-
Par Difrade le 7 Novembre 2006 à 08:17
Lédition corse en Pologne : <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
<o:p> </o:p>
Fin 2006, la revue littéraire polonaise « Zabudowa » (site http://zadudowa;républika.pl/zt/zt.html ) publiera une édition spéciale (vendue en kiosque avec, en plus, une publication sur le Web)) faisant une place dans ses rubriques à lédition Corse. Joël Jégouzo de NoirCommePolar a accepté gentiment de publier lun de ses articles qui paraîtra en Pologne et que nous mettons en ligne ci-dessous :
<o:p> </o:p>
Le Polar Corse : Chjamè rispondi.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
La Corse publie. Beaucoup. La Corse invente. Beaucoup. Sans doute son insularité (géographique et culturelle) y est-elle pour quelque chose dans ce regain dinvention et dexpression qui la marque aujourdhui. Son « insularité », ou plutôt, la prise de conscience de sa place dans le monde. Le « monde », oui : les cinq continents. Le sentiment que sa « corsitude », ce sentiment dappartenir à une entité historique, culturelle, que lon vit ailleurs comme menacée, justement dans ses dimensions insulaires, méditerranéennes, ne lest pas en réalité. Changeons de vocabulaire donc : laissons le mot de « corsitude », chargé des représentations stéréotypées que le vieux continent a forgé dune île imaginaire vouée à un sot exotisme, aux dépliants touristiques et parlons plutôt de « corsité » : le fait dêtre corse, dans un monde globalisé, est une chance. Explorons cette corsité, semblent proclamer les éditeurs corses, dont lambition saffiche à hauteur dun investissement proprement militant pour que cette culture rayonne enfin, comme sils étaient persuadés que lancestrale culture corse représentait non seulement le salut pour la nation corse, mais un vrai laboratoire des mondes à venir.
<o:p> </o:p>
Car voici que confluent brusquement de sérieux héritages pour former les conditions dun (re)surgissement exemplaire celui du fait Corse. Au point de confluence, lhéritage culturel de la diaspora corse, la culture orale corse et la volonté dêtre corse par-delà les dérives identitaires et les reniements de toutes sortes, leur tentation du moins, dans un monde culturellement aliéné à la civilisation libérale américaine.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Lhéritage de la diaspora corse tout dabord. On la dit de bien dautres nations : cest une chance de posséder une forte immigration à létranger, formant les têtes de pont dune culture vivante, exposée au défi dexister envers et contre lexil. Une diaspora donc, non seulement ambassadrice du fait corse, mais et peut-être surtout, communauté affrontée aux autres cultures, sachant mieux mesurer les défis du monde, tel quil les réorganise.
<o:p> </o:p>
Au point de convergence, toujours, lhéritage de la culture orale corse nous y reviendrons. Enfin, la volonté dêtre corse : un corps, plutôt quun corpus à ressasser. Et donc la nécessité de rompre avec une représentation véhiculée par le vieux continent dune terre mystifiée et par mystification, entendons toutes les dérives intra et extra muros que la Corse a connues ou subies. Car le mythe impose une rhétorique et une langue dont il faut semparer. Cest bien ce que les éditeurs corses ont compris, qui convoquent désormais la littérature mondiale autour du texte corse. Faisant ainsi entrer de plain pied dans la langue corse une géographie expansive quil nous est possible, enfin, dentendre, et cest ce qui importe : que léchange soit possible.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Alors prenez in fine la langue Corse, enracinée dans une forte tradition orale. Voilà qui nest pas sans évoquer la situation de lIrlande au moment où Joyce entreprend décrire : minoritaire, enfermée dans la domination britannique. Joyce nécrit pas en gaélique, mais il sait faire chanter sa langue natale dans la langue de loppresseur, pliant au passage les règles du roman moderne au grain hérité du plus profond de son histoire. Cette jouissance séminale de la parole à la suture du parlé et de lécrit, cest dans son roman quil va donc la faire passer, abusant de phonétique, jouant du surgissement du son dans le mot. Lisez-le à haute voix, vous lentendrez bien, allez ! Mais sil y a de lhérétique dans cette langue, cest bien que son souci dexpérimentation formelle coïncide avec une conception offensive de la vie. Le vieil irlandais si vieux et dun coup à la pointe de toute modernité Cest cela que lon entend ici et là dans le corse qui sécrit aujourdhui, au-delà du besoin ontologique dexister par la révolte, dans et par cette formidable cambriole nourrie des rapines des autres possibilités langagières, en tout premier lieu offertes par la vieille langue corse.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Mais ne poursuivons pas trop loin ce parallèle entre lIrlande de Joyce et la Corse daujourdhui. Encore que lune et lautre se soient façonnées par une construction identitaire fondée sur l'opposition à la culture qui les dominait. Ici, lépoque n'était guère propice à la liberté artistique, comme en témoignent la censure et l'exil de nombreux écrivains irlandais, de Joyce à Beckett. Ici toujours, la nation prenait ses distances avec ses repères historiques la langue gaélique, l'Église catholique, un mode de vie rural pour se réinventer dans un cadre européen et se démarquer du nationalisme violent qui sévissait dans le Nord. Cest peut-être, toute proportion gardée, ce à quoi la Corse opère aujourdhui : à revisiter son passé pour laccomplir autrement. Car voici que dans la régulation qui sopère, le passé fait de nouveau fond sur lhistoire présente. Il nest que dévoquer cette coutume corse séculaire : le Chjamè rispondi. Il y a là, sans doute, encore, une voie que les Corses contemporains nont pas fini dexplorer dans leurs uvres. (voir le très bel article de J.-P. Ceccaldi à ce sujet sur son blog : http://blog.ifrance.com/flicorse).<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
