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Difrade le
30 Avril 2008 à 10:31
Approche du polar régional et du polar corse.
Cest Manuel Vasquez Montalban (mort à Bangkok en 2003) qui, avec sa ville Barcelone, en a ouvert la voie dans les années 1970. Il est linventeur de Pépé Carvalho, personnage représentatif de la capitale catalane espagnole. Il a déclenché lapparition dune vague dauteurs revendiquant leur identité, leur culture, leur ville, leur pays dorigine
En premier lieu en France et en Italie.
En Italie, Andrea Camilleri ( 82 ans ) va même appeler son héros récurrent " Montalbano " en hommage à lauteur catalan et en France, Jean-Claude Izzo ( décédé le 26 janvier 2000 à Marseille) va sinspirer de Pépé Carvalho pour inventer Fabio Montale (Montale comme Montalban). Depuis lors dautres auteurs ont émergé en Europe comme Petros Markaris en Grèce mais aussi, autour de la Méditerranée jusquau Maghreb comme lAlgérien Yasmina Khadra en Algérie, le Marocain Driss Chraïbi ( décédé en avril 2007 en France, à Crest dans la Drôme).
Andréa Camilleri est l'auteur le plus lu en Italie. Son héros le commissaire Montalbano est un sicilien acharné à faire toute la lumière au bout de ses enquêtes. Son auteur na jamais caché que, depuis son enfance, il vouait un culte particulier au Commissaire Jules Maigret. Il a lu Simenon alors quil signait encore sous le nom de Georges Sim et quil était publié par un bimensuel italien, découvrant une série complète des Maigret éditée par Mondadori, éditeur italien, le flic de Simenon est devenu un modèle pour lui. Montalbano est devenu le modèle pour des auteurs insulaires comme Camilleri.
Le polar sest alors glissé dans les littératures régionales que Mlle Elodie Charbonnier, docteur es Lettres modernes, a défini dans un mémoire de thèse dont nous avons relevé des extraits:
Si la littérature se décline en plusieurs genres reconnus, la "littérature régionale " nen fait pas partie. Pourtant, il sagit bien dune forme littéraire particulière se distinguant du roman ou de la nouvelle généraliste. Présente au cur de nos terres, cette littérature porte en elle une culture et retranscrit lâme de sa région. Certes, notre étude ne portera pas sur les langues régionales mais il est indéniable que cette littérature contient des particularismes linguistiques propres au régionalisme. Ainsi, les nombreuses expressions linguistiques régionales ne sont guère employées dans la littérature dite "généraliste ". De fait, il ne faut pas ignorer les spécificités propres à chacune de ces régions pour les englober dans une unicité nationale.
La littérature corse résulte des pratiques ancestrales dune littérature orale. Ayant subi des transformations constantes par lalphabétisation et lapparition de supports écrits ou audiovisuels, elle conserve encore aujourdhui les traces de son histoire. Ainsi, certaines pratiques des littératures orales se sont donc transformées en littératures écrites ou même chantées. Evidemment, toutes les régions françaises ne revendiquent pas autant les questions identitaires que la Corse, lAlsace ou bien la Bretagne. Néanmoins, toutes les régions possèdent une identité, une histoire et des particularismes propres parfaitement représentés par la littérature régionale.
Garante de la conservation et de la protection dun patrimoine culturel, la "littérature régionale " devrait être au cur de certaines préoccupations. En effet, à lheure de la mondialisation, nombreuses sont les entreprises réalisées pour préserver les régions dune unicité nationale ôtant toutes les spécificités locales. Ainsi, la démarche de reconnaissance dune littérature régionale en tant que telle sinscrit dans le contexte actuel de conservation de lidentité des minorités culturelles.
Souvent jugée péjorativement et réduite au simple folklore local, la "littérature régionale " est pourtant un genre abondant qui concerne de nombreux acteurs du livre. Il répond ainsi à une demande dun public soucieux de se rapprocher de sa région, de sa culture.
" Cest au moment fort dune prise de conscience que la littérature régionale émerge de par la volonté dun groupe qui la voit comme un bien collectif important à revendiquer et à développer ". La littérature régionale, liée au développement et à la survie du groupe quelle représente, "vivra plus ou moins dans la mesure où elle accompagnera ce groupe dans son cheminement historique ".
" Je considère comme littérature régionale tout ouvrage littéraire de langue française affichant un rapport à sa région et édité dans celle-ci. Le choix des auteurs régionaux est le premier critère de sélection des ouvrages. Selon moi, lauteur ne doit pas nécessairement être issu de la région dont il sinspire, ni forcément y écrire, pour lutiliser à des fins littéraires. Dans lobjet de ma problématique, il semble moins intéressant de considérer comme écrivain régional lauteur qui possède ses racines en région, qui y écrit et y est édité mais qui ny sy réfère jamais. Différentes thématiques permettent de situer les ouvrages littéraires régionaux. Utiliser la région comme lieu daction romanesque est une première possibilité ; ainsi, elle apparaît comme un repère géographique et culturel pour lauteur mais aussi pour le lecteur. Lintervention dun folklore régional incluant contes et légendes populaires est un autre moyen de "régionaliser " son ouvrage tout comme lutilisation de la mémoire collective ; par cette dernière, jentends parler des ouvrages littéraires liés à une histoire locale touchant des événements comme la Résistance en Alsace au cours de la seconde Guerre Mondiale ou le Débarquement en Normandie ", conclue Mlle Elodie Charbonnier.
Le polar corse :
Mantalban, Camilleri et Izzo ont ouvert la voie du succès au polar régional. Le Sicilien Andréa Camilleri a forcément une influence particulière sur des auteurs corses de polars, par linsularité partagée sur des îles aux histoires parallèles.
Le roman est un genre qui a eu du mal à senraciner en Corse ou la culture est de tradition orale, donc plus tournée vers la poésie et le théâtre. La littérature orale corse n'a jamais été fermée sur elle-même et visait à intéresser toutes les classes de la société. Les uvres circulaient sur lîle, véhiculées par les bergers transhumants, les marchands ambulants, les colporteurs et de simples voyageurs. Elles s'exportaient parfois au-dehors, notamment vers les îles voisines comme la Sardaigne qui est la plus proche.
La diffusion de la littérature orale n'a pas de frontières matérielles et morales. Les créations littéraires insulaires ont subi des influences extérieures et, en particulier, venues dItalie géographiquement proche. La littérature orale insulaire sest donc formée à partir des mélanges de plusieurs littératures populaires et étrangères.
