• Lorsque vous contactez Mlle Nadia DHOUKAR, docteur es lettres, cette universitaire titrée est intarissable sur le polar. Elle répond, généreusement et sans a priori, à vos questions. Ses connaissances en la matière ne sont plus à démontrer. Elle a fait d’importants travaux universitaires sur des classiques du genre avec des personnages récurrents comme Lupin, Burma et Maigret, pères fondateurs (bases solides et inépuisables d’étude). Routarde du polar, elle a été sollicitée pour de nombreuses conférences lors de salons du polar. Notamment, elle a déjà intéressé de nombreux sites comme Mauvaisgenre (devenu Ruedesboulets) et le Cercle noir. Elle contribue à la revue " 813 "* qui a ouvert un site dont certaines pages sont en construction (Vous pouvez trouver ce journal chez des librairies en ligne). L’éditeur Laffont lui a confié la réédition des œuvres de Léo Malet, créateur du personnage de Nestor Burma. Dans la collection Folio de Gallimard , vous trouverez, à partir du 8 juin prochain , son opus sur Jean-Claude Izzo , sous-titré " La trilogie Fabio Montale ", annoncé dans le guide Folio du polar 2006 ( dont nous avons parlé dans notre article précédent). Nadia Dhoukar est une jeune femme lettrée et passionnée. Elle a déjà un passé rempli dans le monde du polar mais aussi un bel avenir plein de projets. Nous lui avons posé quatre questions. Elle nous a répondu avec beaucoup de gentillesse et d’intelligence. Nous vous présentons des extraits de mémoires et d’articles. Votre libraire vous offrira le guide folio du polar où vous retrouverez Jean-Claude Izzo et Nadia Dhoukar.

    *Revue 813 : Le titre " 813 ", paru en 1910, c’est aussi celui du premier gros roman de Maurice Leblanc qui a créé le personnage du gentleman cambrioleur sous les traits de plusieurs personnages. Ce titre " 813 " est repris dans la revue de l’association des amis de la littérature policière depuis 25 ans. Site : http://www.813.fr
    Mlle DHOUKAR a écrit des articles fouillés dans d’autres revues : Temps noir, Rocambole…

    EXTRAITS:
    Maurice Leblanc et Arsène Lupin :
    " Arsène Lupin est un personnage de la Belle Epoque, empreint du positivisme et de la frivolité ambiante du moment. Il se divertit sans cesse, n'agit que par goût du jeu ; c'est un individu léger qui aime l'art, le défi et les jolies femmes. A l'instar de Sherlock Holmes, il fait rire et sourire et entraîne son lecteur dans un univers qui se moque des lois et des convenances, et cela, toujours avec intelligence et finesse. Mais surtout, plus que ses homologues tels Holmes ou encore Fantômas, Lupin n'est pas hiératique dans le sens où il prend corps au fil des aventures, change, se remet en question, éprouve des sentiments humains et s'avère plus proche du lecteur anonyme que d'un détective infaillible. La réunion de tous ces éléments a fait de Lupin un personnage qui a plu et qui plaît encore…Lupin illustre une légèreté et une désinvolture qui plaisent de tout temps parce qu'il se joue des limites que les hommes ont tracées, limites qui, si elles se transforment, existent et existeront toujours. De ce fait Lupin possède un caractère qui relève de l'universel : celui du défi … " (mémoire DEA)

    Site pour consulter le mémoire de DEA soutenu par Mlle Dhoukar:
    http://www.scd.univ-paris3.fr/Textes/NDhouDEA/
    Une étude plus récente a été publiée dans le N°9 de la revue Temps noir.

    Léo Malet , créateur de Nestor Burma :
    Léo Malet est de retour. Curieux homme, vagabond, anarchiste, vendeur de journaux à la criée, surréaliste, puis créateur de Nestor Burma, ce personnage de détective privé (signe particulier : libre et aventurier) qui lui ressemble tellement. Etrange écrivain, qui a influencé beaucoup de nos auteurs de policiers et donné un nouveau style, sensible et poétique, au roman noir. Francis Lacassin l’avait aidé pour la première publication de ses œuvres chez " Bouquins ". Aujourd’hui, c’est Nadia Dhoukar qui a veillé sur cette nouvelle édition. Elle a notamment rédigé une biographie de Léo Malet placée en début de volume et nous offre quelques textes (chansons, poèmes, nouvelles, articles) en best off. Bonne lecture ! "

    Rappels:
    Maurice Leblanc est né en 1864 et mort en 1941, sous l'occupation allemande. Il a créé Arsène Lupin en 1905 dans un magazine "Je sais tout".
    Simenon est né en 1903 et mort en 1989. Il a créé Maigret en 1931.
    Leo Malet est né en 1909 et mort la veille de son 87ème anniversaire. Il a créé Nestor Burma en 1943.

    Contexte succinct: Le genre policier fait l’objet de controverses sur sa définition, sur sa valeur littéraire et ses origines. Pour certains, Régis Messac aurait exprimé l’essentiel du sujet en 1929 dans deux ouvrages : " " Le détective Novel " et " L’influence de la pensée scientifique ". Et pourtant , l’encre noire n’a cessé de donner de la " tâche " aux analystes.
    Le genre émerge au 19ème, siècle de l’industrialisation et de l’urbanisme. Son inspiration peut se trouver dans des biographies de bandits , des récits de meurtres vendus par des colporteurs et des personnages comme Vidocq.
    Nous citerons quelques dates :1832 - Balzac est considéré par certains comme l’auteur des premiers romans noirs avec " La grande Bretèche "1841 - L’américain Edgar Poe , avec " Double assassinat dans la rue Morgue ", pensait avoir découvert une technique de raisonnement applicable à la fiction. Il sera considéré comme le père du roman policier. La même année, Balzac publie " Une ténébreuse affaire ". Jusqu’en 1918, on partait de la découverte d’un crime pour remonter jusqu’aux mobiles, en utilisant les techniques du roman populaire où les péripéties l’emportent sur la déduction.A partir de 1918 Les auteurs français vont suivre le modèle anglais en privilégiant l’analyse et la déduction. En 1930-1940, le roman noir est dans son âge d’or au Etats-Unis avec Dashiel HAMMET et les " Muckrakers " (fouille-merde).

    Jean-Claude Izzo – trilogie de Fabio Montale collection Folio, préfacée par Nadia Dhoukar::

    Née en 1978, Nadia Dhoukar a présenté une thèse de littérature française sur le pouvoir de fascination du personnage dans le roman policier, à partir des personnages d’Arsène Lupin, de Jules Maigret et de Nestor Burma. Captivée par les personnages récurrents du roman policier, c’est naturellement qu’elle a croisé le chemin de Fabio Montale " (Guide Folio du polar ).
    Rappel de la trilogie : Total Kheops, Chourmo et Solea – sortie en juin 2006 au prix de 10 euros.
    Le guide du polar 2006 " Folio Policier ", offert par votre libraire, avec un hommage à Jean-Claude IZZO. Vous y découvrirez " la consolation de Fabio Montale ", un petit texte inédit de cet auteur regretté.
    " Car Jean-Claude Izzo est un météore. Fulgurant, lumineux, insaisissable. La densité de sa lumière est variable selon le moment, selon notre position sur la Terre, selon que nos yeux sont ouverts et notre cœur réceptif. " - Extrait de " Jean-Claude Izzo, la trajectoire d’un homme. " écrit par Nadia Dhoukar.
    Il s’est éteint le 26 janvier 2000 à Marseille. Il était aussi poète. On peut citer chez Librio , deux recueils : " Vivre Fatigué " et " L’aridité des jours ".

    Un extrait (pour le plaisir) de " L’aridité des jours " :
    " Je n’ai plus de voix mais je crie. Une poignée de terre
       En main.
       En mon poing,
       Un bourgeon à ouvrir.
       J’ai rêvé la terre rêvant l’homme. "
     
     
    Interview en quatre questions de: Nadia DHOUKAR
     
    1°/ Chez un personnage récurrent, quels sont les traits de caractère qui vous intéressent?

