• Qui suis-je ? Dans quel état j’erre, de Marseille à Ajaccio !


    Le 3 mai 2007,à Marseille, se termine la deuxième série de conférences sur le thème " Identités à la dérive " organisée par l’association " Echange et diffusion des savoirs " au Conseil général des Bouches du Rhône. La dernière conférence tenue par Vincent Descombes essaiera de répondre à la question : Combien chacun de nous a-t-il d’identités? Pour ce philosophe le mot identité soulève deux questions : Qui suis-je ? Qui sommes-nous ?



    Du 1er au 3 juin prochains, à Ajaccio, l’association Isula Viva organise un colloque " Iles. Expressions de l’imaginaire " autour d’une phrase du philosophe corse (ou Corse philosophe) Jean-Toussaint DESANTI : " Être né en Corse, serait donc porter en soi, dans son extrême singularité, le tourment de -l’ailleurs- ". Les journées se dérouleront en trois grands chapitres: insularité et origines, le mythe de l’éternel retour ; l’ubiquité symbolique " partir, revenir " ; enfin, insularité et destinées extraordinaires.

    Pour chacun de nous séparément ou ensemble, l’identité est souvent un facteur de troubles. Passer par une crise d’identité , est-ce n’avoir aucune réponse à donner aux deux questions ? Est-ce une crise existentialiste qui aboutit au constat : " Il n’y a que moi qui suis moi " ? hélas ! je ne suis que moi. Ou bien est-on pris de vertige devant le multitude de réponses qui fait de nous des êtres protéiformes, à l’identité ambiguë parce que faite d’identités complexes?…

    A Marseille, nous avons retenu les interventions suivantes :

    Le 22 mars dernier, Giovanni Lévi s’était placé sur le terrain historique. L’histoire est une " science civique " dont il est fait un usage politique. Elle est donc indissociable de la dimension civique des identités. Le processus triomphal de l’individualisation , de la privatisation de l’expérience , a produit une mémoire fragmentée, individualisée. Le pouvoirs qui se soustraient au contrôle démocratique proposent comme des conquêtes la fin des idéologies et le triomphe de l’individu. La fin des idéologies, en laissant de côté la raison historique, ouvrirait la voie à l’irrationalisme, au nationalisme et au fondamentalisme.

    Le 22 février , Jean-François Bayart proposait d’en finir avec le culturalisme : " Beaucoup des conflits contemporains se sont noués autour de la notion d'identité. Ils tirent leur force meurtrière de la supposition qu'à une prétendue "identité culturelle" correspond nécessairement une "identité politique", en réalité tout aussi illusoire. Dans les faits, chacune de ces "identités" est une construction historique. Il n'y a pas d'identité naturelle qui s'imposerait à nous par la force des choses. Le culturalisme définit de façon substantialiste les cultures – supports de ces "identités" – qui deviennent ainsi un principe d'exclusion à force d'être un principe de singularité et d'appartenance. Le discours et, de plus en plus, la diplomatie culturalistes emprisonnent les sociétés historiques concrètes dans une définition substantialiste de leur identité en leur déniant le droit au changement. La critique du culturalisme doit permettre de quitter le faux dilemme dans lequel les sociétés occidentales tendent à s'enfermer. L'alternative n'est pas entre l'universalisme par uniformisation et le relativisme par exacerbation des singularités. L'universalité équivaut à la réinvention de la différence. Entre culturalistes relativistes et anticulturalistes, il y a une vraie divergence philosophique : la première posture dit une "essence", la seconde un "événement". Le propos est donc ici d'engager une problématisation anticulturaliste des rapports entre culture et politique. "

    Le 1er février Maurise Ollender dissertait sur la passion des origines. Entre langue et nation : " Entre la racine des mots et l’origine de la nation, entre étymologie et autochtonie, les liens et les tensions sont à la fois d’érudition, de politique et de théologie. M. Olender, La chasse aux évidences, p.134 Pour aborder quelques problèmes d'identités culturelles dans les sociétés marquées par de vieux mythes bibliques, il n’est pas inutile d’entreprendre une archéologie des relations imaginaires entre langue et nation. A ce propos, dans la Genèse, tout ou beaucoup se joue entre deux moments de géo-politique : le Déluge et Babel. De nombreux textes, anciens et modernes, montrent combien les discours sur les origines ont pu susciter diverses formes d'enracinements, se transformant souvent, au fil des siècles, en passion identitaire, nationale ou autre. La terre, la langue, l’ethnie ou la "race", la religion : un quatuor macabre, archaïque et moderne — qu’on retrouve jusqu’au coeur de l’Europe aujourd’hui. Si l'attention portée aux textes anciens n'offre aucun modèle d'avenir, un point de vue historique peut néanmoins alimenter nos réflexions sur des problèmes liés à des conflits actuels, religieux et linguistiques. "

    Le 11 janvier, Carmen Bernand donnait en exemple deux héros du Nouveau Monde ( l’Inca Carcilaso de la Vega et de l’Africain Ouladah Equiano) en posant la question: " Peut-on parler d’identités à la dérive ou préférer cette expression, qui reflète les angoisses contemporaines suscitées par des migrations à l’échelle planétaire et par les changements sociaux et culturels qui en résultent, celle de recompositions identitaires et métissages ? " Pour elle, l’Inca Garcilaso de la Vega fut un métis exemplaire, comme fut exemplaire aussi l’Africain Ouladah Equiano, ancien esclave devenu militant abolitionniste à Londres. De tels exemples, au-delà de l’intérêt qu’ils offrent à tous pour la richesse de l’expérience humaine dont ils sont porteurs, montrent l’inanité du repli ethnique et l’importance de la dynamique identitaire dans la formation des sociétés ".

    Le 30 novembre 2006, Eric Mace faisait un exposé sur la Francité contemporaine à travers l’imaginaire de la télévision. " Il est un monde dont les occupations majeures sont la sexualité et le crime, les affaires de famille et le travail. Où les femmes sont volontiers intrigantes, les ouvriers fourbes, les non-Blancs vindicatifs. Mais où l'homme blanc de classe moyenne est surreprésenté et où les ressortissants de groupes subalternes sont toujours minoritaires… Ce monde étrangement familier, parfois drôle et en tout cas résolument conservateur, c'est celui que nous représente à flot continu la télévision, la nôtre. Ce conservatisme traduit la faible capacité de la société française à envisager les profondes transformations sociales et culturelles qu'elle connaît depuis vingt ans. "

    Le 9 novembre 2006, Pierre Hassner posait la question d’une identité cosmopolite possible. " Y a-t-il place pour les cosmopolites quand il n'y a ni cosmos ni polis ? Le beau mot "cosmopolite" signifie citoyen du monde". Il présuppose l'existence d'un monde ordonné (un cosmos) qui puisse se constituer en une communauté, sur le modèle d'une communauté politique (polis), et avec lequel l'individu puisse entretenir une relation de citoyenneté, c'est-à-dire d'allégeance et de participation. Cette idée est évidemment toujours restée à l'état de rêve sur le plan politique. Aujourd'hui, l'évolution des communications, l'effondrement des idéologies totalitaires, le progrès, si partiel qu'il soit, des juridictions internationales prêtent une plus grande plausibilité à l'idée d'une "situation cosmopolitique" au sens de Kant, où "une violation des droits de l'homme en un point de la planète est ressentie partout" et où "la situation intérieure de chaque état est un objet d'intérêt légitime pour tous les autres". Mais les bases culturelles et spirituelles d'un tel état cosmopolitique sont plus en doute qu'elles ne l'ont jamais été. C'est l'idée même d'une base commune de discours et d'interaction, globale ou nationale, qui est mise en question. "

    Le 26 octobre 2006, Jacques Semelin avait ouvert la série de conférences sur la compréhension de " notre barbarie ". Jacques Sémelin défend l'idée que le massacre procède avant tout d'une opération de l'esprit, une manière de voir et de stigmatiser "l'Autre" avant de le tuer vraiment. La revendication identitaire est au coeur de cette rationalité délirante. Car, si, pour vivre, les hommes ont besoin de donner sens à leur existence, pour tuer il en est de même. Dans ces nouveaux univers de sens que fabriquent les appareils de propagande, il est publiquement proféré que la violence est possible et l'interdit du meurtre est levé. Les supports de ces appareils et des émotions publiques qu'ils suscitent sont souvent les mêmes : identité, pureté, sécurité… Après la Seconde Guerre mondiale, on avait dit : "plus jamais ça !". Il fallait "tirer les leçons de la catastrophe". Que reste-t-il de ces voeux pieux ? Un paysage de désastre aux quatre coins du monde, du Cambodge à la Tchétchénie, en passant par l'Indonésie, le Biafra, le Guatemala, l'Irak, le Rwanda ou le Soudan, sans oublier l'ancienne Yougoslavie. En ce début du XXIème siècle, plutôt que de se payer de mots, mieux vaut donc regarder de très près les réalités mêmes qui nous paraissent scandaleuses, et chercher à comprendre les raisons de cette reproduction du tragique, à travers la répétition du massacre de masse.




    Sous le générique " identité à la dérive ", des intervenants mettent en garde contre les dérives identitaires que sont le chauvinisme, le communautarisme, l’ultra nationalisme, le racisme et le fondamentalisme. Sans tomber dans des travers dangereux, il nous reste à tenter de répondre aux deux questions de départ : Qui suis-je ? Qui sommes-nous ?

    La question " Qui sommes-nous ? " soulève le problème de l’existence des autres et de la communication des consciences. Il convient alors de savoir qui sont les autres et quels sont avec eux nos rapports existentiels. A première vue, les autres sont des objets, mais, comme je les sais conscients, je suppose qu’ils ont eux aussi un " pour-soi ", c’est-à-dire qu’ils se représentent le monde de leur point de vue. Ils ont leurs projets par rapport auxquels tout le reste ( moi compris) est un moyen, un instrument. Du projet va naître le conflit, en ce sens que le monde qui d’abord existait pour moi, va m’échapper pour entrer dans la représentation d’un autre. " Le monde m’a délaissé pour devenir la chose d’autrui " écrivait Sartre. Autrui ne se contente pas de voler le monde, il cherche à me subtiliser mon véritable moi-même ; par suite " autrui veut me subtiliser l’être que je projette d’être ". Il en résulte que les sociétés humaines entretiennent le conflit et, si quelques philosophes ( les Hindous par exemple) ont pu mettre en doute la réalité du monde extérieur, aucun n’a sérieusement douté de l’existence d’autres consciences : " Autrui est incontestable ; le fait d’autrui m’atteint en plein cœur ; je le réalise par le malaise. Par autrui, je suis perpétuellement en danger. " Cependant chacun de nous veut exister à ses risques et périls. " Après tout, on a que soi. " Donc ce moi qui veut exister à outrance va nier le projet d’autrui et, dans la mesure de mon pouvoir, en héros nitzschéen, je chercherai à dominer les autres pour les faire servir à mes fins.
    Seulement autrui a aussi sa volonté et cela est particulièrement visible dans ce moyen de communication qu’est le sentiment, en particulier l’amour. Celui qui aime ne prétend pas conquérir un simple objet. Il réclame un type spécial d’approbation. On veut en autrui le possession d’une liberté comme liberté, c’est-à-dire on veut que l’autre veuille notre existence et qu’il nous fasse exister par lui. On veut être aimé. Mais ce projet est contradictoire : " l’amoureux aspire à voir le toi de l’aimée se perdre dans son moi ". De là naît le conflit puisque " si aimer c’est vouloir être aimé, c’est aussi vouloir que l’autre veuille que nous l’aimions ". Autrement dit, il doit abandonner son projet et ne plus exister que par moi : " aimer, c’est vouloir que l’autre ait de nous un besoin essentiel ". Les drames sartriens montrent que les existences des amoureux sont en conflit. L’amour ne serait qu’un jeu à qui " supplantera l’autre ".
    Ainsi, l’existence, qui nous apparaîtrait comme le bien suprême s’il n’y avait qu’une seule conscience, devient un mal du fait que l’autre existe : " Je suis de trop par rapport à l’autre ". Puisque l’autre existe, je devrais partager son projet et ses sentiments, mais, au fond de nous, il apparaît que nous restons enfermés chacun dans notre conscience. Nous ne pourrions dès lors pas comprendre l’autre ni nous faire comprendre de lui. Le langage même qui semble fait pour établir des contacts entre une âme et une autre, ne crée qu’une communication indirecte. Le langage n’est pas forcément adéquate à la pensée. Il n’exprime, suivant une remarque de Bergson que " le moi social, superficiel ". Il peut n’être pas assez riche pour traduire toutes les nuances. Il y a des sentiments qui ne se traduisent pas facilement en paroles. La communication verbale risque de nous faire faire fausse route. Sans parler des renversements dont le langage est rempli et qui demandent de la part de l’auditeur un pouvoir d’adaptation, le langage peut trahir la pensée en la spécialisant et la pensée est d’autant plus trahie qu’elle est personnelle, puisque le langage est avant tout collectif. Il n’est qu’un système de signes qu’il faut interpréter pour conclure aux pensées et aux sentiments d’autrui et nous le faisons avec les risques d’erreurs et de contresens, sans parler du mensonge qui précisément nous impose des interprétations fausses. De même le comportement d’autrui ne nous dit rien sur ses dispositions intimes ( Autrui me sourit mais c’est peut-être parce qu’il reçoit dans l’œil un rayon de soleil). La dissimulation est forme de mensonge comme l’hypocrisie. Quand nous jugeons autrui, il ne s’agit , en fin de comptes, que de jugements injustes provenant du mal entendu d’être autre.

