un recueil de nouvelles de politique-fiction… La réalité dépassera-t-elle la fiction ?


    Anne Bosser, elle-même écrivaine et conceptrice du projet, a demandé à une kyrielle d’écrivains d'imaginer la France un an après l'élection de Nicolas Sarkozy...

    Présentation :

    Noire Fiction. En 2008... Sarkozy est élu président. 17 auteurs ont imaginé le pire. On vous aura prévenu. Nous sommes aujourd'hui en mars 2007. Un homme que nous savons impatient d'accéder aux plus hautes responsabilités de ce pays consacre chaque minute de notre existence à la poursuite de sa destinée. "Trop tard, trop loin... ou quelque chose de ce genre. J'écoutais toujours, immobile. Puis, à petits pas, sous la pluie, je m'éloignai. Je ne prévins personne.", se souvient Clamence dans La chute, de Camus. Trop tard ? Trop loin ? Devons-nous laisser l'Histoire suivre son cours ? 1984 de Georges Orwell, Le maître du haut Château de Philippe K.Dick... les exemples d'uchronie ne manquent pas. La politique-fiction d'anticipation peut aussi prédire... le pire. Imaginons la France d'après. Le cauchemar que nous ferait vivre Nicolas Sarkozy s'il était élu président le 6 mai 2007.

    La France d'après, paru le 8 mars dernier, éditions "Privé ", collection "Les clandestins", contient dix-sept nouvelles dont nous vous communiquons la liste des auteurs par ordre d'apparition au fil des pages : Christian Lehmann, Serge Quadruppani, François Thomazeau, Romain Slocombe, Jacques Bullot, Gérard Streiff, Jean-Michel Ripaud, Thierry Crifo, Catherine Fradier, Jean-François Reboux, Alexandre Dumal, Christian Roux, Jean-Bernard Pouy, Philippe Motta, Anne Bosser, Jérôme Leroy, Gérard Delteil...

    Dans ce recueil de nouvelles, les 17 auteurs ont imaginé le pire à venir et nous y sommes depuis le 6 mai dernier. Avant l’heure, c'est une révolte généralisée contre la société ultra libérale à la "Blair" ou à la "Bush"... Sans épargner le PS et sa candidate, cette bronca est davantage dirigée contre Nicolas Sarkozy. La réalité dépassera-t-elle la fiction ? Après le premier épisode du " Falcon maltais ", le roman noir devrait donner de nombreux ouvrages dans les cinq ans à venir. A suivre…

    Christian Roux, dans un entretien, a déclaré en relation avec les élections présidentielles : " Je suis content qu'un type comme José Bové se présente et j'aime assez la façon dont Olivier Besancenot raconte le monde qu'il aimerait voir éclore de tout ce marasme. De là à voter pour eux, je ne sais pas... Je me rallie de plus en plus à la théorie anarchiste selon laquelle on construit le monde avec nos mains, en décidant tous ensemble, à échelle humaine, de ce à quoi on veut arriver. En même temps, un vrai débat participatif dans mon village - mais il en irait de même dans n'importe quel quartier de Paris - amènerait sa fermeture totale à tout étranger et à la création de milices chargées de patrouiller dans les rues après un couvre-feu décidé à la majorité des participants... d'où l'idée qu'il faut éduquer les gens, installer un système qui leur donne envie de découvrir ce qui se cache derrière leurs peurs. Une éducation participative, en quelque sorte. Mais qui est en droit d'installer un tel système ? Qui va prétendre apprendre quoi à l'autre ? Faut-il le faire par la force ? Par les élections ? Alors il faut voter ? Agir au quotidien, comme le font tous ceux qui pensent autrement depuis Diogène - et on voit le résultat ? … "

    Une parenthèse sur Diogène qui, contrairement aux idées reçues, ne vivait pas dans un tonneau ; il vivait dans un pot. C'est ce dont les pierres gravées antiques font parfaitement foi. Toute l'erreur vient de ce que les traducteurs ont jugé à propos de rendre le mot de vase à vin par celui de tonneau. mais les tonneaux, comme on le sait par le témoignage de Pline, étaient d'origine gauloise. Les Grecs et les Latins enfermaient leur vin dans des amphores, qui ne sont autre chose que de grands pots, souvent sans base, qui s'enterraient dans le sable des caves. Ce même ustensile dont Diogène faisait la demeure du sage, certaines peuplades du Brésil en font la sépulture des personnages glorieux. Le pithos de Diogène a-t-il été reconverti en urne électorale ? Malgré son goût de vinaigre, quand le vin est tiré, comme on le dit, il faudra le boire sans doute jusqu’à la lie pour ne pas sonner l’hallali de la démocratie aux abois…
    Cette trop longue phrase ( un peu grotesque, nous le concédons) a du rythme et une certaine musicalité, n’est-ce pas ?

    Nous avions rencontré Christian Roux aux Quais du polar de Lyon en 2006. Il se dit " plutôt roman noir, c'est à dire roman social, roman qui raconte l'histoire de personnages ancrés dans la réalité contemporaine et qui doivent d'une manière ou d'une autre se battre pour leur survie ".
    Cet auteur est un de ces touche-à-tout polardeux: instituteur puis berger, déménageur puis pianiste de bar, coursier et enfin écrivain- compositeur- artiste. Il s’est distingué avec trois premiers romans publiés à ce jour : prix du premier polar SNCF 2003, prix polar dans la ville 2003, réédité en Folio Policier, sélectionné par le Guide FNAC dans les 200 meilleurs romans noirs tous pays et toutes époques confondues, -, éditions du Serpent à Plumes, 2003 -, Rivages/Noir, 2005

    Misère et souffrance sociale pour son premier roman " Braquages ", misère et souffrance affective pour le second " Placards "... Avec son troisième " Ombres mortes ", il nous fait entrer dans une sombre histoire personnelle qui vire au débat politique… le récit d'une double amnésie. Il nous l’avait dédicacé : "  Les ombres mortes errent parmi les vivantes mais ce ne sont pas forcément les plus dangereuses… " Nous avions consacré un article à ce roman fin 2006. Lorsqu’on lui demande : Qu'auriez-vous peur d'oublier si vous deveniez amnésique, comme le personnage central des Ombres mortes ? Il répond : " Qu'on est toujours le contemporain d'un génocide... "



     " Beaucoup de choses passent par la phrase, son rythme, sa musicalité… " Là, c’est aussi le musicien qui parle, un musicien à contre-courant des chaînes de productions. Avec son groupe Nicri, il commet des attaques à mots armés, une façon d’être dans la chair plutôt que dans le dire, tout en soignant les textes et les arrangements musicaux. Ses chansons parlent crûment des grands espoirs avec leurs fantasmes et des petites défaites avec les regrets, les oublis, les envies, l'amour, l'amertume… Une musique qui s’abreuve aux sources du Blues et de la musique classique. Se mêlent, avec bonheur, des influences jazzy et rock’n roll où planent les " ombres vivantes " de Brassens et Ferré. "Christian Roux livre un album de blues aux accents hispaniques et aux éclats rock, tout en laissant transpirer son amour pour la musique classique" écrit Nicolas Gervais, Le Petit Quentin. L’écrivain musicien veut redonner à la chanson d'auteur des poings, des lettres et des notes. Pour lui, elle n'est pas qu'une fête ou une caresse, mais sert aussi à labourer la vie,... " aller chercher dans les tripes, nous dit-il ".

    Il travaille également dans :
    -  La musique de scène : Prix du syndicat de la critique de théâtre, de musique et de danse, meilleure musique de scène 2005 pour le spectacle Le collier de perles du gouverneur Li-Qing, comprenant une musique de scène et 5 chansons.
    - Le cinéma : musiques et chansons du prochain film de Philippe Barassat, Lisa et le pilote d’avion, une comédie musicale interprétée et chantée par Marilou Berry, Rachida Brakni, Mathieu Demy, Eric Cantonna et Damien Jouillerot, qui devrait sortir sur les écrans en 2007. Il était question aussi d’une adaptation de son roman " Braquages " au cinéma. Une option aurait été signée et le réalisateur serait Eric Paccoud.

    Vous pouvez lui rendre visite sur son site : http://www.nicri.fr/

    Et il vous offre quelques chansons en avant première sur le site Myspace à l’adresse ci-dessous :
      http://www.myspace.com/christianrouxnicri
     


          

    Mais revenons un instant au recueil de nouvelles " La France d’après "… Parmi les auteurs, nous avons noté la présence de Catherine Fradier, auteure dromoise invitée au premier festival de polar corse et méditerranéen qui se tiendra à Ajaccio du 6 au 8 juillet 2007.