De quoi parlons-nous ? A lorigine dune joute verbale au cours de laquelle les participants rivalisaient avec des mots scandés a capella. On nest pas loin du Slam ou du Rap. Impromptu poétique, sur un schéma mélodique répondant à des règles précises avec un contenu ouvert aux débats de société. Nul doute que la Corse tienne là le filon des modernités à venir ! Imaginez : savoir pareillement syncoper son présent, le plier aux contraintes de lhistoire tout en exposant cette dernière à la (petite) frappe de lactualité. Faire entrer dans linsolite dune voix individuelle une réponse sociétale. Pas étonnant, en outre, que le polar y tienne une place de choix, pour toutes les raisons déjà données à son sujet dans ce numéro et pour cette autre quil porte, mieux quaucun autre genre, lui-même trace de la structure Chjamè rispondi : et la contrainte des règles du genre et la liberté sans laquelle le chant ne serait quune rengaine exténuée.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
La Corse édite donc. Selon un schéma connu : désertification rurale, migration vers les grands centres urbains. Ainsi, Ajaccio et Bastia, les métropoles, abritent-elles la quasi totalité des éditeurs actuels. Albiana, Alain Piazzola, DCL, Lettres Sud, La Marge, Matina Latina pour la première, Mediterranea, Anima Corsa, Patrice Marzocchi, pour la seconde. Ailleurs ? Rien, sinon les éditions Le Signet, établie à Corte, lancienne capitale historique.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
La Corse édite, du noir. Beaucoup. Avec les éditions Albiana par exemple, qui travaillent une voix corse empreinte dun blues magistral, ou avec la naissance de ce personnage, le flicorse, qui, mieux quaucun autre, porte en lui toute lambiguïté du débat corse. Mais ne formalisons rien encore : découvrons !<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Joël Jégouzo.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
<o:p> </o:p>
<o:p> </o:p>
Découverte de la littérature polonaise et polonité :<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
<o:p> </o:p>
La culture est un magnifique espace déchange dans lequel chacun a quelque chose à apprendre de lautre. Les échanges sont porteurs de nouvelles richesses que ce soit en littérature, en musique ou dans les arts visuels. La culture est lessence de notre identité. Elle la perpétue en senrichissant. Elle renforce le fil ténu entre la Corse et sa diaspora. Lidentité corse est indissociable dune culture et dune langue corses. La culture a besoin déchanges pour exister en se réinventant. Comme lhumanisme, elle ne peut être enfermée dans limmobilisme et le communautarisme. La langue a besoin de la culture pour garder toutes ses richesses et ne pas se perdre pour devenir un patois. Pour sortir la culture corse de la vitrine exotique montrée au tourisme de masse et des stéréotypes véhiculés par un racisme rampant, il faut continuer à porter notre regard sur le reste du Monde pour que le reste du monde porte un autre regard sur nous. Cest, vous dirait un Corse, chose presque atavique et naturelle pour un insulaire qui, traditionnellement, a le goût du voyage et le sens de lhospitalité.
<o:p> </o:p>
Lintérêt porté par la revue Polonaise sur la littérature corse méritait donc que nous parlions de ce pays géographiquement et intellectuellement si proche. Depuis plusieurs années, un événement est organisé en France : les semaines polonaises. La France a, depuis longtemps, entretenu des rapports privilégiés avec la Pologne qui a lutté, pendant des siècles, pour sa liberté. Cest loccasion de découvrir la richesse littéraire dun pays qui a donné de grands auteurs dans plusieurs genres et de réentendre les Polonaises de Frédéric Chopin.
<o:p> </o:p>
<o:p> </o:p>
Sans remonter à la Genèse et en toute modestie de notre part, avant de vous citer, de façon non exhaustive, quelques noms polonais qui ont passé les frontières et conquis une renommée internationale, passons par un peu dhistoire qui peut donner un éclairage sur la culture littéraire polonaise.
<o:p> </o:p>
La « Rzeczpospolita » (ancienne république polonaise) était multireligieuse et multiethnique. Au XVIIIème siècle, lasservissement de la Pologne à la Russie va être à lorigine du nationalisme polonais qui atteint son apogée pendant les insurrections « romantiques » et la période dite « des partages », avec le développement des idées nationalistes chez les communautés allemande, ukrainienne, biélorusse, tartare, lituanienne et juive. Les Polonais qui refusaient la collaboration et lasservissement, ont choisi lexil et/ou la lutte armée. Un mouvement dit de résistance « organique » préconisait de travailler souterrainement et sur le terrain lidentité polonaise par louverture décoles, lorsque la langue était interdite ou encore dans des cercles littéraires. Pour une grande part, cette résistance sest organisée dans les arts et les lettres. Nombreux furent aussi les peintres qui rendirent hommage à cette culture, en lui restituant un cadre formel.
