-
Par Difrade le 26 Mai 2008 à 18:17Avant-première de la comédie "Madame Olivier" jouée par une troupe de Tchapacans
Debout : Daniel Gomez, Michel Jacquet, Médéric Gasquet-Cyrus, Michel Sanz, Gilbert "Tonton" Donzel, André de Rocca.
Assis : Serge Scotto, Eva Magny, le chien Sausicsse.
Que font-ils ? et Qui sont-ils ?
Vendredi dernier 23 mai à Septèmes les vallons, la salle « Louis Aragon» de cette ville accueillante était pleine pour une représentation en avant première.
Dans cette pièce de théâtre, les Tchapacans font un simulacre de procès à l'Académie de Marseille. Rapidement les rires ont éclaté et ont accompagné tout le spectacle donné par la troupe des Tchapacans qui, malgré ce public dissipé (mais à qui la faute ? ), sen est donné à cur joie, sans perdre le fil loufoque dun procès déjanté.
Laffaire sannonçait pourtant grave puisquil sagissait de lhonneur de Madame Olivier, victime dune discrimination lexicale sous le prétexte fallacieux quelle vivait de ses charmes. LAcadémie de Marseille a refusé sa présence dans le dictionnaire du parler marseillais. Dabord, il faut signaler quil ny a aucun lien avec le procès Fourniret et aucune parenté avec la compagne du tueur en série. Mme Olivier est une Marseillaise pur sucre des raffineries Saint Louis dans les quartiers nord de la cité phocéenne.
Malheureusement décédée, elle était désavantageusement représentée à la barre par ses deux enfants qui, adultes, nen sont pas moins restés au stade freudien de polymorphes pervers. Le fils Olivier (Michel Sanz ), supporter de lOM et voleur d'après-skis, nest pas sorti dune habituelle Pagnolerie mais a plutôt la tchatche du stade vélodrome et des cités populaires. La fille Olive ( Gilbert Donzel dit « Tonton », seul comédien déjà membre de la troupe célèbre Quartier nord) est une grosse cagole et une pouffiasse comme sa mère. Leur défenseur est un certain André de Rocca plus vrai que nature avec ses effets de manches incontrôlés. Notre trio va pousser au bord de la crise dhystérie la présidente du tribunal automédicalisée( Eva Magny) et le policier chargé de lenquête (Michel Jacquet ), frustré de ne pouvoir utiliser un botin sur la tête du fils Olivier et rendu dépressif par lobjet de sa mission. Le procureur de la république Serge Scotto, à cause de ses initiales, est affublé dune moustache hitlérienne et apparaît comme le psychopathe de la bande avec ses tics et ses accents teutons. A côté de lui lavocat de lAcadémie de Marseille ( Daniel Gomez) sévertue à placer des phrases quil espère danthologie avec laccent pieds noirs, tout en citant sa grand-mère comme seule référence littéraire. Il ne manquait quun expert et cest le linguiste Méderic Gasquet-Cyrus qui joue son propre rôle dans lesprit de ce tribunal, cest-à-dire la démesure, les quiproquos et les calembours qui senchaînent sans temps mort.
Tous les acteurs ont contribué à une profusion de jeux de mots et de pantomimes hilarantes dans un exercice difficile puisquil leur fallait éviter les écueils de la vulgarité. Le temps est passé très vite avec, au bout, le risque dune déchirure musculaire des zygomatiques pour ceux qui nont pas lentraînement quotidien dun Méridional.
Début dexégèse de lexpression "Mon vier, Madame Olivier ! "
« On a trop souvent jeté lopprobre sur mon vier : il est temps de redresser cette injustice. Sans faire de viers, justement (c'est-à-dire sans faire de chichis quoique), parlons du vier. Certes, le mot désigne vulgairement la verge, le pénis, le membre viril, le vit, le oui, le sexe masculin. Mais noublions pas que le vier fait aussi la joie des zoologues maritimes férus du vier marin. Ce dernier nest en rien le muge dun matelot, ni la verge dun capitaine, mais bien une holothurie, cet échinoderme de forme allongée muni de ventouses sur la face ventrale et de papilles rétractiles sur la face dorsale. En provençal (langue qui aime bien les images), on lappelle aussi councoumbre de mar voire chichi de mer. Restons dans la métaphore animalière avec le vier dâne (en provençal vié dase) qui désigne de manière triviale laubergine (la merinjano), mais aussi le sexe masculin. Mistral signalait dans son trésor dou Félibrige que la locution sies quun vié de muou (« tu nes quun vier de mule ») signifie « tu nes quun imbécile » et noublions pas le fameux vier dours !