    Elle a été successivement réceptionniste, barmaid, fonctionnaire de police, agent de sécurité, commerciale, propriétaire d’un bar-restaurant dans le Vercors, assistante administrative, surveillante de nuit, VRP dans l’édition pour la jeunesse. Et, dernier job en date, caissière dans une station-service sur l’A49 d’où elle s’est enfuie (on la recherche encore…). Devenue complètement inadaptée au travail salarial, a décidé de ne se consacrer qu’à ce qu’elle aimait faire, à savoir l’animation d’ateliers d’écriture, l’écriture de romans policiers, de scénarios de courts et de longs métrages. Elle vit à Chabeuil, en Drôme. Elle a écrit les romans dont les titres suivent :
    - Pas de cavalier pour Moulard
    - Un poison nommé Rwanda (le Poulpe)
    - Colère des enfants déchus
    - Le bâton de Sodeck (également en BD)
    - Les carnassières
    - A L’ombre de l’Aqueduc.

    Elle est aussi scénariste de films et a travaillé avec Jean-Pierre Girardot, réalisateurs de courts métrages.



      

    Enfin, parmi les 16 autres nouvellistes, nous avons eu l’occasion de rencontrer récemment Jean-Pierre Pouy qui venait de contribuer au film de Robin Renucci " Sempre vivu " et qui entretient des relations amicales en Corse, parmi lesquelles l’écrivaine Daniele Piani présente dans l’association corsicapolar.

    L'auteure de L'Ecume des brocci (roman épuisé chez l'éditeur aujourd’hui) est une bergère authentique. Au printemps 2007, son troupeau s'est agrandi avec la naissance d'une cinquantaine de cabris. Entre la fabrication de ses fromages, renommés dans la région de Calcatoggio en Corse du sud, la traite des chèvres, les naissances de cabris, Daniele Piani, débordée, a tout juste le temps de confirmer par téléphone que cette année la production de lait s'annonce bien. Son prochain polar est écrit. Jean-Pierre Pouy nous l’a déjà conseillé… Nous l’attendons pour le festival du polar corse et méditerranéen qui se tiendra du 6 au 8 juillet 2007 à Ajaccio.

    Pour s’informer aller sur le site http : //www.corsicapolar.eu
    Yahoo!

  • La corse attitude :


    Cet été, la parution du premier numéro d’une revue " transculturelle " est annoncée par l’association Ubiquità sise à Bastia. Le projet est ambitieux et s’inscrit dans un courant de pensée qui ne veut pas faire de l’identité un enfermement, car une autre voie est possible à l’intérieur comme à l’extérieur : l’ouverture sur d’autres identités, en recherchant avec sympathie ce qui nous rapproche d’elles. C’est une idée généreuse et bien plus que cela. A force d’exclure, on s’exclue soi-même. Il ne s’agit pas d'un renoncement identitaire mais de faire vivre notre identité au lieu de la regarder s’étioler dans " ce lieu charnel et ancien entre le réel et le rien, le familier et le menaçant, l’habitable et le désert ", pour reprendre les mots de Jean-Toussaint Desanti. La Corse a la chance d’être une île avec la mer sur quatre horizons : une escale culturelle pour ceux qui y viennent, une invitation au voyage pour les Corses qui y vivent, et un lieu d’échanges pour tous. Après son réveil des années 1970 à 80, il ne faudrait pas laisser la Corse "s’endormir dans un sommeil mortel ", pour reprendre l’expression de G.X Culioli dans sa chronique du Journal de la Corse en date du 27 avril 2007.

    C’est donc par des échanges,  " au miroir des autres ", que la Corse ferait vivre son identité culturelle. En découvrant des convergences avec d’autres cultures, la Corse continuerait à exister et s’enrichirait dans sa diversité… car la culture est un héritage en perpétuel devenir.

    La Corse a besoin de toutes ses forces positives pour préserver ses richesses culturelles et en créer de nouvelles… Son passé humain est fait aussi d’influences imposées et rejetées qui sont responsables du repli identitaire. Faut-il sortir librement de ce repli pour ne pas devenir, demain, un sujet de recherche archéologique ? L’enjeu serait de créer les conditions de notre devenir culturel, tout en restant " une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérance ", selon la formule due à Fustel de Coulanges. Des artistes et des écrivains corses se sont déjà engagés dans cette ouverture qui n’est pas l’abandon d’une identité, mais tout le contraire. C’est en allant vers les autres, en apprenant à mieux les connaître que l'on apprend aussi à mieux se connaître tout en démentant les caricatures romanesques et médiatiques.

    Chaque génération doit s’approprier, transmettre mais aussi réinventer sa culture en intégrant des suppléments d’âme. Un supplément d’âme peut naître d’une rencontre entre deux sensibilités proches, entre deux cultures. Au-delà des certitudes, la curiosité et le doute renouvellent notre regard en le tournant vers l’avenir. L’enfermement identitaire contrarie tout une part de créativité qui permettrait à la Corse de prendre sa place dans le Monde. En ce sens, la revue Fora ! – La Corse vers le monde- apparaît comme une nouvelle initiative culturelle courageuse dans son projet éditorial et porteuse d’espérance dans son approche de la " corse attitude ". Le premier numéro met la Corse au miroir du Japon, une île lointaine et peut-être des insulaires nippons pas si lointains des Corses que cela paraît…


     
    Présentation de la Revue Fora ! – La Corse vers le monde-
    par Vannina BERNARD – LEONI



    FORA - POURQUOI CE TITRE ?
    Le lecteur majoritaire, connaisseur de la société corse ne manquera pas de s’interroger sur le choix du titre : Fora ! évoque en effet les tags qui un peu partout sur les murs de l’île incitent au rejet. Il nous a paru important de récupérer ce mot, dans ce sens littéral d’au-dehors, d’ouverture, contre, précisément, les dangers de l’enfermement. Le sous-titre de la revue se charge d’expliciter notre élan : La Corse vers le monde. Cet effort de déminage linguistique nous importe d’autant plus que ce mot appartient désormais au petit corpus de mots corses extrêmement connus et vivants. Il ne faut donc pas condamner notre langue à dire l’exclusion.
    Un mot également sur le nom de l’association, Ubiquità, qui emprunte au philosophe corse Jean- Toussaint Desanti sa définition d’un modus vivendi insulaire, toujours symboliquement tendu entre l’ici originel de l’île et le là-bas du monde auquel il convient de s’ouvrir.

    QUOI ?
    La Revue Fora ! est une revue transculturelle. Elle suit une fréquence semestrielle et le tirage prévisionnel du premier numéro s’élève à 5000 exemplaires.
    A chaque numéro, elle met en face de la culture corse une autre culture du monde, avec laquelle elle partage des traits communs : qu’il s’agisse de l’insularité, de la latinité, de la méditerranéité, c’est le même universalisme anthropologique qui est en jeu.

    POURQUOI ?
    Sans abdiquer leur affection, beaucoup de Corses vivent ailleurs que dans l’île, tandis que sur place, une nouvelle corsitude s’élabore autour de citoyens dotés d’une culture différente. La complexité de cette identité et la certitude que la découverte de l’autre est toujours enrichissante guident notre entreprise.

    COMMENT ?
    Si notre premier champ de réflexion est celui des Sciences Sociales, nous avons à cœur d’explorer l’idée de culture dans toute son amplitude. Aussi s’agit-il d’une revue pluridisciplinaire, qui s’aventure sur tous les domaines susceptibles de renseigner la pertinence d’un rapprochement.
    La nature même du comité de rédaction autorise cette diversité puisqu’il se compose pour partie d’un noyau dur de rédacteurs et d’une constellation de "contributeurs-volants " (chercheurs, artistes, écrivains, journalistes...), sollicités au gré des numéros.
     
    QUI ?
    La Revue Fora ! est le projet de jeunes Corses qui désirent conjuguer attachement à leur île et curiosité du monde. A l’heure où la radicalisation des discours identitaires coexiste avec une perméabilité toujours plus grande des cultures entre elles, ils souhaitent contribuer à une ouverture heureuse et délibérée.
    La revue Fora ! est éditée par l’association Ubiquità créée à Bastia en janvier 2007.
     
    POUR QUI, POURQUOI ?
    La Revue Fora ! s’adresse à un public citoyen, curieux et désireux de percevoir la spécificité d’une culture à l’aune de ses points communs avec d’autres cultures. Bien que construit autour de la Corse, elle permet de découvrir différentes cultures du monde et peut à ce titre répondre à des curiosités sans cesse renouvelées. Les Corses et les amis de la Corse ne sont pas les seuls destinataires.
    […]

    QUAND ?
    La Revue Fora suit une fréquence semestrielle, avec un premier numéro prévu pour juin-juillet 2007.