    Deux traits du personnage récurrent m’intéressent. Tout d’abord, d’un roman à l’autre, le personnage se construit, se façonne et se dévoile à mesure que notre complicité avec lui grandit. Il s’agit d’une alchimie subtile : l’auteur prend ses marques avec son personnage à mesure qu’il le met en scène, et le lecteur découvre le personnage par touches. Comme dans la "vraie" vie, une relation d’amitié (d’amour parfois) s’instaure progressivement entre le lecteur et le personnage. Si on considère, dans l’ordre de leur publication, les séries des Lupin, des Maigret ou des Burma, ce processus de construction du personnage est flagrant. Petit à petit, tous trois apparaissent comme des êtres dotés d’un passé, d’une histoire, parcourus de souffrances et de failles. J’aime cette installation progressive à mes côtés d’un être que je découvre patiemment : qui est finalement le plus détective des deux ? Le personnage ou le lecteur ? Il y a toujours un jeu de miroir passionnant entre l’auteur, son personnage et le lecteur. Mais ce jeu n’explique pas tout : nombre de personnages, même récurrents, ne me séduisent pas.
    Chaque héros a une part de réalité (il est ancré dans un univers géographique, résout des énigmes crédibles, a une présence physique, un passé, des relations sociales, un métier, etc.) et une part d’imaginaire (ce que lui peut faire et pas nous, son éternité, le genre littéraire dans lequel il déambule —pétri de mythes et d'arcanes—). C’est la symbiose subtile, le va-et-vient permanent entre ces deux "dimensions" qui fait, selon moi, un personnage réussi. Comme un pacte : si je crois en ce personnage, je consens alors à ce qu’il m’entraîne là où il veut, même vers l’invraisemblable. Lorsque la part de réalité du personnage m’interpelle, parce que je m’y identifie ou que je l’accepte, je suis apte à le suivre et à explorer sa dimension imaginaire, plus personnelle, voire intimiste. Deux personnages aussi différents qu’Arsène Lupin (Maurice Leblanc) et Fabio Montale (J-C Izzo) séduisent pourtant pour les mêmes raisons.
    Arsène Lupin est un personnage réel parce qu’il a une histoire, des amours déçus, une relation œdipienne avec son père, il vieillit, évolue dans des univers réels, la Normandie, Paris… Mais évidemment, Arsène Lupin est une pure fantaisie : il peut être n’importe qui, donc tout le monde, il atteint toujours ses objectifs, il met la main sur des trésors dignes d’Ali Baba, " chaque femme à son heure rêve de voir son visage ", etc. Il est donc à la fois présent au monde et en même temps au-delà du monde : dans l’imaginaire, il incarne l’enfance, le goût du jeu et du défi, c’est un démiurge. Bref, Lupin incarne autant de rêves que nous, lecteurs, connaissons parce qu’il s’agit de facettes de nous-mêmes qui nous appartiennent ou nous ont appartenu, mais que nous sommes contraints de reléguer dans notre vie quotidienne.
    Même chose pour Montale : il est flic, habite à Marseille, a un passé, des amours et des amitiés malheureuses, et il est confronté à des intrigues on ne peut plus crédibles et sordides. Mais Montale démissionne. Il nous emmène vers l’univers des poètes oubliés, vers les origines mythiques de la cité phocéenne, il nous invite à explorer une musique métissée, il nous convie à renouer avec notre humanité profonde, même dans ce qu’elle suppose de noirceur. En cela, Montale est notre égal, parce qu’il est un homme comme les autres. Et, dans le même temps, il nous dépasse, parce que, en héros de papier, il ose ce que la plupart d’entre nous n’osons pas : se rebeller, demeurer fidèle à des idéaux, à une enfance, à une foi, quitte à en perdre la vie.
    Le personnage, dès lors qu’il est capable d’être suffisamment au monde pour nous "harponner", nous entraîne vers un imaginaire qui est souvent le nôtre : le propre de toute littérature en somme, sauf que, dans le cadre du genre policier, cet effet est décuplé par le phénomène de la série et par les thèmes, toujours cruciaux et originels, qu’il met en scène : la mort, la justice, l’altérité… Le personnage récurrent lutte pour être au monde entièrement, en tant qu’individu et en tant qu’homme, et nous vivons cette lutte par procuration, à défaut de la mettre en œuvre concrètement. Finalement, à chacune des pages du roman, l’enquêteur nie l’imperfection de l’existence, alors que la plupart d’entre nous l’acceptons. Si leur réalité peut s’altérer avec le temps (les univers sociaux ou géographiques mutent), l’imaginaire qu’ils nous convient à partager est intemporel : il s’agit le plus souvent d’une quête de justice, d’idéal, d’une capacité à s’insurger et à se rebeller. Et même des héros anonymes, dont on sait peu de choses, ni le nom ou le physique, tel celui de Robin Cook, ont cette faculté à nous entraîner vers…nous-même. Et on retrouve ainsi le miroir…

     

    2°/ Avez-vous une idée sur l'évolution de l'image du flic dans le polar du 21ème siècle?

    Du flic ou de l’enquêteur récurrent ? La littérature policière est (miroir toujours) un reflet sans fioritures de la société dans laquelle elle est "perpétrée", ce qui explique sans doute l’effacement progressif du personnage récurrent ces trente dernières années. Le personnage, surtout dans la littérature française, a eu tendance à se faire discret ou à devenir prétexte à une autre vision. Il a perdu son humanité en même temps que la foi en l’être humain a été sérieusement entamée. Presque plus de personnages récurrents donc. Mais je crois qu’il y a, dans le polar français, un renouveau parce que le personnage, récurrent ou pas, constitue aussi le point de départ ou fil directeur d’une histoire. Ces dernières années, le roman policier a souvent viré au roman social et politique avec son lot de dénonciations. Plus d’histoire ni d’évasion. Aujourd’hui, beaucoup d’auteurs renouent avec la tradition du conteur et, par là même, avec le personnage comme point de gravité et de départ d’une histoire. Ce qui n’empêche pas une vision sociale ou critique en toile de fond: la trilogie de Jean-Claude Izzo ou la série des Padovani de F-H Fajardie suffisent à s’en convaincre. Mais, avant tout chose, l’auteur conte et propose à son lecteur de s’immiscer dans un univers original et tissé d’imaginaire. Quant au flic, en tant que fonction je le vois soit s’effacer car roman policier et roman noir sans enquêteur se rejoignent dans une vision commune (noire) du monde : que cette frontière entre noir et policier s’estompe, c’est heureux. Quant à l’enquêteur du XXIe siècle, pour qu’il demeure crédible, je ne le vois pas flic ni détective privé, plutôt chasseur de tête(s), directeur des ressources humaines d’une entreprise, reporter ou juge d’instruction.
     
    3°/ Connaissez-vous des personnages corses dans le monde du polar?

    Aïe. Je n’ai hélas pas de culture encyclopédique du polar. Je vais adresser cette question aux membres de l’association " 813 " : nul doute qu’ils seront nombreux à vous citer les noms des personnages, les auteurs et les références bibliographiques, en couvrant le monde entier et au moins les deux siècles derniers.
    J’ai souvenir du commissaire Pelligrini dans L’Homme au sang bleu, de Léo Malet qui "remplace" le commissaire Faroux dans l’enquête à Cannes de Nestor Burma. Un autre Corse chez Burma, le bandit Sarfotti (L’envahissant cadavre de la plaine Monceau). Il me semble que ces deux personnages sont corses. Une Corse chez Arsène Lupin : Faustine (La Cagliostro se venge), avec laquelle, selon toute vraisemblance, notre gentleman - cambrioleur coulera des jours paisibles. J’ai souvenir aussi que, dans leur peinture du "milieu", André Héléna et Albert Simonin ont mis en scène des personnages corses. Vu la production énorme de J-G Arnaud et son intérêt pour le sud de la France, je serais fort surprise de ne pas rencontrer un Corse au fil des pages de ses romans. Je suis étonnée, en fouillant dans ma mémoire lacunaire, de ne pas retrouver de Corse dans l’univers de Maigret…cela me reviendra peut-être. Je crois avoir entendu parler d’un pastiche récent de Sherlock Holmes, où le détective quitte Londres pour l’île de Beauté. En tout cas, j’ai dorénavant l’œil aiguisé et ne manquerai pas de vous signaler tout Corse croisé dans les contrées policières.

     
    4°/ Avez-vous des actions en cours ou des projets dans le domaine du polar?

    Des projets ? Toujours ! Des éditeurs pour les soutenir ? Beaucoup moins !
    Plus sérieusement, je poursuis la réédition de la série des Nestor Burma chez Robert Laffont (collection Bouquins) : le tome 2 sortira en septembre avec une préface sur les personnages mythiques de la littérature policière qui ont influencé Nestor Burma. Quant aux tomes 3 (sortie en octobre) et 4 (sortie début 2007), ils seront agrémentés d’une étude, longue et inédite, en deux parties, du personnage de Nestor Burma, justement autour de cet axe réalité/imaginaire.
    Après Lupin et Burma, j’ai décidé de quitter les personnages pour les auteurs : en ce sens, Jean-Claude Izzo constitue un tournant. Je me suis fait détective pour tenter de reconstituer la trajectoire d’un homme pas comme les autres. Le Folio Policier, qui réunit en un seul volume la trilogie et est précédé de la biographie inédite que j’ai consacrée à Jean-Claude Izzo, sortira le 8 juin. Il y a beaucoup à dire sur Jean-Claude Izzo, l’homme et l’auteur, et nombreux sont les artistes (photographes, écrivains, chanteurs…) à vouloir l’évoquer, soit parce qu’ils l’ont connu ou aimé, soit parce que son œuvre ou son parcours les ont touchés. Je prépare donc un livre sur Jean-Claude Izzo. Je devrais également prendre en charge une collection policière dédiée aux auteurs français à la rentrée, dans une maison d’édition "under construction".
    Enfin, Lupin et Burma sont des personnages auxquels j’ai consacré des années entières et nombre de travaux/conférences. Mais je travaille également depuis des années sur Maigret, au sujet duquel je n’ai jamais pris la plume ni la parole, soit parce qu’on pense que tout a été dit, soit parce qu’il s’agit d’un domaine "réservé". Tant de choses restent pourtant à dire à propos de ce personnage et de ses univers "imaginaires"…
    Voilà, pour l’heure : des projets, susceptibles d’être modifiés au fil de mes coups de cœur. Au hasard d’une rencontre, on découvre un auteur ou un personnage dont la générosité (mot-clé de l’univers polar) donnent envie de les soutenir, de les faire connaître, et hop : un nouveau projet est né...