    Si on ne cherche pas une communication foncière, on peut retenir qu’il y a une communication verbale mais surtout une communication émotive et affective dans la sympathie. La sympathie est un fait d’une importance morale extrême qui pratiquement réalise la communication. Il y a dans la sympathie un élément vraiment spécifique , l’empathie : le fait de vivre et de sentir en autrui, de s’identifier avec l’autre. Le théâtre et le cinéma en fournissent un exemple : nous croyons sentir les angoisses, les enthousiasmes et les désespoirs du héros ; nous devenons lui. Donc la sympathie est une tendance à vivre les émotions des autres, à passer dans l’âme des autres . Nous pouvons éprouver que nous nous retrouvons dans autrui, de même que nous retrouvons l’autre en nous. Les différentes consciences ne s’opposent pas ; chacune porte en elle la possibilité de l’autre. Si une conscience nous paraît fermée, inabordable, c’est à notre propre incapacité qu’il faut s’en prendre, puisqu’un autre que nous arriverait à éveiller un écho. Il y a dans l’amitié et dans l’amour des formes spéciales de la sympathie : les affinités électives, qui ne s’expliquent pas par des raisons rationnelles. L’expression de Le Senne "L’esprit est une unipluralité" convient aussi aux consciences. En réfléchissant sur l’autre, ma conscience s’enrichit et se prépare à mieux se connaître elle-même. En réfléchissant sur soi-même, on découvre des éventualités , des possibilités que l’autre a pu faire siennes, de sorte que la psychologie et la morale ne prennent en somme naissance que des rapports qu’il y a entre soi et les autres consciences.

    Qui sommes-nous ? Des consciences humaines dont la diversité fait la richesse de l’humanité.

    A la question " qui suis-je ? ", j’ai tenté de trouver une réponse en formulant autrement la question : si je me dépouille de tout ce qui fait mon identité, que reste-t-il ? La nationalité est un état de fait. Je vis dans un pays constitué en nation, c’est-à-dire en une communauté de droits et de devoirs. Je suis français mais une guerre ou un changement définitif de pays peuvent amener un changement d’identité nationale. Cette identité nationale est représentée symboliquement par des " papiers ". Si je déchire ma carte d’identité nationale, si je la perds ou si on me la vole, il me faudra prouver mon identité nationale pour obtenir une nouvelle carte. C’est une identité de papier. Je constate alors que j’ai une seule identité enracinée, à la fois généalogique et culturelle : l’identité corse. C’est un sentiment profond d’appartenance mais aussi une adhésion naturelle. Quelle que soit la forme donnée à ma pâte humaine, elle est faite avec la terre corse.



    Les mots " humain " et " terre " nous permettent la transition avec un livre de Jean Toussaint DESANTI : La peau des mots. Nous avons relevé un passage de la présentation du livre : Le livre d'entretiens entre Jean-Toussaint Desanti et Dominique-Antoine Grisoni s'attaque à cette morale abstraite et consensuelle des " droits de l'homme ". " Car jamais on ne définit vraiment la notion de "droits", jamais on ne dit à quel homme, quel humain elle s'applique ", affirme le premier en introduction de ce travail qui vise à répondre à la question : " Quels droits, pour quels hommes ? ". À la lecture de ces entretiens érudits (qui reviennent sur les origines latines et grecques des mots), parfois ardus, on comprend que les réponses ne vont pas de soi. Ainsi en est-il de la racine de l'" humain " et de l'" humanité " : Desanti nous montre qu'homo et humanus ne dérivent pas l'un de l'autre, mais qu'une filiation existe, en revanche, entre humus (la terre) et humanus. Autrement dit, l'humain pourrait simplement se rapporter à ce qui vient de la terre ! Le philosophe nous invite à prendre " les mots par leur peau, par ce qui les isole ", par " l'enveloppe sensible, sonore ou visuelle qui, au voisinage d'un corps vivant, fait signe vers du sens ".




    " 2007 ", année du bicentenaire de la mort de Pascal PAOLI. Il ne faudrait pas en oublier le centenaire de la naissance de l’éminent philosophe corse qui nous a quitté en 2002 . Jean-Toussaint DESANTI avait répondu à la question posée : " Es-tu un philosophe corse ? ", par : " Jamais je n'ai écrit en langue corse une ligne de philosophie. Mais là n'est pas l'essentiel. Je crois avoir pratiqué la forme de philosophie qu'exigeait mon origine. Dans ce champ aussi j'ai, autant que je l'ai pu, pourchassé l'indétermination, fait violence à la culture, effacé la mer, celle qui sépare et engloutit ".

    Du 1er au 3 juin 2007 inclus, un colloque à l’Hötel Corallia d’Ajaccio lui rend hommage sous l’égide de l’association Isula viva. Comment l’idée de ce colloque a germé ? Vous pouvez aller lire les confidences de Pierre-Paul Battesti sur le site de l’association à l’adresse : http://www.isulaviva.net/battesti.htm



    Nous vous livrons les notes de présentation de l’événement.

    Voilà un sujet de conversation insubmersible ! Et pitch d'un " colloque " qui réunira tout ce que la Corse et l'outremer comptent de femmes et d'hommes capables de parler de l'insularité et de leurs incessants " aller-retour ". Vous avez dit " mythe de l'éternel retour " ? Nous parlerons aussi de cette " ubiquité symbolique ", détectée puis expliquée par le philosophe Jean-Toussaint Desanti dans son texte bouleversant " Effacer la mer1 ". Éditrices, écrivains, historiennes, universitaires, essayistes, psychologues, militants ou femmes politiques : ils seront à l’hôtel CORALIA, où s'organisera une fête savante " Iles. Expressions de l’imaginaire ". Sont aussi prévus des repas et un confessionnal pour évoquer en particulier le " tourment de l'ailleurs ", cette fatalité de tant d'îliennes et d'îliens dans le vaste monde.
    Isula Viva



    " Être né en Corse, serait donc porter en soi, dans son extrême singularité, le tourment de -l’ailleurs- ". Cette phrase de Jean Toussaint Desanti (Effacer la mer1) est-elle un sujet de philosophie ? Une enquête de journaliste ? Le pitch d'un film ou la trame d’un roman ? Ce colloque " Iles. Expressions de l’imaginaire " va réunir à Ajaccio, des femmes et des hommes venus de tous les horizons de la création, de l’écriture et de la vie quotidienne en Corse et outremer. Éditrices, écrivains, historiens, universitaires, essayistes, psychologues, militants ou politiques : ils vont réfléchir avec nous, à cette " ubiquité ". L’insularité a-t-elle produit des destinées extraordinaires comme la vie de Pascal Paoli ou celle de Brigida, une des toutes premières femmes médecins occidentales au XVII° siècle ? Fatalité ? Souffrance ? Passion ou redoutable aiguillon ? L’" ubiquité " domine et guide la vie des îliennes et des îliens. Du fait de leur " double origine ", de leurs nationalités changeantes, de leurs résidences multiples, de leurs incessants " aller-retour " : comment vivent-ils ce " partir revenir " et ce mythe de " l’éternel retour " ? Que dire du changement de paradigme à chaque voyage ? Des deux côtés de l'eau : une île est fantasmée. Le sociologue Michel Maffesoli4 évoque l'île en tant que " terreau des utopies ". Pour la télé réalité, elle est " L'Ile de la Tentation ", et bien souvent un " repaire de pirates ". Plus inquiétant, " chaque île a son monstre ! " remarque Xavier Casanova5 comme ceux rencontrés par Ulysse ou créés de toutes pièces dans " L'Ile du Dr Moreau " par HG.Wells... Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? Jean Toussaint Desanti dit que " le vide de l’au-delà des mers ", lui a insufflé cette " précision " dans sa propre manière de faire de la philosophie. Et vous ? Que pensez-vous de votre qualité d’insulaire pour observer le monde ? Pratiquer votre métier ? Réaliser vos rêves ? La dimension insulaire de votre personnalité et de votre art, favorise-t-elle l’imaginaire et la création ? Loin des colloques trop scolaires, formels, peu captivants pour les non initiés, nous proposons de revenir sur " notre île et votre île ", sujet de conversation éternel et insubmersible (!), lors d'une fête savante pleine de surprises et de plaisirs. Nos liens sur Internet : " http://iles.over-blog.com " et " www.isulaviva.net " permettent la multiplicité des échanges, la mise en commun des savoirs. Voici un colloque de partage. Un colloque vivant d’un accès facile et clair pour tous.
    Isula Viva

    Des éléments de biographie et bibliographie sur le site " Isula viva " :
    http://www.isulaviva.net/desanti.htm

    extrait de l’interview par Ange Casta :
    Ange Casta : Quelle place la Corse a tenu dans votre vie et dans votre pensée ?
    Jean-Toussaint Desanti : C'est le lieu où je suis né, où mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père et ceux qui les ont précédés sont nés. C'est le lieu dans lequel je me sens né. Où j'ai pris racine. Ma profession, ma vocation, c'est d'être philosophe, c'est arrivé assez tôt - vers l'âge de 19 ans - et c'est arrivé en Corse. Simplement parce que c'est là que j'ai commencé à lire des philosophes. Dans quelle mesure le fait de me sentir de cette origine m'a-t-il porté vers une certaine forme de philosophie ... ? Je peux parler de l'insularité, l'insularité qui est l'unité d'un enfermement et d'une ouverture. La mer nous enveloppe et elle est aussi le chemin. Or un chemin qui ouvre et ferme, ça pose problème. D'une part, il faut prendre pied et donc s'y trouver. Et d'autre part, il faut y prendre essor, et s'en aller. A la fois s'en aller et rester. C'est tout le problème de la philosophie qui consiste à prendre en charge l'environnement du monde dans lequel on est, avec ses voisinages, avec ses rapports qui se construisent toujours et qui donnent sens à ce voisinage, qui permettent de le penser, de lui donner un corps. Et d'autre part il faut l'élargir, essayer de comprendre le rapport à un autre monde que ce voisinage qui ne cesse jamais d'être là. Et plus vous vous en irez, plus le voisinage viendra avec vous. Vous êtes obligé, à ce moment-là, de penser ce rapport. L'insularité vous donne à penser.[...]