    OÙ ?
    La Revue Fora ! sera présente en kiosque en Corse, et dans différents points de vente des grandes villes du continent (Paris, Nice et Marseille). Un site Internet complétera la diffusion de la revue, et un système d’abonnement sera également proposé.


     Sortie du 1er numéro prévu pour l’été 2007 , avec les contributions d’Anne Meistersheim, Charlie Galibert, Jean-Louis Andreani... et sur les entretiens accordés par Ange Leccia, Orso Miret, Frédéric Antonetti, Patrizia Gattaceca ... pour composer un panorama d'une grande diversité.


    Pour financer ce projet indépendant, la Revue Fora ! a ouvert une souscription.

    Si vous souhaitez soutenir la Revue Fora ! vous pouvez adresser vos dons à :
    Association Ubiquità,
    33 bis, rue César-Campinchi
    20200 BASTIA
    (Vous pouvez également contacter l'association à l’adresse e-mail suivante : association.ubiquita@hotmail.fr)


    Yahoo!

  • La trilogie du bandit corse : vendetta, honneur et maquis

     Si les bandits corses ont pris une place trop importante dans l’imaginaire, notamment par les clichés romanesques de grands auteurs entrés dans le Panthéon des Lettres, ils font sans contestation partie de l’histoire de la Corse. Ils ont servi et servent encore d’arguments pour jeter l’anathème sur les Corses. De nombreux écrits (historiques ou non) leur sont consacrés.



    Toutefois un ouvrage récent mérite qu’on s’y arrête. Il s’agit de celui de Jean-Philippe Antolini, connu en Corse pour son engagement politique et son militantisme au sein du Comité Anti Répression (le CAR). Jean-Philippe Antolini, condamné en 2003 à 10 ans de réclusion criminelle par la cour d'assises spéciale de Paris, a rédigé, en prison, un mémoire universitaire : une thèse de doctorat intitulée " la Préhistoire de la montage corse mise en scène : l’exemple de la haute vallée du Niolu ", dans le cadre de l'université Pascal Paoli à Corte (Haute-Corse).

    Les bandits corses ( édition DCL ) est un récit historique qui établit aussi une sociologie de ce banditisme de terroir. Le terme de bandit d’honneur serait apparu vers les années 20 pour opérer une distinction entre les bandits d’honneur nés de la Vendetta et les bandits de perception, hors-la-loi cupides et irrespectueux. L’auteur explique que "La vendetta s'est érigée au cours des siècles, et même des millénaires, comme une justice parallèle parce que la justice n'existait pas. Et en l'absence de réelle justice, ce code a fini par devenir, au fil du temps, un véritable garde-fou de la société ". Des régions du Sud de la Corse comme la Cinarca ou le Taravu regroupaient plus de bandits que le Cap corse : topologie expliquée par la Vendetta plus meurtrière dans le Sud que dans le Nord de l’île.
    En 1931, à Guagno, l’assassinat d’un touriste ajaccien par le bandit Caviglioli, déclenchait une campagne médiatique qui poussait le pouvoir à mener une guerre d’épuration et à envoyer un corps expéditionnaire qui a débarqué en Corse sur un bateau nommé " Le Djebel ". Seul Spada échappera aux voltigeurs et à leur attirail militraire. François Caviglioli, de Lopigna, né en 1898, au maquis depuis 1927, fut abattu d'une rafale de fusil mitrailleur tirée par un gendarme le 2 Novembre 1931.
    En 1931, il restait encore une cinquantaine de bandits dans le maquis. Certains furent abattus au cours d'opérations de ratissage, d'autres, se rendirent les uns après les autres aux gendarmes. En 1934, le maquis avait été officiellement nettoyé de ses bandits. Le souvenir, oral du moins, de ces bandits, marqua jusque dans les années 60, les récits de beaucoup de veillées corses.


    Jean-Philippe Antolini fait une distinction entre le bandit d’honneur et le bandit de perception ( percepteur de rançons et, en quelque sorte, prévaricateur par rapport à l’intègre bandit d’honneur). Dans le journal Corsica, il explique que "  le bandit d'honneur était généralement respecté, d'autant qu'il appliquait les règles de la vendetta et que s'il ne le faisait pas, il était mis au ban de la société. Une fois au maquis, ces bandits d'honneur respectaient les gens, ne volaient pas, ne rackettaient personne et souvent, ils défendaient au contraire leur région contre les rançonneurs, les parcitori. "

    L’auteur affiche même une certaine estime pour Nonce Romanetti, "le Roi du Maquis" dont il dit : " D'abord un charisme exceptionnel et une très grande intelligence qui lui avait permis de comprendre le rôle essentiel que jouaient les médias. C'était quelqu'un d'exceptionnel. Il a passé treize années au maquis et les gendarmes ne lui auraient probablement jamais mis le grappin dessus s'il n'avait été trahi. Je prépare sa biographie et j'ai rencontré des villageois de Calcatoggio, son village, qui m'en parlaient avec les yeux qui brillent alors qu'ils ne l'ont jamais connu. Le plus intéressant avec cet homme, c'est qu'il a été décrit tantôt comme bandit d'honneur, tantôt comme bandit de perception et tantôt un peu des deux.. C'est cette différence dans les sentiments qu'il a pu inspirer qui rend le personnage si intéressant et si complexe. "  
    Nous avons retrouvé sur la Toile ( site Leboncoin.fr), un appel d’un certain Antolini à la recherche de renseignements sur Nonce Romanetti. Nous reproduisons le message : " Mis en ligne par ANTOLINI le 24 avr à 05:24.Code postal: 20290 : " Je suis à la recherches de documents, surtout des articles de presses (j'ai tous les livres à part de celui de René Dulac)concernant le bandit corse Nonce Romanetti qui a tenu le maquis entre 1913 et 1926. Il était très célèbre et rencontrait de nombreux journalistes dans son "palais vert", lui que l'on appelait "le roi du maquis". Si vous avez quelque chose, je suis acheteur. Merci d'avance. " S’agirait-il de Jean-Philippe Antolini en quête de documents sur ce bandit corse ?

    A la question "Vous rappelez pourtant que la vendetta est à l'origine de centaines de morts chaque année!" Jean-Philippe Antolini répond : "C'est tout le paradoxe : il y aurait probablement eu davantage de victimes si la vendetta n'avait pas existé. En réalité, la seule période où le phénomène a été endigué, c'est sous Pasquale Paoli qui a su imposer une justice égale pour tous " et il ajoute : " Si la vendetta est restée vivace avant et après l'époque de Pasquale Paoli, c'est bien parce que les États qui se sont imposés en Corse n'ont jamais appliqué le principe de justice. En revanche, Pasquale Paoli avait réussi le tour de force de faire diminuer la vendetta en appliquant un principe simple : celui qui tuait était tué, sa maison détruite, une colonne d'infamie était érigée à la place... "

    Pour l’intégralité de l’entretien intitulé " 
    V pour Vindetta. D'un mémoire universitaire rédigé en prison, Jean-Philippe Antolini a tiré un ouvrage sur "les vies romanesques" des bandits corses. Vendetta, honneur et maquis : la trilogie d'une Corse pas si ancienne que cela" (Entretien. signé par Antoine Albertini dans le journal CORSICA) - Aller à l’adresse :
                 http://info.club-corsica.com/cul_92_001.html
     


    Deux portraits de bandits corses extraits de l’adresse ci-dessous:
    http://perso.orange.fr/bludimare/bandits.htmhttp://perso.orange.fr/bludimare/bandits.htm


    Nonce Romanetti (de Calcatoggio) : Ce bandit-dandy, courtisé par les touristes et sollicité par les journalistes, avait pris le maquis en 1913, il y organisait de somptueuses réceptions, cumulait les aventures amoureuses et faisait signer son Livre d 'Or à ses invités célèbres. Comme sa vie, sa mort, le 25 avril 1926, dans une embuscade, fut excessive et brutale. Cinq mille personnes assistèrent à ses obsèques. Le dernier "roi de la montagne", ici (moustachu au centre de la photo) avec le cinéaste Abel Gance, fut un hors-la-loi mondain.


    Surnommé le "bandit de Dieu", le célèbre Spada (de Lopigna), crucifix au cou, est arrêté en mai 1933 et conduit à Marseille pour des examens psychiatriques. Meurtrier multirécidiviste et grand racketteur devant l'Èternel, il ne quitte jamais son crucifix. Déguisé en curé ou en femme, Spada apparaît toujours là où on ne l'attend pas pour commettre de nouveaux forfaits. Ultime provocation : "le tigre" (comme on le surnomme) convoque la presse dans sa tanière du maquis, qu'il a pompeusement baptisée pour la circonstance <<mon palais vert>>. Un an après, il est arrêté et envoyé dans un asile psychiatrique. Il fut guillotiné 21 juin 1935 devant la prison de Bastia.