    Quelques références sur le parcours de Nadia Dhoukar: Il s'agit d'une liste non exhaustive,

    Articles et directions
    Editions Gallimard (collection Folio Policier) : écriture d’une préface sur Jean-Claude Izzo (publication en juin 2006)
    Editions Robert Laffont (collection Bouquins) : direction de la réédition des enquêtes de Nestor Burma : choix de l’ordre de présentation, des documents annexes et écriture des préfaces, introductions et notes Tome 1 publié en mars 2006, tome 2 publié en septembre 2006, tome 3 publié en octobre 2006, tome 4 publié premier trimestre 2007)Editions Joseph K : écriture des fiches sur les personnages d’Œdipe, Benjamin Malaussène, Johnny Metal, et Fabio Montale (Dictionnaire des Littératures Policières, sous la direction de Claude Mesplède, publication en 2006)
    Editions Nouveau Monde : écriture des fiches sur Nestor Burma, Léo Malet et Jean-Claude Izzo (Dictionnaire des Romanciers populaires, publication en 2007)
    Articles :
    "La vie amoureuse d’Arsène Lupin" Revue 813, n°94 (2005)
    "La vie amoureuse de Nestor Burma" Revue 813, n°90 (2004)
    "Arsène Lupin entre en scène" Revue Le Rocambole, n°22 (2003)
    Les premiers pas de Nestor Burma" Revue Le Rocambole, n°22 (2003)
    Dossiers
    Préparation d’un livre biographique sur J-C Izzo Numéro spécial Arsène Lupin Revue Temps Noir, 70 p. (mars 2005)
    Conférences
    Le personnage d’Arsène Lupin (février-déc. 2005)
    4 conférences sur les salons consacrés au roman policier
    (Saint-Quentin-en-Yvelines, Cognac, Vienne, Le Havre)
    Histoire de la littérature policière à travers ses personnages mythiques (sept-déc. 2005)
    Universités pour tous de Joigny, d’Auxerre et de Toucy (89)

    SITE OFFICIEL DE JEAN-CLAUDE IZZO:
    http://www.jean-claude-izzo.com

    UN ENTRETIEN AVEC LEO MALET SUR LE SITE:
    http://www.globenet.org/chroniqueur/02/rubriques/entretien.html
    cliquer pour y accéder

    UN SITE ARSENE LUPIN :
    http://www.arsene-lupin.com/
     

     
     
     
    Yahoo!

  • Un auteur insolite : AL RABASSOU pour un polar dans un style déjanté, mais aussi un témoignage d’une violence scolaire qui alimente aujourd’hui les chroniques judiciaires. L'auteur "Al Rabassou", tel Dionysos, jaillira du sol comme un cep de vigne, figure Nietzchéenne plutôt que sage visage apollinien.
    L.P BLUES
    Al Rabassou,
    une histoire française,
    autoéditions du dernier Mammouth… "

    Lorsque j’ai lu la couverture de ce livre, je l’ai pris dans une main et je suis allé à la la 4ème page de couverture qui m’annonçait le Lycée professionnel Robert Schuman de Montrouge comme scène de crimes pour une enquête menée par l’Inspecteur Labarde et son stagiaire Tricard.

    Quatrième page de couverture :
    " Albertine a disparu ! Sacré challenge que de retrouver cette super louloute après le meurtre de Jean-Marie, un élève du Lycée Professionnel Robert Schuman de Montrouge ! Lancés sur l’affaire, l’inspecteur Labarde et son stagiaire Tricard vont vite découvrir, côté profs ( La Truie qui doute, Concrètement, le Dernier Pédago...) comme parmi les élèves ( Banania man, Black et Decker, Danse avec les clous..) des personnages d’un genre peu ordinaires, pas toujours en totale harmonie avec l’établissement en pleine restructuration. D’autant que l’époque est troublée : dans les rues, les " Tous ensemble ! " paralysent une partie du pays ; l’élite (Jack Lacoquille et Romain Frappé, Jehan et Cosette Riquiqui, Fifi Lachèvre, Tonton, le beau Roro..) se délite avec la bénédiction du Fion nacional. Mais les bêtes s’en mêlent : Zoulou le matou, Baltic, Raymond le basset, exaspérés par Brigitte Cabot soutiennent les sans colliers et manifestent pour leur dignité… "

    Je n’ai pas trouvé de L.P Robert Schuman à Montrouge mais seulement un LP Jean Monnet, celui d’où Youssef Fofana est sorti, sans diplôme et sans travail, à l’époque au Al Rabassou éditait son roman. Au mois de février 2006, cet ancien élève, devenu chef du " gang des barbares ", était arrêté en Côte d’Ivoire pour le meurtre du jeune Illan Halimi. Par la suite de nombreux articles ont été écrits sur cette violence qui prend racine dans les cités et les établissements scolaires. Nous vous en citons un pour exemple écrit par Barbara Lefebvre dans Le Monde du 8 Mars 2006 et dont le titre est " Des barbarismes à la barbarie " et où il est dit que la violence verbale prépare ( dans nos écoles ) au pire passage à l’acte.

    L.P BLUES sentait le prof de Lycée professionnel inspiré d’une éducation nationale à bout de souffle. " Rabassou " avait une sonorité provençale aux senteurs de truffière. La rabasse est une truffe, un diamant noir. Quel symbole pour un polar ! Un coup d’oeil sur le nom et l’adresse de l’imprimeur : Les Ateliers des Presse Littéraires de Saint Estève (Pyrénées orientales). J’orientais donc mes recherches vers un lieu géographique et je trouvais le chemin de la Carrierasse et de Rabassou dans le quartier nord de Frontignan. J’en étais là de mon enquête qui tourna court. Point besoin d’un cochon truffier pour débusquer l’auteur ! J’ai appris de source sûre que Al Rabassou n’habitait pas à Frontignan. On m’a même donné son nom et son adresse. Paul Noguès., professeur de L.P et d’origine catalane, vit toujours en région parisienne. Il a publié le roman " L.P BLUES " en 1999. Cet ouvrage, sous l’éclairage de l’actualité criminelle, mérite d’être revisité. Quant à Rabassou , il s’agit d’un terme catalan , qui signifie " Cep de Vigne ", symbole dionysiaque, au sens littéraire bien sûr de l'adjectif. Que nous réserve donc ce Dieu de la fécondité animale et humaine?

    Je me suis alors lancé dans le lecture de ce roman original qui s’ouvre, par un bestiaire : Zoulou, Raymond, Pépette … des sobriquets pour des chats et chiens qui s’expriment avec des mots humains sur leur quotidien auprès des humains qui les exaspèrent…. Et l’auteur provoque, avec humour, le lecteur en l’interrogeant :" … Les bestioles qui causent ? … et alors ? Ce n’est pas nouveau, et puis, y a bien des flics qui grognent, des profs qui aboient ! "

    L'auteur met en scène l’Inspecteur Labarde , ancien Professeur de L.P reconverti en flic mais toujours renifleur de figures de style dans la trivialité des mots de tous les jours. " Quand un de ses collègues, un gros balèze à gueule de bouledogue, jetait à un suspect qu’on venait d’interpeller : " On va s’occuper de toi, mon biquet ! " il se disait, selon l’humeur du moment : " Tiens une métaphore ! " " Tiens, un euphémisme ! ", " Tiens, de l’ironie !". Ce flic de polar se démarque des classiques comme Maigret et Simenon , en faisant une mise au point avec le lecteur : " On sait que Maigret n’hésitait pas à flâner des heures durant le long d’un quai, d’un canal, d’une rue déserte pour s’imprégner des lieux ; qu’en sniffant le brouillard au pont de Tolbiac, Burma résolut une ténébreuse affaire. Moi, l’atmosphère, j’essayais de la devancer et, pourquoi pas, en jouant avec les mots, car Tricard et moi n’allions pas enquêter le long d’un quai, d’un canal, d’une rue déserte ou sur le pont de Tolbiac. Non, en ce 20ème siècle finissant, la violence semblait développer un rude appétit pour l’école. A la une des journaux, les crimes crapuleux, la délinquance urbaine étaient sérieusement concurrencés par la violence scolaire. Or cette violence venait de frapper au Lycée professionnel de Montrouge aux marges du département le plus riche de France : les Hauts-de-Seine.. " La violence scolaire, une actualité qui est entrée dans le 21ième siècle en même temps que les incertitudes d’une société qui se déshumanise. Si on n’y prend pas garde, on trouvera plus d’humanité dans le regard d’un chien que dans l'Homme. Ce serait peut-être ce corniaud, dans LP BLUES, qui, la truffe frétillante, faisait voleter les premières feuilles tombées. Soudain, il tourna plusieurs fois sur lui-même puis ratissa le sol frénétiquement comme à la recherche de son trou de balle qu’il aurait perdu. Rassuré de ne pas l’avoir trouvé, il prit un air inspiré et prépara une fracture du col du fémur sous la forme d’une crotte noirâtre qu’il renifla avec soin pour s’assurer qu’elle était bien à lui. "

    Ce polar contemporain et truculent est un récit avec une intrigue "noueuse comme un cep de vigne" qui débute sur la découverte du cadavre d’un élève du Lycée Professionnel de Montrouge avec comme indices : des cheveux, des miettes de madeleines proustiennes et un pendentif avec l’inscription " Tsilaosa… D’emblée, j’aimai ce mot. (nous dit Labarde) Les quatre sons vocaliques, l’allitération en S, la douceur de sa chute, étaient aussi doux à mon oreille que sur mon palais le canard laqué aux quatre parfums de la Cité Interdite, un resto chinois de l’avenue de Choisy " L’enquête gordienne est parsemée de morceaux d’anthologie scolaire, tout en n’oubliant pas les vertus pédagogiques sur la langue française et ses subtilités. L’auteur nous offre aussi sa satire du monde politique des Guignols de l’Info. J’ai voulu en savoir plus sur Paul Noguès, alias Al Rabassou. Il est toujours enseignant en banlieue parisienne où je l’ai contacté pour le convier à un entretien en quatre questions.