<o:p> </o:p>
Dans ce contexte, la littérature est devenue un instrument politique et de lutte contre loppression, utilisant les métaphores en poésie et les allégories dans le roman. Le héros romantique devenait héros national, défenseur de la culture et de lâme polonaises. Il est resté le héros non-conformiste de la jeunesse polonaise. Il lutte pour la liberté mais aussi pour des valeurs (religieuses) et des idéaux humanistes. En juillet 2005 , léditeur Atlantica a sorti un ouvrage : « Valeureuse Pologne : ses souvenirs, ses hommes détat et ses personnalités remarquables » écrit par Laurence Catinot-Crost, historienne et romancière.
<o:p> </o:p>
l'Hymne national
"La Pologne n'est pas encore morte tant que nous vivons"
L'histoire de l'hymne national polonais est particulièrement intéressante, jalonnée d'épisodes captivants. C'est dans un manoir de la campagne au nord de la Pologne que naquît l'auteur de son texte, rédigé au mois de juillet 1797, dans une ville lointaine située en terre italienne, étrangère mais amie, qui avait offert son hospitalité aux soldats polonais après le partage de la Pologne par ses voisins. Cet hymne, chanté spontanément sur la mélodie d'une mazurka traditionnelle, d'un jour à l'autre est devenu le chant des Légions polonaises en Italie. En gagnant toujours en popularité parmi les Polonais, cet hymne a survécu avec eux à un siècle et demi de domination étrangère. En 1926 il fut reconnu officiellement comme hymne national.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Ce bref rappel insuffisant a pour but de mettre en exergue une généalogie expliquant la prépondérance des thèmes nationaux et patriotiques dans la littérature polonaise. Après des années de soviétisme, la Pologne a rejoint la communauté européenne, dont elle a toujours été un membre important, notamment, dans le domaine culturel. Nous vous donnons quelques noms et quelques modestes indications pour susciter le désir daller plus loin dans la découverte des Polonais.
<o:p> </o:p>
Au Panthéon de la littérature polonaise, nous rendons hommage à un grand écrivain philosophe, Witold Gombrowicz et à deux grands poètes : Adam Mickiewicz et Czeslav Milosz.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Un grand écrivain et philosophe : Witold Gombrowicz ( 1904-1969 )
<o:p> </o:p>
Né en 1904 à Maloszyce, il est issu de la noblesse terrienne et donc dun milieu favorisé. Il fait des études de droit puis, sans grande conviction, sinstalle comme juriste à Varsovie. Il y fréquente le Café littéraire Ziemanska et, en 1933, publie un premier recueil de contes « Mémoire du temps de limmaturité » ( Barakaï ), mal reçu par la critique. En 1939, il part en Argentine , pour un voyage offert par lUnion des écrivains polonais. Il y vivra pendant 24 ans. En 1951, il collabore avec la revue de la diaspora polonaise « Kultura » et avec linstitut littéraire de Paris. Cest le début de sa célébrité, qui lui permettra de vivre de son travail décrivain à partir de 1955. Après un séjour à Berlin, il se rend à Paris où, en 1964, il rencontre une étudiante canadienne, Rita Labrosse, quil épousera. Il sinstalle à Vence où il décédera le 24 juillet 1969, année de sa dernière création, une pièce de théâtre intitulée « Opérette ». Dans le genre léger de lopérette, il traite des sujets lourds de la fin de lHistoire et du fiasco des idéologies. Gombrowicz a souffert, presque toute sa vie, dune maladie pulmonaire. Il disait que : « Le vrai réalisme devant la vie est de savoir que la chose concrète, la vraie réalité, cest la douleur Moi, je vois lunivers comme une entité complètement vide, où la seule chose réelle est celle qui fait mal : précisément la douleur. »
<o:p> </o:p>
Bibliographie :
1933 : « Mémoire du temps de limmaturité ( Barakaï ) , recueil de contes
1935 : « Yvonne, princesse de Bourgogne », pièce de théatre, et son premier roman « Ferdydurke »
1937 : « Les envoutés », roman
1953 : « Trans-Atlantique », feuilleton dans la revue Kultura, puis roman et une pièce de théâtre « Mariage »
1955 : « Pornographie », roman
1961 : « Cosmos », roman
De 1957 à 1971 : Journal I, II et III
1968 « Entretien avec Dominique de Roux » , réédition sous le titre « Testament » en 1977
1969 : « Operette », pièce de théâtre.
<o:p> </o:p>
Laction, humour et le suspens sont utilisés par Gombrowicz pour être lu par un large lectorat. Ses principaux thèmes, le ton, lhumour noir, le style baroque apparaissent dès son premier recueil de contes.