    D'autres ouvrages sur les bandits corses :


    Paul silvani raconte la vie de trois bandits corses dans " Bandits corses de légende : Bellacoscia-Zampaglinu ", paru en 1999 Editions Albiana.. La vie dévoilée des frères Bellacoscia, célèbres bandits du XIXe, entre sinistres ténèbres et lumières médiatiques. Complété de la vie d’un autre bocognais célèbre, Zampaglinu, lieutenant de Pascale Paoli, qui fut l'un des dernier à combattre l'invasion française au nom de la nation corse.



    Jérôme Monti, qui a pris le maquis après un meurtre, relate son aventure dans " Quand j’étais bandit " Editions DCL collection Orchidée (1997) avec de belles illustrations d’après nature par A.L Lacault. Il nous parle de la Corse à l’aube du XXème siècle avec des descriptions lyriques. Gabriel Xavier Culioli a écrit la Préface en terminant par : " Honneur à Jérôme Monti, voyou corse à la plume de seigneur !… "

    Pierre BONARDI, auteur de "Les rois du maquis, Romanetti, Spada et Cie"- les éditions de France, 1931, 214 pages. Récit documentaire sur la Corse et ses bandits.. Ces rois du maquis sont en réalité les 3 bandits corses Spada, Romanetti et Saêtta. Bonardi colporte quelques unes de leurs légendes, les agrémentant d'une analyse des comportements et habitudes insulaires. Dans la prémière édition de 1926, le texte est accompagné de 74 illustrations en noir d'Henri Epstein.


    La vie et les aventures de Nonce Romanetti, Le roi du maquis – La Découvrance Editions : Les rencontres d'un journaliste parisien avec le célèbre bandit corse et la gendarmerie, entre 1920 et 1926. Auteur: D'AITONE Jean






    Spada, dernier bandit Corse Auteur : Lucia Molinelli-Cancellieri - Ouvrage paru en 1994 ; Edition Lacour-Ollé.

    Il y en a d'autres...




    Définition du Bandit d’honneur à l’adresse :
          http://perso.orange.fr/bludimare/bandits_honneur.htm

    " Face à un État centralisateur, le bandit d'honneur finit par incarner les valeurs de résistance et de liberté des Corses. Il n'y a qu'une façon de devenir bandit d'honneur : c'est d'avoir tué un homme pour la satisfaction d'une "vindetta" et de "prendre le maquis". Prendre ou tenir le maquis, n'est en aucune façon une fuite, et à l'origine, le bandit prenait même le maquis pour éviter précisemment le bannissement. Se laisser arrêter, emprisonner ou exiler ce serait déserter. Le bandit est tout le contraire d'un banni et l'étymologie est ici trompeuse, c'est au contraire un homme qui tient son poste et c'est ainsi qu'il est considéré, aidé, nourri et soutenu par le clan pour échapper à la loi. Mais si l'on s'en tient à l'image populaire du bandit, on est amené à penser qu'il n'est nullement un personnage exceptionnel et marginal ; il est une figure limite, et par là pleinement révélatrice des valeurs et comportements de la société dont il est issu.Il est le porteur actif de l'idéologie commune, l'honneur, la fidélité, " parola data e petra lampata un si ripiglianu piu " (parole donnée et pierre lancée ne se reprennent plus), le mépris de la mort - détenteur d'un contre-pouvoir qui n'est souvent que la forme inversée du pouvoir, exilé de l'intérieur dans une île où le bannissement est pire que la mort, le bandit corse réalise au mieux, dans la marginalité apparente de son existence, l'articulation du pouvoir et de l'honneur. "




    Sur le site de la gendarmerie nationale – article consacré au corps des voltigeurs corses – extrait : "Si la Corse fait partie intégrante de la France depuis 1768, l'autorité de l'État s'est heurtée à de gros obstacles pour s'y affirmer. En 1822, par exemple, 190 homicides ou tentatives de meurtres sont commis dans l'île, où l'on dénombre, l'année suivante, 400 à 500 bandits dans le maquis (dont 360 contumax), pour une population de 170 000 à 180 000 habitants"). Le "bandit ", explique un rapport officiel de 1853, " est celui qui, après un premier crime, refuse de se soumettre à la justice et se constitue en rébellion ouverte contre la loi : contumax, il ne se borne pas à suivre le jugement, il se met en état de guerre contre la force publique ; son existence est un défi à l'autorité, une insulte à la loi, un danger permanent pour la société " . L'un d'eux, Théodore Poli, véritable " Roi de la montagne ", peut ainsi s'offrir le luxe de quitter sa forêt d'Aïtone et de descendre à Bastia pour s'emparer du bourreau et l'exécuter en pleine ville. "


    Selon Grégory Auda, auteur des " Bandits corses " paru en 2005 Editions Michalon et archiviste à la Préfecture de police de Paris : "  le banditisme corse est l'expression d'une résistance à un pouvoir lointain, incapable de comprendre la sensibilité insulaire. Fruit d'une recherche à partir d'archives, de lettres de bandits, de comptes rendus policiers et de la presse de l'époque, ce livre retrace l'histoire du banditisme corse des années 1920 aux années 1950. " Il fait une mise au point : " Est-ce à dire que le crime organisé national est corse par essence ? Certainement pas. Est-ce prétendre que tous les Corses sont des bandits, que l’air si pur de l’île de beauté aurait un effet criminogène ? Bien sûr que non. Est-ce affirmer que les aventures des délinquants corses, ont eu un impact sur la mystique criminelle, qu’ils sont sur-représentés dans les rangs de la grande criminalité française et internationale? Assurément. " Mais là, il s’agit d’une autre histoire d’hommes plus récente, celle des parrains…


     
    Et les femmes corses ?…


     Un livre ( paru en 1996 aux Edition Albiana et épuisé) raconte quelques vies de femmes corses , sous le titre " L’univers criminel féminin en Corse à la fin du XVIIIe siècle " écrit par Marie-Josée Cesarini Dasso. A la fin du XVIIIe siècle, la Corse entre dans l'ère tourmentée de son histoire qui suit la conquête française. L’auteur fait le portrait de femmes entraînées sur le chemin de la criminalité, à la fois coupables et victimes, et dont la marginalité délinquante aura parfois les traits d’une émancipation, celle que confère la rupture avec les ordres établis, politiques ou sociaux.


     

     
    Cinéma :

    Nous avons trouvé un documentaire récent sur Spada : « André Spada, la fin des bandits corses »- Réalisateur : Paul Rognoni (France, 2004, 52 min). Production : Production France 3 Corse, Mouvement.

    Film programmé au festival européen du cinéma et du monde rural à Lama( Haute-Corse) du 28 juillet au 3 août 2007 voir à l’adresse ci-dessous :

    http://www.festilama.org/contenu/pages/programmation/fiche_film.php?id=18

    Résumé : « Parcours d’un homme, André Spada, le dernier bandit corse, le dernier guillotiné de l'île en 1935. A travers son histoire hors du commun, racontée par Spada lui-même dans ses lettres ou à travers des archives filmées de L'époque, commentée par quelques témoins privilégiés, ce sont trente ans de l’histoire de la Corse qui défilent avec le récit de sa vie de hors-la-loi dans le maquis. Trente années noires où la France affirme sa domination, où la société corse se transforme dans la douleur. A travers toute une iconographie de l’époque, le film fait revivre une époque charnière où la Corse superpose la législation française aux codes coutumiers de l’honneur, du banditisme et du brigandage. »



    Autres sites à consulter :

    Bandits corses

    http://www.legraindesable.com/html/banditscorses.htm
    http://www.corsica.net/corsica/fr/discov/hist/histvend.htm
    http://www.univ-corse.fr/congres/Poli.pdf

    Voltigeurs corses :

    http://pageperso.aol.fr/jnpbustanico/Voltigeurs.html
    http://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/medias/sourcepdf_gie/maitrise_corse.pdf




    Yahoo!

  • Qui suis-je ? Dans quel état j’erre, de Marseille à Ajaccio !


    Le 3 mai 2007,à Marseille, se termine la deuxième série de conférences sur le thème " Identités à la dérive " organisée par l’association " Echange et diffusion des savoirs " au Conseil général des Bouches du Rhône. La dernière conférence tenue par Vincent Descombes essaiera de répondre à la question : Combien chacun de nous a-t-il d’identités? Pour ce philosophe le mot identité soulève deux questions : Qui suis-je ? Qui sommes-nous ?