    Entretien en quatre questions :

    1°/ Je m’adresse d’abord à l’auteur : Al Rabassou ! Après vos années parisiennes, les rousquilles ont-elles toujours une saveur Proustienne. En d’autres termes, avez-vous le sentiment d’appartenir à une identité catalane?
    Les rousquilles ont toujours un délicieux parfum d’enfance (et Rousquille est le véritable nom de Pépette dans le roman). Je me sens Catalan, davantage par les couleurs et les odeurs de la garrigue au printemps, par les rafales décoiffantes de la Tramontane, par un verre de grenache ou de muscat clôturant une cargolade ou par les couillonades de Salvador Dali que par la langue ou la culture. Les revendications identitaires et nationalistes sont ,à mon sens, trop instrumentalisées. Je me sens plutôt " méditerranéen ".
    2°/ Pouvez-vous nous raconter l’histoire de l’écriture de votre roman et celle de votre parcours pour vous faire éditer avec le choix d’une autoédition régionale ?
    Comme les rousquilles, les bouquins (et notamment les polars et néopolars) sont mes " madeleines " à moi. Ils me procurent régression et jouissance… au point, il y a quelques années, de tenter l’aventure de l’écriture. Des " ruptures " dans ma vie privée comme dans ma vie professionnelle (nouveau public d’élèves plus " destructuré ", beaucoup d’interrogations et de choses à " raconter ", des situations de violences pas toujours faciles à comprendre ou à accepter) m’ont fait franchir le pas. J’ai commencé par dégueuler des mots sur des feuillets épars et tenté de leur donner une cohérence quelques mois plus tard. Le résultat c’est LP BLUES, récit bâtard, hésitant entre le neopolar, le journal intime et la chronique sociale. Quant à la suite, vous imaginez les problèmes :coût des tapuscrits, refus polis des éditeurs et…autoédition
    3°/ L’entame de L.P BLUES est animalière. Vous mettez le bestiaire humain sous le regard d’une humanité animale. Votre héros, l’inspecteur Labarde est un ancien Professeur. Diogène déambulant dans le Lycée professionnel de Montrouge, quel regard porterait l’inspecteur Labarde sur l’affaire du gang des barbares qui a défrayé la chronique avec son chef, Youssef Fofana ?
    Labarde déambule dans le lycée, Zoulou le matou dans les banlieues…Ce qu’ils voient n’est pas toujours réjouissant. Fofana était à Montrouge il y a quelques années. Ce n’était pas une terreur. Pourquoi a-t-il basculé ? Je ne me hasarderai pas à répondre ! Ce qui m’interpelle le plus chez certains jeunes c’est la situation de destructuration familiale et l’absence réelle ou symbolique du père. Qui reste-t-il pour leur rentrer dans le lard, pour les reconnaître au sens existentiel du terme ? …Les profs et les flics !
    4°/ Vous citez à rebours Maigret et Nestor Burma. Si je devais classer L.P BLUES dans la Noire, je le rangerais sur le rayon des néo – polars. Dans la Noire, quels sont vos personnages et vos auteurs préférés ?
    Je n’ai pas de collection de prédilection. Bill James, John Harvey, Fred Vargas, Izzo, Connelly, Douglas Kennedy sont des auteurs que j’ai beaucoup de plaisir à lire. Mais j’ai une tendresse particulière pour Pepe Carvalho, le privé catalan gastronome et jouisseur de Vasquez Montalban.
     
    D’une rencontre, il naît toujours une richesse : En 1997-1998, une réalisatrice de documentaires (connue et reconnue), Mme POZZO DI BORGO Catherine, avait croisé Paul NOGUES. Elle a ensuite sorti son film sur les jeunes de Montrouge et " Tu seras manuel, mon gars ! ". Une Dame et une œuvre cinématographique exemplaires !...

    Extrait du dossier " Jeunes dans le Bâtiment " sur le site de Mutualité de France et du journal "Santé et Travail": http://www.mutualité.fr
    " Paul Noguès est professeur de français à Montrouge (Hauts-de-Seine), dans un lycée professionnel qui compte des classes de CAP, de BEP et des bacs pros formant aux métiers du bâtiment(1). Comment les jeunes appréhendent-ils leur avenir ? " Les réactions sont très différentes selon qu’on a affaire à des jeunes préparant un CAP ou un bac pro, répond l’enseignant. Les bacs pros savent déjà très bien à quoi s’attendre, car ils ont eu des stages en préparant leur BEP ou leur CAP. Mais, arrivés à ce niveau, ils prennent encore davantage conscience de la pénibilité du travail. " Trop souvent, les professeurs ont le sentiment de se retrouver face à des jeunes qui " subissent " leur orientation vers le bâtiment ou les travaux publics.
    Démotivés
    Malgré cela, observe Paul Noguès, " il y en a qui s’y trouvent assez bien ". Récemment, il a rencontré deux jeunes en bac pro sur leur lieu de stage, afin de vérifier si tout allait bien. L’un travaillait dans un bureau d’études des services techniques d’une commune, l’autre transportait des gravats dans une brouette sur un chantier du 19e arrondissement de Paris. Le prof de français a pu constater que " les deux garçons étaient satisfaits de leur stage .
    Les clashs pendant les stages sont le plus souvent le fait des jeunes en CAP. " Parmi les jeunes en formation dans le BTP, beaucoup sont issus de familles immigrées dont les pères travaillent déjà dans le secteur, remarque Paul Noguès. Comme ils ne sont pas bons à l’école, ils se retrouvent prisonniers d’une filière, avec en tête une image négative véhiculée par les parents. "

    A l’occasion du tournage d’un film dans ce lycée professionnel de Montrouge pendant l’année scolaire 1997-1998(2), la réalisatrice Catherine Pozzo di Borgo s’est entretenue avec les jeunes sur leur vision de l’avenir. A l’écran, ces derniers paraissent dans l’ensemble assez démotivés. " Je ne veux pas rentrer dans la vie active maintenant, ce serait trop dur. On ne gagne pas assez d’argent dans les entreprises, et puis, travailler toute sa vie en étant ouvrier, ce n’est pas mon truc ", explique un élève âgé de 18 ans. Plus agressif, cet autre interroge : " Avec le bac pro, on va faire quoi ? On va être des crève-la-dalle sur un chantier. Et si on continue… De toute façon, le BTS, on ne l’aura jamais. " La dureté des conditions de travail fait office de repoussoir. " Les gars sur les chantiers, ils sont tellement usés par le travail… Ce sont des "cro-magnons" ", ironise un autre. " On ne peut pas travailler quarante ans sur un chantier, sinon, arrivé à l’âge de la retraite, on est foutu ", assure un dernier.
    Résultat ? Les jeunes étirent au maximum le temps des études, même s’ils ne sont pas au niveau.

    Une rencontre: Mme Catherine POZZO DI BORGO, témoin du Futur :

    Une réalisatrice de films documentaires sur le monde du travail : Catherine POZZO DI BORGO et son parcours exemplaire.

    En 1999, Mme POZZO DI BORGO Catherine, réalisatrice et professeur associée de l’Université d’Amiens, a réalisé un documentaire sur les élèves du Lycée Professionnel de Montrouge où elle avait rencontré, pendant l’année scolaire 1997-1998, Paul Noguès, Professeur de Lettres et auteur du polar "L.P BLUES" sous le pseudonyme Al Rabassou. Le documentaire s’intitule " Tu seras manuel, mon gars ". Nous avons voulu en savoir plus sur cette réalisatrice exemplaire effectuant son travail sur le terrain pour nous ramener des documentaires d’une grande honnêteté morale, en rassemblant des témoignages audiovisuels sur la précarité et le chômage, qui sont autant de pierres à l’édifice d’une humanité qui se cherche.

    Son nom " POZZO DI BORGO " ne laisse aucun doute sur ses origines corses, mais son parcours professionnel et ses mérites se situent dans son oeuvre qui donne une vision réaliste et humaniste du monde du travail avec des approches sur l’évolution de nos sociétés. Certains de ses documentaires ont été diffusés sur des chaînes télévisées thématiques comme la Cinq. Tous servent d’outils pédagogiques ou de bases de réflexion lors de nombreuses conférences organisées par divers organismes dans la France entière et à l'Etranger. Mme POZZO DI BORGO est exemplaire par son talent de réalisatrice et de scénariste, mais aussi par son intégrité morale et intellectuelle qui la pousse à une réflexion sur son travail lui-même dans un souci permanent de coller au plus juste possible dans des constats qui éclairent notre avenir pour y faire face. Elle porte sur le présent son regard de témoin du Futur et s'adresse aux consciences.

    Madame Catherine POZZO DI BORGO possède la science de l’art cinématographique et l’art de la science, alliant son talent créatif à sa rigueur. Le documentaire est souvent considéré comme de l’artisanat, un noble mot conjuguant art et savoir faire. En deux phrases, nous avons employé sciemment plusieurs fois le mot " art ", redondance voulue pour une réalisatrice d’exception. Le documentaire est un art cinématographique. Nous tenions à le souligner en ce qui la concerne.
    Nous avons retrouvé le titre d’un opus récent : " Vues de l’Europe d’en bas " publié aux Editions L’Harmathan et imprimé en juillet 2005.
    Quelques documentaires réalisés par Mme Catherine POZZO DI BORGO :
    A job of the birds en 1979, Shop talk en 1980, The great weirton steal en 1984, et...
    En 1991, Les vaches bleues.
    En 1996, Arrêt tranche, les trimardeurs du nucléaire.
    En 1999, Tu seras un manuel, mon gars ( à la même date Paul Noguès publie L.P BLUES ) .
    En 2202, Tout l’or de la montagne noire .
    En 2003, Chômage et précarité : L’Europe vue d’en bas.
     
    Vous pouvez retrouver une partie de son parcours sur le site de l'INA où il suffit de passer son nom au moteur de recherche pour atteindre notamment les dossiers de l'audiovisuel.