    … et une vidéo :
    http://www.isulaviva.net/video1.htm

    et des textes sur le site " Iles d’elles "
    http://iles.over-blog.com/categorie-319995.html

    Site " Institut Jean - Toussaint DESANTI " :
    http://institutdesanti.ens-lsh.fr/

    texte " effacer la mer " à l’adresse :
    http://www.francoisxavier.net/imprimer.php3?id_article=594

    et son dernier ouvrage :



    Début janvier, parution aux éditions Odile Jacob de La Liberté nous aime encore, un livre commun avec sa compagne Dominique, où sont longuement évoqués souvenirs et opinions sur l’amour, la politique, la pensée et la vie en général. Livre d’entretien à trois voix très distinctes, conduit par Roger-Pol Droit. L’ouvrage sortait de l’imprimerie quand, le 1er janvier, le cœur de Jean-Toussaint Desanti donne des inquiétudes. Hospitalisation immédiate. Un triple pontage coronarien est envisagé puis effectué. Totale réussite chirurgicale. Jean-Toussaint Desanti s’apprête à sortir pour sa convalescence. Le 20 janvier, Jean-Toussaint Desanti s’éteint brutalement d’un accident post-opératoire, aux alentours de 13h30. Le samedi 26 janvier, obsèques au cimetière du Père Lachaise. Les cendres seront dispersées, selon ses vœux, à Ajaccio, au large des Îles Sanguinaires.


    Les personnalités du colloque " Iles. Expressions de l’imaginaire " :



    Intervenant(e)s : Dominique DESANTI Ecrivain, Femme de JT DESANTI [PARIS] Laurence PANCRAZI-HAUTEMULLE Psychanalyste [AJACCIO] Simone GUERRINI Elue Territoriale CTC [AJACCIO] Sylvianne PANTIGNY Ecrivain (éditions ALBIANA) [PORTO POLLO] Annick PEGNE-GIULY Journaliste (LIBERATION) – Ecrivain (édition FAYARD) [PARIS] Marie-Ange BIASINI Jeunesse et sports [AJACCIO] Dominique Antoine GERONIMI Linguiste [AJACCIO] Paul ORSATTI Formateur Consultant [QUENZA] Cynthia FLEURY Philosophe Professeur Ecrivain [Paris] Josette CESARINI DASSO Ecrivain (édition DCL – France - Europe) " La Bandite " [AJACCIO] Antoine-Marie GRAZIANI Historien - CNRS [AJACCIO] Mireille GOUAUX-COUTRIX Universitaire [NICE] Danièle VERMEULEN Anthropologue (édition ALBIANA) [AJACCIO] Jean-Pascal DI SAVONA Consultant [AJACCIO] Lili PISSENLIT Ecrivain [BASTIA] Vincent CARLOTTI Ingénieur [AJACCIO] Julie BIRMANT Journaliste (France Culture) Ecrivain (GALLIMARD) [PARIS – BONIFACIO] Xavier CULIOLI Ecrivain [AJACCIO] Danièle PIANI Eleveur Ecrivain [SARI D’ORCINO] Toni CASALONGA Plasticien [PIGNA] Julie TRISTANI DOCTORANTE [PIETROSO] Jacques MONDOLONI Ecrivain [PARIS] Morio MATSUI Peintre [JAPON - AJACCIO]
    Présentation : Cynthia FLEURY Philosophe [Paris] Ouvre le colloque Xavier CULIOLI Ecrivain [AJACCIO] Ange CASTA Réalisateur [PARIS] Nathanaël MAÏNI Comédien lecture du texte " Effacer la mer " de Jean Toussaint DESANTI Toni CASALONGA Plasticien présente Jean Toussaint DESANTI [PIGNA]
    Modération : Ugo PANDOLFI Journaliste Ecrivain [BASTIA] Jean-Michel RAFFALLI Ecrivain [AJACCIO] Jeanne-Marie SIMEONI Professeur [AJACCIO]
    Organisation : BTS Lycée Laetitia Bonaparte (Emilie, Marine, Gwladys, Elodie) Angelina BATTISTELLI CNRS [AJACCIO] Pascale BIZZARI [AJACCIO] Jackie RAIMONDI [AJACCIO] Marianne TESSIER [AJACCIO] Paula CECCALDI Journaliste (Ca m’intéresse) ; réalisatrice [PARIS] Nadine DAIGNE Réalisatrice [AJACCIO] Dominique TIERI Réalisatrice Productrice [AJACCIO] Marie-Jo MILLELIRI Directrice CCSTI [CORTE] Julia ALBERTINI Professeur [CORTE] Nathalie RONFOLA [AJACCIO] Marie GUIDONI Peintre Professeur [CORTE] Diana AGOSTINI Directrice d’école [OTA] Carole LECA [AJACCIO] Alexandra SALVINI [AJACCIO] Nicole CALZARONI [AJACCIO] Patricia RIPNEL Ecrivain [NANTES] Elisabeth MILLELIRI Journaliste Ecrivain [AJACCIO] Françoise GERVAIS [PARIS]
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    « Vous marchez dans la rue, la nuit.
       Il pleut.
       Vous n'entendez que le bruit de vos pas. » 

    Coups de feu, votre sang , fluide rouge de vie vous échappe et vous laisse vide dans le noir… Sur le quai du  nouveau Terminal 2, dans le  Port Edouard Hériot, la nuit était noire comme l’intérieur d’une tombe fermée par le couvercle de gros nuages ténébreux, derrière lesquels la pleine lune ne voulait rien voir de ce qui se tramait sur terre. Une pluie fine, pluie sans fin, faisait ruisseler des larmes sur les vitres d’un camion immobile dont les essuie – glace chassaient l’eau qui lessivait le pare brise. Cyprien descendit de son 4/4 noir et  se dirigea vers le 15 Tonnes.  Seuls les fers de ses rangers résonnaient au rythme accéléré de ses pas. L’habitacle du poids lourd était plongé dans l’obscurité. La portière s’entrouvrit, libérant une pâle lumière sur deux yeux cruels  au-dessus du petit rond noir du canon d’un gros calibre. L’étonnement le stoppa et lui fit faire un écart. La première balle déchira son biceps et la seconde transperça son cou, coupant net sa carotide. Le choc et la douleur provoquèrent sa lourde chute sur l’asphalte détrempée. A ces pas lourds arrêtés,  succédèrent les clapotis d’un déplacement rapide. La troisième balle, tirée à bout touchant, réduisit en bouillie l’intérieur de son crâne. Son corps contorsionné par la violence des impacts laissait échapper son sang vers une flaque  d’eau alimentée par le ciel en pleur. Dans le silence retrouvé, une portière claqua, un moteur ronronna et une Audi gris métallisé , sortie de derrière le camion, s’enfonça dans l’obscurité. Feu Cyprien Marchisio  était originaire du  Piémont.  il avait implanté le siège social de sa holding à Lyon, grande ville située au carrefour de l’Europe. Il avait ajouté au transport routier hérité de son père,  une activité d’acconage. Il était riche, très riche, et habitait seul une maison de ville aux allures d’hôtel particulier,  dans le quartier des Canuts.

    Quittant Paris,  le commandant César Féval  obtint sa mutation au SRPJ de Lyon, parce qu’il n’avait pu obtenir Marseille. Né dans la ville phocéenne, il en avait gardé, avec l’accent, quelques formules familières dont le  « Quésaco ? » qui signifie « Qu’est-ce que c’est ? ». Aussi, tous ses collègues l’appelait en verlan  Cosaque. A son arrivée, pour lui, les Lyonnais étaient  à l’image du Monsieur Brun inventé par Pagnol. Après quelques affaires criminelles, il avait pu mesurer que le personnage pagnolesque ne correspondait pas à la réalité des truands locaux . Entre Paris et Marseille, il n’avait  connu de Lyon que le tunnel de Fourvière avec ses sempiternels bouchons. Sa nouvelle affectation lui avait permis de découvrir une ville où il faisait bon flâner dans des quartiers pittoresques. Les bouchons y sont surtout des endroits de bonne bouffe et de convivialité. Il venait justement de sortir de l’un d’eux, lorsque son portable vibra dans sa poche droite. Cet appel lui rappela qu’il  était de permanence.
    - Quésaco?
    - On a un cadavre sur les bras..
    - Où je vais, patron ?
    - Sur les quais, dans l’enceinte du port,  Terminal 2, celui qui va ouvrir…
    - Premier mort Terminal 2 ! Un bon titre de polar, non ?
    - Ce qui m’intéresse, c’est la résolution de l’énigme. Vous me tenez au courant !
    - Vous prenez votre petit déjeuner à quelle heure ?…

    L’heureux chef , derechef, se  recoucha.  Arrivé à bon port,  César  se dirigea vers les éclairs de lumière dans l’obscurité brumeuse. La tête jaune d’un portique, quadrupède monté comme un mécano sur un corps bleu, dominait les masses sombres des navires fluviaux. A ses pieds, au milieu de la pantomime des ombres, le mort restait zen, figé dans une immobilité de pierre. Sa contorsion pouvait inspirer un sculpteur contemporain :  une œuvre intitulée « défi inventif à la gymnastique ». Mais l’heure n’était pas à l’art conceptuel. Le premier souci de la Justice  était de chercher le passé tragique de la victime dans ses viscères. Le médecin légiste officiait comme un grand prêtre, toujours pressé d’en découdre (moins de recoudre)  avec un cadavre. Les augures, sous le bistouri, révélèrent  que la mort était évidemment due à la balle tirée à bout touchant dans le crâne. Le seul indice était un bout de cigare Davidoff trouvé dans le cendrier du camion. Le directeur commercial de la société d’acconage  sentait l’angoisse aux relents fétides. Sa secrétaire, aux fragrances hystériques, finit par dire que le camion avait été volé et qu’aucune déclaration de vol n’avait été effectuée. Le mobile pourrait être un conflit d’intérêt, se disait César. Cette pensée lui fit froncer ses gros sourcils poivre et sel , qui rejoignirent sa chevelure retombant en une longue mèche sur son front plissé. Passée la cinquantaine, sa tête de sanglier et son corps de gorille ventru  donnaient dans la  bestialité, apparence trompeuse cachant une intelligence affûtée. Des échanges de regards entre le couple lui mirent la puce à l’oreille. Le faux alibi du directeur en fit un suspect qui commit l’erreur de fumer des cigares. Devant un bout de Davidoff avec son ADN, il avoua, prétendant que Marchisio harcelait sexuellement sa secrétaire et maîtresse. Complice, elle confirma du bout des lèvres. Un avocat ferait le reste.