Après ces allers-retours, revenons à mon vier, puisquon la souvent à la bouche, cette expression. Linterjection « mon vier ! », à juste titre considérée comme un juron, marque le faîte de lexaspération et de lénervement. « Mon vier ! » sexclame le bricoleur mains de pàti, lorsquil se tanque le clou dans la main ; « mon vier ! » jure lautomobiliste marseillais, lorsquun piéton traverse au passage clouté, lobligeant ainsi à ralentir de 10 km/h ; « mon vier, eh ! » tonitrue au bout du fil le client exaspéré de jongler aves les touches de son téléphone pendant quune voix pré-enregistrée lui dit : « Nous navons pas compris votre demande, veuillez taper sur * puis _ puis choix 1 ou -* choix 6 ou rappeler demain à partir de 9 heures » ; « eh mon vier maintenant » gronde le chirurgien qui se rend compte quil vient doublier son i-Pod au fond de la panse de madame Gonzales, quil vient juste de recoudre
Quant à madame Olivier, elle en a vu passer, des viers ! Mon vier, madame Olivier ! est sans doute lune des expressions marseillaises les plus authentiques » (Propos de Médéric Gasquet Cyrus dans Marseille en V.O. octobre 2007)
Nous ajouterons une galéjade : « Pourquoi les femmes devraient -elles se laver la bouche avec du "cif" ? La réponse est : Pour ne pas rayer les viers ».
Donc, si un Marseillais vous dit « Mais quel gros vier ! », vous pouvez considérer à juste titre quil sagit dune insulte. Si un Marseillais vous dit : « Il ny a pas de quoi en faire un vier », comprenez: "il ny a pas de quoi en faire une histoire, un drame, une dispute". Par contre «mon vier, Madame Olivier !» est une interjection vulgaire marquant l'indignation, la déception, le refus, la méfiance, la colère. Cette interjection a une suite, je cite :
" Mon vier madame Olivier, votre chien encule le mien et vous ne dites rien."
On peut aussi rajouter :
" Hé ! ça leur fait du bien".
Le sujet sera défloré, sans huis clos, avec une tirade dite par Serge Scotto sur le fondement à 2 euros de loutrage fait à Saucisse dans le rôle du chien violé.
Dans le récit inachevé de Gustave Flaubert, Pécuchet disait que les animaux avaient aussi leurs droits, car ils ont une âme, comme nous, si toutefois la nôtre existe ? En 1978 fut proclamée à la Maison de lUnesco la déclaration universelle des droits de lanimal. Tout naturellement Saucisse, le chien célèbre de Serge Scotto est venu témoigner dans le rôle de la victime car victime il y a, puisque lexpression «mon vier, Madame Olivier ! » peut se prolonger par «votre chien a enculé le mien ». Finalement, ce sont les jurés qui auront le dernier mot, cest-à-dire le public. Vendredi dernier, Mme Olivier est virtuellement entrée dans le dictionnaire du parler marseillais devant un parterre de connaisseurs. Espérons quil y aura de nombreuses voix ( ou voies) de recours à condition de ne pas changer les acteurs de ce tribunal aux assises comiques.