    Entretien en quatre questions avec Mme Catherine POZZO di BORGO

    I. Quels souvenirs avez-vous gardé de votre reportage au sein du Lycée professionnel de Montrouge, pendant l'année scolaire 1997-1998 (pour les besoins de votre film : "Tu seras manuel, mon gars"?)
    En ce qui concerne le film "Tu seras manuel, mon gars", après avoir réalisé plusieurs documentaires sur le monde du travail, j'ai eu envie d'aller voir en amont comment étaient formés les ouvriers. J'ai donc passé une première année d'observation au lycée professionnel de Montrouge, observant les différentes filières proposées et les problèmes qui se posaient. J'ai ensuite rédigé un scénario qui m'a permis d'obtenir une aide du ministère du Travail, ainsi qu'une co-production avec la 5. Puis j'ai tourné par étapes tout au long de l'année scolaire suivante. Le lycée professionnel de Montrouge, comme tous les établissements de ce genre, est devenu malheureusement une voie de garage où l'on envoie tous les jeunes qui n'arrivent pas à suivre l'enseignement normal. Or les métiers manuels qui faisaient la fierté des ouvriers sont aujourd'hui fortement dévalorisés. Les jeunes qui se retrouvent dans les lycées professionnels sont en majorité issus de l'immigration. Beaucoup n'ont pas de père et quand ils en ont, ce sont très souvent d'anciens ouvriers au chômage. Il n'y a plus comme autrefois cette transmission des savoir-faire du père au fils. Et les jeunes d'aujourd'hui ne veulent surtout pas être comme leurs pères, usés prématurément par le travail et trop souvent menacés par le chômage. Ils se rêvent dans des bureaux, mais sont incapables, pour des raisons essentiellement sociales, d'obtenir les diplômes requis pour ce type d'emploi. En outre, il est rare qu'ils puissent choisir leurs filières d'apprentissage. Ce travail m'a laissé deux impressions très fortes. La première était l'ordre et le calme qui régnaient au lycée de Montrouge. Certes, les jeunes avaient du mal à se tenir tranquille pendant les cours, mais en deux ans je n'ai assisté à aucune scène de violence et les rapports que j'ai eu avec eux ont toujours été très courtois. Ce qui va à l'encontre des présupposés que l'on a trop souvent sur les jeunes des banlieues. La deuxième impression était beaucoup plus négative. C'était d'être confrontée à des jeunes, certainement aussi intelligents ou talentueux que d'autres, mais qui, en raison de leurs origines sociales, n'avaient pour ainsi dire pas d'avenir. Et cela, il me semble, est inacceptable dans un pays comme le notre.
    II. Quelle a été la motivation de votre parcours de réalisatrice de documentaires sur le monde du travail et avez-vous des projets en cours?
    Le monde du travail m'a toujours fascinée pour sa richesse et ses contradictions et pour les personnages remarquables qu'on y rencontre parfois. Les documentaires que j'ai réalisés ne sont pas des films de divertissement. Ils exigent l'attention du spectateur, mais je pense qu'ils sont nécessaires en ce qu'ils contribuent à une meilleure compréhension critique de la société dans laquelle nous vivons. Je viens de terminer un film totalement différent. "Les Cris de Paris" dont voici le résumé:
    "Les Non Papa*, un ensemble de jeunes et talentueux chanteurs, préparent un spectacle autour des " cris de Paris " au temps de la Renaissance. Les cris étaient ceux que poussaient les petits vendeurs de rue sur une ou deux notes de musique et que des compositeurs de l¹époque ont recueillis pour en faire des chansons savantes ou populaires. Du déchiffrage des partitions au spectacle final, en passant par la fabrication des costumes, la recherche d¹accessoires et des essais de mise en scène ­ un documentaire où la beauté de la musique côtoie des séquences prises sur le vif, pleines d¹émotion, de fantaisie, voire de franche gaieté. Une plongée dans le mystère de la création musicale." Je dois dire que cette échappée dans le monde de la musique m'a procuré un immense plaisir qui, je l'espère, sera partage par les spectateurs.
    J'ai deux projets en cours, plus tournés cette fois vers le monde paysan: un film sur le Larzac et un autre sur les petites fermes, ou la survie de la petite paysannerie française.
    III. Vous avez des origines corses, quel regard portez-vous sur l'île?
    Je n'ai malheureusement aucune attache en Corse, ce que je regrette car c'est un pays magnifique. Si quelqu'un veut m'inviter....
    IV. Dans vos documentaires, vous montrez une réalité qui sert souvent de décor dans la Noire et le neopolar. Etes-vous lectrice de romans noirs et, de façon plus générale, quels sont vos auteurs préférés dans la littérature ?
    Je suis une grande lectrice de romans policiers. Avec une prédilection pour les auteurs américains: Dashiell Hammett, Ross MacDonald, Elmore Leonard, James Ellroy, James Lee Burke. Il y a aussi quelques français que j'aime beaucoup: Fred Vargas, Jean-Patrick Manchette, Tonino Benaquista, Jean-Claude Izzo. Sans oublier le merveilleux Paco Ignacio Taibo II.

    En marge de l'interview:
    Le groupe Non Papa* a été constitué en 2001 par quatre de ses membres et il comprend aujourd'hui 8 chanteurs issus de l'Université de Paris-Sorbonne associés au Jeune coeur de Paris, au Centre de musique baroque de Versailles et au CNSM de Paris. Son nom évoque le compositeur franco-flamand Jacob Clémens, connu sous le pseudo de Clemens Non Papa. Vous pouvez en savoir plus en allant sur leur site: http://nonpapa.free.fr


     











    Yahoo!

  •  
    Molto chic ou comment tuer en toute élégance.

    Arlette Shleifer annonce la couleur de son roman en le dédiant à tous ceux qu’un jour ou l’autre, elle a eu envie de tuer. Et puis, l’histoire commence par " Il était une fois... " Suivra la rencontre d’un prince charmant. Ne vous y trompez pas ! Il s’agit d’un roman noir, non pas d’un conte de fée.
    Margot, tout juste sortie de prison écoute les Polonaises de Chopin jouées par le Maestro Luigi. Elle retrouve dans ses affaires " un rubis serti de diamants, à l’ancienne. La pierre était si pure qu’on aurait dit du " granité " de sang. Deux petits diamants manquaient à la monture et gisaient dans le coin du sachet. Le sang de la pierre s’était écoulé et avait tâché ses doigts. " Quelle somptueuse entame qui nous ramène à ses vingt ans sur une plage normande où, elle rencontre Jean. De cette rencontre de l’eau et du feu, va surgir un psychodrame comme une marée d’équinoxe.

    Jean est un Corse orphelin depuis la petite enfance. Il a été élevé par sa sœur Nina qui vit au milieu des vignobles du sud de la Corse. " Il était comme les fleurs des champs : une fois coupées de leur racines, elles survivent difficilement. Comme il était difficile de créer un univers, un autre code loin de la Corse ! "  Il est un tiède et Dieu vomit les tièdes. Trop raisonnable et économe, il contrôle mal ses pulsions désespérées derrière une retenue timorée. Margot, elle, apparaît narcissique, immature et égoïste. Elle et lui : le roman commence donc par un duo ou un duel cher à une Marguerite Duras. Après des retrouvailles soixante-huitardes qui scellent leur passion amoureuse, c’est naturellement vers la Corse qu’ils font leur premier voyage en amoureux sur un voilier italien baptisé " Luppachiotto " (petit loup). Jean se rêve en Belmondo dans " Itinéraire d’un enfant gâté " et le psychodrame couve dans une atmosphère sortie d’un roman de Françoise Sagan.

    La suite ne sera pas faite de couchers de soleil sur une Méditerranée chaude, mais du soleil noir dans l’eau froide recouvrant de grands fonds freudiens. L’adulescente veuve Margot jouera avec la vie de Jean et maniera le pinceau, comme une arme de création artistique. Des crimes " en couleurs douces " sont au Menu. Quel dessert nous a concocté l’auteur?

    Suspens et surprise ! Ici s’arrête notre andantino pour présenter un thriller " moderato cantabile" avec des " allegros ", chargés d’angoisse existentielle. C’est une sonate de l’amour et de la mort. La Vendetta est de la partition : Tragique, elle s’invite à un final qui laisse la place à vos soupirs et vos silences.
    Avez-vous déjà eu des envies de meurtre parfait? Posez-vous la question.

    Arlette Shleifer saisit des bribes senties d’un quotidien introspectif et sait aussi exalter les mots par un lyrisme " molto chic " fait d’une grâce légère qu’on lui connaissait déjà dans ses précédents romans publiés par Les Editions La Marge. Elle laisse libre cours à l’imaginaire du lecteur dans un roman " molto noir ".

    Extraits choisis parmi tant d’autres:
    "  Parfois le soleil n’a pas envie de se lever, d’offrir des couleurs, de la chaleur ; alors tout reste blanc ou gris, insipide et froid. L’essentiel est de concéder la place qu’on décrète, d’y mettre de la chaleur, du bonheur et rien d’autre. Tu peux également rester dans la grisaille… "
    " … le bateau était la promesse d’un départ pour un lieu entre deux eaux, entre deux ciels entre deux vies. Il était la garantie d’un rendez-vous avec la lune et les étoiles, sans qu’aucun bruit ne le perturbe. L caresse de l’eau était le mot de passe vers une liberté, illusoire certes mais réelle, le temps d’un regard sur l’immensité sans entrave. "
     
    Arlette Shleifer : " Pulsion errance ".

    Son premier roman :
    " Luna ou le voyage d’une étincelle " : Ce premier roman est paru aux Editions La Marge d’Ajaccio, en 2002, Arlette Shleifer nous invite à découvrir la Corse comme si c’était pour la première fois, avec les yeux et la sensibilité de Luna de Beuzeville. Son héroïne sort d’une rupture sentimentale et du succès éditorial de son livre de photographies sur la couleur des glaciers de l’Antarctique. Elle est journaliste en Australie, à Sydney. Son rédacteur en chef l’expédie en Corse en ces termes : " Tu n’as pas trouvé le diable en Tasmanie, peut-être vas-tu en découvrir un en Corse ? Il semble que tu peux nous rapporter un très beau reportage. " Et la voilà qui débarque dans le port d’Ajaccio où un libraire lui confie la clé du logement d’un peintre corse, absent pour cause d’exposition à Paris. Cette absence va provoquer son attente et son errance sur " la plus proche des îles lointaines ". Elle porte un regard neuf sur la Corse et une oreille musicale au chant des mots. Elle voit le noir ivoire de Corbara, les bronzes de Bavella , le safran de Sari de Porto Vecchio, les blanches crêtes de l’Isolla et toutes les couleurs de la palette d’une nature sauvage. Elle découvre par hasard la maison du peintre, la seule habitée d’un village abandonné. Elle provoque une rencontre qui se fera d’abord de façon ponctuelle. En son absence, elle s’installe dans sa maison de village pour peindre et repasser le film de ses amours passés. Et puis, comme un adieu à Sydney, elle transmet son reportage à son journal australien. Celui qu’elle attend apparaît sous le zénith, " le soleil  pailletant chaque fleur d’une humide étincelle ", comme le disait Verlaine.  Il la trouve là comme une évidence. L’histoire de ce roman est sous-tendue par une intrigue élégante. C’est, sous la pulsion d’errance de Luna, un voyage initiatique à la peinture avec comme sujet d’inspiration : la Corse.