    Cosaque  s’acharnera à tout savoir sur cet assassinat, en vain.  En dehors de l’autopsie du corps, la procédure policière a quelque chose de virtuel. C’est le scénario d’un crime. Pour les statistiques : 1 mort et, au terminal, 2 coupables. Dans le fond, rien ne s’était passé de réellement important. La vie restait, pour lui,  un mystère et la mort une injustice. Bien sûr, il pouvait  chercher des réponses à l’énigme de l’homme auprès de grands philosophes. Hélas ! La philosophie, si elle le fait douter de la nature humaine, ne faisait que le renvoyer à lui-même et,  « parce qu'elle explique tout ce qui se passe dans ce bas – monde, elle répond à tout et elle répond à rien. »

    Nota:
    Le début en gras est emprunté à Mickey Spillane dans « Le serpent »  et la fin en gras à Jim Thomson dans « 1275 âmes ».
     


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  • Pierre Givodan vit et travaille dans le sud de la France. Il peint et écrit depuis 20 ans. Ses œuvres ont été montrées lors de nombreuses expositions personnelles ou collectives du Sud jusque sur les terres de Gauguin.

    EXPOSITION PERMANENTE : Galerie AZ'ART 14, place Dampmartin 30700 Uzès - contact : Mme Colomès 06 14 22 73 53



    Pour faire suite à l’intérêt réciproque que nous nous sommes portés à travers nos sites respectifs et sans doute aussi à une affinité due à une présence corse dans sa généalogie, il nous a fait l’amitié, avec Catherine Plassart ( qui a donné son accord au nom d’Art point France), d’offrir pour nos visiteurs deux nouvelles tirées du recueil qu’il a mis en ligne sur son site personnel " Blues and Ballads ".

    Les deux nouvelles arrivent à la suite de notre présentation liminaire de cet artiste peintre et écrivain.





    Blue note
    huile sur toile
    100 x 100 cm
    Cette toile préface ce qu’il nous a confié.
    " C'est le sentiment que les Noirs nomment le " blues" qui me guide. Cela est aussi le cas dans ma peinture d'ailleurs. Je me suis longtemps demandé si l'origine en était particulière ... jusqu'à ce que je me rende compte que des tas de gens de toutes provenances s'y référaient .Alors j'ai décidé plutôt de ne plus m'interroger sur cette question . Mais j'essaye de donner à sentir quelque chose comme de la joie et de la tristesse mêlées. Tout cela étant au final difficilement explicable. "

    La note bleue est un son transparent, "bigger than life" (plus grand que la vie), comme le définissait son créateur, l'ingénieur du son Rudy Van Gelder. L’impression d'être dans l'instant absolu de la musique. Un moment d'exception qui sied parfaitement à la définition du terme Blue Note, la note bleue: "Cette note fantôme, impossible à marquer sur une partition, est une émotion", rappelle joliment Norah Jones. Claude Nougaro en a fait le titre de son dernier album. Pour Martin Scorsese, "Blue Note est à la musique ce que le Bauhaus a été aux arts plastiques." En évoquant le Blues, Pierre Givodan nous suggère la " Blue note " et ses spécialistes comme : Wayne Shorter, Bud Powell, McCoy Tyner, John Coltrane, Sonny Rollins et Thelonious Monk;… et, aujourd'hui, Cassandra Wilson, Herbie Hancock, Norah Jones et Wynton Marsalis…

    Cet artiste-peintre , à l’âme " jazzy ", met du blues dans ses œuvres picturales mais aussi dans des textes: poèmes, essais sur l’Art ainsi que la méditation poétique, et des nouvelles. Dans tout ce qu’il crée, il donne à imaginer et suscite les pensées qui viennent du cœur et des fonds lointains exprimés par le Blues, révélant ainsi les fines esquisses de joie et de tristesse... Comme la musique, une œuvre picturale n’a pas besoin de traducteur et c’est par le regard que l’art du peintre transmet l’émotion, cette "note bleue "… note fantôme. Dans l’immédiat, nul besoin des mots ! C’est une invitation au voyage intérieur que l’on pourra ensuite raconter, mais ce sera notre histoire et non celle de l’œuvre, car seule l’émotion originelle est authentique et éphémère. L’émotion reste dans le monde des sentiments et de la vie la plus intime que la raison ne saurait saisir. Le peintre montre jusqu’à l’innommable dans des tableaux sans titre. Entre Pierre Givodan et le voyeur s’instaure une communication qui permet la transmission d’affects et peut-être davantage… Il essaye de donner quelque chose comme de la joie et de la tristesse, dit-il. Entre ces deux mots, l’espace est infini dans lequel peuvent jaillir des gerbes d’images et des poèmes lyriques. Parmi les influences, il nous apparaît celle d’une partie de l’œuvre de Miro, dans la relation entre la peinture et la poésie.

    Passionné, Pierre Givodan participe, par ses chroniques intempestives et des nouvelles, au site Art Point France, initié et tenu par Catherine Plassart, spécialiste et critique d’art très active, y compris sur la toile du Web.


    1°/ La peinture :

    - Selon Catherine Plassart :
    " Chaque œuvre de Pierre Givodan est une parcelle d'un monde imaginaire qui peut se lire comme la page d'une short story ou le chapitre d'un récit initiatique "
    " Il développe une œuvre décalée qui est redevable de quelques influences mais libre de toute allégeance à des valeurs d‘école. Entre figuration et abstraction, il utilise le langage des signes et de la couleur. La naïveté apparente de ses exécutions a toujours servi ses œuvres qui parlent aux poètes et aux amateurs. Ses collectionneurs apprécient l’originalité de son talent. "

    - Selon Jean-Paul Gavart-Perret :
    " Il existe dans de tels travaux une beauté qui balaie par la joie ou l'horreur les vieilles figures et les modèles afin que naissent chez celui qui regarde ce que Derrida nommait des "pensées nomades".

    - Selon Anne-Marie Galarza( agent d'artistes) sur exposition " La Fable des jardins " Du 29/09/2006 au 23/10/2006
    " Le travail en peinture de Pierre Givodan témoigne d'une extrême liberté. Au centre de la mise en espace de sa mythologie personnelle : le jardin, fouillis de végétaux et de couleurs, lieu aux topographies ludiques. La palette est vaste, beaucoup de couleurs franches et éclatantes mais aussi d'autres plus sourdes, plus tendres. Chez Pierre Givodan, peu de formes sont immédiatement lisibles, mais des lignes, des tâches, des applats réécrivent le monde sensible, et le métamorphosent selon les rêves du désir. L'artiste a choisi la simplicité car l'essentiel est toujours simple. Il ne se prive pas de l'imprévisible. Son oeuvre comme un hommage aux primitifs est séduisante et paradoxale, renouvelée toujours des échos du passé. "


    2°/ La poésie :

    extrait du Poème " Dualité " :

    La nuit donne des intuitions
    Que le jour efface aussi
    Celle par exemple de soi
    Petite chose qui
    S'unit à un lieu
    Qui prend racine et qui grandit
    La nuit donne des intuitions
    Que le vent disperse encore
    Celle qui dit que la vie est tout
    Celle qui dit qu'elle n'est rien.


    3°/ Les Nouvelles :

    Pierre Givodan offrent deux nouvelles à mettre en ligne… Nous vous les livrons :



    Récit de Yann, hiver 2020
    Je ne sais plus depuis combien de jours j’habite le Pays blanc.
    L’usine fonctionne toujours à plein régime et les ouvriers se pressent dans les ateliers du matin au soir.
    Vingt-quatre heures sur vingt-quatre le monstre dévoreur d'énergie humaine charrie sa haine et broie ses victimes. Nous travaillons d'arrache-pied à la construction d'un réacteur nucléaire pour le projet Miranda destiné à nous rendre soit disant autonomes en matière de défense du territoire.
    Le pays fait partie de ce que la communauté internationale nomme d'un euphémisme "Etats voyous".
    Cependant les maîtres du pouvoir circulent librement dans le monde entier et ne tarissent pas en propos humanistes. Une contradiction de l'histoire qui ne gêne pas ces hégéliens de bas étage. Ils se disent tous démocrates et dévoués au peuple. Il est vrai que nous possédons des génies pianistiques âgés de six ans tout au plus, par exemple. Tout le pays sent la mort. Le "silence des moutons" juste avant l'abattage.
    Le papier d'emballage qui fournit mon support d'écriture tire à sa fin. Je vais bientôt devoir mettre un terme à ce récit qui a maintenant plusieurs dizaines de mètres de long et recouvre plus de cent mois de ma vie au bagne du Pays blanc. Le camp est entouré de plateaux semés d'une herbe rase et d'arbres plantés par les prisonniers. Je ne sais pourquoi les hommes ont nommé cet endroit d'un tel oxymore. En effet nous ne voyons quasi jamais la lumière du jour, mais une aurore pâle et sommes la plupart du temps plongés dans une nuit polaire qui perdure sans raison. Nous ne connaissons d'ailleurs vraiment pas l'origine d'un tel phénomène. Mais certains pensent que ce fait est lié à l'effort entrepris par les maîtres du pouvoir pour rendre invisible la région aux yeux des satellites espions. L'Etat est capable de tout. Rien ni personne n'échappe à la puissance de l'Autorité générale.
    J'en sais quelque chose, moi qui ai dû oublier ma femme, mes enfants, mon passé, mon présent, pour survivre ici, à genou aux pieds des Hommes libres. Ma faute étant de posséder un ancêtre étranger et ennemi objectif. Telles sont en effet les justifications dont se sont honorés mes bourreaux aux visages d'anges. Certains n'ayant guère plus de vingt ans d'âge.
    Je songe depuis peu à me débarrasser de mon manuscrit. Le pays entretient de bons termes avec la Chine dont la dialectique fascine nos maîtres. Nous devons envoyer prochainement à Pékin des pièces de "technologie de pointe" à réparer. Je vais glisser mes pages dans une caisse. J'espère que quelqu'un, là-bas, se chargera de diffuser mon manuscrit. Le pays dispose en effet ,dit-on, d'un vaste courant novateur et contestataire..."
    Shanghai, le 2 janvier ( Journal de Hsü)
    Il est difficile d'imaginer quelle ne fut pas ma tristesse et mon découragement lorsque je mis la main sur ce manuscrit écrit par "Yann" et qui ressemblait à la description d'un univers d'apocalypse. Un peuple d'esclaves vivant quasi comme des chiens expérimentaux au vu et au su du monde entier. Des gens sous-alimentés, victimes du surmenage permanent, livrés au pulsions les plus basses de leurs maîtres sadiques et désespérés. Et cependant on s'en doutait évidemment.
    Car nos voisins subissent des critiques permanentes pour leurs atteintes réitérées aux droits de l'homme.
    Quel bouquet de roses flétries !
    Yann, dont un lointain ascendant Anglais était à l'origine de son prénom n'a connu qu'humiliation et mépris tout au long de son pauvre séjour dans l'usine dont il décrit les rouages avec une précision pointilleuse.
    J'ai mené l'enquête en tant que journaliste indépendante, deux longues années, pour retrouver sa trace, après avoir reçu le manuscrit par l'intermédiaire d'un commerçant venu de Pékin à Shanghaï.
    Je suis entrée en contact avec une organisation dissidente chinoise qui travaille en relation avec l'opposition de son voisin encombrant. J'ai su un jour que l'usine en question qui fournissait la main d’œuvre gratuite pour la fabrication d'un réacteur nucléaire avait été subitement désertée et livrée à l'abandon. Les maîtres du pouvoir ayant craint un bombardement des sites par les "hyènes impérialistes". Je suppose que Yann, ingénieur de formation et scientifique indispensable a été déporté ailleurs.
    Le plus curieux dans cette affaire c'est le peu d'écho que son récit suscite chez les éditeurs que j'ai contacté. On reproche à ce récit son caractère anachronique et trop autobiographique. Cela manque d'originalité. Le texte rappelle des souvenirs tellement communs, voire banals. Tout le monde savait d'avance que notre Yann partageait le sort de millions de malheureux perdants de l'histoire, mais cela n'ajoutait rien au grand jeu final.
    Que pèserait ce témoignage en face du réalisme politique affiché désormais par le monde entier. En effet les recherches nucléaires à des fins militaires ont officiellement cessé là-bas et le pays est désormais respecté pour ses efforts de normalisation.
    Il reste que je n'ai jamais pu avoir de nouvelles de cet homme. Le plus étonnant étant que je me sois attachée à lui en lisant ce texte en Anglais. La langue que son père lui avait transmise plus ou moins en secret. Il y citait quelque part le mot de Shakespeare: "Être ou ne pas être"...Evidemment cela aussi pouvait paraître un peu désuet au regard du destin général des habitants d'un pays oublié. Et pourtant il me semble que cette histoire de manuscrit est à elle seule la preuve que quelque chose de plus grave a été perdu. Je ne peux m'empêcher de songer que Yann vit encore quelque part et qu'il attend. Ce manuscrit représentait l'espoir. C'est pourquoi je ne dors pas cette nuit et je me questionne. Que vaut en effet une vie sans espoir ?
    Au sens propre une existence désespérée... vidée de toute foi en quelque but qui reste à venir!
    Yann écrit quelque part aussi que seule la musique aurait pu lui rendre le sourire. En effet face aux brimades, aux cris, aux injures permanentes il aspirait simplement à autre chose qu'à des hymnes militaires diffusés par hauts parleurs toutes les trois heures à une armée de marionnettes.
    Et puis il y a autre chose, il y a cette histoire de santé publique et "d'hygiène mentale" qui consiste à dresser les gens à oublier. Oublier d'aimer par exemple. Être capable de se détacher des siens subitement. Oublier son homme, sa femme, sa fille, son fils pour vivre plus librement, plus légèrement le présent et le futur en commun. Cette soif d'oubli que Yann relate me sidère. Comment peut-on conduire ainsi des familles entières au néant ? Des vies pleines à l'effacement volontaire... Quelle amère griserie guide les pas des Maîtres du pouvoir !
    L'oubli comme remède au désespoir. La discipline comme condition de l'oubli. Et le rêve d'un avenir grandiose comme opium du pouvoir.
    Car la grandeur est le leitmotiv que Yann relate régulièrement dans ses ultimes pages. "Grandeur", désintéressement, souci des "enfants de la patrie", amour filial et joie affichée.
    De l'autre côté : haine, perversité, indifférence, honte et plaisir abject. C'est pourquoi je mènerai mon enquête jusqu'au bout et je finirai bien par retrouver la trace de cet homme, que j'ai appris à respecter et pourquoi ne pas le dire, à aimer aussi clandestinement : mon Jean sans Terre.
    FIN
    Pierre Givodan (2007)
    Tous droits réservés pour les textes Pierre Givodan
    Crédits Photo Joséphine Givodan