La comparution d un animal devant un tribunal ne fut pas toujours un sujet de comédie burlesque. En France, des procès ont été intentés à des animaux accusés dun délit, un crime ou un dommage comme il l'aurait été à un être humain, en principe seul sujet de droit ou justiciable. Ainsi, au Moyen Âge et bien après, on condamna à la potence ou au bûcher des vaches, ou des truies. De même, l'Église étendit ses excommunications des hommes aux animaux : rats, mouches, sauterelles, taupes, poissons ; tout membre de la faune pouvait y succomber. Ainsi, en 1596, le port de Marseille fut obstrué, non pas par une sardine, mais par une quantité prodigieuse de dauphins. Le cardinal légat Acquaviva, qui habitait Avignon, délégua l'évêque de Cavaillon pour les exorciser. Le prélat partit sur-le-champ pour Marseille, se rendit au port et procéda à l'exorcisme en présence des magistrats et d'une foule énorme de curieux. Défense fut faite aux dauphins de rester dans le port. Les poissons se le tinrent pour dit et ne reparurent plus. Fornery, Histoire du Comtat-Venaissin. Le chien de Mme Olivier aurait pu ainsi tomber sous les Fourches Caudines de lEtat ou de la religion. Aujourdhui, il na valu à cette dernière quun refus académique qui fera un succès théâtral.
Alors, nous disons un grand bravo et bon vent aux Tchapacans pour la prochaine saison théâtrale qui devrait les compter dans le programme de quelque grande salle marseillaise En attendant, trois dentreux sont retenus pour le festival du polar corse et méditerranéen, non pas pour les différencier des autres membres de cette troupe, mais parce quils écrivent aussi des polars entrautres talents dans leurs multiples vies. Le Samedi 5 juillet vers 18 heures, aux Ajacciens et aux gens de passage à Ajaccio, André de Rocca, Michel Jacquet et Serge Scotto feront lamitié de présenter sur la place Foch ( place des plamiers pour les Ajacciens) un extrait de la pièce sous la forme dun sketch adapté à la circonstance et au lieu.
-
Par Difrade le 17 Mai 2008 à 10:04
Les Citronniers, film d'Eran Riklis
Le réalisateur israélien Eran Riklis rend compte, sans manichéisme, de la réalité extrême d'un Moyen-Orient toujours mystérieux pour les Occidentaux. Dans ce quelle a de surréaliste, la réalité y courtise la fiction. Le film 'Les Citronniers' met en scène, au-delà du politique, l'individu et son quotidien face à l'absurde. Eran Riklis offre un cinéma humaniste mais sans certitudes. Fragilité des frontières. La guerre. La paranoïa militaire. Une histoire ordinaire, où des arbres deviennent une menace pour la sécurité d'un pays. Invitation à s'interroger
Le film « Les citronniers » souvre dans une cuisine sur le découpage des citrons en rondelles La scène est remarquablement filmée. Pourquoi 'Les Citronniers' et non 'Les Oliviers' ? demande Mathieu Menossi pour Evene.fr au réalisateur qui répond : « La force symbolique de l'olivier est trop évidente. La guerre, la paix, l'olivier Et je désirais mettre de la couleur dans mon film. Un film doux-amer qui contient toutes les propriétés du citron. Il sent bon mais on ne peut le manger tel quel. Enfin, je suis un fan de la chanson américaine 'Lemon Tree', dont je propose une version orientale dans le film. »
L'action se déroule sur la "Ligne verte", à la frontière cisjordanienne, au coeur du conflit israélo-palestinien. Quelques pas séparent les acteurs mais ils ne se parlent pas car une ligne les sépare, symbolisant le manque de communication qui règne au Moyen-Orient. Cest cette ligne qui va être lobjet dun jeu subtil où on suggère plus quon met en évidence. A chacun de penser. Il y a une réelle esthétique poétique et de lhumour dans ce film où chaque relation humaine révèle, au-delà des apparences, une profondeur à sonder.Salma Zidane , une veuve de 45 ans, vit dans un petit village palestinien de Cisjordanie. Le ministre de la Défense israélienne aménage en voisin envahissant et dominateur. Le verger de Salma jouxte sa propriété qui fait lobjet de mesures de protection drastiques. Cette femme fière lutte contre les autorités israéliennes, qui veulent couper ses citronniers, plantés par sa famille des décennies auparavant. Cette plantation constituerait une menace pour la sécurité, car des terroristes pourraient s'y cacher. Face à loppresseur, Salma est aidée dans son combat par Ziad, un avocat qui ne tarde pas à tomber amoureux d'elle. Salma est bien décidée à sauver coûte que coûte ses magnifiques citronniers. Quitte à aller devant la Cour Suprême afin d'y affronter les redoutables avocats de l'armée soutenus par le gouvernement. Mais une veuve palestinienne n'est pas libre de ses actes surtout lorsqu'une simple affaire de voisinage devient un enjeu stratégique majeur. Salma va trouver une alliée inattendue en la personne de Mira l'épouse du ministre. Entre les deux femmes s'établit une complicité qui va bien au-delà du conflit israélo-palestinien.