Dans Trans-Atlantique, il pousse le jeu sur le style à lextrême. Il y raconte son arrivée en Argentine à la veille de la deuxième guerre mondiale, un début réaliste suivi dune évolution vers le fantastique et même le grotesque. Il caricature la diaspora polonaise, prenant ses distances avec les mythes et les stéréotypes dun nationalisme qui étouffe lindividu au nom de lindépendance de la patrie. Il ne sagit cependant pas dun roman blasphématoire contre son peuple et Gombrowicz prend la précaution de préciser dans la préface : « Je conviens aussi que « Trans Atlantique est un navire corsaire qui porte en contrebande un lourd chargement de dynamite, destiné à faire exploser le sentiment national toujours en vigueur chez nous. Tout en restant Polonais, cherchons à être quelque chose de plus ample et supérieur au Polonais ! ». Sa vision apparemment « Nietzschéenne » de la polonité trouve sa signification dans son concept de « forme », thème de son premier ouvrage « Mémoire du temps de limmaturité ». Pour ce « palatin de lantiforme », lhomme nest jamais authentique et toujours déformé, comme si il jouait derrière un masque, sans vrai visage. Sa polonité, selon Joël Jégouzo, sinscrivait en faux de lhéritage polonais quil nommait à juste titre la « polonitude », concept identitaire qui, selon lui, enfermait la société polonaise restée tournée vers son passé. « Lhomme est à la fois maître et esclave de sa forme », disait-il. Lantiforme Grombrowiczienne est une forme qui soppose à la tyrannie du moule social et psychologique imposé à notre immaturité. Cest donc le refus aussi du masque identitaire, le refus de lenfermement et le « choix » de chercher librement « quelque chose de plus ample et supérieur » à la forme polonaise, tout en restant polonais. Ce nest pas une trahison , cest une ouverture sur lavenir. Ce roman « Trans-Atlantique » , mal compris, est louvrage le plus polonais de son auteur., alors quil lui a valu dêtre regardé comme un « déserteur de la cause polonaise », pour certains, et un « provocateur prétentieux » pour dautres. Quant à lui, il aimait à dire de lui : « Je suis un humoriste, un pitre, un équilibriste.. » et de nous tous : « Lhomme est un éternel acteur.. ». Un autre auteur contemporain vivant, Slawomir Mrozek, qui a aussi écrit sous le pseudo de Diaman Prutus, évoque dans ses écrits un monde déformé par une schématisation dans laquelle la forme prend le dessus sur le sens. Il crée des personnages qui sont des schémas humains ( Mrozek est né en 1930 , ses uvres dramatiques sont traduites et jouées dans de nombreux pays ).
<o:p> </o:p>
Dans Cosmos et Pornographie, il y a aussi du suspens. Le style devient plus naturel, mais lhistoire est plus étrange, avec des côtés malsains et pervers. Cest du roman noir existentiel. « Pornographie » est un titre en trompe lil : derrière la couverture, il ny a pas de photo X ou dérotisme.
<o:p> </o:p>
Ferdydurke est un collage de nouvelles avec une unicité de thème : limitation, le désir de ressembler à autrui et de rendre autrui comme soi-même, et aussi désir déchapper à autrui, de fuir, de rester soi-même. . « Les envoûtés » est un roman feuilleton fantastique où tout tourne autour dun chiffon qui bouge tout seul.
<o:p> </o:p>
Du 27 avril au 25 mai 1969, Gombrowicz a livré sa vision sur lévolution de la philosophie du 20ème siècle. Ses propos ont fait lobjet dune publication après son décès sous le titre de « cours de philosophie en 6 heures un quart », donnés à son épouse et à Dominique de Roux, co-auteur de « Testament ». Il sagit dun opus court mais dense : une sorte danti-manuel de philosophie « pro philosophique ». Editions Rivages poche. A lire !
<o:p> </o:p>
Gombrowicz a toujours dénoncé la routine et la paresse intellectuelle. Il refusait de se laisser influencer par les modes et nous exhorte à penser librement. Ces livres restent à la portée de tous et, pour la plupart, ont fait lobjet dédition en poche chez Gallimard. Le Journal écrit entre 1957 et 1971 sadresse à ceux qui veulent aller plus loin dans la connaissance de ce penseur moderne.
<o:p> </o:p>
Nota : Il faut aussi citer, comme auteur polonais important pour mieux comprendre la polonité, Jean - Chrysostome PASEK et louvrage de cet auteur « Mémoires de Jean-Chrysostome PASEK, gentilhomme polonais 1656-1688 » édité en France. Cétait le livre de chevet de Gombrowicz et selon Joël Jégouzo « un superbe ouvrage du baroque polonais, une tradition littéraire qui remonte à Rabelais ».
<o:p> </o:p>
Deux grands poètes : Adam Mickiewicz et Czeslav MILOSZ
<o:p> </o:p>
1°/ Adam Mickiewicz (1798 1855), héros national:
En 2005, les Polonais ont commémoré le 150ème anniversaire de sa mort. Il sagit dun poète emblématique dans le Panthéon de la culture polonaise. Dorigine lituanienne et héritier dune tradition pluriculturelle, il est le chef de file des Romantiques. En Pologne, il a fait naître une conscience nationale qui a, sans doute, ouvert la voie à lindépendance dans une Pologne privée de liberté et distribuée entre trois grandes puissances. Il met le concept de « Peuple » au dessus de celui de « Nation » et la liberté au dessus des appartenances. Pour lui, la Pologne devait être le « Messie des nations » et, devenue indépendante, concourir à lunification des peuples européens. Il a passé la plus grande partie de sa vie en exil (pendant 23 ans, à Paris), tout en combattant et en essayant dorganiser le résistance et la reconquête.
Il a écrit une uvre majeure : « Les Aïeux », qui a déclenché les manifestations dOctobre 1956 et inspiré celles de mars 1968 puis le mouvement Solidarnosc.
Il laisse une uvre toujours rayonnante et un message universel de liberté, tout en affirmant son enracinement profond en Lituanie.