    Son second roman :
    " Piège détaché " est paru en 2004, aux Editions La Marge. Claire, conservateur de musée, invite sur son île un ancien amant et improvise un " dîner culturel " , avec quelques copains célibataires. Une histoire incroyable arrivée à un des convives, Lucien qui la raconte, est le prétexte pour lancer un jeu de miroir dont personne ne sortira indemne. L’auteur met en scène des portraits de trois femmes, des mères aux profils psychologiques différents. Sont-elles toutes des meurtrières ? Chaque convive met en place les rouages d’un piège qui fonctionne comme une enquête policière. Va-t-il se refermer ou ouvrira-t-il de nouveaux horizons ?
     
    Où est-elle ? :
    Voyageuse Nervalienne, elle promènerait son étincelle d’artiste vers l’Orient, à l’extrême du soleil levant. Aux dernières nouvelles, elle scintillait, à une exposition, dans le Taipei artits Village et est passé par la Corse en juillet dernier.. Elle expose en France et aux Etats-Unis. Elle a terminé un nouveau roman. Elle est souvent " ailleurs ", échappant au piège détaché d’une vie casanière molto chic. Si vous la voyez, vous pouvez lui offrir un Bar rouge*. Ne l’appelez pas Margot, Claire ou Luna, elle se prénomme Arlette. N’essayez pas de la retenir. Après vous avoir laisser un supplément de voyage en plusieurs pages, elle repartira un jour, mue par la  pulsion d’errance, en disant comme dans la Nouvelle Héloïse : "  J’entends le signal et les cris des matelots ; je vois fraîchir le vent et déployer les voiles. Il faut monter à bord, il faut partir… "

    Pulsion errance :
    Arlette Shleifer partage sa vie entre le Marais à Paris, la Corse, les Etats Unis et Taïwan . Vous pouvez visiter le site taïwanais de Taipei artists ou celui de soutien aux otages de Colombie et à Ingrid Betancourt sur lequel une de ses œuvres a été mise aux enchères le 5 décembre 2005 :" pulsion errance".

    Sur le site " Ingrid Betancourt ", il est écrit : " Arlette Shleifer a toujours eu les doigts et les yeux dans la peinture en tant que peintre, galeriste, art events et écrivain " - "  Dans son travail nous découvrons des paysages oniriques que rien des affres de l’univers ne peut atteindre. Pulsions de vie, désir de rythmer et de construire le temps et l’espace, autrement. Chaque courbe est un îlot de tendresse ou peut-être celle d’un corps vu de près. "

    A nos yeux, ce qui caractérise Arlette Shleifer, c’est cette " pulsion d’errance " que l’on trouve chez d’autres auteurs comme Jack Kerouac, J.M.G Le Clesio, Kenneth White ou Ernest Sabato. J’ai choisi cette bande des quatre car on les retrouve dans un opus de l’universitaire de renom Michel Maffelosi* : " Les jardins de l’errance ". Il écrit sur eux : "  A la lumière de ce double héritage culturel et des nombreux espaces qu’il sous-tend, on comprend l’importance de l’errance dans la vie et dans les œuvres de ces auteurs. L’errance est envisagée comme une quête active qui renouvelle le regard du sujet sur le monde et qui enrichit sa connaissance. Dans ce cas, elle résonne comme une sorte d’éveil de l’homme contemporain au monde qui l’entoure, à sa simplicité, ses merveilles comme à ses sordides manifestations. ". Et il ajoute plus loin : " L’écriture se nourrit des mouvements du corps et des lieux traversés, élabore un espace porteur d’aventure errante. " mais aussi : " … l’errance est un déplacement fécond permettant de tisser des liens solides entre le sujet, l’espace et l’altérité. "
    On retrouve dans ces extraits Arlette Shleifer. Cherche-t-elle l’ultime " terra incognita " ? Dans ses créations picturales contemporaines, elle accède " à ce lieu non-lieu situé à la pointe extrême de la modernité ". En littérature, elle poursuit son chemin, creuse l’ouverture, déplace les frontières et revient publier un nouveau roman, peut-être par tropisme, en Corse. Elle a choisi le noir de l’élégance.
    Le nouveau roman  s’intitule "  Bar rouge " chez le même éditeur corse. De quels pigments (ou piment) sera fait ce rouge si le fond reste noir ? En attendant de le savoir, nous vous donnons la recette d’un

    cocktail : Bar rouge* : recette pour 1 personne
     De la glace pilée, une dizaine de framboises écrasées, un soupçon de jus de citron vert, 6 feuilles de menthe et :
    1 shot et demi de vodka
    1/2 shot de Grand Marnier
    1/2 shot de sucre de canne
    (1 shot = 1 verre à vodka)
    Dans un shaker , mettre les ingrédients et .secouer énergiquement. Vous n’avez plus qu’à verser le Bar rouge dans un verre et lever le coude à chaque gorgée.
    Vous pourrez l’essayer avant de lire le prochain livre d’Arlette Shleifer… L’abus d’alcool étant interdit, il faut en boire modérément. " troppu stroppiu ! " Par contre il n’y a aucune restriction pour la lecture.

    En annexe:

    Michel Maffelosi* : sociologue français, professeur de sociologie à la Sorbonne, directeur du Centre d’Etude sur l’Actuel et le Quotidien qui publie deux revues : "  Sociétés " et "  Cahier de l’imaginaire ". Cet éminent analyste est un spécialiste de la socialité dite émergente. Il étudie les nouvelles formes de socialité et l’imaginaire, qui font l’objet d’écrits dont vous pouvez retrouver les références sur le site : http://1libertaire.free/Millesofi05.html
    Sur l’errance, il a écrit un ouvrage en 1997 intitulé " Du nomadisme, vagabondages initiatiques ".
    Les thématiques du centre qu’il dirige depuis 1982 sont la post-modernité, le quotidien, l’individualisme en regard des résurgences tribales, nomades et communautaires.
    A nos yeux, un bémol dans sa carrière : Il a dirigé la thèse de la voyante astrologue Elisabeth Teissier.

    Le 28 février 2006, il recevait au CEAQ (avec qui collabore l’Espace Ricard) le philosophe corse , Jean-François Mattei , professeur à l’Université de Nice et membre de l’Institut Universitaire de France pour la sortie de son ouvrage : " De l’indignation ". Il s’agit d’un essai de philosophie sur le bon usage de l’indignation dans nos sociétés qui connaissent une crise morale. Cet opus est à rapprocher d’autres écrits du même auteur sur " L’immonde actuel ".
     
     
     
     
    Yahoo!

  •  
    Laurent MARTIN et l’Afrique :
    La tribu des morts:
    Laurent MARTIN a quitté l’enseignement pour devenir auteur de polar et directeur de publication de la revue " Shangaï Express "(vendue en Kiosque). Son premier roman, sauf erreur ou homonymie, il en a fait la promotion par des forums d’enseignants sur la réforme Allègre. Il est même apparu, à l’époque, comme un des brillants leaders des L.E.P face au dégraisseur de Mammouth. Après " l’ivresse des dieux " (grand prix de littérature policière 2003), son deuxième polar dans la Série noire Gallimard "La tribu des morts " est une sombre histoire de cadavres zairois lardés de coups de machettes. Mangin , commandant de police, santé fragile et moral d’acier, s’obstine, avec l’aide de son collègue Krief, à élucider ces meurtres d’apparence tribale malgré l’interdiction d’un chef qui lui confie d’autres enquêtes faussement prioritaires et sous les pressions musclées de gros bras bien renseignés. Au fil du récit truffé de dialogues, le lecteur entre dans la peau d’un Mangin que rien ne détourne de la résolution de ces meurtres mystérieux, et rien ne lui fera renoncer à entrer dans les arcanes de la tribu des morts. L’auteur, comme Mangin, a vécu en Afrique. Passionné d’histoire et d’archéologie, il marque les chapîtres par des parenthèses africaines et des revues de presse sur une tribu de morts célèbres, Lumumba, Tshombé, Mobutu jusqu’à Kabila. Il évoque cette Afrique où les vivants apparaissent plus fictifs que leurs masques. C’est le masque africain qui " accompagne aux limites de la vie, du corps, pour mettre face à face, les hommes, les esprits et les dieux ". Le style est plaisant et le roman bien écrit. A la fin, l’auteur conseille la lecture des livres de Abdourahman A. Waberi et de François – Xavier Verschave, histoire de se documenter sur les bienfaits de la colonisation de l’Afrique noire. Bonne lecture ! jpC
    site perso de l’auteur : http://lm.polar.free.fr
    romans du même auteur : Or noir peur blanche et Des rives lointaines (Editions Passage)
     