Ce film est une allégorie politique sur labsurdité du contexte israélo-palestinien. Suha Arraf en est co-scénariste. L'actrice arabo-israélienne Hiam Abbass, de la lignée des belles et grandes tragédiennes comme la Grecque Irène Papas, est remarquable dans son rôle de cette femme à la rage contenue, digne et courageuse et chaque acteur donne chair à son peronnage. Réalisme des dialogues et poésie de l'image, langoisse côtoie la douceur. Ce mur qui se dresse devant le verger de citronniers confine au silence comme une mort, accentuant le caractère insaisissable d'une situation inextricable et en constante mutation. Incohérence extrême des hautes instances politiques et judiciaires israéliennes, incapacité des deux camps à communiquer sur des bases rationnelles et humaines, Riklis porte son regard de cinéaste dans un souci permanent d'impartialité. A lombre des Citronniers, il nous éclaire dune lueur humaniste et nous sert une citronnade délicieuse mais amère
Salma Zidane ( comme Zizou dont on voit furtivement la photo collée sur un mur de lappartement) est veuve. Ses citronniers et son vieux métayer ( constituent son environnement humain, car ses enfants vivent loin delle. Elle porte le deuil de son mari et le tchador imposés par quelque censeur intégriste qui assoie son pouvoir sur la guerre. Dans cette vie dun autre temps et sous son foulard, cest une femme moderne. Son aventure amoureuse avec son avocat démontre chez elle un féminisme assumé. Ziad, le jeune avocat, a été formé en Russie où il a laissé un enfant. Il mange des boîtes de poissons comme des friandises et il sent ses doigts en permanence pour détecter une éventuelle mauvaise odeur. Leur relation bien quintense ne peut être quéphémère. Ils le savent
Mira Navon (la femme du ministre de la Défense israélien) est la seule à réaliser que, derrière la clôture, derrière les arbres, il y a une femme. Elle ne cède pas à la peur d'un attentat terroriste. « A l'origine, explique le réalisateur, le synopsis se focalisait sur le destin de ces deux femmes et sur leur solitude. J'y ai ensuite ajouté des arbres, des politiciens. Et l'on se retrouve d'un seul coup avec un film à plusieurs niveaux, à la fois sur tout et sur rien ». Hiam Abbas (Salma Zidane) et Rona Lipaz-michael (Mira Navon) sont excellentes et émouvantes chacune dans son rôle.
Un soldat, perché sur sa tour de contrôle, est surnommé Rapido, parce quil est toujours le dernier. Il ne pense qu'à son entrée à l'université. Un peu drôle, un peu simple, un peu triste, il nen a rien à foutre de larmée et sentraîne à des tests dintelligence insensés. Dans un film politique sur une tragédie, ce personnage apporte de la légèreté.
Que vous soyez pro-israélien ou pro-palestinien, vous pouvez vous identifier à ce que vivent les personnages. Si un citronnier peut devenir une menace pour la sécurité d'Israël, que peut-on espérer du dialogue entre les plus hauts représentants des deux camps ?