    Du 1er au 3 juin prochains, à Ajaccio, l’association Isula Viva organise un colloque " Iles. Expressions de l’imaginaire " autour d’une phrase du philosophe corse (ou Corse philosophe) Jean-Toussaint DESANTI : " Être né en Corse, serait donc porter en soi, dans son extrême singularité, le tourment de -l’ailleurs- ". Les journées se dérouleront en trois grands chapitres: insularité et origines, le mythe de l’éternel retour ; l’ubiquité symbolique " partir, revenir " ; enfin, insularité et destinées extraordinaires.

    Pour chacun de nous séparément ou ensemble, l’identité est souvent un facteur de troubles. Passer par une crise d’identité , est-ce n’avoir aucune réponse à donner aux deux questions ? Est-ce une crise existentialiste qui aboutit au constat : " Il n’y a que moi qui suis moi " ? hélas ! je ne suis que moi. Ou bien est-on pris de vertige devant le multitude de réponses qui fait de nous des êtres protéiformes, à l’identité ambiguë parce que faite d’identités complexes?…

    A Marseille, nous avons retenu les interventions suivantes :

    Le 22 mars dernier, Giovanni Lévi s’était placé sur le terrain historique. L’histoire est une " science civique " dont il est fait un usage politique. Elle est donc indissociable de la dimension civique des identités. Le processus triomphal de l’individualisation , de la privatisation de l’expérience , a produit une mémoire fragmentée, individualisée. Le pouvoirs qui se soustraient au contrôle démocratique proposent comme des conquêtes la fin des idéologies et le triomphe de l’individu. La fin des idéologies, en laissant de côté la raison historique, ouvrirait la voie à l’irrationalisme, au nationalisme et au fondamentalisme.

    Le 22 février , Jean-François Bayart proposait d’en finir avec le culturalisme : " Beaucoup des conflits contemporains se sont noués autour de la notion d'identité. Ils tirent leur force meurtrière de la supposition qu'à une prétendue "identité culturelle" correspond nécessairement une "identité politique", en réalité tout aussi illusoire. Dans les faits, chacune de ces "identités" est une construction historique. Il n'y a pas d'identité naturelle qui s'imposerait à nous par la force des choses. Le culturalisme définit de façon substantialiste les cultures – supports de ces "identités" – qui deviennent ainsi un principe d'exclusion à force d'être un principe de singularité et d'appartenance. Le discours et, de plus en plus, la diplomatie culturalistes emprisonnent les sociétés historiques concrètes dans une définition substantialiste de leur identité en leur déniant le droit au changement. La critique du culturalisme doit permettre de quitter le faux dilemme dans lequel les sociétés occidentales tendent à s'enfermer. L'alternative n'est pas entre l'universalisme par uniformisation et le relativisme par exacerbation des singularités. L'universalité équivaut à la réinvention de la différence. Entre culturalistes relativistes et anticulturalistes, il y a une vraie divergence philosophique : la première posture dit une "essence", la seconde un "événement". Le propos est donc ici d'engager une problématisation anticulturaliste des rapports entre culture et politique. "

    Le 1er février Maurise Ollender dissertait sur la passion des origines. Entre langue et nation : " Entre la racine des mots et l’origine de la nation, entre étymologie et autochtonie, les liens et les tensions sont à la fois d’érudition, de politique et de théologie. M. Olender, La chasse aux évidences, p.134 Pour aborder quelques problèmes d'identités culturelles dans les sociétés marquées par de vieux mythes bibliques, il n’est pas inutile d’entreprendre une archéologie des relations imaginaires entre langue et nation. A ce propos, dans la Genèse, tout ou beaucoup se joue entre deux moments de géo-politique : le Déluge et Babel. De nombreux textes, anciens et modernes, montrent combien les discours sur les origines ont pu susciter diverses formes d'enracinements, se transformant souvent, au fil des siècles, en passion identitaire, nationale ou autre. La terre, la langue, l’ethnie ou la "race", la religion : un quatuor macabre, archaïque et moderne — qu’on retrouve jusqu’au coeur de l’Europe aujourd’hui. Si l'attention portée aux textes anciens n'offre aucun modèle d'avenir, un point de vue historique peut néanmoins alimenter nos réflexions sur des problèmes liés à des conflits actuels, religieux et linguistiques. "

    Le 11 janvier, Carmen Bernand donnait en exemple deux héros du Nouveau Monde ( l’Inca Carcilaso de la Vega et de l’Africain Ouladah Equiano) en posant la question: " Peut-on parler d’identités à la dérive ou préférer cette expression, qui reflète les angoisses contemporaines suscitées par des migrations à l’échelle planétaire et par les changements sociaux et culturels qui en résultent, celle de recompositions identitaires et métissages ? " Pour elle, l’Inca Garcilaso de la Vega fut un métis exemplaire, comme fut exemplaire aussi l’Africain Ouladah Equiano, ancien esclave devenu militant abolitionniste à Londres. De tels exemples, au-delà de l’intérêt qu’ils offrent à tous pour la richesse de l’expérience humaine dont ils sont porteurs, montrent l’inanité du repli ethnique et l’importance de la dynamique identitaire dans la formation des sociétés ".

    Le 30 novembre 2006, Eric Mace faisait un exposé sur la Francité contemporaine à travers l’imaginaire de la télévision. " Il est un monde dont les occupations majeures sont la sexualité et le crime, les affaires de famille et le travail. Où les femmes sont volontiers intrigantes, les ouvriers fourbes, les non-Blancs vindicatifs. Mais où l'homme blanc de classe moyenne est surreprésenté et où les ressortissants de groupes subalternes sont toujours minoritaires… Ce monde étrangement familier, parfois drôle et en tout cas résolument conservateur, c'est celui que nous représente à flot continu la télévision, la nôtre. Ce conservatisme traduit la faible capacité de la société française à envisager les profondes transformations sociales et culturelles qu'elle connaît depuis vingt ans. "

    Le 9 novembre 2006, Pierre Hassner posait la question d’une identité cosmopolite possible. " Y a-t-il place pour les cosmopolites quand il n'y a ni cosmos ni polis ? Le beau mot "cosmopolite" signifie citoyen du monde". Il présuppose l'existence d'un monde ordonné (un cosmos) qui puisse se constituer en une communauté, sur le modèle d'une communauté politique (polis), et avec lequel l'individu puisse entretenir une relation de citoyenneté, c'est-à-dire d'allégeance et de participation. Cette idée est évidemment toujours restée à l'état de rêve sur le plan politique. Aujourd'hui, l'évolution des communications, l'effondrement des idéologies totalitaires, le progrès, si partiel qu'il soit, des juridictions internationales prêtent une plus grande plausibilité à l'idée d'une "situation cosmopolitique" au sens de Kant, où "une violation des droits de l'homme en un point de la planète est ressentie partout" et où "la situation intérieure de chaque état est un objet d'intérêt légitime pour tous les autres". Mais les bases culturelles et spirituelles d'un tel état cosmopolitique sont plus en doute qu'elles ne l'ont jamais été. C'est l'idée même d'une base commune de discours et d'interaction, globale ou nationale, qui est mise en question. "

    Le 26 octobre 2006, Jacques Semelin avait ouvert la série de conférences sur la compréhension de " notre barbarie ". Jacques Sémelin défend l'idée que le massacre procède avant tout d'une opération de l'esprit, une manière de voir et de stigmatiser "l'Autre" avant de le tuer vraiment. La revendication identitaire est au coeur de cette rationalité délirante. Car, si, pour vivre, les hommes ont besoin de donner sens à leur existence, pour tuer il en est de même. Dans ces nouveaux univers de sens que fabriquent les appareils de propagande, il est publiquement proféré que la violence est possible et l'interdit du meurtre est levé. Les supports de ces appareils et des émotions publiques qu'ils suscitent sont souvent les mêmes : identité, pureté, sécurité… Après la Seconde Guerre mondiale, on avait dit : "plus jamais ça !". Il fallait "tirer les leçons de la catastrophe". Que reste-t-il de ces voeux pieux ? Un paysage de désastre aux quatre coins du monde, du Cambodge à la Tchétchénie, en passant par l'Indonésie, le Biafra, le Guatemala, l'Irak, le Rwanda ou le Soudan, sans oublier l'ancienne Yougoslavie. En ce début du XXIème siècle, plutôt que de se payer de mots, mieux vaut donc regarder de très près les réalités mêmes qui nous paraissent scandaleuses, et chercher à comprendre les raisons de cette reproduction du tragique, à travers la répétition du massacre de masse.




    Sous le générique " identité à la dérive ", des intervenants mettent en garde contre les dérives identitaires que sont le chauvinisme, le communautarisme, l’ultra nationalisme, le racisme et le fondamentalisme. Sans tomber dans des travers dangereux, il nous reste à tenter de répondre aux deux questions de départ : Qui suis-je ? Qui sommes-nous ?