Né en 1798 à Zaosie ( actuelle Biélorussie ). En 1812, sa famille héberge une partie de larmée de Napoléon placée sous le commandement de Jérôme, Roi de Naples. Etudiant à Vilnius, il participe à la fondation des organisations de la jeunesse progressiste et patriote : Les Philomates et les Philarètes. En 1815, il est nommé professeur de littérature latine, histoire et droit. En 1823, il est arrêté comme membre des Philomates, incarcéré puis interdit de séjour en Lituanie et sur les anciens territoires polonais. Après 5 ans passés en Russie où il rencontre Bestuzev, Rylejev (poètes dékabristes ) et Pouchkine, il voyage et rencontre Goethe à Weimar. Il sinstalle en France en 1832.Pendant son long séjour en France, il a une intense activité littéraire et occupe plusieurs fonctions, notamment, en 1840, il obtient une chaire de littérature slave au Collège de France où il côtoie Edgar Quinet et Jules Michelet. Il en fut exclu car ses cours tournaient à lémeute. « En exil et pélerin » ( « exult et pérégrinus », premiers mots de la première grande chronique polonaise qui fonde le récit polonais et a pour auteur un moine français, Gallus Anonymus) : formule reprise par Mickiewicz qui reste actif dans la résistance polonaise. En 1855, il se rend en Turquie pour soutenir les « légions polonaises » dont la création a été négociée entre le Prince Czartoryski et Napoléon III. Il y meurt du choléra. Inhumé dabord au cimetière polonais de Montmorency, son corps a été rapatrié à Cracovie en 1890. Cétait un innovateur qui travaillait la langue polonaise dans ses écrits allant jusquà bouleverser la métrique du vers polonais pour lui donner dautres rythmes.
<o:p> </o:p>
« Le pays denfance. Il restera à jamais saint et pur comme le premier amour » (A.Mickiewicz, épilogue du poème épique « Pan Tadeusz », 1834 dont sinspira Andrezj Wajda pour son film « Pan Tadeuz, quand Napoléon traversait le Niemen , sorti en 1999 )
<o:p> </o:p>
2°/ Czeslav MILOSZ ( 1911 2004 )
<o:p> </o:p>
Il est né le 30 juin 1911 à Szetejnie ( en Lituanie comme Mickiewicz ). Il décède le 14 Août 2004 à Cracovie , à lâge de 93 ans. Il a vécu les guerres et les totalitarismes qui lont jeté sur les routes de lexil, avec des retours toujours éphémères. Sa poésie est lexpression de cette émigration forcée quil ressentait comme un bannissement « spirituel ». « Chassé du paradis », il souffrait dêtre la victime lincompréhension « de simples mangeurs de pain ». Sa longue vie « déternel pèlerin » la façonné et a fait de lui un défenseur tenace de la pensée libre. Il était marxiste dans la Pologne « bourgeoise » et disait non aux communistes de la Pologne « populaire ». Il était athé mais regrettait le perte de limagination religieuse. Il était hostile à la « Polonité » par opposition au « zèle patriotique », tout en affirmant son attachement à sa langue et à son pays natal. Tout en exprimant cette liberté de pensée par de linconstance et des contradictions dans ses choix politiques et religieux, il avait un projet poétique «poétiser la réalité » et était en quête du mystère de lexistence. Si, poète maudit, il a percé ce mystère, il ne la pas divulgué avant de mourir. Il laisse une uvre variée dans le style et multiple dans la forme.
<o:p> </o:p>
Cest par « La pensée captive », premier livre publié à lEtranger quil est connu du lectorat occidental en 1953. Par la suite, il est récompensé par le Prix littéraire européen avec « La prise du pouvoir ». En 1997, il obtient le prix Nike avec la parution de « Chien mandarin ». Il faut citer ses poèmes dont « Anthologie personnelle » paru en 1998 et ses essais dont « La recherche de la patrie » en 1992.
<o:p> </o:p>
<o:p> </o:p>
La Pologne est la patrie de deux cinéastes célèbres : Roman Polanski et Andrzej Wajda<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
1°/ Roman Polanski : <o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Roman Polanski est né à Paris en 1933 de son vrai nom « Raymond Liebling ». Il rentre avec ses parents en Pologne où il se trouve lors de linvasion nazie en 1939. Il sévade du Ghetto de Cracovie et échappe aux camps de la mort où sa mère disparaîtra. Il retrouve son père après la guerre. Il fréquente une école des Beaux arts, et en 1950 tourne dans quelques films et entre à lécole du cinéma de Lodz. Il réalise dabord des courts métrages, puis, son premier long métrage en 1962 « Le couteau dans leau ». Il séjourne en Angleterre où il réalise « Répulsion », « Létrange cul de sac » et « Le bal des Vampires ».. En 1968, il sort son premier film hollywoodien « Rosemarys Baby ». Lannée suivante , son épouse Sharon Tate est assassinée sauvagement par le tueur en série Charles Manson, alors quelle est enceinte de 8 mois. Il retourne en Europe où il tourne Macbeth. En 1974, il obtient un grand succès avec « Chinatown ». Il tourne ensuite Tess, Pirates, la Neuvième porte, la jeune fille et la Mort., Pianiste. En 2005, son dernier film est une adaptation de « Oliver Twist » de Charles Dickens.
Avec Le Pianiste, sorti en 2003, il évoque loccupation nazie en Pologne et le ghetto de Varsovie. Il a obtenu la Plame dor à Cannes. Polanski est aussi acteur et a joué dans de nombreux longs métrages réalisés ou non par lui. Il a notamment fait lacteur dans des films de Andrzej Wajda comme « Zemsta » ( La vengeance) dans lequel il joue le personnage de Papkin en 2002, mais aussi « Génération une » en 1955 dans le rôle de « Mundek », ou encore« Dudzio » dans « Do widzenia, do jutra » en 1960.