    Il avait la quarantaine et s'appelait Kim Curtis. Il avait connu dédain et sarcasmes pour s'être amouraché d'une chanteuse. Il se croyait aux trois quarts de son histoire, dont il avait une conception ambiguë. Se sentant humilié et dérisoire il prit une décision sans équivoque, d'où toute ironie était absente. Loin des mirages de la vie il monta dans un avion pour le Mexique, pays cependant magnifié par son imagination, qu'il avait toujours visionnaire. Changer de dimension , gagner en couleur, atteindre ailleurs un certain lyrisme peut-être...

    Il avait débarqué la veille dans un aéroport où il avait éprouvé tout le poids de son âme, pris un taxi collectif, fait deux cents kilomètres et était parvenu dans un village qui n'avait sans doute pas changé depuis cent cinquante ans. Après s'être concentré sur le choix d'un hôtel avec patio, traversé un jardin fleuri et s'être senti détendu et plein d'admiration pour le lieu, il se crut un peu redevenu un humain et un peu moins "Homme révolté".

    Dans la chambre le cadran de la pendule était arrêté à une heure indéfinie. Il s'allongea sur le lit. Il avait posé ses deux sacs à quelques centimètres et ne les avait pas encore ouverts. Il ferma les yeux mais ne dormait pas. Dehors un camion et deux autos se firent entendre. Puis plus rien. Il se recroquevilla machinalement sur lui-même. Les draps étaient moites. L'air conditionné ne suffisait pas à établir une température moyenne. Sa respiration devint plus bruyante et régulière. Quand il s'endormit il faisait nuit noire dans la pièce. Il se réveilla en pleine nuit, chercha l'interrupteur électrique et faillit tomber du lit. Puis il alla s'asseoir dans un fauteuil en osier, près de la fenêtre. Au dehors le ciel était noir comme du charbon, devant lui le patio lui rappela qu'il était en Amérique du sud. Puis il alla prendre une douche et croisa un cafard qui sortait du carré de bain.

    Il avait dû parcourir en rêve vingt kilomètres dans la plaine environnante et autant sur les routes, essayant de rejoindre à pied le village afin de demander de l'aide pour avoir perdu son chemin, quand il fut réveillé par une secousse brusque. Une indienne lui tapait sur l'épaule et lui demanda en espagnol si elle pouvait faire sa chambre dans un moment. S'il voulait pour cela aller bientôt marcher ailleurs. Curtis lui répondit qu'il s'appelait Kim et qu'il la trouvait jolie, mais un peu brutale. Puis il fouilla dans son sac, offrit à la fille une cigarette qu'elle refusa. Sans insister il se décida à sortir dans le patio.

    Il se souvint du producteur qui l'avait engagé un jour pour un rôle de "martien", cet étranger sur la terre qui s'enfonçait dans le désert à la poursuite d'un trésor, dans une cité de pierres. Il avait hésité un moment, puis il avait marché. Sans s'être aperçu qu'il y jouait son âme. C'était à New York, il sortait à peine d'un école d'art dramatique dans laquelle un ami à lui tenait un rôle de professeur.

    Kim arpenta un moment les rues. Il se dit qu'il était un peu comme une voiture en panne. Et qu'il ne trouverait rien ici qui ressemble à un garage. Il se souvint du visage de Rita, "l'artiste" et des ennuis qui n'avaient fait qu'augmenter entre eux. La chaleur commençait à s'installer et il pensa que son passé était vraiment en cendre. Il continua à marcher un peu sur le chemin quand il croisa un enfant qui vendait des pastèques. Il en acheta une et se désaltéra.

    - Qu'est-ce que je fais ici ? se disait Kim. Il serait temps que j'apprenne à tenir un rôle, mon rôle. J'en reçois trop à travers la figure. Mais qu'elle direction prendre ?
    Jusqu'à ce que dans l'après-midi quelque chose comme un tableau de sa vie s'impose à son esprit:
    - J'ai toujours cherché un point d'eau, une oasis. Un lieu qui surplombe le monde en quelque sorte ? marmonna-t-il.
    - Puis il rebroussa chemin et regagna l'hôtel.
    L'horloge était toujours arrêtée dans sa chambre. Il ne vit aucun insecte dans la salle de bain. Il n'entendit aucune voix dans le patio, mais il aperçut un chat qui courait après un oiseau.
    - Il est temps de rejoindre la civilisation, se dit-il. Il se dirigea vers les toilettes avec une revue. Quand il en sortit sa décision était prise.
    - Il ya trois ans je leur ai proposé un scénario sur la vie et la mort de Trotski, le parcours classique du révolutionnaire sacrifié à l'histoire et à sa " grande hache". J'ai déjà bien déblayé le terrain . Il s'approcha de la glace pour se raser et se dit que le temps commençait à passer. Kim Curtis était à la croisée des chemins. Il cherchait quelque chose qui ressemblait à un choix vital.

    A ce moment là l'indienne rentra de nouveau dans la chambre. Elle avait oublié un trousseau de clés...Il lui proposa de la revoir le soir. Pura, c'était son nom, accepta. Une semaine plus tard ils partaient ensemble au volant d'un vieille Ford des années soixante, en direction des montagnes, sur les traces de la terre de la fille qui avait quitté son travail à l'hôtel. Difficile à dire, mais Trotski s'était comme volatilisé avec l'histoire et le projet de film. Une porte était refermée, mais Curtis avait gagné un pari de plus.

    FIN
    Pierre Givodan (2007)
    Tous droits réservés pour les textes Pierre Givodan
    Crédits Photo Joséphine Givodan


    5°/ Art Point France Info :



    Ce site est d’une grande richesse sur l'actualité de l'art et plus encore.
    Il propose une rubrique sur les expositions par régions allant du Sud-Est jusqu’au Nord-Ouest en passant par le Centre et Paris, mais aussi au delà des frontières avec l’Europe et le reste du Monde . S’y ajoutent un chapitre " Photographies ".
    Suivent :
    - la rubrique " Actualité du livre ".
    - Plusieurs chroniques:
    + Les édito de la Feuillée : C. Plassart
    + Les chroniques intempestives : P. Givodan
    + Sur et hors de la toile : J.-P. Gavard Perret
    + Le taon des deux côtes : Patrick Mayoux
    + Art et société
    + Tribune libre
    - Des textes
    + Propos d'artistes
    + Poèmes au choix
    + Short stories : P. Givodan

    Catherine Plassart, déjà initiatrice de l’excellent site " Arbre de lune ", est la responsable de la publication en ligne et rédactrice d’Art Point France. Elle s’est entourée de collaborateurs de talent et déploie une activité débordante pour la promotion de l’art contemporain et de l’art nouveau, notamment. On trouve ses interventions sur l’encyclopédie Wikipedia lorsqu’il s’agit de peintres comme, pour exemples, Antonio Ségui ou Christian Dotremont… ( alors que Pierre Givodan y apparaît pour ses chroniques sur des Revel ou Camus entr’autres… ) Autre exemple : elle monte au créneau sur le site " Lunettes rouges " pour défendre Marc Desgrandchamps*. Nul doute que, avec une telle chroniqueuse, Art point France est à la pointe de l’actualité artistique, tout en nous offrant les talents d’un Pierre Givodan qui y tient ses chroniques intempestives et racontent ses short stories.

    * Polémique au sujet de Marc Desgrandchamps… Site " Lunettes rouges " :
    Rédigé par: Catherine Plassart | le 07 février 2006 à 14:57
    " Si personne ne sent, ni ne comprend la peinture de Marc Desgrandschamp, si nul n’a rien à en dire, c’est vraiment que la culture fout le camp et que la mémoire est très très courte.
    Car pour apprécier avec toute la jubilation qu’elle mérite cette œuvre contemporaine, il faut être en mesure de se rappeler celles des artistes vraiment subversifs du XXème siècle, les surréalistes, les expressionnistes abstraits américains notamment.
    Qui dira assez le plaisir que l’on trouve dans les œuvres subtiles dont les strates sont multiples, le fondement dans l’histoire de l’art qui est aussi l’histoire des hommes ! "


    Nota :

    D’aucuns auront remarqué que l’article commence par la note bleue, se poursuit par le Pays Blanc et se termine par le rouge Trotsky et les lunettes rouges… N’y voyez aucun message subliminal en période d’élection. Il s’agit de trois couleurs qui se sont imposées et le peintre a le pouvoir, en les mélangeant, d’en tirer plusieurs nuances et même d’autres couleurs, en commençant par le vert de l’espérance, à partir duquel d’autres alchimies apparaissent possibles. En peinture, avec trois couleurs, on refait les Noces de Canas.  La multiplication des " peints ", c’est biblique ! C’est magique !