L'influence des diverses idéologies et des divers phénomènes culturels du bassin méditerranéen est indéniablement ressentie au travers de la littérature populaire corse. Le polar est une littérature populaire qui fait la suture entre le parlé et lécrit. Imagine ! me disait Joël Jegouzo (du site Noir comme polar). Savoir, comme dans un chjamé rispondi, syncoper son présent, le plier aux contraintes de lhistoire tout en exposant cette dernière à la (petite) frappe de lactualité. Faire entrer dans linsolite dune voix individuelle une réponse sociétale. Pas étonnant, en outre, que le polar y tienne une place de choix, pour toutes les raisons déjà données à son sujet dans ce numéro et pour cette autre quil porte, mieux quaucun autre genre, lui-même trace de la structure Chjamè rispondi : et la contrainte des règles du genre et la liberté sans laquelle le chant ne serait quune rengaine exténuée.
Le polar corse existe
Les thèmes imaginaires ou réels inspirent les auteurs corses dans une île noire et rouge sur fond de bleu marin et azuréen. On peut en dresser un inventaire en vrac et non exhaustif : la politique, les autonomistes, les barbouzes, les révoltes, la musique et les chants, lécologie, la désertification, la pauvreté, le chômage, le huis clos, les mythes, les légendes, le banditisme
mais aussi les particularités : lomerta, lhonneur, le clanisme, la cursita (ce mal du pays qui rend lexil, douloureux, cette nostalgie hors de lîle bien particulière apparentée à la " saudade " brésilienne et portugaise. En Corse, le tragique côtoie lhumour
Lhumour y plusieurs formes ; le taroccu fait de malice et de mélancolie
la macagna plus caustique et lautodérision. Il y a surtout la volonté dêtre corse : un corps, plutôt quun corpus à ressasser. Et donc la nécessité de rompre avec une représentation véhiculée par le vieux continent dune terre mystifiée et par mystification, entendons toutes les dérives intra et extra muros que la Corse a connues ou subies.
Dans une anthologie présentée par Roger Martin, on peut lire au sujet du genre policier comme étant universel : " Cette universalité société, police, crime, nature humaine permet davancer que le genre policier, quil soit français, anglais, espagnol, russe ou japonais, sabreuve à des sources communes, auxquelles bien entendu, il convient dajouter celles propre au génie et à lhistoire de chaque peuple "
En France, alors que le polar devenait un genre littéraire répandu chez les lecteurs, les auteurs et les éditeurs, il restait cantonné dans la capitale ou bien à létranger car les éditeurs choisissaient de traduire les grands auteurs anglo-saxons. Dans ce contexte jacobin, un Corse, José Giovanni va devenir un auteur et un cinéaste célèbre. Ancien taulard, il va exceller dans le genre après un premier succès littéraire « Le trou » adapté par la suite au cinéma. Il deviendra un cinéaste et un romancier célèbre. Giovanni a écrit sans référence avec ses origines insulaires. Pourtant la Corse est une terre de romans noirs et de polars. En 2006, un hebdomadaire publiait un article "Terreur sur Ajaccio " sous-titre " Le gang qui fait trembler la Corse ". La première phrase est " Ils sont tous des enfants du cru et forment le noyau dur de la bande du Petit bar. Des tueurs sanguinaires
" Ny a-t-il pas là le titre et le début dun polar bien noir avec des héros hard boiled ? On y trouve même des idées de dialogue : " Hep, salut ! Je taurais bien offert un café
- Vaut mieux pas sattarder aux terrasses de bistrot en ce moment, cest trop risqué !... " La suite de larticle qui relate la réalité dune série dassassinats qui serait la suite dune lutte sanglante entre bandes rivales venant déranger les vieux truands jusque dans leur " semi -retraite " ( Le point , du 19 octobre 2006 ).
Des auteurs de nouvelles, précurseurs du polar et du roman noir, sétaient inspirés de la " légende noire de la criminalité insulaire ". Librio a publié un recueil où lon retrouve Mérimée, Balzac, Flaubert, Saint Hilaire, Gaston Leroux et deux Corses : Pierre Bonardi et Jacques Mondoloni, connu dans la Science-fiction. Depuis quelques années, on a vu émerger le polar régional. Alors que Marseille et la Corse ont alimenté limaginaire de bon nombre dauteurs et de cinéastes, il faudra donc attendre 1995 et Jean-Claude Izzo pour consacrer le polar marseillais en le faisant connaître à Paris.
A la même époque, en Corse, un Editeur ajaccien avait créé une "collection Misteri " qui a fait découvrir, entre autres, Philippe Carrese et François Thomazeau. Tous les deux font partie aujourdhui des auteurs de polars connus. " Les trois jours dengatse " de Philippe Carrese a été dabord édité dans la collection " Mistéri " en 1994 (un an avant Total Kéops qui a fait émerger le polar marseillais ), puis réédité au " Fleuve noir " en 1995. François Thomazeau est lauteur de plusieurs polars édités dans la collection Misteri et a créé, avec deux autres auteurs, " Lécailler du Sud ", éditeur marseillais qui obtient un réel succès. Les premiers polars de Thomazeau dans la collection Misteri ont été réédités par Librio. Léditeur ajaccien Méditorial a fait connaître aussi des auteurs corses comme Ange Morelli, Elisabeth Milleliri et Marie-Hélène Cotoni.
Le pionnier de la Noire made in Corsica est donc Paul-André Bungelmi avec sa maison dédition Méditorial et la Collection Misteri. Il a découvert et édité dexcellents polars commis par des auteur(e)s ayant pour la plupart fait leur chemin. A lépoque, jai lu des ouvrages « Misteri »:
- Comme un chien dans la vigne et caveau de famille, écrits par Elisabeth Milleliri
- La moisson ardente et raison détat, écrits par Archange Morelli
- Trois jours dengatze, écrit par Philippe Carrese
- La faute à Déguin et Qui a tué monsieur cul, écrits par Philippe Thomazeau.
« A lépoque (1992), dit Philippe Carrese, jai envoyé le manuscrit à plus de trente maisons dédition, y compris "Fleuve Noir". Tous lont refusé. Jai croisé Paul André Bungelmi, en corse, un type adorable qui me la pris mais qui a été dépassé par le succès du livre. Fleuve Noir a repris la suite en moins de quinze jours. Paul André est un vrai méditerranéen, il a tout de suite tout compris, tout mon coté "sudiste" que pas mal de parisiens ont encore beaucoup de mal à cerner ».
Et François Thomazeau ajoute : « Je ne connaissais Carrese que de nom et j'ai atterri chez Méditorial parce que ma mère avait vu un reportage sur "Trois jours d'engatse" sur France 3 Marseille. C'est elle qui m'a forcé à envoyer le manuscrit de Dégun à Méditorial. Comme Carrese, je ne rendrai jamais assez hommage au patron de cette maison, Paul-André Bungelmi, un honnête homme comme on n'en fait plus. Il a arrêté l'édition faute d'argent et tient un bar de nuit extrêmement sympa à Ajaccio. On amène sa bouffe, y a une cheminée au fond pour faire cuire le rata, et lui fait payer le vin."
Après la cessation dactivité de Méditorial, si quelques auteurs de polars corses ont été édités, il nexistait plus de série noire insulaire. A partir de 2003, des auteurs corses se ré approprient la Corse noire et des éditions corses les éditent. Dabord Les Editions La marge avec La chèvre de Coti Chiavari de Jean-Pierre Orsi, ouvrage repris par Les Editions du Journal de la Corse après la cessation dactivité des Editions La marge. A la même époque Pur Porc de Jean-Paul Brighelli est édité hors de Corse chez Ramsay. Jean-Pierre Orsi a écrit deux suites chez le même éditeur où lont rejoint Louis Dominici et Jean-Paul Ceccaldi. En 2004, les Editions Albiana lancent la collection Néra qui a publié, à ce jour, une douzaine de romans noirs écrits par sept auteurs : Jean-Pierre Santini, Okuba Kentaro, Paul Milleliri, Pierre Lepidi, Alexandre Dominati, Jean-Marc Comiti et Jean-Pierre Larminier. N'oublions pas les femmes. Nous avons parlé dElisabeth Milleliri et de Marie-Hélène Cotoni. Il faut citer aussi Daniele Piani ( Lécume des Brocci), Arlette Shleiffer ( Molto chic et Bar rouge) et Marie-Hélène Ferrari avec le commissaire Pierruci qui en est à sa quatrième pérégrination policière en Corse. Tous et toutes sont édités sur lîle. Dautres auteurs corses ont des éditeurs continentaux comme Jean-Louis Andréani, journaliste au Monde, avec son héroïne Delphine Mailly ou bien Francis Zamponi célèbre pour son best-seller « Le colonel » adapté au cinéma par Costa Gavras et qui est lauteur de La vendetta corsa. Denis Blémont-Cerli, originaire de Lama, a écrit en 2007 son premier polar « Marseille-Corse, aller simple ». En Corse, Olivier Collard auto-édite ses polars corses.
Aujourdhui, sur l'île, des auteurs se sont regroupés dans une association et sur un site Corsicapolar. Le Webmaster du site Corsicapolar est Ugo Pandolfi, auteur de La vendetta de Sherlock Holmes. Il sest mis, aujourdhui, à la pointe de lédition en ligne pour son dernier opus « Du texte clos à la menace infinie » sorti chez « lulu.com ».
Un festival du polar corse et méditerranéen a ouvert à Ajaccio en juillet 2007 et sa deuxième édition est programmée du 4 au 6 juillet 2008. Ils y ont invité des auteurs méditerranéens et des animations sont déjà prévues. A loccasion ils présenteront leurs nouveaux ouvrages et un recueil collectif de nouvelles : des Noirs de Corse, «Piccule fictions» écrites au profit de lassociation corse Handi 20 crée en faveur des handicapés.
Vous pouvez retrouver tous les auteur(e)s corses et leurs ami(e)s sur le site Corsicapolar à ladresse suivante : http://www.corsicapolar.eu
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Difrade le
17 Avril 2008 à 13:40
Approche du roman noir de l'après Mai 1968:
Didier Daeninckx a donné sa définition du roman policier : " un type de roman dont lobjet se situe avant la première page " ; et celle du roman noir : " Un roman de la ville et des corps en souffrance ".
Cest Jean-Patrick Manchette qui a inventé létiquette « Neo-polar ». Il est entré dans la Série noire en 1971 avec un roman signé sous le nom de Jean-Pierre Bastide " Laissez bronzer les cadavres ". La même année, LAffaire NGustro de Manchette et en 1972, La Nuit des grands chiens malades écrit par A.D.G seront les deux romans les plus novateurs de ce que les critiques ont considéré comme une nouvelle école du polar.
Aujourdhui le terme néo-polar est une référence historique qui marque la rupture sociale de Mai 1968 et la rupture littéraire avec le roman policier. Cest le début de ce que lon a appelé aussi le roman noir social. Cest Manchette qui avait inventé cette étiquette de néo-polar pour démarquer le roman noir social du roman policier et du Thriller. On peut considérer que, sous linfluence de hard boiled, en France le roman noir a évolué en roman social baptisé « Néo-polar ». cest le roman de la vigilance ! De la résistance ! De la transgression!
A la suite de Manchette, les " barons " du roman noir sont Jean Vautrin ( A bulletins rouges, Billy Ze Kick, Boody Mary, Groom, Canicule), Marc Villard ( Légitime démence, Nès pour Perdre, Corvette de nuit
) , Frédéric H Fajardie (Tueurs de flics, Le souffle court, Clause de style, La théorie du 1%), Hervé Prudon ( Mardi gris, Tarzan malade, Banquise
), Joseph Bialot (Le salon du prêt à saigner ; Le sentier, Babel ville
), Sébastien Japrisot ( Compartiment tueurs, La dame dans lauto avec des lunettes et un fusil) qui est devenu scénariste pour le grand écran ( Le passager de la pluie, La course du lièvre à travers les champs
) ou encore Jean-François Coatmeur, Hervé Jaouen, Hugues Pagan, Jean-Hugues Opel, Tonino Benaquista
En 1979, les collections " Engrenage " et " Sanguine " furent créées pour ce nouveau genre. Les auteurs et les éditeurs de ce que Manchette a étiqueté du terme « néo-polar » ont voulu vendre des bouquins bon marché et cest toujours dans cet esprit que fonctionnent certaines collections.
Dans les années 1980, des auteurs réalisent et scénarisent une série policière «Néo polar », anthologie dhistoires inspirées de romans du néo-polar français. Sept épisodes ont été diffusés sur Canal+ en 1984 et FR3 en 1985. Dans la distribution, Michel Beaune, Dominique Blanc, Jean-Pierre Léaud, Vincent Lindon, Claude Nougaro, Florent Pagny. Parmi les scénaristes, on trouve Férédric Fajardié, Hervé Jaouen et Marc Villard entre autres ; et parmi les réalisateurs , Jean-Pierre Bastid, Michel Andrieu, Patrick Jamain
Quelques titres dépisodes : Shangaï Skipper, La Théorie du 1%, Salut ma puce, Des choses qui arrivent, La Mariée rouge, L'Amour en gâchette et Un père anonyme.
On voit apparaître des néo- polars dans des collections grands formats.
http://www.evene.fr/info/guide-livres-ete-2006/portrait-interview.php?id=366
Manchette disait que le polar était une littérature ferroviaire et dinsomniaque. Jean Bernard Pouy sera surnommé " lhomme des trains " après avoir écrit un premier roman ferroviaire " La vie duraille " cosigné avec Daniel Pennac et Patrick Raynal. On lui doit aussi « Train perdu, wagon mort ». Il a multiplié les romans avec des titres évocateurs comme Spinoza encule Hegel et, après lintroduction, la pénétrance
le deuxième volet : A sec ! (Spinoza encule Hegel : le retour) dans lequel il écrit tout le bien quil pense du foot-ball. Le «Hegel 4 » du néo-polar ( Hegel four et non pas Eagle 4 dont traduction : Il gueule fort !) saffiche donc spinozien ». Il a son idée sur le polar et lévolution du polar. Il la exprimée sur le site Noircommepolar où il déroule un feuilleton « Les compagnons du veau dor » et tient une chronique. On a pu y lire : « Parce que ça fait un paquet de temps et de textes que le roman noir a gagné. Le roman policier est à enfoncer dans les poubelles de lHistoire, le thriller dans les chiottes du néo-freudisme et le roman à énigme dans le compost du sudoku. Et ça depuis Sophocle, Dostoeivski ou Gadda
.Ces putains de polars accompagnent efficacement la mondialisation (pour le plus grand nombre) et lInternationalisme trotskiste (pour les plus "radicaux"). Faire gaffe, quand même, à ce mot : polar, qui, sil rime pauvrement avec soixante-huitard, rime aussi avec vicelard, ringard, connard, faiblard, etc
"
Propos " couillus " sur le polar qui rime aussi avec " Jean-Bernard », leader du néo-polar canal historique, et lorsque lon dit « couillus », cest quil y a dans les formules du poil à gratter. Lintégralité est sur le site Noir Comme Polar à ladresse ci-dessous :
http://www.noircommepolar.com/f/actu_archives.php
Jean-Bernard Pouy sest intéressé à la « polémique » sur lorigine du roman policier. Il aurait trouvé (dit-il
! ! ! ? ? ? ) une pièce inachevée de Pierre Corneille (17ème siècle) qui pourrait être considérée comme une ébauche de mise en scène policière. Il en donne un extrait à ladresse ci-dessous :
http://www.noircommepolar.com/ktml2/images/uploads/pdf/brocante.pdf
Nota : Une étude graphologique a été demandée pour établir lauthenticité du document.
Jean-Bernard Pouy est à lorigine de laventure de Gabriel Lecouvreur, alias Le poulpe à cause de ses longs bras. Cest une collection de romans inaugurée en 1995 par Jean Bernard Pouy avec « La Petite écuyère a cafté ». À partir de sa fiche identitaire, ce personnage a vécu sous la plume de nombreux polardeux revendiquant leur opinions de gauche et anti- Front national. Les petits polars du Poulpe sont édités par les Editions La Baleine au premier petit prix de 39 francs. " Quest-ce qui fait courir Gabriel le juste ? Linjustice, surtout si elle est pratiquée par un patron sans scrupules, un intégriste vachard, des néo-nazis pédophiles, des trafiquants de cassettes porno et des politiciens véreux. Défenseur dune gauche orpheline de ses promesses évanouies, Lecouvreur va, court, vole et nous venge
" extrait de larticle " La pieuvre est faite " écrit par Emmanuel Laurentin dans Télérama n°2508 du 7 février 1998 dans une rubrique " La rage et le noir : le polar " pages 10 à 18.
On peut citer parmi les bons récits du poulpe, celui de Patrick Raynal "Arrêtez le carrelage ". Les Éditions Baleine ont commercialisé une bière, « La Poulpeuse», fabriquée en Bretagne. Le groupe punk Zampano a réalisé en collaboration avec les écrivains Jean Bernard Pouy et Jean-Christophe Pinpin Le bruit des boucliers (Bakalao Producto), 6 titres consacrés au Poulpe.
Après des difficultés financières et son rachat par Les Editions Seuil, la Baleine est toujours vivante au sein du groupe La Martinière. Lecouvreur, dégingandé, continue de déambuler dans des récits écrits par des auteurs différents.
L'idée de ce type de héros récurrent que s'approprient des auteurs différents a été copiée avec plus ou moins de bonheur. Citons :
- "Alias" au Fleuve noir (1997-1998 : six titres),
- "Le Furet enquête" chez Albin Michel jeunesse (1998-2001 : 32 titres),
- "Le Polar du Routard" aux Éditions Hachette Tourisme (1999-2001, 13 titres),
- "Moulard" aux Éditions de l'Aube (en 2000, 6 titres).
Les Éditions Baleine ont cherché à "publier une littérature accessible à tous, produite par des auteurs sensibles à la notion de roman populaire et de gare". Baleine a permis à de nombreux auteurs de publier leur premier roman. En 2007, cet éditeur sest enrichi de deux collections « Baleine noire » et « Club Van Helsing ». Dans la collection "Le Poulpe", trois nouveaux romans publiés entre septembre et décembre 2007 : Lalie Walker : L'Appel du barge, Jean-Marc Ligny : La Ballade des perdus et Francis Mizio : Sans Temps de latitude. À noter que les éditions Baleine ont commercialisé une bière, « La Poulpeuse », fabriquée en Bretagne. Antoine de Kerversau, fondateur des Editions Baleine, a créé en 2003 une nouvelle maison d'édition, Les Contrebandiers éditeurs - ADK, proche de lesprit Baleine par les auteurs quil publie : Bénédicte Heim, Jean-Bernard Pouy, Yves Bulteau, Gérard Alle, Jean-Paul Jody, Pierre Filoche
En 2006, Jean-Bernard Pouy a créé une nouvelle édition « Suite noire » sur le format des premières séries noires. Il a été interviewé à ce sujet sur le site Evene. Vous pouvez lire lentretien à ladresse :
http://www.evene.fr/info/guide-livres-ete-2006/portrait-interview.php?id=366
Les auteurs de la Noire française ont écrit et écrivent beaucoup, souvent des textes courts et incisifs dans lesquels, parfois par la dérision, la déjante et le sourire jusquau rire, ils dénoncent lordre établi dune société ultra-libérale «
un monstre qui avale de la chair et chie du pognon » pour reprendre une phrase dans le roman « Cloaque » de Henri-Frédéric Blanc, un auteur qui ne devrait pas tarder à écrire un Poulpe car il a le sens de la formule: "Vous verrez, quand tout sera à vendre, la vie ne vaudra plus rien", dit aussi son héros Chris dans Cloaque.
Dans lEditorial de la collection Latinoir des Editions Lécailler, Paco Ignacio Taïbo II, ecrivain mexicain de renommée internationale, écrivait au début 2007 : « Les genres littéraires se redéfinissent à force décriture et de réécriture. Poussés jusquà leurs extrêmes, ils finissent par exploser. Au cours de ces dernières années, le littérature policière a connu la mode et la facilité dont elle a trop longtemps profité. Je me souviens de Manchette qui me disait : « Nous sommes devenus trop respectables ». Le regard subversif qui, à lorigine du courant neo-polar, remettait en cause la loi et lordre, appelait vaux ruptures avec toutes les conventions, savait trouver des expérimentations formelles, une richesse linguistique, loriginalité des trames, sest peu à peu détourné et fond doucement dans la réitération. Nous mettions à nu en les révélant des faits et des histoires, et aujourdhui nous courons le risque de devenir de simples chroniqueurs
. »
Les sous-genres et les genres sont devenus poreux. Des auteurs écrivent des romans hybrides en sappropriant le roman despionnage, le roman historique, le roman daventure, la science-fiction... Dans ce qui a fait luniversalité du polar « meurtre, flic, victime, criminel, société », on peut trouver des flics cyniques, brutaux, malhonnêtes
des victimes qui sont de vrais salauds et des criminels sympathiques dans une société qui favorise la domestication et lexclusion. Dans le roman noir social, le flic ( ou plus généralement celui qui mène lenquête) peut nêtre quun personnage secondaire ou ne pas être présent. Le héros en est alors le criminel. Il ny a plus denquête mais lintrigue reste le noyau dur.
Le roman noir français décrypte le présent, stigmatise lordre établi, revisite des trous noirs de lhistoire
.
Didier Daeninckx revient sur des dénis historiques, notamment la répression sanglante du 17 octobre 1961 et la politique colonialiste de la France au début du XXème siècle. Larpenteur du réel Didier Daeninckx fait resurgir dans le présent les ombres noires de lhistoire de la France et notamment son passé colonial. Pour cela, il imbrique dans ses récits le présent et le passé, la réalité et la fiction. Tel un archéologue, il fait resurgir les dessous de lhistoire pour éclairer le présent à la lumière de ce passé mis un temps sous léteignoir.
Meurtre pour mémoire, roman qui revient sur la répression sanglante, le 17 octobre 1961, par la police parisienne dune manifestation de ressortissants algériens. Parmi les mort : Thibaud. Sagissait-il dune bavure policière ou dun meurtre ? Cest son fils, en 1981, est tué à son tour, après avoir consulté les archives de la Préfecture de Police. Linspecteur Cadin mène lenquête qui va lamener à sintéresser à un certain André Veuillot, fonctionnaire compromis sous le régime de Vichy en 1942.
Le retour dAltaï : Il sagit de la suite donnée par lauteur à son excellent roman " Cannibale ". Vous y retrouverez Gocéné, trois quarts de siècle plus tard, qui revient en France sur les traces dun kanak tué 124 ans plus tôt en Nouvelle Calédonie. De quoi sortir du formol des spectres historiques et parler aussi de la culture des kanaks, de leur humanité. La piste du repentir passe par le musée de lhomme, dans cet opus de 114 pages. Avec le retour dAltaï, Gocéné nous donne une belle leçon de ce repentir généalogique et le chef de la tribu de Kowale peut lui accorder un pardon collectif. A méditer
.Question extraite : " Vous tous qui dites " hommes de couleur ", seriez-vous donc des hommes sans couleur ?"
Didier Daeninckx a écrit, pour Shangaï express, un feuilleton " linspecteur Lentraille ", qui sifflote des refrains de Maurice Chevalier. Des meurtres sous le régime de Vichy et loccupation allemande. Le décor historique est planté. Le coéquipier de linspecteur Lentraille est un certain " Verdier ". Justement, notre auteur a publié un recueil aux Editions Verdier. Il sagit du titre : " Les cités perdus "
. à lire et un livre également sous le régime de Vichy, au titre annonciateur: Itinéraire d'un salaud ordinaire!
Daeninckx a écrit dans la série du Poulpe. A lépoque, Il avait déclenché une querelle interne, lorsquil avait révélé que Serge Quadrupani, auteur du n°2 du Poulpe, aurait fréquenté les milieux révisionnistes. On a reproché à Daeninckx davoir lancé une fatwa sur Quadrippani et il avait même du faire face à des " broncas " non littéraires notamment lors dun salon du Polar, place de la Bastille à Paris.
Une collection " Polarchives " a été crée , avec la Baleine, en 2002 par Gérard Streiff. Il sagissait de mêler une intrigue policière à un événement historique. Si des polars mêlent encore intrigues et faits historiques, cette collection sest mise en sommeil après quelques titres comme, pour exemples, Les caves de la Goutte dor écrit par Gérard Streiff ou Linconnu du Paris Rome, écrit par Gilda Piersanti. Elle a été reprise un temps par Les Editions du Passage.
La liste est longue des auteurs contemporains de la Noire: " De Dominique Manotti à Thierry Jonquet en passant par Dennis Lahane ou Cesare Battisti et Paco Ignacio Taïbo II, les écrivains témoignent de leur temps et sancrent dans le réel. Même si limaginaire et lefficacité de lintrigue restent le pivot de ces fictions, la description de milieux particuliers, de marges interdites ou de professions singulières leur confère une valeur documentaire. " Christian Barbault dans un article de Valeurs mutualistes n°236 Mars/Avril 2005 article " Le polar, une passion contemporaine ". Sans oublier les femmes :Depuis 1990, des femmes se sont affirmées dans le genre avec notamment : Andréa H.Japp ( La Bostonienne), Brigitte Aubert ( Les quatre fils du Docteur March), Maud Tabachnik (Un été pourri ), Fred Vargas ( Debout les morts) , Claude Amoz ( Le Caveau ) Catherine Fradier ( Camino 999)
puis sy sont maintenues, comme leur homologues anglo-saxonnes.
Lorsque Daeninckx parle dun « roman de ville et des corps en souffrance », il définit ce que dautres ont nommé le « Polarville ». Jean-Noël Blanc, sociologue, a publié en 1991 aux P.U.F une étude sur les rapports entre le roman policier et lespace urbain défini comme : « cet univers complexe, contradictoire et non- maîtrisable que représente la ville dans les sociétés industrialisées ». Dans le roman noir, des couples écrivain- ville se sont formés : Hammet- San Francisco, Chandler Los Angéles, Goodis Philadelphie
Montalban Barcelonne, Izzo Marseille.
Il y a le couple Malet Paris et puis, dans la région parisienne, la ville cest aussi la banlieue. Daeninckx décrit la sienne documentée, où les tours, les barres, les centres commerciaux, les bistrots
côtoient les usines, les friches industrielles mais aussi les îlots pavillonnaires. Au milieu de ce décors, des voleurs, des camés , des agents de sécurité mais aussi des syndicalistes, des militants dassociations de proximité, des clandestins
Cest une banlieue bien différente de celle « stylisée », presque abstraite dun Vautrin. Ce sont des banlieusards bien plus ordinaires et non des personnages pittoresques ou déjantés évoluant dans des récits picaresques. Daeninckx parle des conflits sociaux, du racisme, des sans-abris sans-papier et des magouilles immobilières.
De la ville à la région :
Le Barcelonnais Montalban et le Belge Simenon ont ouvert la voix au sicilien Andréa Camilleri. Cest sans aucun doute le sicilien Camilleri et le Marseillais Jean-Claude Izzo qui ont fait connaître le polar régional, en lui donnant sa place au sein de la littérature policière et noire. Le polar shybride. Il est en perpétuelle évolution parce quil offre une grande liberté décriture en permettant la suture entre le parlé et lécrit
Une offre que, après le Sicilien Camilleri, les Bretons, les Catalans, les Corses, les Sardes et dautres écrivains enracinés ne pouvaient ignorer. Toutes ces régions ont vu apparaître des auteurs mais aussi des éditeurs.
-
Par
Difrade le
11 Avril 2008 à 16:08
Jean-Pierre SANTINI, dans l'actualité littéraire en 2008.
Jean-Pierre
Santini se décrit comme un militant parmi les autres. Il avait situé
lintrigue de son premier roman noir « Isula Blues » dans son village
natal, Barretali (un village
mourant, déplore-t-il) où il était revenu vivre, après trente ans
dabsence. Il y décrit la Corse quil a retrouvée : une île abandonnée
dans sa désolation et ses habitants dans leur solitude. " Ici les hivers sont blancs
", dit-il. Alors lui, pour noircir les pages hivernales, il décrit ce
désert humain et cette identité corse qui se désintègre. Pour lui "les romans naissent des faillites de lhistoire ".
Après des années de militantisme engagé qui a commencé avec la création
du FNLC, il a écrit un livre intitulé " Front de Libération Nazionale,
de lombre à la lumière ". et " Nimu ", troisième roman noir dans la collection Nera des Editions Albiana.
Jean-Pierre
Santini écrit sur les Corses parce quil sest engagé dans la survie
de son peuple. Il nous offre des passages au lyrisme inspiré et donne
chair à des personnages désespérés ou désespérants. Ses ouvrages
recèlent la pensée sans concession dun militantisme qui pousse à la
réflexion. Dans Nimu, le constat est amer : "
ce pays (la Corse)
na jamais écrit sa propre histoire. Il a appris à résister à celle que
ses envahisseurs successifs ont voulu lui imposer. Cest comme une
histoire en négatif, qui, à une exception près, assez brève, na jamais
pu se révéler et permettre aux Corses de se révéler à eux-mêmes. Dès
lors, laffaiblissement constant de laffirmation identitaire était
trop souvent compensé par une exacerbation nationaliste de plus en plus
vide de sens. "
Cet auteur corse est publié depuis 1967, avec son premier roman "le non-lieu "
aux Editions Mercure de France. Nous avons cité son ouvrage sur le FNLC
publié en 2000 chez lHarmattan. Entre 2001 et 2003, cinq ouvrages ont
été édités par lEditeur Lacour : Corse, un froid au cur, Petite
anthologie du racisme anti-corse, Pour une assemblée nationale
provisoire, Un petit commerce de nuit (roman), Indipendenza : Pour une
Corse libre, démocratique et sociale.
Dans un article de Joël Jegouzo (NCP), J.P Santini avait été interviewé et sétait un peu livré, se définissant comme "un militant parmi les autres ". Depuis la création de la collection Nera, il a écrit trois ouvrages : Corsica Clandestina (2004), Isula Blues (2005) et Nimu (2006). Le militant est un écrivain à suivre ou à découvrir. En 2007, il a créé une maison dédition « A fior di carta »
Il
est à lorigine dun événement littéraire qui sest déroulé dans son
village Barretali début août 2007. Il apparaît comme un touche à
tout des genres littéraires, avec une prédilection dans ses lectures
pour la poésie ( par laquelle tout commence, dit-il ), ce qui explique
le lyrisme souvent présent dans sa prose.
Nous attendons la sortie dun ouvrage où
il fait côtoyer plusieurs genres littéraires, comme les strates de sa
vie décrivain
Il nous en avait parlé en octobre 2007 et nous avait
dit au sujet de ce manuscrit en cours décriture :
« Il s'agit en
fait d'une histoire déclinée, ou plutôt fragmentée, en plusieurs genres
( même si les frontières sont poreuses entre les genres littéraires) ».
Le titre étant provisoire, lauteur ne nous la pas révélé
Il nous
donnait toutefois quelques précisions alléchantes sur cet opus en
quatre déclinaisons soit :
Un « pré-histoire » plus quun avant-propos, qui sera une entame poétique car tout commence avec le verbe.
Un Roman noir "Le sentier lumineux" ... pas celui du Pérou !
Une nouvelle « Les cercles du silence »
Et avant de baisser le rideau, une pièce de théâtre
.
Nous
nen savons pas davantage et nous avons contacté Jean-¨Pierre Santini
qui nous a annoncé que son ouvrage est chez son éditeur. Il ne sest
pas arrêté là puisque deux autres parutions sont déjà prévues aux
Editions Clémentine dont un roman noir.
Jean-Pierre
Santini sera présent au Festival de polar corse et méditerranéen lors
de sa deuxième édition prévue du 4 au 6 juillet prochain. Il a participé avec lassociation Corsicapolar à un recueil de nouvelles « Noirs de Corses
» qui sortira à loccasion du festival. Il y a écrit une nouvelle dont
le héros est surnommé "Le pommadé". Cet ouvrage réunissant 26 auteurs
fait lobjet dune souscription et sera vendu au profit de
lassociation corse daide aux handicapés, Handi 20.
Nous
reparlerons de ces ouvrages après publication. En attendons, revenons
sur les trois romans noirs parus aux Editions Albiana.
Présentation des trois polars déjà édités chez Albiana :
Corsica Clandestina (2004):
Corsica
clandestina vient un an après la publication du livre " indipendenza "
: pour une corse libre, démocratique et sociale " et un deuxième roman
"un petit commerce de nuit " en 2003. Son premier roman "Le non-lieu "
a été édité en 1967. Le titre de "Corse clandestine " situe le contexte
de lintrigue.
La réalité corse :
Le 5 mai
1992, à 20 h 20, la tribune nord du stade de Furiani, montée en moins
de quinze jours pour accueillir un maximum de spectateurs lors de la
demi-finale de la coupe de France de football entre l'Olympique de
Marseille et le Sporting Club de Bastia, s'effondre. La catastrophe
fait 16 morts et 2 326 blessés, dont une quinzaine très lourdement
handicapés.
Un militant nationaliste, Robert Sozzi, dénonce
publiquement l'attitude des dirigeants bastiais, en reprenant les
griefs exprimés mezza vocce par les familles des victimes. Sozzi parle
fort. Sozzi parle juste. Sozzi parle trop. Le 15 juin 1993, il prend la
route depuis son village pour descendre travailler à Bastia. Un
commando l'attend dans un virage et lassassine : un avertissement
clair aux détracteurs de Jean-François Filippi . Au lendemain de Noël,
le 26 décembre 1994, il sort de sa maison de Lucciana. Il doit se
rendre à l'aéroport, dont on aperçoit les lumières en contrebas. Il va
signer à Sarcelles un contrat portant sur l'élimination des ordures
ménagères de l'agglomération bastiaise. Mais la date de son voyage a
été ébruitée. Jean-François Filippi se trouve encore sur le pas de sa
porte lorsqu'un coup de feu, un seul, retentit. L'homme s'écroule, tué
par un tireur embusqué, disposant apparemment d'un fusil à visée
infrarouge. Trois jours plus tard, le soir de ses obsèques, le FLNC
-Canal historique réplique à l'aveugle, en supprimant un autre
dissident nationaliste, Franck Muzi: Comme son ami Sozzi, il avait osé
dénoncer l'affairisme de Filippi et du SCB. Cette série de meurtres n'a
jamais été élucidée. Et les assassins - nationalistes, mafieux ou les
deux - courent toujours.
La fiction de Corsica Clandestina :
Sylvestre
Soler, entrepreneur et président de lAthlétic club de basket, est
responsable de leffondrement dune tribune du stade de Casaluccia,
agrandie à la hâte pour la finale de la coupe dEurope des vainqueurs
de coupes contre léquipe yougoslave de Belgrade. Matea Bozzi, rendue
veuve par ce drame, a constitué un comité des parents des victimes pour
exiger que la justice soit rendue. Le leader du FNLC, Vincent Franchi
soutient Sylvestre Soler, maire de la commune et bailleur de fond pour
la formation clandestine. Cest lémergence dune dissidence, organisée
par des scissionnistes purs et durs. Sylvestre Soler est assassiné sur
la route de laéroport par un tireur embusqué. Entre nationalistes, la
machine dune guerre fratricide semballe. Dans un climat social et
politique explosif, lauteur décrit leur justice expéditive. Il dresse
une série de portraits plus vrais que nature, acteurs dune vendetta
nationaliste sans pitié.
Extrait : " On ne dira
jamais assez la fragilité du monde et ici plus quailleurs sur les îles
dérivantes bercées de sels et de lumières. La lenteur du temps donne
des poètes égarés, des leaders charismatiques, des politiciens véreux
et des foules infatigables sensibles aux mythes obscurs de la nation. "
Isula Blues (2005):
Dans
Isula Blues, Jean-Pierre Santini décrit la Corse profonde : un village
perdu où les solitudes se côtoient, sévitent et parfois sépient.
Sorties du village, des âmes maquisardes errent sur les sentiers de
terre et de rocaille où lon perçoit le drame sourdre. La mort rode et
cherche sa proie
Un père et son fils, un commissaire fasciste à la
retraite, une femme aussi belle que libre, un amoureux plus âgé qui
nose pas se déclarer
Chacun a ses fêlures, ses faiblesses, ses
névroses dans une Corse désertifiée où le temps épuise la vie et pousse
à la mélancolie. Des vies se prennent dans la toile daraignée que
constitue ce récit construit sans espoir et de main de maître (du
destin). Le ludi magister vous réserve une fin à la fois tragique et
belle : un amour posthume donc éternel.
Extraits :
" Cette
île est un pays sans retour. Restent les chemins de terre où les pas se
font rares et des maisons qui ferment les unes après les autres. Alors,
les regards se tournent vers lintérieur ".
" Dominique craint
parfois que la vie de son fils ne soit à limage de la sienne. Cest
que le pays est fermé. Mais ceux qui prennent le risque de lévasion
ny reviennent jamais intact. Ils continuent de voyager. Dans
labsence. Comme des touristes que la lumière dissipe aux marches de
lété. Ceux qui restent sexercent à la mélancolie sans jamais
sémouvoir de leur sort. Quand on est dici, lorgueil commande. On
apprend à vivre seul, à exister seul, à se battre seul, à ne jamais
aimer sil le faut puisquil ny a plus personne. "
Nimu (2006)
Personne,
" Nimu ", est le titre du nouveau roman de Jean Pierre Santini qui,
dans la 4ème page de couverture, nous dit, comme un avertissement : "
Personne ne peut y échapper
" Echapper à quoi ? Au vertige de la "la
mise en abîme de cette Corse à la dérive ".
Le récit souvre sur
un lendemain de cataclysme qui, en 2033, a ravagé la région du Cap
corse, champ de ruines peuplé par les morts. Le commissaire Yann
Caramusa, enfant du Pays et flic dans la lignée dun Sherlock Homes,
survit au désastre et, en professionnel, évalue les dégâts puis trouve
quelques feuillets écrits soigneusement par Michel Casanova sur L'Etat
clandestin de la Corse ( une prêche enflammée sur la responsabilité
collective du choix du régime des ombres). Quel rapport existe-t-il
entre ce cataclysme et lassassinat de Pétré Céccé, ce curé de campagne
soutenu par un quarteron de paroissiennes zélées et quitté brusquement
par sa gouvernante, Maria Maddalena Felici, en 2000 ? Quel lien peut-il
y avoir avec une Corse clandestine omniprésente? En ce temps là, Polo
était lamant dAlice. Il était chargé de la collecte des ordures dans
un village ou chaque maison "mais aussi dautres endroits les plus
anodins éveillait quotidiennement la mémoire
Les souvenirs les plus
persistants correspondaient à des faits ou des récits dramatiques
"
Lauteur
nous plonge dans un huit-clos Sartrien dune Corse désertée où,
gardiens de hameaux éparpillés, les derniers habitants, comme piégés,
tournent en rond dans le vide de leur existence solitaire jusquà
perdre les mots, comme Alice qui oublie son nom et celui des choses
devenues des innommables. Innommables ! On pense au passage sur le
canapé dans la Nausée de Sartre, mais le propos est tout autre. Le
roman de Sartre fait de la nausée la prise de conscience par Roquentin
de lexistence des choses et de sa propre existence alors que lauteur
de Nimu décrit chez Alice un processus inverse : celui de la perte du
sentiment dexister dans une île à la dérive, face à un abîme
vertigineux. Roquentin affirme son existence qui latteint de plein
fouet et lenvahit. Alice sétiole dans la solitude qui ronge ses
souvenirs jusquau plus profond de son être. Lexistence la quitte et
ne renvoie aucun échos à ses cris désespérés face à la beauté vide de
la Nature. Sans véritable histoire damour, quel avenir pouvait avoir
son couple avec Polo disparu en 2033 et, avec qui, elle avait
limpression davoir vécu une suite de vies minuscules
"le temps
était devenu perceptible, presque pâteux, au point quils sétaient
résigné à se dire le moins de choses possibles, tout juste le strict
nécessaire pour marquer leur raison dêtre encore là, presque sans
mémoire, dans un monde vacillant". Et puis, l'esprit de Polo se
refuse à la complicité d'un monde qui se déshumanise et il s'enfonce
dans l'inconnu pour trouver du nouveau...