2°/ Andrzej Wajda :<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Andrzej Wajda est né en 1926 à Suwalki. Il a fait des études aux Beaux Arts de Cracovie et ensuite, comme Polanski, à lEcole Supérieure de Cinématographie de Lodz. Il a occupé plusieurs fonctions dans des instances du Cinéma polonais dont il sest fait le défenseur et, en 1988, on le retrouve aux côtés de L. Walesa dans Solidarnosc. Cest un novateur dans le domaine de lexpression cinématographique et un intellectuel qui sinspire de la peinture et de la littérature polonaises et étrangères. On retrouve dans son uvre les thèmes du romantisme ( héroïsme, vertus morales..) et de lhumanisme ( la mort, lamour, la haine..), dans un style fait de baroque, de lyrisme et de métaphore poétique. Il met en scène, sous son éclairage, sa vision personnelle et artistique de lhistoire de la Pologne mais aussi de la tradition polonaise et de la polonité. En 1950, il participe à la création du mouvement appelé « Ecole polonaise du cinéma » qui va faire connaître le cinéma polonais dans le monde entier. En 1955, il débute avec la réalisation de « Pokolénie » (la même année Roman Polanski réalise « La bicyclette », film dans lequel il joue lui-même la victime). Quelques titres de films à revoir : Kanal 1957, Cendres et diamants 1958, Lhomme de marbre 1976, lhomme de fer 1981 Danton 1982. Il a obtenu la Palme dor à Cannes pour lHomme de fer , le lion dor à Venise pour lensemble de son uvre et dautres distinctions dont la légion dhonneur en France.
Andrzej Wajda a fait ladaptation cinématographique de plusieurs uvres de la littérature polonaise dont « Pan Tadeusz » , film sorti en 1999.
<o:p> </o:p>
La « Noire » polonaise :<o:p></o:p>
Dans les année 1980 , on assiste à un retour à laffabulation dans la littérature et, dans les années 1990 , à lintrigue. Des auteurs polonais apparaissent dans le roman noir, le polar et le thriller. Nous avons noté lexistence en France dune librairie polonaise avec une boutique en ligne : Librairie franco-polonaise LEKTURA, 24 rue Saint Jacques à Lille (59). Cette librairie vous propose des ouvrages en polonais ou traduits.
Nous avons relevé des auteurs connus comme Alex Joe, Joanna Chmivlewska, Jaroslav Miklaszeask, Marek Krajewski ...
<o:p> </o:p>
Nous avons relevé louvrage de lauteur polonais Manuela Gretkowska « Tarot Paryski », dans lequel lauteur vous fait suivre une piste spirituelle et mystique dans un labyrinthe culturel où vous rencontrerez le Tarot, lhumour, le sexe et la Kabbale.
<o:p> </o:p>
Du 10 au 12 Novembre 2006 à Berlin, aura lieu le 3ème colloque France Allemagne - Pologne sur le polar.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
<o:p> </o:p>
<o:p> </o:p>
-
Par Difrade le 26 Octobre 2006 à 14:47
Cur de rocker et « doigts écorchés » :
« Les doigts écorchés », une histoire à fleur de peau. Sylvie Robic nous livre lintimité de la douleur dun deuil avec le doigté dune musicienne, le balancer et rouler dune écriture au rythme tendu qui fait ressurgir lesprit « Rock n Roll » toujours vivant dune époque pas si lointaine.
A la fin au début non à la fin non au début et à la fin du roman, un adulte suit la tournée du groupe Hoggboy (venu de Sheffield). Entre les deux, il renoue avec son passé sans savoir par où commencer. Alors, ses premiers mots sont « Il y a forcément plusieurs débuts » et le premier début simpose chronologiquement, « sétend et se dilue sur une quinzaine dannées, du milieu des années 60 au début des années 80. Il met en scène deux garçons et leur mère, en Province, au sud-est de la France, sur les contreforts du Vercors ? » . Une enfance ordinaire provinciale : « Une mère très jeune un peu débordée, des paysages de basse montagne. Les deux couleurs de ce temps là sont le vert et le blanc mais la musique aussi est une couleur, la plus brillante, la plus intense ». Cette mère était tombée amoureuse dun saisonnier au début de lété 62. Le narrateur naissait un an plus tard et, ensuite vient la naissance de son frère qui coïncide avec labandon par le père qui leur a laissé une seule chose : le goût de la musique. « Dans la maison, de la musique partout, toute le temps, pour combler son absence ». Et puis en 1978, les réunions dadolescents dans une chambre pour écouter des disques de LedZep jusquaux Sex Pistol Anarchy in the U.K ou bien No more Heroes et les Stranglers répliquant à David Bowie. Le rock emplissait la vie quand sont venues les années 80 « une ambiance beatnik revue et corrigée par le tranchant rouge, noir du punk ».
Cétait le temps de ladolescence et de sa révolte : « Heureusement quil y a les copains. Sans eux, on serait déjà mort. Parce que les couleurs, les odeurs, les conforts de lenfance ont brusquement perdu tout intérêt à nos yeux et ça sest fait dun coup, sans même quon sen aperçoive. Ce sentiment soudain insupportable de vivre dans un pot de chambre, au trou du cul du monde, sous une chape de plomb de montagnes Passer au Punk, aux Sex Pistol, aux Stranglers, aux Cash, cest passer à linsurrection, à lintensité électrique. » et « Le rock a été inventé pour sortir les petits garçons des prisons des caresses maternelles. Le rock est une guerre inévitable pour échapper à sa mère ». Limportant, cétait la musique ! Le rock qui écorchait les doigts sur les cordes dune guitare électrique. Le « tout pour la musique » des écorchés vifs de ladolescence Les vibrations de lêtre Les révoltes La guerre du Vietnam, les bombes américaines au nom de fille tueuse « Daisy Cutter », U2 devenu mythique...