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  • Délire noir et rouge sur le polar…



    Le polar ? Le roman noir ? … terminologie d’une même littérature :  " la Noire " avec toute la symbolique de la couleur qui ouvre de nombreux horizons. En première définition, le noir est la couleur la plus obscure, la plus privée de lumière. Elle tend vers les ténèbres et on l’associe à la nuit, aux enfers, à la mélancolie, au deuil, au désespoir, mais aussi au mystère, à l’inconnu. Dans son ouvrage " Le noir " ( paru en 2006), Gérard-Georges Lemaire, historien et critique d’art, nous décrit l’extraordinaire fortune culturelle et symbolique du noir en Occident , de l’Antiquité à nos jours. Pour l’auteur , l’histoire du noir se tient toujours dans un paradoxe : d’un côté la nuit, la mort… de l’autre une certaine lumière, un luxe , une élégance… pour aboutir au " siècle du noir ", le 20ème où " c’est surtout dans le domaine de l’art abstrait que le noir va jouer un rôle clef, des œuvres de Malevitch et de Rottchenko à Soulages ". Le noir, couleur néfaste ? C’est vrai dans la théologie et dans la philosophie. Dans les croyances populaires, ce n’est jamais bon signe : " jeter un regard noir, être sur la liste noire, être le mouton noir… De nos jours, depuis la banalisation de la couleur, il s’est créé une esthétique du noir et blanc dans la photographie, le cinéma, comme dans la mode vestimentaire ou la publicité. Pour Soulages le noir serait l’expression suprême de la lumière.
    En littérature, le noir renvoie à des genres bien particuliers : le romantisme noir en Angleterre et en Allemagne à la fin du XVIIIème siècle, puis le roman noir, qui désignent des intrigues policières ou un suspense dans un récit dramatique, pessimiste, tragique. Chez les auteurs, comme dans son histoire, le noir est plus complexe et nuancé, ce qui explique les innombrables sous-genres : flic ou voyou, espionnage, suspense , policier, hard-boiled, historique, régional … jusqu’à créer le genre " inclassable ". Le genre noir contient tous les ingrédients de la symbolique de la couleur : le mystère, l’inconnu ( ce qui est caché ), l’occulte, la menace, la révolte ( l’anarchie), l’autorité, la puissance, la dignité, le pouvoir, l’austérité, le négatif, le néfaste, la tristesse, le désespoir, la peur… le mal, la mort et même jusqu’à l’élégance, la sobriété, le raffinement. Dans l’Egypte antique, on trouve la symbolique positive du mot " kem " dans la langue des Pharaons. Tiré du noir, ce mot se traduit par " mener à bien, s’élever à, accomplir, payer, compléter, servir à " , mais encore " être noir ". " Kem " signifie aussi " complet, parfait, obligation, devoir ".

    Qui sont les auteurs de polars? Daeninckx parle d’arpenteurs du réel. Qu’est-ce qu’un roman noir ? Jean – Bernard Pouy met dans son noir la douleur individuelle et sociale, en bannissant la police et toute description morbide… Avant lui, des textes noirs ont supprimé toute anecdote policière pour ne conserver que l’aspect véritablement sombre du genre : " Le Requiem des innocents " de Louis Calaferte, en 1952, " Le Festival ", " La Croque au sel ", de Maurice Raphaël, en 1950 et 1952. De cette littérature en marge, s’inspireront des textes modernes comme, notamment, " La Gana ", de Jean Douassot, ou " tombeau pour 500.000 soldats ", de Pierre Guyotat.

    A chacun son noir car il n’appartient à personne. Le polar est sans consigne littéraire. Le noir est un symbole fort avec ses paradoxes, ses réalités et ses chimères. Il peut même faire des mariages comme celui stendhalien avec le rouge… noirceur de la nature humaine et de la mort, rouge de la passion et du sang. L’édition Fleuve noir a sa Zone rouge. Grasset a une collection " Les cahiers rouges " qui rassemble des écrivains sous la bannière de la passion : " La passion d'aimer, de voyager, la passion du crime, la passion de vivre... " écrit l’éditeur. "Le rouge et le noir ne s'épousent-ils pas..." chantait Jacques Brel.



    Au rouge des armes, Julien Sorel préférera le noir des ordres. En littérature, la préférence donnée par un auteur au noir n’est pas un sacerdoce mais surtout l’affirmation d’une totale liberté d’écriture. Chaque auteur de polar a le choix et peut ajouter du rouge, avec ses tonalités et son ambivalence. Amarant(h)e, andrinople, carmin, garance, pourpre, rubis, sang... rouge pompéien... rouge Carpaccio, Titien... rouge Ferrari, opéra, pompier... érubescent, roux, rubicond... croix, planète, tapis rouge... La Butte rouge... Julie la Rousse, le Petit Chaperon rouge... le rouge en héraldique, rouge révolutionnaire … et bien d'autres mots et expressions défilent… rouges récents ou très anciens, vestiges de la longue histoire du rouge et témoignages de l'intérêt porté à cette couleur dès l'aube de l'humanité...






    Des auteurs ont mis du rouge dans leur titre :

    Émile Gaboriau, l'Affaire Lerouge,
    Conan Doyle, Une étude en rouge,
    Austin Freeman, l'Empreinte rouge,
    Dashiel Hammet, Rouge Moisson,
    Jean Vautrin, A Bulletins rouges
    Hervé Jaouen, la Mariée rouge
    Maurice G. Dantec, La Sirène rouge
    Paco Ignacio Taibo II : du drapeau rouge au roman noir
    Olivier Descosse, Le pacte rouge,
    François Muratet, Le pied rouge,
    Cook Robin, Quand se lève le brouillard rouge
    Roswell, Alerte rouge,
    Dean R Koontz, La porte rouge,
    Fréderic Castaing, Rouges cendres,
    Jean-Paul Bourre, L’élu du serpent rouge,
    Arlette Shleifer, Le bar rouge ….



    Sur le site l’Ours noir , nous avons trouvé un texte  " Octobre rouge et noir " par Pierre Cherruau, et nous vous livrons l’entame : " Lorsqu'un avion m'a déposé sur le tarmac de l'aéroport de Lagos, la plus grande ville d'Afrique connaissait une journée ordinaire d'octobre. Un octobre rouge et noir. Rouge sang du sol de latérite. Noir d'un ciel lesté de nuages gorgés d'encre. Comme à l'accoutumée, les quinze millions de Lagosiens s'étaient réveillés avec une angoisse existentielle au creux de l'estomac. Allaient-ils manger à leur faim ? Allaient-ils échapper aux multiples pièges de cette ville mante religieuses ? Allaient-ils rester en vie ? Echapper à la violence urbaine, à son cortège de cadavres journaliers…. " pour la suite aller à l’adresse :
    http://patangel.free.fr/ours-polar/2001/lagos13.php


    L’occasion de rappeler que le " rouge et le noir " , c’est aussi l’Afrique où des massacres se perpétuent sans que rien ne les arrêtent comme au Darfour où ils ont pris l’ampleur d’un génocide. " Briser le silence pour ne pas être complice d’un autre génocide ", c’est le mot d’ordre du collectif Urgence Darfour qui s’est créé à Paris. Sur le modèle du collectif américain " Save Darfour " animé par le journaliste américain Nick Clooney et son fils, l’acteur George Clooney, Urgence Darfour veut mobiliser l’opinion européenne pour la cause du Darfour. Faites un petit geste en allant signer la pétition sur le site officiel du collectif : http://www.urgencedarfour.info



    Le rouge est une couleur orgueilleuse, pétrie d'ambitions et assoiffée de pouvoir, une couleur qui veut se faire voir et qui est bien décidée à en imposer à toutes les autres. En dépit de cette insolence, son passé, pourtant, n'a pas toujours été glorieux. Il y a une face cachée du rouge, un mauvais rouge (comme on dit d'un mauvais sang) qui a fait des ravages au fil du temps, un méchant héritage plein de violences et de fureurs, de crimes et de péchés. Cette double personnalité du rouge est décrite par l'historien du symbolisme Michel Pastoureau :
    " Dans l'Antiquité déjà, on l'admire et on lui confie les attributs du pouvoir, c'est-à-dire ceux de la religion et de la guerre. Le dieu Mars, les centurions romains, certains prêtres… tous sont vêtus de rouge. Cette couleur va s'imposer parce qu'elle renvoie à deux éléments, omniprésents dans toute son histoire : le feu et le sang. On peut les considérer soit positivement soit négativement, ce qui nous donne quatre pôles autour desquels le christianisme primitif a formalisé une symbolique si forte qu'elle perdure aujourd'hui. Le rouge feu, c'est la vie, l'Esprit saint de la Pentecôte, les langues de feu régénératrices qui descendent sur les apôtres ; mais c'est aussi la mort, l'enfer, les flammes de Satan qui consument et anéantissent. Le rouge sang, c'est celui versé par le Christ, la force du sauveur qui purifie et sanctifie ; mais c'est aussi la chair souillée, les crimes (de sang), le péché et les impuretés des tabous bibliques. "
    Michel Pastoureau - Dictionnaire des couleurs de notre temps ; Paris, Christine Bonneton, 1999 ; 255 pages ; Collection Symbolique et société.


    Tout est ambivalent dans le monde des symboles, et particulièrement des couleurs ! Lisez l'Ancien Testament : le rouge y est associé tantôt à la faute et à l'interdit, tantôt à la puissance et à l'amour. La dualité symbolique est déjà en place.

    Site sur le " rouge " à l’adresse :
    http://expositions.bnf.fr/rouge/rencontres/02.htm


    Dans son ouvrage " Le Miniaturiste " , Martin Melkonian ( voir notre article du …. ) nous offre un magnifique passage sur la couleur et nous avons relevé ces extraits :
    - "  La civilité corrompt nos impressions premières : nous découvrons, en un plaisir décadent, chrétien s’il en est, le sentiment derrière le rouge du sacrifice ( jamais nous n’avouerons que nous aimons pour lui-même le rouge du sang qui s’écoule de la poitrine de l’innocent, ces ruisselets carminés qui tachent et strient l’habit des anciens sacrificateurs)… "
    - "  Moi-même la couleur me disperse, m’engloutit – mais non pas à la façon d’un cataclysme : c’est une prise totale, un harponnage, une succion… "
    - "  Je vois dans chaque couleur un retour luciférien de la flamme. La couleur bouge ( seul l’imprimé nous donne une illusion de fixité ; ne dit-on pas d’ailleurs, ce qui est un non-sens, qu’une couleur imprimé se doit d’être égale). La couleur bouge en même temps que tu bouges. Si tu t’arrêtes pour la considérer un tant soit peu, elle bouge encore. Si tu te recueilles en elle, dans l’attitude de quelqu’un qui médite devant un mandala, elle te revendique, s’attache à toi, te tache, cède à la plus légère pression mentale, se répand, t’emporte. Elle te tutoie maintenant, te fait des avances, avance, te veut… "



    Après la révolution russe de 1917, Les constructivistes n'emploient que des formes géométriques ou presque. A ces formes ils attribuent trois couleurs, le noir, le rouge et le blanc. Le noir symbolise le clergé et les capitalistes. Le rouge est la couleur du communisme, du sang des travailleurs. C'est la couleur la plus puissante, celle qui excite le plus le cône de l’œil humain et celle qui se voit le plus avec le rouge orangé.Le blanc est la couleur du papier. Ou bien, le noir sert de fond et le blanc symbolise les russes blancs, les tsaristes. Si vous voulez en savoir plus sur ce sujet, nous vous conseillons un site excellent " La boîte à images " à l’adresse : http://laboiteaimages.hautetfort.com/



    Patrick Raynal se souvient :"On avait tous un petit livre rouge dans une poche et un roman de Dashiell Hammet dans l’autre ". Le polar ou le roman noir ? Le gros rouge ou le petit noir ? Voilà du grain à moudre : quelle est la bonne couleur ?