    Christian ROUX , auteur et musicien engagé
    Les Ombres mortes :
    Alias "Geoffrey Martin " a été frappé d’amnésie après un accident. Il hérite d’une identité trouvée sur lui et contenue dans de faux papiers. Pendant huit ans d’une vie plate, un cauchemar le hante ; un œil arraché de son orbite roule vers une bouche d’égout où il disparaît. Et puis, il rencontre Tom et Josepha. Il aime Josepha et commence à revenir à la vie, lorsque le premier coup de théâtre renvoie Geoffrey vers son destin lié à un passé qu’il ignore. Un flic énigmatique, le lieutenant Lancelot, lui annonce le suicide de Josepha, sans écarter le meurtre toujours possible. Le flic a une méthode : " Le crime ne vient que de là. De la merde et du malheur. C’est un résultat chimique obtenu par un mélange très précis de ces deux éléments. Alors, on fouille la merde et le malheur, et on cherche l’individu qui possède en lui l’exacte proportion nécessaire à l’explosion. " Et si Geoffrey possédait cette exacte proportion ? Mais comment aurait-il pu tuer la femme qu’il aimait et qui allait lui permettre de refaire sa vie. Après une soirée dans un cabaret où Geoffrey s’est saoulé en acceptant du champagne offert par un groupe qui "l ‘avait choisi " avant de le rejeter, une question le taraude ; " Que me veulent-ils ? ". Lorsque son ami Tom lui reconnaît que le meurtre est possible et ajoute que, après tout, il vaudrait peut-être mieux oublier tout ça, il répond : " Mon pauvre Tom, j’ai déjà oublié tellement de choses. ?Je ne vais pas refaire ma vie tous les huit ans ". Son cauchemar le hante à nouveau, en devenant plus précis dans les détails. L’intrigue se déroule, avec finesse, entre le 3 et le 20 mars 2003. En retrouvant peu à peu des bribes de son passé, Geoffrey s’enfonce dans le cauchemardesque. Est-ce que l’œil va l’entraîner dans sa chute ?
    Christian Roux m’a dédicacé son ouvrage en écrivant : " Les ombres mortes errent parmi les vivantes mais ce ne sont pas forcément les plus dangereuses… ". C’est une clef pour le lecteur. Stop ! A vous de découvrir ce livre bien écrit, dans un style efficace. Bonne lecture !
    Christian ROUX est présenté comme un auteur engagé et cela apparaît dans ses écrits sans outrance. Sa vision romanesque s’exprime tout en nuances. Dans son premier opus " Braquages ", quatre SDF sont recrutés par un mystérieux individu pour commettre un braquage audacieux. La manipulation des faibles par les forts reste d’actualité, même dans nos démocraties.
    Christian Roux est un artiste. Il est aussi musicien, chanteur et compositeur. Il fait partie du groupe NICRI dont nous vous livrons cet extrait de chanson: L’espoir…
    Qu’est-ce qui aurait pu nous faire croire
    Qu’un jour on se mettrait à boire
    Qu’est-ce qui aurait pu nous faire croire
    Qu’un jour la lune en aurait marre
    Croire que ne tomberaient plus les feuilles et que
    Des baisers morts souilleraient notre seuil...
    pour plus, aller sur le site de NICRI
     
    Pascal Desaint, néoréalisme et fantastique :
    Les hommes sont courageux :
    Les hommes sont courageux " est le titre d’un recueil de nouvelles, inédites ou non, qui font frémir de leur folie ordinaire. Il s’agit de 13 tranches de vies ou vies tranchées, entre les gypaètes barbus des montagnes ariégeoises et les moustiques de Camargue. Mais ne vous y trompez pas, si on y ajoute quelques autres animaux comme le rat et le bulot, c’est de l’humain dont il est question. Le courage, c’est celui de survivre à ses illusions. L’auteur "donne à entendre tout le mal que l’on ressent à traîner ses fautes, ses regrets. Si fautes. Si regrets. " Le courage est aussi révolte. La violence apparaît comme un aveu de désespoir. L’amour côtoie le drame.
    Un randonneur en bonne santé choisit, comme future sépulture, les ventres des gypaètes barbus et autres charognards. Un chauffeur d’un bus détourné la veille de sa retraite, sort de sa ligne de vie. Vous rencontrerez d’autres personnages étonnants: une femme castratrice, un boxeur virtuel, véritable amant à la gueule de phacochère, une meurtrière qui compte sur ses dix doigts…
    L’auteur nous parle aussi des montagnes ariégeoises, où il pratique lui-même les randonnées dans le Couserans. C’est le naturaliste Eric Alibert qui lui a donné la passion de la montagne. Il nous offre une visité en bus de Toulouse où il a fait des études d’histoire contemporaine.
    Il est originaire du Nord et d’un père qui est descendu à la Mine à 14 ans. Il a exercé plusieurs métiers : veilleur de nuit, gardien de musée, animateur de radio… Il est décrit comme un auteur qui "ne dédaigne ni les outrances du néoréalisme ni le fantastique quotidien ". Pascal Dessaint a mis dix ans pour être publié. Depuis, il a obtenu le prix mystère de la critique en 1997 avec Bouche d’Ombre et le grand prix de littérature policière en 1999 avec Du bruit sous le silence. Il est l’auteur d’autres romans : La vie n’est pas une punition, A trop courber l’échine, une pieuvre dans la tête, On y va tout droit, mourir n’est peut-être pas la pire des choses (trophée 813 du meilleur roman francophone 2003), Les paupières de Lou, un drap sur le Kilimandjaro ; chroniques vertes et vagabondes. Tous ces romans ont été publiés par Rivages/noir. En outre, il a contribué au Poulpe avec "pis rennais " et a écrit deux autres opus : Ca y est, j’ai craqué, au Seuil, Points Virgule, et De quoi tenir dix jours chez Librio.

    Didier DAENINCKX et l’histoire de France.
    Le retour d’Altaï :
    Il s’agit de la suite donnée par l’auteur à son excellent roman " Cannibale ". Vous y retrouverez Gocéné, trois quarts de siècle plus tard, qui revient en France sur les traces d’un kanak tué 124 ans plus tôt en Nouvelle Calédonie. De quoi sortir du formol des spectres historiques et parler aussi de la culture des kanaks, de leur humanité. La piste du repentir passe par le musée de l’homme, dans cet opus de 114 pages.Avec le retour d’Altaï, Gocéné nous donne une belle leçon de ce repentir généalogique et le chef de la tribu de Kowale peut lui accorder un pardon collectif. A méditer….
    Question extraite : " Vous tous qui dites " hommes de couleur ", seriez-vous donc des hommes sans couleur ?"Didier Daenincks écrit, pour Shangaï express, une feuilleton " l’inspecteur L’entraille ", qui sifflotte des refrains de Maurice Chevalier. Des meurtres sous le régime de Vichy et l’occupation allemande. Le décor historique est planté. Le coéquipier de l’inspecteur L’entraille est un certain " Verdier ". Justement, notre auteur a publié un recueil aux Editions Verdier . Il s’agit du titre : " Les cités perdus "…. à lire et , dernièrement , un livre également sous le régime de Vichy, au titre annonciateur: Itinéraire d'un salaud ordinaire!
    Didier Daeninckx participe à la revue Amnistia.net
     
    Hommage à Pierre SINIAC:
    Pierre SINIAC est né le 15 juin 1928 à Paris . Il a donc connu les deux guerres. C’était un auteur prolifique. Le grand public a pu faire sa connaissance avec l’adaptation cinématographique de son roman " Les Morfalous ", qui traitait déjà de l’héroïsme en temps de guerre. Il a obtenu le grand prix de la Littérature policière en 1981. De cet auteur, on peut citer " Illégitime défense " , son premier roman en 1958, " Monsieur cauchemar " en 1960, " L’unijambiste de la côte 284 ", " reflets changeants sur marre de sang ", " Femmes blafardes ", " Aime le maudit ", " Des amis dans la police ", " Le mystère de la sombre Zone " …. Il a inventé aussi les personnages étonnants de Luj Infernan et la Cloducque.
    Il a écrit " la course du hanneton dans une ville détruite " ( ou " Corvée de soupe " ) en 1994. Ce livre sera édité 4 ans après son décés. (Rivages/noir)
    Pierre SINIAC est mort dans l’indifférence et l’anonymat en mars 2002. On a découvert son corps le 11avril 2002 dans son HLM d’Aubergenville ( Yvelines ).

    La course du hanneton dans une ville détuite ou Corvée de soupe ( janvier 2006) :
    Juillet 1994, un manoir normand est en vente. Il recèle des tombes de FTP et de soldats de la dernière guerre. Une dalle tombale n’a aucune inscription et dessous repose Barbara ROUSSET, morte dans sa vingt sixième année. " C’était une fille de l’Est. Père inconnu. Enfin , on racontait que sa mère, une serveuse d’auberge dans la Meuse, l’avait eue avec un soldat américain, en 17-18, pendant l’autre guerre ; ce qui expliquerait le prénom. En 40, par ici, on a eu des réfugiés. Des Lorrains, des Alsaciens. Barbara était dans le lot… " Et nous voilà projetés en plein débarquement des Alliés dans ce Manoir où Barbara se retrouve seule avec huit orphelins à protéger et nourrir. Elle a , à sa disposition , un véhicule prestigieux : la Delage D8, modèle 1937 de couleur prune. Elle tente une première sortie, avec tous les enfants : " Et la voiture de tourner sans trêve, comme sous la coupe d’une mécanique devenue folle, prise dans ce malstrom de feux et d’acier, avec sur les neuf têtes enfermées dans le véhicule un ciel livré à un feu d’artifice démentiel ". Retour au manoir et puis, elle repart seule au volant du véhicule criblé d’impacts de balles pour la " corvée de soupe ", tel un hanneton qui cherche maladroitement son chemin au milieu des ruines.. Il s’en suit une épopée cauchemardesque, celle d’une jeune femme dont le courage n’a d’égal que la maladresse. Cette chronique d’une mort annoncée montre les horreurs et les dégâts collatéraux de la guerre. Barbara, pacifiste par nature, se retrouve en première ligne. Elle livre son propre combat au milieu du fracas des bombes. Pour le personnage de l’héroïne malgré elle, SINIAC s’est inspiré d’une histoire qui lui a été racontée à Canisy où l’écrivain passait ses vacances. Dans le roman, le narrateur est un certain Tiercelin, qui fait visiter le Manoir aux acheteurs.
     