« Avec Les Citronniers, j'espère malgré tout susciter une certaine forme d'espoir et d'optimisme », nous dit Eran Riklis et il ajoute : « Plus que réalisateur et citoyen d'Israël, je suis surtout un réalisateur et citoyen du monde. Je ne travaille ni pour Israël ni pour la Palestine, mais pour ce que je considère comme ma propre vérité. Il s'agit surtout d'être honnête avec soi-même et de rester seul maître de ses choix. 'Les Citronniers' pointe du doigt une réelle psychose sécuritaire. Si mon film ne fait pas l'unanimité et qu'il provoque tout un processus de réflexion de part et d'autre, tant mieux. Mon but n'est pas de satisfaire tout le monde. »
Biographie :
Né en 1954 à Jérusalem, Eran Riklis est élevé aux États-Unis, au Canada et au Brésil. Il travaille dans le cinéma depuis 1975. Il est marié à une réalisatrice prénommée Dina et père de deux enfants : Tammy, un journaliste pigiste, et Jonathan, un pianiste de jazz. Il vit aujourd'hui à Tel Aviv, mais se considère comme un citoyen du monde. Diplômé en 1982 de la National Film School de Beaconsfield, en Angleterre, il signe son premier long métrage, On a Clear Day You Can See Damascus, un thriller politique tiré d'une histoire vraie, en 1984. Sept ans plus tard, il tourne Cup Final, salué par la critique internationale et sélectionné dans plusieurs festivals dont Venise et Berlin, puis Zohar, qui simpose comme le plus grand succès du box-office israélien des années 90. Eran Riklis réalise ensuite Vulcan Junction, un hommage nostalgique au rock and roll, puis Temptation, ladaptation dun best-seller israélien. Cest alors quil signe La fiancée syrienne qui obtient dix-huit récompenses internationales parmi lesquelles le Prix du public du festival de Locarno, le Grand Prix des Amériques et les Prix de la critique internationale (Fipresci) et du public au festival des films du monde de Montréal.<script type="text/javascript"><!-- google_ad_client = "pub-0404545564861892"; google_alternate_ad_url = "http://media.cozop.com/google/noads.php"; google_ad_width = 300; google_ad_height = 250; google_ad_format = "300x250_as"; google_ad_channel =""; google_ad_type = "text" google_color_border = "999999"; google_color_bg = "FFFFFF"; google_color_link = "3B9DFF"; google_color_text = "000000"; google_color_url = "3B9DFF"; //[/c</script>
-
Par Difrade le 28 Avril 2008 à 10:30
Un spectacle fraternellement fou, intelligent et drôle .
Voilà comment est annoncé le monologue de « La révolte des fous » écrit par Henri-Frédéric Blanc, auteur d'origine corse que nous avons déjà présenté dans un article précédent.
Création théâtrale au Théâtre Toursky - Marseille-
Le 25 avril 2008, cétait la première au Théâtre Toursky et la salle comble a pu assister à une performance dacteur dont Richard Martin est passé maître depuis longtemps mais qui, à chaque représentation, garde toute sa fraîcheur. Les habitués lavaient déjà vu dans Réception du Diable, un précédant monologue décapant où il incarnait un personnage audacieux et plein de verve. Cest une photo de cette pièce qui a servi de première affiche pour « La révolte des fous ».
Richard Martin est un Directeur de Théâtre combatif et émérite mais aussi un comédien hors pair. Il prend tous les risques et, hier, bien que malade, il a occupé toute la scène de sa présence et toute la salle de sa voix. Il nous revient dans une nouvelle création de Henri-Frédéric Blanc . Il incarne un directeur d'hôpital psychiatrique à trois mois de la retraite. Ce psychiatre, chef de service portant nud papillon sous sa blouse blanche, philosophe sur le présent et le passé en proie à ses démons - notamment à un calamar qui ne cesse de le hanter et qui est pour lui l'image du néant, un néant agressif, glouton et virulent, contre lequel il a lutté toute sa vie et qui, malgré le succès de sa carrière, ne désarme pas.A la retraite, il tournera le dos au présent où il na plus sa place pour se tourner vers le passé, pour mettre son nez dans « l Histoire avec grand H. Ou plutôt une grande hache ». Des mots lâchés, apparemment anodins comme le nez au milieu de la figure, sont loccasion de tirades où la verve farcesque, satirique et philosophique de Henri-Frédéric Blanc se donne libre cours. Chez le personnage, le feu sacré menace de s'éteindre sous la routine du bon sens, et il cherche désespérément de quoi l'entretenir.