Autre début : la mort de Maurice Pialat et lhommage rendu à lamour du cinéaste pour les apprentis rebelles en motocyclette. Le 11 janvier 2003, pour le narrateur, tout recommence. « Cette nuit-là, jai rêvé daccidents, daccidents de mobylette, et au réveil je nai pas pu mempêcher de songer très fort à toi. ». Flash back : la présence du frère qui voulait une mobylette. Avec sa MBK, il avait pu frimer jusquà sa mort bête, une sortie de route, un arrêt de vie . Et un « cur renversé » de rocker. Lentrée brutale dans le monde des adultes. Vingt ans « derreur, de fatigue et dexil », jusquà un concert du groupe Hoggboy. Le riff de la guitare Lesprit Rock n roll Les vibrations de lêtre Le goût proustien de la musique, Joy Division, Marquis de Sade et les autres. Mais avant , lenfance coulait ses jours. Les deux frères écoutaient la voix grave de Nico et The Velvet Underground, Gainsbourg, Birkin , Nino Ferrer et sa chanson pour Nathalie, le prénom de leur mère qui a affublé le chanteur de surnoms affectueux : « Nono Nano mon Nanounet »
Comment raconter une vie ? Doit-on commencer par le début et finir par la fin. On dit que tout commence et tout finit par des chansons. Le narrateur a raison : Il y a forcément plusieurs débuts à lhistoire dune vie. Le mot fin ne peut être que mortel Comment accepter la mort dun proche ? Le narrateur a mis vingt ans avant de dire : « Jai perdu un frère, il est mort à quinze ans dans un accident de mobylette. ». Mais ce nest pas un constat définitif. Au fond de lui, il cherche encore ce frère et reste à laffût du moindre signe dans la vie. « Il y a des signes dans la vie. Il faut y croire », derniers mots despoir dun autre début pour que rien ne soit définitif. A partir des mêmes notes, la musique parle plusieurs langues mais chacune sadresse directement à notre être le plus profond. Je me souviens du récit dune femme corse qui avait perdu son jeune garçon. Lors de la cérémonie religieuse, un cur de voix dhommes avait chanté « Diu di Salve Regina ». Cette mère a reçu ce chant sacré comme un signe de vie. Grâce à cette musique, son fils nétait plus mort mais senvolait, et cette image la apaisée. Il ny avait plus la mort entre eux. Elle ressentait à nouveau la présence de son fils devenue son protecteur. Nietzsche a exprimé son point de vue philosophique sur limportance existentielle de la musique. Le Rock n Roll et la musique populaire illustrent, en sortant de lélitisme, ce que, pianiste et mélomane pétri de grande musique, il écrivait : « La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil. »
Sylvie Robic, maître de conférences à Paris X, a été publiée pour la première fois en 1999. Il sagissait dun essai « Le salut par lexcès ». Et puis en 2003, il y a eu son premier roman « Une fille gentille » (Editions PUF). Elle a ensuite participé à une écriture collective eux Editions verticales en 2004 : « Tout sera comme avant », des nouvelles autour des chansons de Dominique A. Avec « Les doigts écorchés », elle nous a composé, avec grâce, un roman à la fois court et dense. Il sagit dune chronique intimiste de la Rock n Roll attitude qui sauve de lautisme une adolescence en rupture avec le monde de lenfance et en révolte contre les adultes : posters collés aux murs des chambres, look déjanté avec épingles à nourrice, vinyle des 45 ou 33 tours, plastic des minijupes, tournée avec les copains Dans son premier Roman, la « fille gentille » est rattrapée par un amour perdu dont le film sest estompé, ne livrant que des flashes et des images incertaines. Dans « Les doigts écorchés », le narrateur masculin renoue avec son adolescence et la mémoire de son jeune frère décédé à 15 ans. Dans les deux romans, les souvenirs hantent les héros. Le rapport avec la musique y est sensuel et charnel.
-
Par Difrade le 5 Octobre 2006 à 10:39
Jean-René Augè vit dans la région de Perpignan. Lorsquon le rencontre, on sattend à ce quil nous chante « que la montagne est belle », avec son « vrai » air de Jean Ferrat. Mais cest avec sa plume taillée dans le rabassou (cep de vigne en patois catalan) quil fait chanter les mots par grappes et quil nous trace le récit de Taïeb entre les rangées de vignes, lentement pour le bonifier comme du bon vin. Trouillas est un patelin viticole pas très loin de Perpignan, planté au milieu de mère Nature, toujours présente et vivante, avec sa « peau dherbes sauvages », ses « naissances» de fruits et légumes dans les potagers sous « les yeux des maisons, timides » Un coin du Sud de la France où le soleil « brûlait pareillement espagnols, gitans, arabes ou catalans ».