    Yahoo!

  • "Voyage en Arménie", un film qui touchera les cœurs des filles et des fils corses.

    Au cinéma Bonneveine de Marseille, le 7 juin dernier, nous avons assisté à la première séance publique du dernier film de Robert Guédiguian " Voyage en Arménie ". Le réalisateur, accompagné de l’acteur Gérard Meylan, a expliqué la genèse de ce film : ses premiers voyages en Arménie et puis un coup de fil de son actrice fétiche, Ariane Ascaride, qui venait de visiter la belle boutique d’un artisan arménien à Lyon… coup de fil pour le fil conducteur du voyage initiatique d’une femme qui retrouve son " arménité " en ressentant, en elle-même, cet humanisme identitaire qu'elle refusait d'exprimer. Un film sur la double identité et sur la diaspora.


    La trame :
    Barsam (joué par Marcel Bluwal), père arménien gravement malade, fugue de Marseille, pour aller mourir en Arménie, laissant des indices derrière lui, poussant sa fille, Anna ( Ariane Ascaride), à le rechercher en faisant, avec nous, ce " Voyage en Arménie ". A cette occasion, elle découvre aussi le doute sur sa vie de médecin cardiologue marseillaise, sur ses amours, sur la personnalité complexe d’un père qu’elle n’avait jamais vraiment cherché à connaître. Plus rien ne sera, pour elle, comme avant, car elle touche des yeux la profondeur de sa " chair " arménienne.
    Commentaire :
    Guédiguian montre, avec lyrisme, l’âme arménienne lorsque, notamment à la fin de film, Manouk (joué par Roman Avinian), un vieux chauffeur de taxi arménien, s’arrête face au mont Ararat, pour dire, les larmes aux yeux, que cette montagne aride (et sans gisement précieux) représente le rêve arménien. . On a envie de dire aux Turcs : commencez par rendre aux arméniens ce symbole fort, " le Mont Ararat ", tant qu’il reste encore des survivants du génocide ! On voit cette belle montagne dont le sommet enneigé fait comme un nuage au dessus d’un paysage incertain d’où s’élance une grue, témoignage de la reconstruction d’un pays tout juste sorti du Soviétisme.
    Le voyage de cette jeune femme se déroule sur fond de polar, avec le personnage de Sarkis (joué par Simon Abkarian), arménien né en Turquie et membre d’une mafia jeune et sans scrupule, qui considère que tout est busissness : le sexe, la santé, la vie… Dans ce business crapuleux, un autre personnage: Yervanth (joué par Gérard Meylan), truand (ex-cagoulard de l'organisation secrète Asala) condamné par contumace à perpétuité pour un braquage à Marseille et héros énigmatique de l’armée arménienne, traîne son réalisme et sa nostalgie.
    Guédiguian manie, avec justesse, les contrastes des personnages et des images, sur fond de vestiges rappelant une grande civilisation détruite par des invasions et un génocide, puis murée par le Soviétisme remplacé, aujourd’hui, par une mafia qui a créé sa propre économie de marché dans ce " petit morceau restant de pays " où se côtoient le luxe nauséabond et la pauvreté exploitée, avec leur rêve occidental. Dans ce contexte trouble, Guédiguian met subtilement en scène une âme collective " forte des épreuves subies " mais aussi sa blessure profonde: le génocide. Ce n’est pas l’objet du film mais l’histoire du peuple arménien sous-tend l’histoire d’un film pétri d’humanisme identitaire parce que généalogiquement marqué par le drame.
    On ne peut rester indifférent à la trame du film : la relation fille – père (on peut élargir à enfants – parents). Anna ne s’est jamais vraiment intéressé à son père, jusqu’à cette fugue. C’est son mari ( joué par Jean-Pierre Darroussin) qui la pousse à rechercher ce père en Arménie, exprimant son regret d’avoir perdu le sien trop tôt, sans lui dire son amour filial. Il y a surtout cette distance que, enfant, l’on met avec son père. Comment combler ce trou abyssal dans notre mémoire ? Comment vivre avec une partie de nous enfouie et laissée sans réponse? C’est une prise de conscience pour ceux qui ont encore un père. Il ne faut pas laisser passer l’occasion de connaître nos parents qui nous rattachent généalogiquement à cette partie d’humanité identitaire. Père et mère sont cette chair qui nous relie à la mémoire collective sans laquelle " humanisme " est un mot dans le désert d’un passé humain sans mémoire.

    Il faut évoquer aussi:
    - Le personnage d'une jeune fille arménienne, coiffeuse le jour - danseuse nue la nuit, qui abandonne le rêve de s'expatrier en France lorsqu'elle comprend son attachement à son peuple en croisant le regard d'un beau jeune homme arménien.
    - La sagesse de Vanig ( joué par Serge Avédikian), pour qui la seule richesse acceptable vient de la terre arménienne qu'il travaille.
    - L'hospitalité comme tissu social...

    Quelques mots sur un acteur : Roman Avinian
    Point besoin de présenter les plus connus ! Nous citerons la performance d’un vieil acteur arménien, Roman Avinian, dans le rôle de Manouk, vieux dandy sociable et chauffeur de touristes mais aussi porteur de l’âme arménienne pure et meurtrie. Cet acteur nous avait déjà touché dans un autre film " Vodka lemon " de Hiner Saleem, remarqué à sa sortie en 2003
    ( à voir ou à revoir en DVD).
    Et sur le réalisateur : Robert Guédiguian :
    Robert Guédiguian nous a habitué à l’excellence et à son intégrité morale. Il n’a pas dérogé. Je ne dirai pas qu’il est au sommet de son art car ce serait lui nier toute marge de progression. Une chose est sûre : il s’agit bien d’Art cinématographique et d'humanisme lorsque l’on va voir l’un de ses films. Ames sensibles, ne pas s'abstenir...

    Ne manquez pas " Voyage en Arménie "!

    Vous pouvez aller consulter la fiche du producteur "Diaphana" en cliquant à l’adresse:
    http://www.diaphana.fr/fiche.php?pkfilms=141
    et en profiter pour consulter le catalogue intéressant des films produits dont plusieurs réalisés par Robert Guédiguian mais aussi d'autres de qualité comme "Carnets de voyages", "Les virtuoses".... Rapelons que Diaphana est le producteur de " La raison du plus faible " de Belvaux, film auquel nous avons consacré un article.

    Année de l'Arménie:

    Les Editions Parenthèses viennent d'éditer, dans la collection "Diasporales", une très belle anthologie de la poésie arménienne contemporaine sous le titre "Avis de Recherche". Vous y découvrirez vingt poètes qui participent à la modernité poétique avec vingt tonalités singulières qui affirment l'appartenance complexe à une identité culturelle confrontée au monde contemporain. EXTRAIT TRADUIT d'un poème de Véhanoush Tékian:
    "Il y a des aigles
    Pétrifiés
    Dans les ruines,
    Et un peuple au cœur duquel
    Il y a des tombes muettes dans l'abîme"

    Par ailleurs, Louis CARZOU a publié son premier roman " La huitième colline " L’auteur utilise le genre romanesque et donc la fiction à partir d’un fait historique majeur dans le cours fragile de l’humanité. Il fait appel à l’empathie du lecteur et, par là, nous donne à ressentir, par la lecture et donc l’imaginaire, ce que les Arméniens ont vécu dans leur chair. Dans une famille turque, une grand-mère révèle, au seuil de sa mort, qu’elle est arménienne, enfant sauvé et adopté par un médecin turc. Ce choix révèle que, en 1915, tous les Turcs n’ont pas participé ou approuvé le génocide, de même que, de nos jours, des Turcs le reconnaissent avec tous les risques encourus. L’auteur met en scène des femmes arméniennes dans une histoire romancée à la fois tragique et belle par les émotions qu’elle suscite. Les personnages sont porteurs de vérités historiques et contemporaines. L’écriture est subtile et leur donne chair.
    Ce premier  roman est écrit tout en finesse, sans haine, sur un sujet qui concerne Louis CARZOU, puisqu’il a une origine arménienne. Il est édité aux Editions Liana Levi… à découvrir sans attendre la fin de l’ « année de l’Arménie ». En France, des évènements culturels sont organisés dans de nombreuses villes et offrent l’occasion de découvrir un peuple martyrisé, issu d’une grande civilisation, et porteur de richesses  pour le patrimoine de l’Humanité.
    La reconnaissance du génocide arménien concerne en premier lieu les Arméniens et les Turcs. Elle est aussi un symbole fort de la communauté internationale pour toutes les minorités intégrées ou non dans une grande nation. Elle touche à leur droit de survie et de sauvegarder un patrimoine identitaire, humaniste et culturel lié à leur histoire ancestrale. Elle est la condamnation des comportements hégémoniques qui refusent l’idée que l’on peut vivre en harmonie dans une nation, en respectant des règles constitutionnelles, civiles ou pénales, mais sans renier son appartenance identitaire plus ancienne. Elle condamne la pensée et  la religion unique qui fondent, sur la haine de l’autre, des dictatures et des communautarismes.
    Pour finir en poème, dans « vô lu mondu » chanté par les Muvrini et dont un couplet est interprété par le chanteur arménien du groupe Bratch, nous avons relevé ces passages…
    U ventu dice un tu nome  
    Da rompe a chjostra di tu campa…
    Calvacu mari è corgu mondi…
    Les mers défilent au long du voyage
    Pour découvrir la liberté
    Ma vie s’arrime à tant de peuples
    Tantôt en lutte ou en prière
    A tant d’attente, à tant d’espoir
    Pour la lumière qui reviendra...
    E vo lu mondu… »

     
     
     
    Yahoo!