Autre extrait : " On
vivait une ère derrance. Les uns passaient à proximité immédiate des
autres comme des objets mobiles, extraordinairement neutres, glissant
en orbites lentes dans une sorte de nomadisme intersidéral. Il semblait
que lon se fut lassé de tout et des mots par-dessus tout. Depuis bien
longtemps dailleurs, il ny avait plus de littérature. La
communication sociale en était réduite à quelques consignes utiles. "
Jean-Pierre
Santini ne nous a pas tricoté un récit pour nous tenir chaud lhiver.
Il défait maille par maille larmure de légoïsme qui, comme une
camisole, enferme chaque Corse et ses habitants les plus vulnérables
dans la solitude et le silence dune île à labandon. Et si, en 2033,
la Corse connaissait un cataclysme ! Si ce silence et cette solitude
étaient eux-mêmes ensevelis ou noyés sous un Tsunami ! Que resterait-il
? La constatation du désastre, de la catastrophe naturelle. La Corse
mourante euthanasiée par une Nature qui, pillée et négligée, se
déchaîne. Cette idée tragique, autant que celle dune mort lente,
devrait pousser à la réflexion et à laction militante, dans le sens
noble du terme.
Dans le recueil de Nouvelles "Corse noire " (collection Librio), un autre auteur corse, Jacques Mondoloni,
avait déjà écrit un récit apocalyptique sur la Corse : Le dernier
Corse. Le seul survivant y est un prêtre qui refuse de quitter la Corse
sous les bombes incendiaires dune armée envoyée par un pouvoir qui a
décidé de couler lîle, comme lon coule un vieux rafiot devenu
inutile. Avant de mourir le curé écrit son journal. Il sappelle Pascal
Géronimi, de père corse et de mère anglaise. Il se raconte pour
expliquer son choix de rester en Corse et dy mourir en dernier témoin.
Nous avons relevé ce passage final : " La terre ne fait que vibrer,
et cette fois, je comprends pourquoi : la montage saffaisse, je
découvre labîme, des abysses vertigineux, des puits sans fond qui se
remplissent de liquides et fusent comme des volcans : la Corse a été
minée
". Plus loin : "
Le Cap corse se décroche de son socle On dirait une immense caravelle dérivant sur la mer. " On y retrouve des mots du roman "Nimu " : abîme, vertige, dérive
des mots qui provoquent le malaise.
La
Corse est-elle minée par la solitude et le silence qui, peu à peu, font
disparaître le sentiment dexister puis lexistence elle-même,
plongeant un peuple et sa culture dans le néant ? Les Corses sont-ils
progressivement amputés de leur corsité, dissoute dans un océan
dindifférence ?
Dans Nimu, le Curé du village a été tué, 33 ans
avant un cataclysme. Pendant cette longue période, des lieux de culte
disparaissent, la mort se désacralise... Quel sens donner à la Corsité,
si les morts disparaissent comme éclatent des bulles de savon ? Si
chaque décès nest plus un arrachement, une plaie dans lutérus social
du groupe? Quelle histoire pourrait s'écrire sans lien entre les
vivants et les morts ?
Et nous nous interrogeons... Un jour
viendra-t-il où lon naura plus besoin de livres pour mourir ? Ny
aura-t-il plus, en Corse, de mère pour enterrer leurs fils en récitant
des stances venues de la nuit des temps?... " Ghia ! Mon fils, va
sous cette terre, ta nouvelle mère aux vastes séjours, aux bonnes
faveurs ! Douce comme laine à qui sut donner, quelle te garde du néant
! Terre corse ! Forme voûte pour lui et ne lécrase point ; Reçois-le,
Terre, accueille-le ! Couvre-le dun pan de ta robe comme une mère
protège mon fils
" Cette incantation inspirée du védisme prend
toute sa signification sur lîle de beauté où la mère doit rester la
déesse de la famille, celle qui assurait la cohésion, la protégeait et
la nourrissait. Ny aura-t-il plus de transmission orale, plus de
généalogie entre les vivants et les morts?
Passer de lombre à
la lumière ! Donner du sens à une résistance millénaire ! Porter son
devoir de mémoire et le transmettre ! Faire peuple ! Entreprendre dans
les situations les plus désespérées ! Sans doute, des exigences pour
que les Corses écrivent enfin leur propre histoire et irisent leurs
hivers blancs.
Nimu (Personne), le terme polysémique exprime
tout et rien. Une personne est un tout humain avec son identité.
Personne, c est aussi sa négation, son rien. Sorti de la sémantique,
entre le rien et le tout, il y a ce que, ensemble, nous y mettons
dhumain et cest de cet intervalle textuellement transmissible que
dépend lhistoire dune famille, dun village
la survie dun peuple
et, au-delà, de lhumanité.
Une lecture de Nimu par Jean-Claude Loueilh sur le site Corsicapolar: « Nimu, paradoxalement, écrit un livre daube ».
De
Corsica Clandestina à Nimu, Jean-Pierre Santini nous invite, dans des
récits construits et denses, à fouiller notre horizon noir. Lorsquon
le questionne sur celui du peuple corse, il se dit toujours porteur du
projet de Consulta Nazionale,
projet ambitieux qui permettrait de passer de lombre à la lumière, de
"faire peuple ". Mais, à partir de la singularité corse, il fait la
cosmologie de lagonie dune culture, dune langue, dun peuple
En ce
sens, il rend le drame corse universel. Il lui arrive de citer Paul
Valery, grand poète français de père corse et de mère italienne, qui
nous a appris que les civilisations étaient mortelles. Il nous parle de
nos peurs, des sociétés qui fonctionnent sans nous, du cours trop
tranquille dune vie où lexistence diaphane se dilue en attendant un
déluge final. Il incitera peut-être les Corses à faire de leur île
larche de Noé dune identité culturelle menacée.
Pour reprendre les mots de Bernard Biancarelli ( Albiana) , le roman "crée
un lien et du sens dans une société qui, en retour, se définit souvent
en fonction de ses productions littéraires. Il est éminemment
politique, au sens noble du terme. " Jean-Pierre Santini, qui, selon Joël Jegouzo de NCP, "travaille au corps une société en perdition
", invente des histoires qui ressemblent à la vie plus que la vie
elle-même, sans doute parce quil est un arpenteur du réel mais aussi
un poète. " Nimu " est un roman noir danticipation sans concession au
chauvinisme béat et aux clichés. Deux enquêtes, deux époques
s'imbriquent à 33 ans de distance dans ce roman hybride et finalement
non classable dans un seul genre romanesque.
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