    La question " Qui sommes-nous ? " soulève le problème de l’existence des autres et de la communication des consciences. Il convient alors de savoir qui sont les autres et quels sont avec eux nos rapports existentiels. A première vue, les autres sont des objets, mais, comme je les sais conscients, je suppose qu’ils ont eux aussi un " pour-soi ", c’est-à-dire qu’ils se représentent le monde de leur point de vue. Ils ont leurs projets par rapport auxquels tout le reste ( moi compris) est un moyen, un instrument. Du projet va naître le conflit, en ce sens que le monde qui d’abord existait pour moi, va m’échapper pour entrer dans la représentation d’un autre. " Le monde m’a délaissé pour devenir la chose d’autrui " écrivait Sartre. Autrui ne se contente pas de voler le monde, il cherche à me subtiliser mon véritable moi-même ; par suite " autrui veut me subtiliser l’être que je projette d’être ". Il en résulte que les sociétés humaines entretiennent le conflit et, si quelques philosophes ( les Hindous par exemple) ont pu mettre en doute la réalité du monde extérieur, aucun n’a sérieusement douté de l’existence d’autres consciences : " Autrui est incontestable ; le fait d’autrui m’atteint en plein cœur ; je le réalise par le malaise. Par autrui, je suis perpétuellement en danger. " Cependant chacun de nous veut exister à ses risques et périls. " Après tout, on a que soi. " Donc ce moi qui veut exister à outrance va nier le projet d’autrui et, dans la mesure de mon pouvoir, en héros nitzschéen, je chercherai à dominer les autres pour les faire servir à mes fins.
    Seulement autrui a aussi sa volonté et cela est particulièrement visible dans ce moyen de communication qu’est le sentiment, en particulier l’amour. Celui qui aime ne prétend pas conquérir un simple objet. Il réclame un type spécial d’approbation. On veut en autrui le possession d’une liberté comme liberté, c’est-à-dire on veut que l’autre veuille notre existence et qu’il nous fasse exister par lui. On veut être aimé. Mais ce projet est contradictoire : " l’amoureux aspire à voir le toi de l’aimée se perdre dans son moi ". De là naît le conflit puisque " si aimer c’est vouloir être aimé, c’est aussi vouloir que l’autre veuille que nous l’aimions ". Autrement dit, il doit abandonner son projet et ne plus exister que par moi : " aimer, c’est vouloir que l’autre ait de nous un besoin essentiel ". Les drames sartriens montrent que les existences des amoureux sont en conflit. L’amour ne serait qu’un jeu à qui " supplantera l’autre ".
    Ainsi, l’existence, qui nous apparaîtrait comme le bien suprême s’il n’y avait qu’une seule conscience, devient un mal du fait que l’autre existe : " Je suis de trop par rapport à l’autre ". Puisque l’autre existe, je devrais partager son projet et ses sentiments, mais, au fond de nous, il apparaît que nous restons enfermés chacun dans notre conscience. Nous ne pourrions dès lors pas comprendre l’autre ni nous faire comprendre de lui. Le langage même qui semble fait pour établir des contacts entre une âme et une autre, ne crée qu’une communication indirecte. Le langage n’est pas forcément adéquate à la pensée. Il n’exprime, suivant une remarque de Bergson que " le moi social, superficiel ". Il peut n’être pas assez riche pour traduire toutes les nuances. Il y a des sentiments qui ne se traduisent pas facilement en paroles. La communication verbale risque de nous faire faire fausse route. Sans parler des renversements dont le langage est rempli et qui demandent de la part de l’auditeur un pouvoir d’adaptation, le langage peut trahir la pensée en la spécialisant et la pensée est d’autant plus trahie qu’elle est personnelle, puisque le langage est avant tout collectif. Il n’est qu’un système de signes qu’il faut interpréter pour conclure aux pensées et aux sentiments d’autrui et nous le faisons avec les risques d’erreurs et de contresens, sans parler du mensonge qui précisément nous impose des interprétations fausses. De même le comportement d’autrui ne nous dit rien sur ses dispositions intimes ( Autrui me sourit mais c’est peut-être parce qu’il reçoit dans l’œil un rayon de soleil). La dissimulation est forme de mensonge comme l’hypocrisie. Quand nous jugeons autrui, il ne s’agit , en fin de comptes, que de jugements injustes provenant du mal entendu d’être autre.

    Si on ne cherche pas une communication foncière, on peut retenir qu’il y a une communication verbale mais surtout une communication émotive et affective dans la sympathie. La sympathie est un fait d’une importance morale extrême qui pratiquement réalise la communication. Il y a dans la sympathie un élément vraiment spécifique , l’empathie : le fait de vivre et de sentir en autrui, de s’identifier avec l’autre. Le théâtre et le cinéma en fournissent un exemple : nous croyons sentir les angoisses, les enthousiasmes et les désespoirs du héros ; nous devenons lui. Donc la sympathie est une tendance à vivre les émotions des autres, à passer dans l’âme des autres . Nous pouvons éprouver que nous nous retrouvons dans autrui, de même que nous retrouvons l’autre en nous. Les différentes consciences ne s’opposent pas ; chacune porte en elle la possibilité de l’autre. Si une conscience nous paraît fermée, inabordable, c’est à notre propre incapacité qu’il faut s’en prendre, puisqu’un autre que nous arriverait à éveiller un écho. Il y a dans l’amitié et dans l’amour des formes spéciales de la sympathie : les affinités électives, qui ne s’expliquent pas par des raisons rationnelles. L’expression de Le Senne "L’esprit est une unipluralité" convient aussi aux consciences. En réfléchissant sur l’autre, ma conscience s’enrichit et se prépare à mieux se connaître elle-même. En réfléchissant sur soi-même, on découvre des éventualités , des possibilités que l’autre a pu faire siennes, de sorte que la psychologie et la morale ne prennent en somme naissance que des rapports qu’il y a entre soi et les autres consciences.

    Qui sommes-nous ? Des consciences humaines dont la diversité fait la richesse de l’humanité.

    A la question " qui suis-je ? ", j’ai tenté de trouver une réponse en formulant autrement la question : si je me dépouille de tout ce qui fait mon identité, que reste-t-il ? La nationalité est un état de fait. Je vis dans un pays constitué en nation, c’est-à-dire en une communauté de droits et de devoirs. Je suis français mais une guerre ou un changement définitif de pays peuvent amener un changement d’identité nationale. Cette identité nationale est représentée symboliquement par des " papiers ". Si je déchire ma carte d’identité nationale, si je la perds ou si on me la vole, il me faudra prouver mon identité nationale pour obtenir une nouvelle carte. C’est une identité de papier. Je constate alors que j’ai une seule identité enracinée, à la fois généalogique et culturelle : l’identité corse. C’est un sentiment profond d’appartenance mais aussi une adhésion naturelle. Quelle que soit la forme donnée à ma pâte humaine, elle est faite avec la terre corse.



    Les mots " humain " et " terre " nous permettent la transition avec un livre de Jean Toussaint DESANTI : La peau des mots. Nous avons relevé un passage de la présentation du livre : Le livre d'entretiens entre Jean-Toussaint Desanti et Dominique-Antoine Grisoni s'attaque à cette morale abstraite et consensuelle des " droits de l'homme ". " Car jamais on ne définit vraiment la notion de "droits", jamais on ne dit à quel homme, quel humain elle s'applique ", affirme le premier en introduction de ce travail qui vise à répondre à la question : " Quels droits, pour quels hommes ? ". À la lecture de ces entretiens érudits (qui reviennent sur les origines latines et grecques des mots), parfois ardus, on comprend que les réponses ne vont pas de soi. Ainsi en est-il de la racine de l'" humain " et de l'" humanité " : Desanti nous montre qu'homo et humanus ne dérivent pas l'un de l'autre, mais qu'une filiation existe, en revanche, entre humus (la terre) et humanus. Autrement dit, l'humain pourrait simplement se rapporter à ce qui vient de la terre ! Le philosophe nous invite à prendre " les mots par leur peau, par ce qui les isole ", par " l'enveloppe sensible, sonore ou visuelle qui, au voisinage d'un corps vivant, fait signe vers du sens ".




    " 2007 ", année du bicentenaire de la mort de Pascal PAOLI. Il ne faudrait pas en oublier le centenaire de la naissance de l’éminent philosophe corse qui nous a quitté en 2002 . Jean-Toussaint DESANTI avait répondu à la question posée : " Es-tu un philosophe corse ? ", par : " Jamais je n'ai écrit en langue corse une ligne de philosophie. Mais là n'est pas l'essentiel. Je crois avoir pratiqué la forme de philosophie qu'exigeait mon origine. Dans ce champ aussi j'ai, autant que je l'ai pu, pourchassé l'indétermination, fait violence à la culture, effacé la mer, celle qui sépare et engloutit ".