Taïeb y arrive à 15 ans avec sa famille. Son père y est embauché comme ouvrier agricole après une période de chômage dans la banlieue parisienne. Taïeb est un môme des cités banlieusardes avec des parents dun « pays avant la France un pays qui portait la mer en chapeau et le désert pour chaussures, avec des écritures comme des pas de mouches ivres qui allaient de droite à gauche » : lAlgérie. Il ne partage pas leur nostalgie ni leur Dieu qui lempêche dêtre ce quil est : un Français. « Mon père, dit-il, parle de ses racines, des vieux de là-bas, de tous ceux qui ont fait notre histoire et jai envie de lui crier que je me fous de la graine Cest là où elle tombe qui a de limportance. Là où elle pousse et jai poussé ici. En France. » Après quelques larcins commis plus par désoeuvrement que par cupidité, il découvre, dans un petit village du Sud de la France, la mer, la terre, lamitié et lamour. Il sémerveille devant cette mer quil croyait immobile, comme sur les cartes postales, alors quelle bouge et quelle chante : « un drap tendu entre deux montagnes, bien accroché aux roches, avec un vent, dessous, prisonnier entre la terre et la toile, qui essaie de senfuir. Il souffle. Inutile. Le drap se gonfle. Il sarrête. Le drap se creuse ».
A Trouillas, malgré sa peau un peu plus marron que les autres, le jeune beur décide quil est catalan et se baptise « Taïeb de Trouillas », une association, presque un titre de noblesse terrienne, qui devrait lenraciner après avoir vécu dans une cité où le béton imperméable entretient le déracinement. Dés son arrivée, il rencontre son nouvel ami : Paulo , le fils du mas dAvall, « un brave petit pas très porté sur les livres mais qui sait reconnaître le mildiou, la tavelure ou la cloque ». Et puis, apparaît son premier grand amour : Annie. Elle est grande, belle et fille dun riche vigneron. Taïeb est petit, maigre et pauvre, mais il est « de la race de ceux qui rêve grand » et il nous dit : « Je suis pauvre, je rêve riche. Maigre, je rêve gros et même un peu costaud. Ca ne gâcherait pas. Et puis, je me réveille. Forcément, impossible de dormir une vie.» En lui offrant des fleurs volées, ladolescent va-t-il conquérir sa bien-aimée, promise à Paulo?
Il faudra lire le roman de Jean-René Augé pour le savoir. Ce nouvel auteur du terroir catalan aborde, de façon originale, le sujet des jeunes beurs des banlieues parisiennes, mais aussi les mondes étrangers qui se côtoient : celui de la ville et de la campagne, celui des adultes et des enfants, celui des riches et des pauvres. Taïeb est lun de ces jeunes beurs, étranger dans sa famille, étranger dans sa nationalité française, étranger dans la campagne catalane, étranger dans le monde des adultes, étranger dans sa pauvreté Il rêve sa vie, au lieu de la vivre.
Trouillas est un village du Languedoc Roussillon dans le département des Pyrénées orientales. Anciennement « Truliars »( An 844), létymologie de ce lieu fait polémique. Trouillas ex-Trullars pourrait venir de la racine catalane « « Trullas » ou « Trouill » du latin torcular, torcularis qui désignait un pressoir. Le mot sest transformé en trohl ou trull qui est un pressoir ou un fouloir à raison. Mais pour dautres, il sagissait dun pressoir à olives et le moulin à huile placé en décoration sur un parking pourrait appuyer cette thèse, comme, du reste le blason de Trouillas sur lequel quatre cercles symbolisent des pressoirs à olives. Le mot trull viendrait alors du latin torcu signifiant moulin à huile. Lorthographe du mot a varié selon les époques , passant de Truliares (18ème) à Trullas (1091), Trulares (1188), Locus de Trullares (1835), Trullas (1441), et enfin Trouillas en 1742. Mais ce nest pas tout, « trulla » , toujours en latin, signifie « cuvette », vase à puiser le vin
Situé dans les Aspres ( qui signifie « sec et caillouteux, âpre en catalan), ce village du contrefort des Pyrénées est entre la mer et la montagne, avec des alentours entièrement plantés de vignes et où lon découvre plusieurs mas dont les plus importants sont le Mas Deu (ancienne commanderie des Templiers puis centre dun important domaine viticole appartenant à la famille Durand avant dêtre morcelé au 20ème siècle), le Mas de Canterrane ( du nom de la rivière qui traverse le village et qui ne coule que lors de fortes pluies), et le Mas Conte. Toute lhistoire de Trouillas est liée à la vigne introduite par les Grecques au 13ème siècle avant J.C . Cest là quest né le Vin doux naturel au 13ème siècle. On y a soigné des cépages blancs (macabeu, grenache blanc et gris) et des rouges (syrah, grenache noir, carignan, mourvèdre et cabernet sauvignon) puis au 20ème siècle, est apparu le chasselas.
Nul doute que Jean-René Augé est du coin et quil sait reconnaître le mildiou, la tavelure et la cloque. Nul doute aussi quil aime Trouillas qui nous vaut quelques beaux passages avec un lyrisme sans emphase. Il écrit sans phraséologie, donnant ainsi au personnage de Taïeb toute son épaisseur dans le « je » crédible du héros narrateur. Son livre a été dabord édité par Les Editions Manuscrit qui ont accepté la résiliation du contrat dédition et il est donc propriétaire des droits dexploitation, de diffusion et dadaptation audiovisuelle de « Taïeb de Trouillas » que lon peut trouver à la FNAC de Perpignan et à la Librairie Privat, 10 rue du docteur Pous, toujours à Perpignan.
<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique