Corse a(l)titude : Henri Ceccaldi, journaliste du quotidien corse.
Comment omettre limportance des mots lorsque lon sait que cette omission laisse la voie libre aux stéréotypes, amalgames, présupposés, préjugés et sophismes de toutes plumes qui clôturent la pensée ? Il faut souligner lampleur et la gravité de leurs effets pervers qui entretiennent limaginaire collectif dans ce quil a de plus conservateur pour ne pas dire rétrograde. En Corse, les mots ont acquis et gardé toute leur importance car le peuple corse a une vieille tradition orale. Elle remonte à la nuit des temps.
Connaissez-vous la Corse ? Oui ! une île paradisiaque, aux plages ensoleillées, à la nature vierge et peuplée de machos impertinents et de terroristes chevronnés, où l'on pratique la sieste autant que le racket. Caricatures outrancières !
Les Corses ont été caricaturés par des écrivains célèbres qui nont vu sur lîle que de lexotisme pour donner une large part à lanecdote. Dans un de nos précédents articles, nous avons livré " Histoire corse " une nouvelle de Guy de Maupassant . On y lit lextrait qui suit :
" . gendarmes éventrés par les sauvages paysans de cette île, réfugiés dans la montagne à la suite de quelque vendetta. Le légendaire maquis cache en ce moment, daprès lappréciation de MM. les magistrats eux-mêmes, cent cinquante à deux cents vagabonds de cette nature qui vivent sur les sommets, dans les roches et les broussailles, nourris par la population, grâce à la terreur quils inspirent. Je ne parlerai point des frères Bellacoscia dont la situation de bandits est presque officielle et qui occupent le Monte dOro, aux portes dAjaccio, sous le nez de lautorité. La Corse est un département français ; cela se passe donc en pleine patrie ; et personne ne sinquiète de ce défi jeté à la justice. Mais comme on a diversement envisagé les incursions de quelques bandits kroumirs, peuplade errante et barbare, sur la frontière presque indéterminée de nos possessions africaines ! Et voici quà propos de ce meurtre le souvenir me revient dun voyage en cette île magnifique et dune simple, toute simple, mais bien caractéristique aventure, où jai saisi lesprit même de cette race acharnée à la vengeance. "

Nous avons retrouvé chez un des doyens de la presse corse, un article plein dhumour qui pourrait être une réponse aux poncifs malveillants qui font de la Corse un lieu de criminalité. Il sagit dun article tiré de la chronique " Le coin de Diogène " tenue par Henri Ceccaldi jusquen 1960
Doulce Corse article du 17 janvier 1955
La lecture de la presse continentale de la semaine dernière a dû donner des cauchemars aux personnes sensibles : assassinats, suicides meurtres, accidents ont rempli des colonnes entières. La sauvagerie et la démence ont particulièrement illustré ce début de lannée 1955. Aussi nai-je pu mempêcher de commenter en vers ces nombreux faits dhiver.
Tandis quau delà de la mer
On peut voir : des meurtres de fous,
Accidents de chemin de fer,
Coups de feu de maris jaloux
Femmes tuant à coups de hache
Jeunes gens à coups de couteau
Chez nous on nest pas aussi lâches
Pour voir ça, prenez le bateau.
Un gamin tuait sa marâtre
Quand elle avait le dos tourné
Un ivrogne ne faisait que battre
Son épouse et son nouveau-né,
Ici, il ny a que je sache
De ces modèles de salauds ;
Chez nous on nest pas aussi lâches
Pour voir ça, prenez le bateau.
Ailleurs on voit des coupe-gorge
Pleins de voyous, de sans abris
Ici les seuls que lon égorge
Sont les cochons et les cabris
Partout on trouve des apaches,
Dans les taudis, dans les châteaux ;
Chez nous, on nest pas assez lâches
Pour voir ça, prenez le bateau.
DIOGENE.
Comment omettre limportance des mots lorsque lon sait que cette omission laisse la voie libre aux stéréotypes, amalgames, présupposés, préjugés et sophismes de toutes plumes qui clôturent la pensée ? Il faut souligner lampleur et la gravité de leurs effets pervers qui entretiennent limaginaire collectif dans ce quil a de plus conservateur pour ne pas dire rétrograde. En Corse, les mots ont acquis et gardé toute leur importance car le peuple corse a une vieille tradition orale. Elle remonte à la nuit des temps.
Connaissez-vous la Corse ? Oui ! une île paradisiaque, aux plages ensoleillées, à la nature vierge et peuplée de machos impertinents et de terroristes chevronnés, où l'on pratique la sieste autant que le racket. Caricatures outrancières !
Les Corses ont été caricaturés par des écrivains célèbres qui nont vu sur lîle que de lexotisme pour donner une large part à lanecdote. Dans un de nos précédents articles, nous avons livré " Histoire corse " une nouvelle de Guy de Maupassant . On y lit lextrait qui suit :
" . gendarmes éventrés par les sauvages paysans de cette île, réfugiés dans la montagne à la suite de quelque vendetta. Le légendaire maquis cache en ce moment, daprès lappréciation de MM. les magistrats eux-mêmes, cent cinquante à deux cents vagabonds de cette nature qui vivent sur les sommets, dans les roches et les broussailles, nourris par la population, grâce à la terreur quils inspirent. Je ne parlerai point des frères Bellacoscia dont la situation de bandits est presque officielle et qui occupent le Monte dOro, aux portes dAjaccio, sous le nez de lautorité. La Corse est un département français ; cela se passe donc en pleine patrie ; et personne ne sinquiète de ce défi jeté à la justice. Mais comme on a diversement envisagé les incursions de quelques bandits kroumirs, peuplade errante et barbare, sur la frontière presque indéterminée de nos possessions africaines ! Et voici quà propos de ce meurtre le souvenir me revient dun voyage en cette île magnifique et dune simple, toute simple, mais bien caractéristique aventure, où jai saisi lesprit même de cette race acharnée à la vengeance. "

Nous avons retrouvé chez un des doyens de la presse corse, un article plein dhumour qui pourrait être une réponse aux poncifs malveillants qui font de la Corse un lieu de criminalité. Il sagit dun article tiré de la chronique " Le coin de Diogène " tenue par Henri Ceccaldi jusquen 1960
Doulce Corse article du 17 janvier 1955
La lecture de la presse continentale de la semaine dernière a dû donner des cauchemars aux personnes sensibles : assassinats, suicides meurtres, accidents ont rempli des colonnes entières. La sauvagerie et la démence ont particulièrement illustré ce début de lannée 1955. Aussi nai-je pu mempêcher de commenter en vers ces nombreux faits dhiver.
Tandis quau delà de la mer
On peut voir : des meurtres de fous,
Accidents de chemin de fer,
Coups de feu de maris jaloux
Femmes tuant à coups de hache
Jeunes gens à coups de couteau
Chez nous on nest pas aussi lâches
Pour voir ça, prenez le bateau.
Un gamin tuait sa marâtre
Quand elle avait le dos tourné
Un ivrogne ne faisait que battre
Son épouse et son nouveau-né,
Ici, il ny a que je sache
De ces modèles de salauds ;
Chez nous on nest pas aussi lâches
Pour voir ça, prenez le bateau.
Ailleurs on voit des coupe-gorge
Pleins de voyous, de sans abris
Ici les seuls que lon égorge
Sont les cochons et les cabris
Partout on trouve des apaches,
Dans les taudis, dans les châteaux ;
Chez nous, on nest pas assez lâches
Pour voir ça, prenez le bateau.
DIOGENE.
Ce sont les idées reçues qui pourrissent les relations entre l'île et le Continent.
A la question " Peut-on se moquer des Corses ? ", nous répondrons " oui " mais il y en a marre. Depuis trop longtemps, les Corses sont victimes des mots. Ils pratiquent eux-mêmes lautodérision, contrairement à beaucoup de leurs détracteurs. Ils ne craignent donc pas le portrait humoristique mais doivent encaisser depuis des années des vérités fabriquées et entretenues par la haine. Le magasine mensuel Corsica de janvier 2008 a voulu dresser une liste des faux maux dont on les affuble, en donnant 49 raisons pour laisser tomber les idées reçues sur la Corse et les Corses. Nous y avons trouvé, parmi les clichés les plus tenaces (peut-être parce qu'il touche davantage les portefeuilles que les esprits), le suivant : L'État a multiplié les efforts en Corse Ah, que la République est bonne fille avec ces ingrats Corses
De quel côté est lingratitude ? Sans remonter trop loin, il faut rappeler que Le 15 mai 1768, la République de Gênes vend la Corse à la France pour la somme de 2 millions de livres payables sur dix ans. Vendus sans avoir appartenus à personne, les Corses sont indignés et se révoltent contre cette décision. Ils déclarent la guerre contre les troupes du roi de France. Après leur victoire à Borgo le 6 octobre 1768, Louis XV emploie les grands moyens et envoie une armée de trente mille hommes. Des villages entiers sont rasés et de nombreux Insulaires sont tués . Grâce à la disproportion des moyens engagés par lenvahisseur, les Corses sont défaits à Ponte Novu le 9 mai 1769. On ne peut pas parler dun mariage damour lorsquil sagit dune annexion réalisée dans le sang.
Par la suite, la Corse a encore perdu des milliers dhommes " morts pour la France " dans les deux grandes guerres. Notamment, lors de la guerre 1914-1918, 9.739 Poilus nés en Corse sont morts pour la France ( presque 25% de la population masculine corse ). A cette époque, les Corses étaient le plus souvent affectés dans des troupes coloniales et cest tout un symbole. Pendant longtemps, nombre de Corses nont eu pour débouchés professionnels que des carrières militaires et administratives. Les jeunes Corses devaient faire leurs études sur le Continent avec les déchirures familiales et les sacrifices financiers que cela occasionnait pour, finalement, sexpatrier. Tout a été fait pour que lassimilation soit complète. En ajoutant les expatriés aux morts pour la France, le bilan de la Corse française apparaît catastrophique sur le plan humain.
Historiquement, il a bien fallu admettre que les Corses ne sont pas les descendants des Gaulois ! Devant cette évidence pourtant historique, lEtat français avait voulu effacer lhistoire de la Corse ( devenue celle de la France), et ne veut encore voir dans la culture corse quun folklore régional. Malgré les sacrifices des deux guerres, la Corse a toujours fait lobjet de méfiance et de sarcasmes. Pour exemple, la loi Deixonne (qui admet en 1951 l'enseignement facultatif des langues dites régionales) na été étendue à la langue corse que tardivement en 1973. Il suffit découter les médias nationaux et, sur Internet, de lire les commentaires des Franchouillards anonymes pour y trouver le racisme rampant dont la Corse est toujours la cible.
Les vrais amis de la Corse savent que les gouvernements français nont pas toujours appliqué la devise républicaine à la Corse ( lont-ils appliquée sur le Continent ? Cest un autre débat). Les gouvernants successifs ny ont favorisé souvent que laffairisme de quelques uns, comme ils lont fait en Afrique de façon plus voyante. Peut-on penser sérieusement que les mouvements autonomistes et indépendantistes sont nés dans une région trop bien traitée par le pouvoir central et ses Jacobins ?
Des journalistes corses regrettaient ou dénonçaient déjà, après la guerre de 1939-45, la diabolisation de la Corse et la politique continentale de type colonial, relayée par la complicité de certains élus qui pratiquaient la brosse à reluire A lépoque, quatre grands titres de Journaux couvraient l'île : " le Journal de la Corse" à Ajaccio, "LInformateur " et "Le Petit Bastiais" à Bastia , enfin le "Patriote" représentants les communistes. A ceux-là, s'ajoute l'hebdomadaire dominical du parti communiste "Terre Corse". Il faut aussi citer " U Muntese ", revue bilingue créée en 1955 et fermée en 1972. Dautres ont disparu avant 1940 comme Muvra, Lannu Corsu, A tramuntana, lIle
Parmi les journalistes corses, Henri Ceccaldi signait ses articles sous le pseudonyme de Diogène. Il le faisait sans agressivité. Il connaissait la valeur des mots. Cest aussi pour cela quon le surnommait " Henri la plume " au sein dun trio damis qui comptait Henri le pinceau et Henri la Pendule. En quelques phrases et souvent en versifiant, il fustigeait inlassablement les fossoyeurs de la Corse. Il parlait de la désertification et de lincurie du pouvoir central, mais aussi des bassesses humaines dont la toponymie nécarte pas lIle.
Henri Ceccaldi était très connu sous le pseudonyme de Diogène et dans ses billets quotidiens, il croquait, avec un bel esprit, les problèmes insulaires. Il a écrit sous dautres pseudonymes : " Ad Jaceo " "Lécouteur " et " Mathieu Henri ", mais aussi sous sa véritable identité. Après la Résistance, il avait débuté comme rédacteur en chef du journal " La quatrième République ". Lorsque, en dernier lieu, il a occupé les fonctions de rédacteur à la Direction des services agricoles de la Corse, Diogène a continué à alimenter sa chronique dans le journal corse " LInformateur ".
Henri Ceccaldi sétait impliqué dans la culture corse. En 1951, il avait créé lassociation culturelle et sportive " Altitudes ". En Août 1957, dans son village " Evisa ", où résidait le poète Minicale et Mathieu Ceccaldi ( Dans les années 1960,, auteur dun dictionnaire de la " lingua nostrale " et dun anthologie de la littérature corse*), sont venus des quatre coins de la Corse les poètes et improvisateurs célèbres comme Carulu Giovoni, Leca du u Furcatu, Julien Mattei de Croce, Simonu dAulle, Dominique Marfisi ( auteur-compositeur dU caporale, Ma Cosa cè ) , Sampetracciu, U Merlu dAiacciu, Iannettu Nottini ( auteur des " Ficca-Ficca " et " A Pulitica ") , Cesaru di lAquale Lactrice Madeleine Robinson et lacteur Daniel Ceccaldi participaient à ce festival qui fut un des derniers à rassembler les poètes et les représentants de la culture orale corse.
Si des intellectuels insulaires sont à lorigine du Riacquistu dans les années 1970, il ne faudrait pas oublier ceux qui les ont précédés dans cette voie et, par ses initiatives, Henri Ceccaldi en fait partie. La plupart sont morts. Ils étaient présents à ce premier festival de la langue et de la chanson corse, qui a donné lieu à des débats sur la préservation de la " lingua nostrale " et qui sest renouvelé jusquen 1959. Il aura fallu 26 ans pour arriver, en 1973, à ce quils souhaitaient déjà : lenseignement du corse autorisé par la loi Deixonne, déjà votée en 1951 en faveur dautres langues dites régionales.
Henri Ceccaldi était le Président du comité de réception de ce grand festival de la langue et de la chanson corses. Le 5 septembre 1957, dans un entretien avec Pascal Bontempi, il avait le projet dorganiser un festival dart dramatique méditerranéen. Il déclarait alors : " La Corse, hélas ! manque de spectacles de qualité ( les villages surtout). Sur le continent, toutes les villes de province ont la chance daccueillir les grandes tournées théâtrales ; elles ont ainsi loccasion dapplaudir nos prestigieuses vedettes de la scène et de lécran. Ces mêmes comédiens ne viennent en Corse que pour y passer leurs vacances. Or, il est admis que les populations de lîle savent apprécier , avec une compréhension toute latine dailleurs, les manifestations artistiques de valeur réelle " Il est lauteur dune farce électorale " U votu di Cirottu " ( Le vote de lélecteur) qui a été créée le 29 mai 1956 à lOpéra de Marseille par le groupe folklorique " A sirinnata ajaccina ", puis fut rejouée en Corse.
Comme dautres Corses qui ont pourtant uvré pour lîle, Henri Ceccaldi , alias Diogène, ne figure pas dans le dictionnaire historique de la Corse édité chez Albiana sous la direction dAntoine Laurent Serpentini. Des oublis sans doute. La preuve que ceux qui prennent en charge la mémoire dun peuple ne le font pas de façon exhaustive. Henri Ceccaldi pourrait être un exemple pour les jeunes journalistes insulaires . Diogène, sans décoration mais avec sagesse, était un opposant permanent. Il dénonçait, avec ses mots scandés, les petits et les grands scandales insulaires " Un chroniqueur plein desprit, alliant la finesse du détail à un robuste bon sens " écrivait un confrère dans une épitaphe. Certains de ses articles publiés dans lInformateur, ont encore une résonance dans lactualité corse et mériteraient dêtre à nouveau publiés. Nous livrons quelques bribes du talent dHenri la plume Il savait que les mots sont à la fois des cadeaux et des armes.
Le coin de Diogène du 15 novembre 1954:
A la manière de Monsieur le Printemps
Monsieur le Préfet a ouvert sa
Campagne pour le printemps 1955
( Les Journaux)
Si monsieur Savreux est un homme
Toujours pimpant, frais et dispos,
Cest quil a trouvé, en somme,
Un travail de parfait repos
Il met le nez à la fenêtre
Tous les jours jusquen avril
En sécriant : " Quel temps fait-il ?
Est-ce le printemps qui va naître ? "
Monsieur Printemps ! Monsieur Printemps
On vous attend depuis longtemps !
En amoureux de la nature,
( Ne le sait-on Place Beauvau ?)
Il prend notre température
Et va pêchant le renouveau
Mais si souvent laverse tombe
Sans quil le dise à la radio
Cest la seule météo
Que ce triste travail incombe
Monsieur Printemps, monsieur Printemps,
Arrêtez-vous de temps en temps.
Ce préfet se croit réaliste
Et ne voit la prospérité
Que dans la venue du touriste
Du touriste de qualité
Mais il ne voit pas, ça mépate,
Quels sont les prix exorbitants
Que nous, les pauvres habitants
Payons pour manger des patates
Monsieur Printemps, monsieur Printemps
Nous ne sommes pas très contents
Le coin de Diogène du 25 juin 1956
Comptes de fée
Mon " Relisez Topaze " de la semaine dernière a provoqué chez de nombreux lecteurs et amis, divers commentaires encourageants dont jai eu les échos. Tous sont daccord pour me dire : " Dénoncez les coupables ! "
Mais comment prouver ce que tout le monde devine sans atteindre la diffamation, au sens juridique du mot ?
Je vais donc vous faire un conte de Perrault, avec des ogres voraces et des " Petit Poucet " résignés.
Il était une fois une île pauvre et presque déserte Les habitants très clairsemés de cette île se plaignaient tout le temps de manquer deau, délectricité, décoles, de routes etc Ils avaient désigné pour les défendre des squales appelés " lamentins " dont les qualités principales sont dimiter les plaintes humaines et de suivre les bateaux doù lon jette à manger
Marianne la fée protectrice de lîle, y semait de temps en temps quelques poignées de grisbi, laissant aux lamentins le soin de lutiliser suivant les nécessités.
Quelle aubaine pour les lamentins ! Ils appelaient à la ripaille les ventrepreneurs " ( variété de castors ) :
- Construis-moi cette route, disait le " lamentin ".
- Combien ? demandait le " ventrepreneur ".
- 20% pour moi, répondait le " lamentin ".
- Daccord ! mais laissez-moi récupérer, disait le " ventrepreneur "
Cest ainsi quun hameau de 80 vieillards se voyait tracer une route inutile et mal chaussée conduisant à la mer, tandis quun bourg de 1200 habitants avait peu deau et pas délectricité.
Cest ainsi quun groupe scolaire de deux étages ( un million pour le lamentin ) sélevait pour une douzaine délèves
- Mais ces lamentins et ces ventrepreneurs étaient malhonnêtes ? me demandez-vous.
- Que non !