    Au petit matin, le noir du café vous rappelle à quel point votre corps était absent sans infrarouge , dissous comme du sucre par la nuit noire. Quelque part en France ou ailleurs, un auteur de polars, à la dérive, vit aussi des instants en rouge et noir. Il est assis dans un bar enfumé près d’un boulevard dans la grisaille d’une ville tentaculaire. Homme de lettres oublié, il porte à ses lèvres son café noir déjà froid. La tasse posée sur le zinc, l’homme fixe un feu rouge. Sans mot, sans geste, il pense. Le regard vide, il attend, son stylo à la main... Au comptoir, un auteur de romans noirs s’abîme dans le gros rouge avec délectation, car il est son frère de sang….



    Petit noir ou gros rouge ? Une question qui ne mérite pas que l’on se creuse la cafetière. En France, on peut vous servir un menu " polar ", café et vin rouge compris…

     
    De façon consensuelle ( en un seul mot), nous vous proposons la recette simple et originale du " vin de café " :
    Ingrédients : 20 g de café instantané, 1 à 1,5 kg de sucre, 5 l d'eau, 2 citrons (jus), Levure universelle, Sels nutritifs
    Préparation : Mettre le café et le sucre dans un récipient.- Verser dessus les 5 litres d'eau bouillantes. Remuer.- Laisser tiédir et ajouter la levure, le jus des citrons et les sels nutritifs.- Mettre en place chaude couvrir avec une étamine de façon à laisser passer l'air pour la fermentation mais pas les poussières.- Quand la fermentation a démarré, tamiser et mettre en tourie (grosse bouteille en verre) entre 20 et 29 degrés.- 24 heures plus tard mettre le barboteur*.
    - le barboteur n’a rien à voir avec le barbeau. Le barboteur est un instrument faisant passer un gaz dans un liquide alors que le barbeau ( souteneur) est un gazier qui ne prend que du liquide… Heureusement, il ne suffit pas de barboter dans l’eau pour être accusé de proxénétisme.
    - Ne pas oublier la levure " universelle ".
    Nous vous conseillons ce breuvage … a las cinco de la tarde… à cinq heures de l’après-midi : " Il était juste cinq heures de l’après-midi, le glas commença à sonner et tout le reste n’était que mort… " extrait du poème de Fédérico Garcia Lorca qui raconte une corrida et la mise à mort d’un torero.

    Et ça sert à quoi un vin de café ?… Encore un machin inutile ?… Si tout est vain , c’est fort du café ! Non ?… Pas étonnant que les héros de polars soient le plus souvent désespérés dans leurs villes noires.



    Bonus " noir et rouge " pour les amateurs de Rugby : Claude Nougaro chantait Toulouse : "Malgré ton rouge et noir, on te dit Ville rose… ". Pourquoi le rouge et le noir du Rugby Club du Stade toulousain ? Il s’agirait en fait d’une référence aux capitouls, en raison de la couleur des manteaux qu’enfilaient les magistrats municipaux à leur prise de fonction jusqu’en 1789. A moins que cela fasse référence au roman de Stendhal... Toulouse, ville rose, a son mystère en noir et rouge.



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  • Les banlieues qui s’enflamment, on connaît...
    Les émeutes de 2005 dans les banlieues françaises sont des violences urbaines qui ont commencé à Clichy-sous-Bois le 27 octobre 2005 puis se sont répandues dans un grand nombre de banlieues pauvres à travers la France. L'état d'urgence a été déclaré le 8 novembre 2005, puis prolongé pour une durée de 3 mois. Au 17 novembre, la police déclare être revenue en situation normale.



    Il y a eu des centaines d’articles et des bouquins comme celui de Gérard Mauger : L’Émeute de novembre 2005 Une révolte protopolitique



    Présentation du livre de Gérard Mauger:
    Novembre 2005 : parallèlement à l’émeute où s’affrontent " jeunes des cités " et policiers, se déroule une " émeute de papier " où se confrontent représentations hostiles ou favorables aux émeutiers : reportages et éditoriaux des journalistes, déclarations des hommes politiques, interprétations contradictoires des intellectuels. Cette émeute de papier fait évidemment partie de l’émeute. Pour rendre compte de l’événement, il s’agit donc d’établir à la fois une version contrôlée des faits – ce qui s’est passé dans les banlieues –, un répertoire raisonné des prises de position – ce qui s’est passé sur les scènes médiatique, politique, intellectuelle –, et de confronter les interprétations proposées aux faits établis. Si l’on renonce à des énoncés plus proches de l’exhortation ou de la dénonciation que de la description, force est de constater qu’au regard du répertoire d’action politique institutionnalisé, l’émeute de novembre 2005 s’apparente évidemment plus à une révolte " protopolitique " qu’à un mouvement social organisé.

    " Cette révolte exprimait une indignation collective " et l’auteur ajoute : "… parce que, en l’absence d’un travail de politisation, depuis longtemps abandonné dans les ex-banlieues rouges, les formes d’expression de l’"émotion populaire" s’apparentaient manifestement plus aux révoltes des siècles passés qu’à une manifestation "République-Bastille", cette rébellion se situait "hors cadre" par rapport au répertoire légitime d’action collective. Elle était donc susceptible d’être rejetée "hors politique" (dans le "droit commun") : de ce point de vue, l’émeute de novembre 2005 apparaît comme une révolte "protopolitique".



    Les jeunes de banlieue, on les connaît mal. Alors on les caricature, en ne reculant devant aucun amalgame toujours négatif. On échafaude des théories : " les unes déduisent le caractère "politique" de l’émeute des effets politiques constatés, les autres justifient le label politique par les "causes" prêtées à l’émeute : révolte du "précariat" pour certains, révolte des "ghettos" ou des "minorités visibles" pour d’autres...

    Bien sûr, des films ont été réalisés mais il s’agit de fictions reprenant en grande part l’imaginaire collectif, à commencer par le film de Mathieu Kassovitz, " La haine " dont la sortie remonte à 1995….
     
    LES FILMS:
     
    - La Haine , film de Mathieu Kassovitz



    Synopsis : Au lendemain d'émeutes dans la cité des Muguets, trois jeunes amis Vinz, Saïd et Hubert, aveuglés par la haine du système français, vont vivre la journée la plus importante de leur vie, car aujourd'hui, ils ne sont plus trois mais quatre. Vinz a trouvé le pistolet d'un policier lors des émeutes.

    Après plusieurs années d’incidents de plus en plus graves et récurrents dans les zones urbaine périphériques et la mort de Malik Oussékine, le film stigmatise la vie des jeunes de banlieue autour de la haine pour les forces de maintien de l'ordre, ce qui fut à l'origine d'un débat d'opinions concernant son influence, en tant qu'œuvre cinématographique, sur la société.

    Le film eut un succès commercial important et provoqua une controverse en France concernant son point de vue sur la violence urbaine et policière. Le Premier Ministre d'alors, Alain Juppé, a selon la rumeur organisé une projection spéciale du film en demandant aux membres de son ministère d'y assister

    Ce film ne donne raison ni aux protagonistes ni à la police. Il montre comment s’installe la spirale de la haine. La société bien pensante, la tête dans le sac laisse l’autorité par le biais de la police en découdre avec la délinquance. Les deux camps manipulés par la bonne conscience éloignée des conflits s’affrontent faute de solution. Ce film a été tiré d'une histoire qui s'est présenté dans le quartier des Sapins à Rouen. Ces trois copains représentatifs d’une nouvelle structure, " le quart monde " sont sympathiques, ils sont drôles par leurs expressions et leurs mimiques. Ils existent par l’outrance, seul élément où l’on peut encore les remarquer. La crise des banlieues a permis à ce film pamphlet de dénoncer une responsabilité globale, l’indifférence.
     

    - Banlieue 13 , film de Luc Besson



    Synopsis : Paris, 2013. Damien est l'élite de la police. Officier d'une unité spéciale d'intervention, expert en arts martiaux, il est passé maître dans l'art de l'infiltration et sait mener à terme ses opérations par des actions rapides, précises et néanmoins musclées. Et c'est bien la mission la plus extrême de sa carrière qui vient de lui être confiée : une arme de destruction massive a été dérobée par le plus puissant gang de la banlieue. Damien est chargé d'infiltrer dans le secteur pour désamorcer la bombe ou la récupérer.

    Luc Besson s’est largement inspiré de New York 1997, un classique de John Carpenter, tourné il y a plus de vingt ans... de la violence à l'américaine avec plein de bagarres. Une production Luc Besson avec une question qui se pose : Comment interpréter le fait que le message de Banlieue 13 pourrait être : " vous avez bien raison, amis des cités de haïr ceux qui n’y vivent pas, de toute façon ces gens vous honnissent et voudraient vous voir rayés de la carte. Ne comptez ni sur la police, ni sur l’Etat, ni sur l’armée. Faites la justice vous-mêmes en tunant vos voitures et en apprenant le kung-fu.". Banlieue 13 est présenté comme une œuvre de " politique-fiction " et nous propulse avec de multiples cascades en 2010 ! La question plus actuelle et plus réelle restant qui sera élu en mai 2007.

     
    - Ze film, film réalisé par Guy Jacques



    Synopsis : Depuis toujours, son rêve a été de réaliser son propre film, de monter les marches du Festival de Cannes, et bien sûr d'avoir la Palme d'or. Rien d'étonnant à ce que ses potes l'aient surnommé Kubrick. Seulement voilà, leur décor quotidien c'est la banlieue. Après une nuit d'errance, Toxic se réveille en plein milieu d'un tournage, où les techniciens le prennent pour un stagiaire mal réveillé. Quand on lui demande de manière trop agressive de déplacer le camion 2ème équipe image, il sait qu'en le conduisant un peu plus loin que prévu, il sera un autre réalisateur : Kubrick de Bobigny. Réunis dans la cour de leur immeuble, le camion désossé, le matériel camera rangé, lui et ses amis commencent le casting de leur future grosse production : Roméo et Juliette à Bobigny.

    Maurice Ulrich ( L’Humanité) : Ce pourrait être une pantalonnade avec pour alibi la banlieue. C'est bien autre chose. Un film dans la banlieue, certes, mais pas un film sur la banlieue. Un film qui sonne constamment juste, et dont l'humour, sans forcer le trait, est davantage à chercher du côté des grands classiques, Chaplin, voire même Lubitsch, que de certains films d'aujourd'hui aux grosses ficelles censées faire rire.
     Alain Spira (Paris Match) : Ce film hip-hop est surtout une déclaration d'amour au cinéma et à ceux qui le font. (...) C'est ce qu'on appelle un film tombé du camion, alors sautez sur l'occase...

    Extrait d’interview de Toxic et Kubrick ( principaux acteurs)
    Vous pensez que le film va aider a casser cette image caricaturale des cités ?
    T. J’espère bien, c’est un peu pour ça qu’on l’a fait. Il faut arrêter de manipuler les gens ça devient lourd. Notre trio dans le film ne représente pas des lascars juste trois bons potes qui montent un projet. On fait pas " Envoyé Spécial au cœur d’une cité à Bobigny ! " C’est une comédie réaliste qui a un regard sur la banlieue au moins aussi juste que celui de Ma Cité va craquer. On espère que les gens vont être surpris parce que c’est une comédie qui a du fond !
    K. Pour moi c’est pas un film sur la banlieue mais un film qui a été tournée en banlieue ! C’est surtout un film d’amitié.
    Il y a un film sur la banlieue qui vous a marqué ?
    K. L’esquive d’Abdellatif Kechiche, un film qui retranscrit le quotidien de la banlieue.

     
    - L’esquive, film réalisé par Abdellatif Kechiche, le meilleur à nos yeux.



    Synopsis :Nous voici dans une cité HLM telle qu'on croit en connaître. Des jeunes vont et viennent. Les premiers moments de ce film nous les montrent au cœur de leurs échanges. Cà parle… çà parle vite, çà parle fort. On n'y comprend rien! A dessein, sans doute, nous sommes plongés dans un monde qui, pour beaucoup, n'est pas le nôtre. Un clin d'œil pour que nous entrions dans une réalité qu'on pourrait croire irréaliste! Comme s'il fallait un sas de "décontamination" qui tente de nous libérer de tous nos à priori… Que font les jeunes de cette cité? - le film est tourné à Saint Denis mais nous ne savons jamais où nous sommes puisque l'enjeu est ailleurs…- ils sont motivés par un projet qui paraît fou. Leur professeur de français les a engagés dans une aventure inimaginable: monter la pièce de Marivaux, "le jeu de l'amour et du hasard", pour la fête qui se prépare… Abdelkrim, dit Krimo, quinze ans, vit dans cette cité HLM de la banlieue parisienne. Il partage avec sa mère, employée dans un supermarché, et son père, en prison, un grand rêve fragile : partir sur un voilier au bout du monde. En attendant, il traîne son ennui dans un quotidien banal de cité, en compagnie de son meilleur ami, Eric, et de leur bande de copains. C'est le printemps et Krimo tombe sous le charme de sa copine de classe Lydia, une pipelette vive et malicieuse...

    Commentaire sur Wikipédia : « L'Esquive parle de beaucoup de choses : analyse sociologique fine, le film montre ce qu'est la vie d'un adolescent des cités, loin des clichés habituels et sans mièvrerie. Ce film n'aborde pas les sujets du racisme, des « tournantes », des dealers. On n'y voit pas d'armes à feu. Le langage parlé par les protagonistes du récit (parfaitement naturel, on pourrait croire qu'il y a là une grande part d'improvisation mais ce n'est pas le cas) tient une place primordiale dans le film. On perçoit le besoin et l'envie de communiquer, et on mesure aussi les lacunes du vocabulaire des cités : celles-ci font que les moindres situations peuvent basculer en quiproquos amusants ou au contraire très graves »



    ... ET DU COTE DES RAPPEURS :

    On a fait une telle stigmatisation des quartiers populaires de banlieue, qu'il est devenu quasiment révolutionnaire d'y situer une action quelconque sans qu'il y ait de tournantes, de drogues … Des clichés qui font oublier les raisons de la révolte de ces jeunes. Parmi eux, beaucoup sont originaires de pays où la misère est encore bien plus grande que dans leur HLM. Ils se révoltent contre leur enfermement, sans oublier leurs congénères qu’on laisse assassiner et crever de faim chez eux.

    Alain Juppé avait organisé une projection du film " La Haine " devant ses ministres et des responsables de la police nationale. Il s’agit d’un film, c’est-à-dire d’une fiction avec ses textes, ses images, ses montages et ses outrances. Pour essayer de comprendre cette haine, il y a un autre moyen plus simple : écouter les jeunes de banlieue à travers leur musique. Parmi eux, nous avons entendu un jeune rappeur qui a pris le nom d’une célèbre série américaine " Soprano ". Il a commencé une carrière en solo avec un disque " Puisqu’il faut vivre " sorti en février 2007. Il passe ce soir au Moulin de Marseille, avant de faire une tournée dans plusieurs grandes villes. Soprano parle " avec ses lèvres en gants de boxe " et chante les désespoirs de tous les laissés pour compte. Il attaque avec des mots souvent armés mais justes. Il vise les consciences et, pour peu qu’on l’écoute, il fait mouche. Il aime avec la haine mais il aime quand même et, s’il use parfois de l’agressivité, c’est pour mieux faire mesurer le désarroi d’un jeune de banlieue qui ne pourra pas être un Zidane pour sortir de son ghetto. Nous n’allons pas commenter davantage ses textes car ils y perdraient de leur force. Soprano chante avec ses mots et les échos que les jeunes lui renvoient témoignent de l’authenticité de sa parole. C’est une nouvelle voix dans le monde turbulent des rappeurs : une voix humaniste. Il ne fait pas peur. Il rassure car il montre de la générosité là même où l’on pourrait penser ne trouver que de la misère, et de la force morale dans ce que l’on désigne comme une jungle. " Je me révolte, donc nous sommes. ", écrivait Albert Camus. Soprano porte sa révolte et celle d’autres jeunes " black,blancs, beurs " qui veulent exister. Plus de fraternité et d’égalité dans notre trilogie républicaine, est-ce trop demander? Le refus des absurdités doit-il faire peur ? Il ne s’agit pas d’alimenter quelque démagogie que ce soit mais, après les émeutes, de ne surtout pas tomber dans les pièges du racisme et de la xénophobie. Pour Camus loin d’engendrer un rejet dédaigneux du monde, la prise de conscience de l’absurde doit conduire, au contraire, à l’action et à la révolte, c’est à dire au double refus de la passivité nihiliste et de la consolation religieuse… Il est temps de passer le mic (micro) à Soprano !

       
     
    Paroles de Passe moi le mic … ( Mic… prononcé " Maïk ")
    Passe moi le mic que je représente tous ces quartiers de France, toutes ces sentences, tous ceux qui subissent l'intolérance, l'inégalité des chances, toute cette misère que les médias maquillent en délinquance!
    Passe moi le mic que je représente ces femmes de ménage, ces pères au chantier, ces fils dans l'usinage, ces mères isolées, ces grands frères alcoolisés! En gros tous ces foyers détruits par le manque de monnaie!
    Passe moi le mic que je représente les sans papiers, les exilés, les expulsés, toutes ces familles qui vivent dans l'insalubrité, ces familles colonisées qui voyaient la France comme un terre de liberté!
    Passe moi le mic que je représente cet Islam de paix, cette mixité entre communautés, la richesse du métissage, cet arc-en-ciel qui fait que la France a aujourd'hui le plus beau paysage!
    Passe moi le mic que je représente cette sœur avocate, ce frère médecin, ces frères à la fac, ceux qui " taffent " au black, ces patrons de snacks, ceux qui touchent le smic, tous ces bac +8 qui squattent l' Assedic !
    Passe moi le mic que je représente cette jeunesse qu'on empêche de rêver, cette jeunesse qui a besoin d'exprimer sa liberté et ses idées, qui a besoin de s'évader, cette jeunesse qui a besoin d'exister!…

    Présentation :
    Après deux albums disque d'or et plus de 250 concerts avec son groupe, les Psy 4 De La Rime, Soprano a décidé d'entamer une carrière solo en parallèle à sa carrière au sein des Psy 4 De La Rime. C'est sous son propre label, Street Skillz Records, qu'il a sorti en octobre " Psychanalyse Avant L'album ". A travers une rétrospective de la carrière de Soprano, " Psychanalyse Avant L'album " permet d'entrevoir tout l'univers et le concept de son premier album solo " Puisqu’il faut vivre ". Au programme, classics, morceaux phares, freestyles, raretés, inédits et invités surprises, mixés et enchaînés par Cut killer. Le premier single tiré de " Puisqu'il Faut Vivre " est " Halla Halla ", il est disponible à l'écoute sur le site officiel de Hostile Records, mais aussi présent sur " Psychanalyse Avant L'album.

     
    Autres extraits de paroles :

    *Mélancolique Anonyme, avec une introduction originale…

    - Bonsoir à toute et à tous ; Bienvenue à notre réunion hebdomadaire des mélancoliques anonymes… Réservons un accueil particulièrement chaleureux aux nouveaux, pour qui ça n' a certainement pas été facile de venir jusqu'à nous. Nous allons débuter cette réunion par un témoignage. Qui veut se lancer?
    - Moi
    - Toi? et bien nous t' écoutons..
    - Merci ! Bonsoir je m'appel’ said
    - Bonsoir said
    J' ai 27 ans et j' suis mélancolique
    J'suis d'ces artistes qui écrivent leur vie
    comme on laisse une dernière lettre près d'une boite de Prozac vide
    ça a été très difficile pour moi de venir ici d 'accepter ma dépendance à la mélancolie
    le déclic a été de voir ma mère recracher en larme tout ce qu' elle a bu de mes bouteilles à la mer
    je m' en veux de la voir si triste alors qu' elle n'a jamais été la lame de mes cicatrices
    ni personne de ma famille d'ailleurs mais leur tailleur est noir à chaque fois qu'ils écoutent mes disques
    j'ai pris le risque de faire de la musique
    d' étaler ma vie au public pour soigner un mal de vivre
    j'prens conscience de mon égoïsme
    quand je vois comment ils subissent le succès de mes lyrics
    je remplis mes vers de rimes mélancoliques
    et ma voix frise le coma’ éthylique sur rythmique…
     
    *Bombe humaine

    Toi qui n’as plus rien à perdre depuis que l’ange Gabriel s’est habillé en militaire
    Pour te prendre père, frère et mère, qui n’as plus de repère
    Qui regardes le ciel avec espoir de voir pleuvoir des aides humanitaires
    Toi qui n’as connu que la guerre, qui ne vois pas d’char reculer malgré tes jets de pierres
    Toi qui erres entre tombeaux et civières, toi qui dépouilles des cadavres pour te réchauffer l’hiver
    Toi ce solitaire qui n’a pas d’orphelinat pour l’accueillir, qui n’a que des fous de dieux pour l’applaudir
    Toi que l’Occident a oublié, toi qui reçois de la pitié qu’au moment du journal télévisé
    Toi qui crois qu’on en a rien à foutre de c’qui s’passe à l’Est
    Toi qui n’as pas totalement tort, vu qu’on goûte notre liberté bien au chaud dans notre confort
    Toi qui n’as que 15 ans, qui n’connaîtras jamais c’qu’est le bonheur d’être un enfant
    Toi qui fixes ce char américain qu’est devant toi, s’il te plaît ne deviens pas Bombe humaine (x4)
    Toi qui n’as plus rien à perdre, t’avais une vie extraordinaire
    Toi qui aujourd’hui ne peux voir ton fils que chez son beau-père, toi qui n’as plus de frère
    Pour cette femme qui aujourd’hui s’envoie en l’air avec ta pension alimentaire
    Toi qui ne vis plus qu’à l’hôtel, qui passes ses nuits dans des bars pour te noyer dans des cocktails
    Toi qui n’as plus de job depuis qu’au chantier tu crois être complètement sobre
    Toi qui collectionnes les rappels de trésor public, toi pour qui la garde parentale se complique
    Toi qui deviens aigri, qui perds tous ses repères, toi qui " paranoyes " même sur la sympathie de ta boulangère
    Toi qui détestes les hommes heureux, toi qui traites toutes les femmes de putes et toi qui détestes Dieu
    Toi qui fonces vers ce centre commercial, jette-moi ces explosifs, s’il te plaît ne deviens pas Bombe humaine (x4)…
     
    POUR PLUS :
    Sites des paroles : http://www.rap2france.com/paroles-soprano.php

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