    Du 1er au 3 juin 2007 inclus, un colloque à l’Hötel Corallia d’Ajaccio lui rend hommage sous l’égide de l’association Isula viva. Comment l’idée de ce colloque a germé ? Vous pouvez aller lire les confidences de Pierre-Paul Battesti sur le site de l’association à l’adresse : http://www.isulaviva.net/battesti.htm



    Nous vous livrons les notes de présentation de l’événement.

    Voilà un sujet de conversation insubmersible ! Et pitch d'un " colloque " qui réunira tout ce que la Corse et l'outremer comptent de femmes et d'hommes capables de parler de l'insularité et de leurs incessants " aller-retour ". Vous avez dit " mythe de l'éternel retour " ? Nous parlerons aussi de cette " ubiquité symbolique ", détectée puis expliquée par le philosophe Jean-Toussaint Desanti dans son texte bouleversant " Effacer la mer1 ". Éditrices, écrivains, historiennes, universitaires, essayistes, psychologues, militants ou femmes politiques : ils seront à l’hôtel CORALIA, où s'organisera une fête savante " Iles. Expressions de l’imaginaire ". Sont aussi prévus des repas et un confessionnal pour évoquer en particulier le " tourment de l'ailleurs ", cette fatalité de tant d'îliennes et d'îliens dans le vaste monde.
    Isula Viva



    " Être né en Corse, serait donc porter en soi, dans son extrême singularité, le tourment de -l’ailleurs- ". Cette phrase de Jean Toussaint Desanti (Effacer la mer1) est-elle un sujet de philosophie ? Une enquête de journaliste ? Le pitch d'un film ou la trame d’un roman ? Ce colloque " Iles. Expressions de l’imaginaire " va réunir à Ajaccio, des femmes et des hommes venus de tous les horizons de la création, de l’écriture et de la vie quotidienne en Corse et outremer. Éditrices, écrivains, historiens, universitaires, essayistes, psychologues, militants ou politiques : ils vont réfléchir avec nous, à cette " ubiquité ". L’insularité a-t-elle produit des destinées extraordinaires comme la vie de Pascal Paoli ou celle de Brigida, une des toutes premières femmes médecins occidentales au XVII° siècle ? Fatalité ? Souffrance ? Passion ou redoutable aiguillon ? L’" ubiquité " domine et guide la vie des îliennes et des îliens. Du fait de leur " double origine ", de leurs nationalités changeantes, de leurs résidences multiples, de leurs incessants " aller-retour " : comment vivent-ils ce " partir revenir " et ce mythe de " l’éternel retour " ? Que dire du changement de paradigme à chaque voyage ? Des deux côtés de l'eau : une île est fantasmée. Le sociologue Michel Maffesoli4 évoque l'île en tant que " terreau des utopies ". Pour la télé réalité, elle est " L'Ile de la Tentation ", et bien souvent un " repaire de pirates ". Plus inquiétant, " chaque île a son monstre ! " remarque Xavier Casanova5 comme ceux rencontrés par Ulysse ou créés de toutes pièces dans " L'Ile du Dr Moreau " par HG.Wells... Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? Jean Toussaint Desanti dit que " le vide de l’au-delà des mers ", lui a insufflé cette " précision " dans sa propre manière de faire de la philosophie. Et vous ? Que pensez-vous de votre qualité d’insulaire pour observer le monde ? Pratiquer votre métier ? Réaliser vos rêves ? La dimension insulaire de votre personnalité et de votre art, favorise-t-elle l’imaginaire et la création ? Loin des colloques trop scolaires, formels, peu captivants pour les non initiés, nous proposons de revenir sur " notre île et votre île ", sujet de conversation éternel et insubmersible (!), lors d'une fête savante pleine de surprises et de plaisirs. Nos liens sur Internet : " http://iles.over-blog.com " et " www.isulaviva.net " permettent la multiplicité des échanges, la mise en commun des savoirs. Voici un colloque de partage. Un colloque vivant d’un accès facile et clair pour tous.
    Isula Viva

    Des éléments de biographie et bibliographie sur le site " Isula viva " :
    http://www.isulaviva.net/desanti.htm

    extrait de l’interview par Ange Casta :
    Ange Casta : Quelle place la Corse a tenu dans votre vie et dans votre pensée ?
    Jean-Toussaint Desanti : C'est le lieu où je suis né, où mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père et ceux qui les ont précédés sont nés. C'est le lieu dans lequel je me sens né. Où j'ai pris racine. Ma profession, ma vocation, c'est d'être philosophe, c'est arrivé assez tôt - vers l'âge de 19 ans - et c'est arrivé en Corse. Simplement parce que c'est là que j'ai commencé à lire des philosophes. Dans quelle mesure le fait de me sentir de cette origine m'a-t-il porté vers une certaine forme de philosophie ... ? Je peux parler de l'insularité, l'insularité qui est l'unité d'un enfermement et d'une ouverture. La mer nous enveloppe et elle est aussi le chemin. Or un chemin qui ouvre et ferme, ça pose problème. D'une part, il faut prendre pied et donc s'y trouver. Et d'autre part, il faut y prendre essor, et s'en aller. A la fois s'en aller et rester. C'est tout le problème de la philosophie qui consiste à prendre en charge l'environnement du monde dans lequel on est, avec ses voisinages, avec ses rapports qui se construisent toujours et qui donnent sens à ce voisinage, qui permettent de le penser, de lui donner un corps. Et d'autre part il faut l'élargir, essayer de comprendre le rapport à un autre monde que ce voisinage qui ne cesse jamais d'être là. Et plus vous vous en irez, plus le voisinage viendra avec vous. Vous êtes obligé, à ce moment-là, de penser ce rapport. L'insularité vous donne à penser.[...]

    … et une vidéo :
    http://www.isulaviva.net/video1.htm

    et des textes sur le site " Iles d’elles "
    http://iles.over-blog.com/categorie-319995.html

    Site " Institut Jean - Toussaint DESANTI " :
    http://institutdesanti.ens-lsh.fr/

    texte " effacer la mer " à l’adresse :
    http://www.francoisxavier.net/imprimer.php3?id_article=594

    et son dernier ouvrage :



    Début janvier, parution aux éditions Odile Jacob de La Liberté nous aime encore, un livre commun avec sa compagne Dominique, où sont longuement évoqués souvenirs et opinions sur l’amour, la politique, la pensée et la vie en général. Livre d’entretien à trois voix très distinctes, conduit par Roger-Pol Droit. L’ouvrage sortait de l’imprimerie quand, le 1er janvier, le cœur de Jean-Toussaint Desanti donne des inquiétudes. Hospitalisation immédiate. Un triple pontage coronarien est envisagé puis effectué. Totale réussite chirurgicale. Jean-Toussaint Desanti s’apprête à sortir pour sa convalescence. Le 20 janvier, Jean-Toussaint Desanti s’éteint brutalement d’un accident post-opératoire, aux alentours de 13h30. Le samedi 26 janvier, obsèques au cimetière du Père Lachaise. Les cendres seront dispersées, selon ses vœux, à Ajaccio, au large des Îles Sanguinaires.


    Les personnalités du colloque " Iles. Expressions de l’imaginaire " :