« Considérons ma vie, nous dit-il. Version positive. Je suis bien portant, à peine quelques petites douleurs de reins. Jai une famille qui ne me donne que des satisfactions. Mon fils et ma fille sont tout à fait normaux. Cest-à-dire quils ne sont pas pires que les autres. Cest déjà pas mal. Le chien et le chat sentendent bien. Ils ne vont pas jusquà se parler mais sentendent bien. Mes parents sont morts sans problème, après une vie sans histoire. Je ne manque de rien. De quoi ai-je besoin ? Je cherche Je ne trouve pas » Ce médecin-chef au gouvernail dun hôpital psychiatrique « à affronter les tempêtes de la folie » retrouve ensuite ses semblables, «gens ordinaires, certifiés conformes, des personnes dont lesprit ne déborde jamais » . Devant ce constat, le discours commence à dérailler à la pensée du comptable de lhôpital, « inquisiteur à cravate raide, pisse-chiffres exonéré de cerveau, Moloch de couloir, casse-pied professionnel » et ce nest pas tout mais nous nous arrêtons là.
On sent chez le psychiatre la révolte intérieure sourdre puis monter en puissance mais dautres, ses patients sans patience, ont une folie davance sur lui. Qui soignera qui. De quoi est-on malade ? De la raison ou de la folie ? Où est notre liberté ? Du côté de la raison ou de la folie ? Lauteur use avec finesse du rire, un rire provocateur, un rire de résistance et porteur dautodérision et de propos qui refuse la part trop belle donnée à la raison. Dans cette pièce, la folie est la métaphore de la poésie, de l'imagination, de notre génie à tous enfermé dans nos oubliettes intérieures. La folie fleurit au-dehors mais aussi au-dedans. Celui qui s'approche de la vérité est aussi menacé de l'intérieur.
La révolte des fous était prévue pour deux représentations les 25 et 26 avril 2008. Nous espérons quelle donnera lieu à dautres et à de nouvelles créations dHenri-Frédéric Blanc dont nous ne connaissions que les uvres romanesques dont la dernière a pour titre « La théorie de la paella générale » aux Editions du Rocher.Pour ceux qui connaissent le Théâtre Toursky , cest aussi un lieu de culture où lon est jamais déçu et aussi de rencontre. Vous y êtes reçus non pas comme des clients mais en ami(e)s. Vous pouvez, en réservant, y manger en côtoyant la famille Martin. De vraies soirées qui ne vous laissent que du bonheur. A tous les spectacles, le stand de la Revue des Archers est ouvert. Nous y avons trouve le texte de La révolte des fous dans lédition semestrielle n°12 de Juin 2007 contenant dautres textes et de la poésie.
Dans le hall, vendredi soir, lauteur dédicaçait ses ouvrages parmi lesquels des romans noirs ou inclassables avec, toujours, cet humour noir déjanté, corrosif mais aussi, à rebours, porteur dhumanisme.
Plan daccès au théâtre Toursky : http:/www.toursky.org/2007-2008/pagesite/plan.htm
Programme de lannée : http:/www.toursky.org/2007-2008/pagesite/programme.htm
Catalogue Revue des Archers : http:/www.toursky.org/2007-2008/pagesite/archers.htmLe numéro 12 de la revue des Archers présente plusieurs textes et des poèmes. Nous y avons relevé la présence de Maryse Rossi, poétesse corse vivant à Marseille qui a écrit aussi un recueil de poésie " Vers le silence des questions" paru ches L'Harmattan en mars 2007. Guy Bedos y a écrit un court texte intitulé "Rire, résistance"... deux mots qui s'entendent très bien d'Aristophane à Dario Fo en passant par Molière, Chaplin, Lenny Bruce et quelques autres, dit-il.
Dans la continuité de la révolte des fous, Jean-Pierre Cramoisan a fourni un texte "Impasse des caroubiers" dans lequel à la fin il interpelle le lecteur: " Tu attends de ma plume un autre jus d'encre, un assaisonnement convenable, ni trop piquant, ni trop douceâtre, rien de plus, de quoi rndre un peu moins fade ta compréhension borgnesse. Tu voudrais disputer de ma prose à la croque au sel, peinard que tu es, retriré dans ton silence, livré à la musique des vers à bois qui bouffent inlassablement ton vieux fauteuil de propriétaire. Dommage, c'était pourtant bien parti, mais ma plume, lecteur, tu sais où je te la mets..."
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique