Doit-on parler de l'Omerta?
" Les dessous de laffaire Yvan Colonna ", ouvrage écrit par Antoine Albertini et Frédéric Charpier - Les Presses de la Cité ( octobre 2007)
Antoine Albertini est un journaliste corse, correspondant du Monde, qui écrit dans le journal Corsica et sa version en ligne. Frédéric Charpier (né en 1955) est un journaliste d'investigation français et un réalisteur de films documentaires. Il a notamment publié "Au cur de la PJ" Ed : Flammarion, "Histoire de l'extrême gauche trotskiste en France" Ed : Editions n° 1, "Génération Occident" Ed : Seuil et "Lobsession du complot" Ed : Bourin.
Source RMC : Yvan Colonna a été retrouvé, le 4 juillet 2003, grâce à un détenu contre 300.000 euros. C'est ce qu'affirment Antoine Albertini et Frédéric Charpier dans un ouvrage à paraître cette semaine "Les dessous de l'affaire Colonna". Antoine Albertini l'un des deux auteurs. Ce détenu a livré des " indications précises sur les gens qui ravitaillaient Yvan Colonna " explique-t-il.
Article relevé sur le site de France bleue Frequenza Mora : Une présomption d'innocence à géométrie variable... dénoncent les avocats d'Y.Colonna
« La défense dYvan Colonna dénoncé la présomption dinnocence à géométrie variable du chef de létat
. Nicolas Sarkozy a défendu la présomption dinnocence à propos des soupçons dirrégularités fiscales qui pèsent sur Bernard Laporte, lancien sélectionneur de léquipe de France de rugby, qui a pris lundi ses fonctions de secrétaire détat aux sports... Pour Yvan Colonna le chef de létat navait pas pris autant de précautions quand il le présentait comme lassassin du préfet Erignac dénoncent ses avocats, maître Sollacaro et Simeoni
. On piétine allègrement la présomption dinnocence quand il sagit dun berger, à fortiori Corse », estime Antoine Sollac.
Au moment où ce livre sort et à lapproche du procès dYvan Colonna, revenons sur un film " Le silence " sorti en 2004 et qui a fait polémique parce quil traitait de lomerta.
Rappel de larticle paru dans L'Express le 20/12/2004 Polémique - Le Silence fait du bruit par Frédérique Balbinot . Clichés ou réalité? Le film d'Orso Miret sur l'omerta, qui va sortir en salles, suscite des réactions tranchées dans l'île de Beauté
"Certaines personnes en Corse n'accepteront pas de se voir ainsi... même si elles le sont un peu quand même." Ce soir de novembre, au Festival Arte Mare, à Bastia, rares sont les spectateurs de la première projection du Silence qui ne préfèrent pas se taire. Le film du réalisateur d'origine corse Orso Miret gêne, choque et même indigne certains de ses "compatriotes". Car ils savent que, en racontant l'histoire d'un jeune Corse du "continent" (Mathieu Demy) témoin d'un meurtre alors qu'il est en vacances dans son village, le cinéaste leur tend un miroir, peu reluisant mais honnête: celui d'une population rongée par une culture du silence ancestrale, la fameuse "omerta", ce code d'honneur qui voudrait qu'Olivier, connaissant l'agresseur, se taise à jamais sous peine d'être exclu de la communauté et de son équipe de chasse au sanglier, menée par Vincent (Thierry de Peretti, comédien et metteur en scène de théâtre, ajaccien d'origine). A ce cas de conscience Miret apporte une issue brutale: son héros parle et se libère, mais doit quitter l'île par peur des représailles.
Un dénouement qui déçoit et agace le député maire de Bastia, Emile Zuccarelli, grand pourfendeur des poncifs insulaires: "Le film est juste dans sa peinture de la vie de village, la Corse est magnifiquement filmée et les scènes de chasse sont stupéfiantes. Mais ces clichés sur la loi du silence, sur la pression du groupe me font trop souffrir. Cette île risque de crever de sa folklorisation. "
L'atmosphère oppressante du Silence sortirait-elle tout droit de l'imaginaire du réalisateur? "La genèse du film remonte à l'été 1995, lors des règlements de comptes entre nationalistes, raconte Orso Miret. Le climat qui régnait à Asco [le village du film] était alors angoissant; les gens devenaient paranoïaques. Après de tels moments, comment faire un film sur la Corse sans parler de la violence?"
Le film fait aussi songer à Christophe Garelli, jeune militant nationaliste tué à l'été 1998, au cours d'une fête de village, et à l'acquittement des accusés après rétractation des principaux témoins. "Je pense à cette magistrate venue me voir à la fin de la projection à Bastia, poursuit Miret. Elle semblait au bout du rouleau et m'a dit: "'Si votre film pouvait avoir des vertus pédagogiques! Si vous saviez comme c'est dur de trouver un témoin! Il est impossible d'instruire des dossiers en Corse.""
Néanmoins, au sein de l'équipe du film, la dénonciation a posé problème. Pour Thierry de Peretti, parler est une absurdité: "C'est une bêtise, c'est mettre en péril ma vie et ma famille, à moins que l'on ne puisse partir, comme le héros du film. Tout le monde connaît en Corse les interlocuteurs privilégiés des gouvernements successifs: comment donner envie aux gens de témoigner contre des personnes qui sont reçues à Matignon?" "Si l'Etat se laisse aller à discuter avec les assassins, confirme Zuccarelli, il ne faut pas s'étonner que les gens n'aillent pas spontanément se confier à lui. La Corse doit apprendre à vivre comme une région civilisée, où la loi doit s'appliquer."
Toutefois, ce que Miret voudrait aussi démontrer, sans réflexe identitaire exacerbé, c'est que la Corse est un peu à part: "Cette sensation d'être attaché à une culture et en même temps d'y être étranger, mais aussi de vouloir s'y fondre au point de se renier soi-même, c'est dur à comprendre, pour un continental. Je voulais même changer de nom, quand j'étais gamin..." Thierry de Peretti va plus loin: "La Corse est entre Orient et Occident, entre monde moderne et ancien. Dans certaines situations, comme celle du film, il est impossible d'avoir un point de vue uniquement extérieur et analytique. Cela serait occulter le réel d'un territoire." Des propos qui hérissent Zuccarelli, qui n'y voit qu'une caricature: "Les Corses ne sont pas comme ça; ils ont des aspirations très modernes, comme tous les Français. Arrêtons de cultiver l'archaïsme de ce pays!" "La Corse, ce n'est pas que Le Silence, mais c'est aussi cela", plaide Miret. Le maire de Bastia, lui, souhaiterait qu'il y ait "des films qui se passent en Corse, mais pas trop qui traitent de la Corse". Pourtant, cette île changera par l'art, le récit et... la prise de parole.
Adolescent, Orso Miret tourne ses premiers films avec la caméra super 8 de son père. Assistant en auditeur libre à des cours de cinéma à Nancy, il suit après le bac des études de lettres modernes. Monté à Paris, il s'inscrit à la FEMIS, où il a pour camarades de promotion Hélène Angel et Jean-Paul Civeyrac. Dans ce cadre, il tourne plusieurs courts métrages, notamment Monumentaire, un documentaire sur les célébrations du Mont Valérien. Il se fait remarquer grâce à deux courts métrages qui font le tour des festivals, Dans la forêt lointaine en 1995 et, l'année suivante, Une souris verte.
Orso Miret réalise en 2001 son premier long métrage, De l'histoire ancienne, uvre ambitieuse sur le deuil et la culpabilité, mêlant le destin d'une famille aux traumatismes de la Seconde Guerre mondiale. Présenté au Festival de Cannes dans le cadre de la Semaine de la Critique, le film décroche le Prix Jean-Vigo et recueille les suffrages de la critique (prix du premier film français)
Le Silence est déjà le titre d'un film que Bergman réalise en 1963 et celui du second long métrage dOrso Miret. Le village choisi pour le tournage est aussi celui où, raconte-t-il, il est plus qu'ailleurs le fils de sa mère : " mon attachement à la Corse passe beaucoup par ma mère - là-bas, je suis le " fils de ma mère " avant d'être le fils de mon père."
Il faut donc voir une part autobiographique dans le scénario : un couple passe ses vacances d'été en Corse dans le village de montagnes dont la mère du jeune homme, Olivier (Mathieu Demy), est originaire. Tandis que sa compagne Marianne (Natacha Regnier), découpe son temps en siestes et baignades, trouvant entre la rivière, la maison et le paisible passage des jours, un rythme accordé à celui " naturel " de la gestation que son corps est en train d'accomplir, puisqu'elle est enceinte de trois mois, Olivier, pour qui la paternité n'est encore qu'une réalité abstraite, se trouve submergé par les fantasmes liés à son sens culturel. Ainsi, cherchant à prendre place dans la communauté des hommes (les pères), il participe presque quotidiennement aux longues battues matinales qui préparent, si la chance sourit aux chasseurs, la mise à mort d'un ou plusieurs sangliers
Mais bientôt, témoin d'un meurtre, il doit faire face à un autre aspect de la culture qu'il tente de rejoindre : la loi du silence.
Dans un article Loi du poncif sur le site Fluctuat.net, Hélène Raymond écrivait en 2004 : Comme les deux personnages principaux, étrangers au lieu mais plongés dans le paysage, au cours du film, le spectateur est confronté à une tradition jalouse de son indépendance et cependant ouverte, accueillante, au prix d'une initiation dont la douleur ou la difficulté ne doit pas rebuter celui qui se soumet à son déroulement rituel. Sont-ce des poncifs ? Les éternels arguments d'une authenticité qui fait le bonheur des agences de voyage ? Le très beau plan de lune pleine et rayonnante entre les montagnes noires et le ciel marine, monté deux nuits de suite (!), ne recule, en tout cas, devant aucune concession à l'esthétique pour mieux vendre ce que la mise en scène réduit alors aux dimensions d'un produit : la Corse, territoire magique où toutes les nuits la lune est un parfait disque d'argent.
Par ailleurs, le cinéaste lie la représentation de cette culture à une thématique de l'enfantement, désarmante de simplicité, où la parole longtemps retenue est ramenée au cri inarticulé du nouveau né. Car le silence d'Olivier, on le comprend, perturbe sa relation avec Marianne et compromet la venue de l'enfant, tandis que sa parole le protège tout en affirmant son identité. Ainsi, en un vertigineux mouvement régressif, se confondent le cri du nouveau né et la parole de l'homme libre, c'est-à-dire aussi, gestation et création. Est-ce un poncif à l'horizon duquel les femmes sont une fois de plus destinées à enfanter des hommes, seuls capables d'enfanter les uvres ?
Donc, la question pourrait se poser aussi de la façon suivante : Doit-on établir une loi du silence sur lomerta accompagnée dun loi anti poncifs lorsque les cinéastes et les écrivains parlent de la Corse?
Faudrait-il se taire sur lomerta en elle-même? Finalement, est-ce bien lobjet de la polémique, en y réfléchissant bien ? Le Maire de Bastia sest insurgé récemment, comme il lavait fait en 2004 au sujet du film " Le silence ", contre la série La Mafiosa " diffusée par Canal+. Il combat davantage les poncifs plutôt que de défendre lomerta et le banditisme quil considère comme parmi les principaux traits de caricature des Corses et les clichés cinématographiques ou télévisées mettant en scène des Corses. On peut comprendre que la répétition de ces poncifs malveillants agace parce quils se sont inscrits et sont entretenus dans limaginaire collectif au détriment du peuple corse.
" La Colomba de Prosper Mérimée, je l'aurais bien étranglée. Le film montre un crime de droit commun qui aurait pu se passer dans n'importe quelle région
" avait dit lélu Bastiais. Il faudra bien admettre un jour que la corsité nest pas un package " violence/omerta ". Ces avatars ressassés sur les Corses sont largement partagés avec le reste du monde. et, pour cela, il ne faut pas fustiger Miret parce quil les met en scène dans lîle. Quon lappelle Omerta ou mutisme des témoins et des victimes, quil soit corse ou dailleurs, le silence ne doit pas être un gage dimpunité pour des délinquants et des criminels de droit commun. La loi du Milieu ne doit pas être celle des honnêtes gens. Bien sûr, le problème devient plus complexe lorsquil sagit de terrorisme et de revendications politiques mais , dans ce cas , si le silence peut se justifier par ladhésion à une cause même hors-la-loi, il ne peut pas trouver une source morale dans la lâcheté dun côté et un comportement fasciste de lautre. La loi du silence nest pas une spécialité corse mais refuser den parler serait " ajouter du silence au silence ", en Corse comme ailleurs. Rien ne sert de se fermer les yeux, les oreilles et la bouche car les jambes seules ne suffisent pas à un peuple pour avancer. Le silence coupe du passé et enferme lavenir de la jeunesse corse si toutes les vérités doivent rester dans le Musée secret de la mémoire. On ne construit pas une histoire humaine sur le silence.. La Corse ne doit pas devenir le pays que Jean-Pierre Santini décrit dans son roman noir danticipation, Nimu: « On vivait une ère derrance. Les uns passaient à proximité immédiate des autres comme des objets mobiles, extraordinairement neutres, glissant en orbites lentes dans une sorte de nomadisme intersidéral. Il semblait que lon se fut lassé de tout et des mots par-dessus tout. Depuis bien longtemps dailleurs, il ny avait plus de littérature. La communication sociale en était réduite à quelques consignes utiles.»