    Intervenant(e)s : Dominique DESANTI Ecrivain, Femme de JT DESANTI [PARIS] Laurence PANCRAZI-HAUTEMULLE Psychanalyste [AJACCIO] Simone GUERRINI Elue Territoriale CTC [AJACCIO] Sylvianne PANTIGNY Ecrivain (éditions ALBIANA) [PORTO POLLO] Annick PEGNE-GIULY Journaliste (LIBERATION) – Ecrivain (édition FAYARD) [PARIS] Marie-Ange BIASINI Jeunesse et sports [AJACCIO] Dominique Antoine GERONIMI Linguiste [AJACCIO] Paul ORSATTI Formateur Consultant [QUENZA] Cynthia FLEURY Philosophe Professeur Ecrivain [Paris] Josette CESARINI DASSO Ecrivain (édition DCL – France - Europe) " La Bandite " [AJACCIO] Antoine-Marie GRAZIANI Historien - CNRS [AJACCIO] Mireille GOUAUX-COUTRIX Universitaire [NICE] Danièle VERMEULEN Anthropologue (édition ALBIANA) [AJACCIO] Jean-Pascal DI SAVONA Consultant [AJACCIO] Lili PISSENLIT Ecrivain [BASTIA] Vincent CARLOTTI Ingénieur [AJACCIO] Julie BIRMANT Journaliste (France Culture) Ecrivain (GALLIMARD) [PARIS – BONIFACIO] Xavier CULIOLI Ecrivain [AJACCIO] Danièle PIANI Eleveur Ecrivain [SARI D’ORCINO] Toni CASALONGA Plasticien [PIGNA] Julie TRISTANI DOCTORANTE [PIETROSO] Jacques MONDOLONI Ecrivain [PARIS] Morio MATSUI Peintre [JAPON - AJACCIO]
    Présentation : Cynthia FLEURY Philosophe [Paris] Ouvre le colloque Xavier CULIOLI Ecrivain [AJACCIO] Ange CASTA Réalisateur [PARIS] Nathanaël MAÏNI Comédien lecture du texte " Effacer la mer " de Jean Toussaint DESANTI Toni CASALONGA Plasticien présente Jean Toussaint DESANTI [PIGNA]
    Modération : Ugo PANDOLFI Journaliste Ecrivain [BASTIA] Jean-Michel RAFFALLI Ecrivain [AJACCIO] Jeanne-Marie SIMEONI Professeur [AJACCIO]
    Organisation : BTS Lycée Laetitia Bonaparte (Emilie, Marine, Gwladys, Elodie) Angelina BATTISTELLI CNRS [AJACCIO] Pascale BIZZARI [AJACCIO] Jackie RAIMONDI [AJACCIO] Marianne TESSIER [AJACCIO] Paula CECCALDI Journaliste (Ca m’intéresse) ; réalisatrice [PARIS] Nadine DAIGNE Réalisatrice [AJACCIO] Dominique TIERI Réalisatrice Productrice [AJACCIO] Marie-Jo MILLELIRI Directrice CCSTI [CORTE] Julia ALBERTINI Professeur [CORTE] Nathalie RONFOLA [AJACCIO] Marie GUIDONI Peintre Professeur [CORTE] Diana AGOSTINI Directrice d’école [OTA] Carole LECA [AJACCIO] Alexandra SALVINI [AJACCIO] Nicole CALZARONI [AJACCIO] Patricia RIPNEL Ecrivain [NANTES] Elisabeth MILLELIRI Journaliste Ecrivain [AJACCIO] Françoise GERVAIS [PARIS]
    Yahoo!

  •                                                                

    « Vous marchez dans la rue, la nuit.
       Il pleut.
       Vous n'entendez que le bruit de vos pas. » 

    Coups de feu, votre sang , fluide rouge de vie vous échappe et vous laisse vide dans le noir… Sur le quai du  nouveau Terminal 2, dans le  Port Edouard Hériot, la nuit était noire comme l’intérieur d’une tombe fermée par le couvercle de gros nuages ténébreux, derrière lesquels la pleine lune ne voulait rien voir de ce qui se tramait sur terre. Une pluie fine, pluie sans fin, faisait ruisseler des larmes sur les vitres d’un camion immobile dont les essuie – glace chassaient l’eau qui lessivait le pare brise. Cyprien descendit de son 4/4 noir et  se dirigea vers le 15 Tonnes.  Seuls les fers de ses rangers résonnaient au rythme accéléré de ses pas. L’habitacle du poids lourd était plongé dans l’obscurité. La portière s’entrouvrit, libérant une pâle lumière sur deux yeux cruels  au-dessus du petit rond noir du canon d’un gros calibre. L’étonnement le stoppa et lui fit faire un écart. La première balle déchira son biceps et la seconde transperça son cou, coupant net sa carotide. Le choc et la douleur provoquèrent sa lourde chute sur l’asphalte détrempée. A ces pas lourds arrêtés,  succédèrent les clapotis d’un déplacement rapide. La troisième balle, tirée à bout touchant, réduisit en bouillie l’intérieur de son crâne. Son corps contorsionné par la violence des impacts laissait échapper son sang vers une flaque  d’eau alimentée par le ciel en pleur. Dans le silence retrouvé, une portière claqua, un moteur ronronna et une Audi gris métallisé , sortie de derrière le camion, s’enfonça dans l’obscurité. Feu Cyprien Marchisio  était originaire du  Piémont.  il avait implanté le siège social de sa holding à Lyon, grande ville située au carrefour de l’Europe. Il avait ajouté au transport routier hérité de son père,  une activité d’acconage. Il était riche, très riche, et habitait seul une maison de ville aux allures d’hôtel particulier,  dans le quartier des Canuts.

    Quittant Paris,  le commandant César Féval  obtint sa mutation au SRPJ de Lyon, parce qu’il n’avait pu obtenir Marseille. Né dans la ville phocéenne, il en avait gardé, avec l’accent, quelques formules familières dont le  « Quésaco ? » qui signifie « Qu’est-ce que c’est ? ». Aussi, tous ses collègues l’appelait en verlan  Cosaque. A son arrivée, pour lui, les Lyonnais étaient  à l’image du Monsieur Brun inventé par Pagnol. Après quelques affaires criminelles, il avait pu mesurer que le personnage pagnolesque ne correspondait pas à la réalité des truands locaux . Entre Paris et Marseille, il n’avait  connu de Lyon que le tunnel de Fourvière avec ses sempiternels bouchons. Sa nouvelle affectation lui avait permis de découvrir une ville où il faisait bon flâner dans des quartiers pittoresques. Les bouchons y sont surtout des endroits de bonne bouffe et de convivialité. Il venait justement de sortir de l’un d’eux, lorsque son portable vibra dans sa poche droite. Cet appel lui rappela qu’il  était de permanence.
    - Quésaco?
    - On a un cadavre sur les bras..
    - Où je vais, patron ?
    - Sur les quais, dans l’enceinte du port,  Terminal 2, celui qui va ouvrir…
    - Premier mort Terminal 2 ! Un bon titre de polar, non ?
    - Ce qui m’intéresse, c’est la résolution de l’énigme. Vous me tenez au courant !
    - Vous prenez votre petit déjeuner à quelle heure ?…

    L’heureux chef , derechef, se  recoucha.  Arrivé à bon port,  César  se dirigea vers les éclairs de lumière dans l’obscurité brumeuse. La tête jaune d’un portique, quadrupède monté comme un mécano sur un corps bleu, dominait les masses sombres des navires fluviaux. A ses pieds, au milieu de la pantomime des ombres, le mort restait zen, figé dans une immobilité de pierre. Sa contorsion pouvait inspirer un sculpteur contemporain :  une œuvre intitulée « défi inventif à la gymnastique ». Mais l’heure n’était pas à l’art conceptuel. Le premier souci de la Justice  était de chercher le passé tragique de la victime dans ses viscères. Le médecin légiste officiait comme un grand prêtre, toujours pressé d’en découdre (moins de recoudre)  avec un cadavre. Les augures, sous le bistouri, révélèrent  que la mort était évidemment due à la balle tirée à bout touchant dans le crâne. Le seul indice était un bout de cigare Davidoff trouvé dans le cendrier du camion. Le directeur commercial de la société d’acconage  sentait l’angoisse aux relents fétides. Sa secrétaire, aux fragrances hystériques, finit par dire que le camion avait été volé et qu’aucune déclaration de vol n’avait été effectuée. Le mobile pourrait être un conflit d’intérêt, se disait César. Cette pensée lui fit froncer ses gros sourcils poivre et sel , qui rejoignirent sa chevelure retombant en une longue mèche sur son front plissé. Passée la cinquantaine, sa tête de sanglier et son corps de gorille ventru  donnaient dans la  bestialité, apparence trompeuse cachant une intelligence affûtée. Des échanges de regards entre le couple lui mirent la puce à l’oreille. Le faux alibi du directeur en fit un suspect qui commit l’erreur de fumer des cigares. Devant un bout de Davidoff avec son ADN, il avoua, prétendant que Marchisio harcelait sexuellement sa secrétaire et maîtresse. Complice, elle confirma du bout des lèvres. Un avocat ferait le reste.

    Cosaque  s’acharnera à tout savoir sur cet assassinat, en vain.  En dehors de l’autopsie du corps, la procédure policière a quelque chose de virtuel. C’est le scénario d’un crime. Pour les statistiques : 1 mort et, au terminal, 2 coupables. Dans le fond, rien ne s’était passé de réellement important. La vie restait, pour lui,  un mystère et la mort une injustice. Bien sûr, il pouvait  chercher des réponses à l’énigme de l’homme auprès de grands philosophes. Hélas ! La philosophie, si elle le fait douter de la nature humaine, ne faisait que le renvoyer à lui-même et,  « parce qu'elle explique tout ce qui se passe dans ce bas – monde, elle répond à tout et elle répond à rien. »

    Nota:
    Le début en gras est emprunté à Mickey Spillane dans « Le serpent »  et la fin en gras à Jim Thomson dans « 1275 âmes ».
     


    Yahoo!