Le film de Orso Miret na pas eu de palme dor, mais on connaît le dicton : " La parole est dargent et le silence est dor "
Cela voudrait-il aussi dire que lon paie moins cher la parole que le silence? Selon les journalistes qui ont écrit lopus " Les dessous de laffaire Colonna ", un témoin anonyme aurait été payé pour aider à larrestation de Colonna. Si lachat du silence est immoral, que doit-on dire de celui de la parole avec ses risques de délation? Mon propos nest pas de donner une opinion sur linnocence ou la culpabilité dYvan Colonna. En droit français, tant quil nest pas jugé, il est présumé innocent. Par contre on peut se poser la question de savoir où est la vérité lorsque les uns sont accusés dacheter le silence ( ou dy contraindre) et les autres de rémunérer les témoignages? A cause de lomerta, la Justice relaxe-t-elle des coupables et punit-elle des boucs émissaires? Le silence, selon une expression corse, tordrait-il le nez à la justice ? Voilà des premières pistes de réflexion
sans parler des victimes et de leurs familles qui peuvent en arriver à avoir comme seul recours la vendetta. Il faut quon en parle au lieu de laisser les autres nous caricaturer sans vraiment nous connaître.
Le Silence
Film couleur, 104 min, 35 mm, scope, DST Numérique, France
Réalisation : Orso Miret
Scénario : Orso Miret, Roger Bohbot, Agnès de Sacy
Principaux interprètes : Mathieu Demy, Natacha Régnier, Thierry de Peretti, Muriel Solvay, Agnès Massei, Pierre-Marie Mosconi, Didier Ferrari, Laurent Barbolosi, Olivier Guglielmi
Sortie en salles le 29 décembre 2004
Adresse pour visionner la bande annonce ci-dessous
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18373169&cfilm=53878.html
Bande annonce sur Youtube:
<script src='http://www.kazeo.com/inclusion/afficher_fichier.php?urlfichier=http://fr.youtube.com/watch?v=A6ADajiRDPs@@@200@@@200'></script>
BONUS: un western corse à l'adresse ci-dessous:
http://www.dailymotion.com/video/x1fryf_film-corse-avec-tzekpido22_fun
Il était une fois dans l'ouest de la Corse
Tzek et pido court metrages
- Genre : Comédie / Corse
- Réalisation : Laurent Simonpoli
- Production : Fra 3 Corse
- Année : 2004
- Durée : 38 min
- Avec Bernard Farcy (Prévot Stetson), Corinne Mattei (Laetitia), François Orsoni (Vendredi), Pido (Red), Tzek (Shériff Léone)
Nous sommes dans l'ouest de la Corse. Le pévot Stetson, un homme froid et cynique veut détruire les paillotes parce qu'elles sont illégalles. Le president John Red et ses hommes s'y opposent. Le Prévot ordonne au GPS (Groupe de Protectiob de Stetson) d'incendier une paillote en faisant croire que ce sont les indiens. Un sherif bennet va mener l'enquete et decouvrir la vérité.
Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait fortuite et imaginaire !
----"Avis Corse-Matin"----
Le premier Western Pulenta !
Tout ce que vous avez voulu s'avoir sur l'affaire des paillotes sans jamais avoir osé le demander !
Le cinéma Corse s'écarte enfin des Lamenti au profit du rire dénonciateur et devastateur !