La fée Marianne, devenue aveugle en vieillissant, les décorait dun ruban rouge pour attirer autour deux les habitants transformés en grenouilles .
Et le 3 janvier 1955, il présentait ses vux de fort belle manière Pax Hominibus SONNET LAN NEUF
Cinquante quatre est mort ! Je dis : " Paix à ses cendres ",
Et de le voir mourir, je nétais pas pressé ;
Car la marche du temps qui ne fait que descendre
Me donne du souci et me laisse angoissé
Certes, lAn qui nest plu ne fut pas toujours tendre,
Il a eu son bilan de morts et de blessés,
Dopprimés, de repus, de riches bons à prendre,
De pauvres sans logis, affamés, entassés
Mais, il faut souhaiter, avant tout autre chose,
Que narrive un beau jour le fléau de la guerre,
Malheur beaucoup plus grand que gène et misère !
Et que lon voit enfin surgir à lhorizon
La PAIX sur lUnivers, la PAIX dans la maison
Et le glaive de Mars ne coupant que des ROSES
Mathieu, Henri, Antoine Ceccaldi ( son premier prénom était Mathieu) est né le 25 avril 1912 à Evisa. Il était lhéritier direct dune littérature orale. Son père était poète ainsi que sa mère qui savait faire chanter les mots. Elle survécut à son mari et ses trois enfants. Elle improvisait des Chjamè rispondi avec ses morts toujours présents dans sa pensée. Elle na pas eu à les rejoindre car elle était tous les jours avec eux.
Henri Ceccaldi est décédé à lâge de 49 ans. Après sa mort, les épitaphes furent élogieuses " Cétait un homme qui avait son panache et son originalité qui le distinguait du commun . Massif, solide comme un roc. Une paisible gravité reposait sur son visage, cette gravité qui vient dune vie intérieure intense et dun travail spirituel incessant. Derrière les lunettes, détranges prunelles, larges et polies comme des cailloux, ne laissaient rien transparaître. Il parle dune voix douce avec lassurance que donne une longue habitude du maniement des idées . Cétait aussi un écrivain plein de fantaisie et de verve, capable dune soudaine tendresse pour une injustice réparée, mais opposant systématique contre la mégalomanie, linconscience et les forbans qui se parent du masque du patriotisme et de la vertu pour mieux vous persécuter et vous démolir. "
Son identité, elle se trouve dabord dans son nom " Ceccaldi " qui ouvre à une généalogie et renvoie à un groupe, à une lignée, au village dEvisa et à une ethnie, cest-à-dire à un ensemble dindividus liés par une communauté de langue et de culture ( et non pas à des caractères anatomiques). Ces critères ont dû le pousser à sintéresser dabord à cette culture corse et permettre sans doute didentifier des signes culturels dans sa façon de penser, dans son comportement et dans ses rapports avec les autres. Est-ce dite quêtre corse, pour lui, cétait correspondre à un modèle ? Nullement ! Henri Ceccaldi avait une forte personnalité. Tous ceux qui lont connu en témoignent.
Si on se réfère à la communauté corse, elle a toujours comporté un grand nombre de cas individuels, de personnages marginaux et souvent talentueux dans différents domaines. Comment cette diversité a pu exister ? Cest sans doute que lidentité véritable est à la fois différence et unité, variation et permanence. Elle se construit en combinant identification et différenciation. Aujourdhui, hors de la communauté villageoise, les cadres de référence se sont brouillés notamment par lémigration et le tourisme. Henri Ceccaldi se refusait à une identification rigide, sectaire, voire maniaque Sa Corsité ne pouvait se limiter à des incantations et des idées reçues par complaisance passéiste.
Le fait corse , cest linsularité et la résistance dune culture à plusieurs vagues de conquérants. La Corse a une langue et une histoire préhistorique. Elle existait avant dêtre latinisée. Ceux qui ont fait du latin ont peut-être traduit des textes de Sénèque et de Tite-Live sur cette île difficile à dominer. La résistance, comme dautres Corses, Henri Ceccaldi lavait vécue pendant la deuxième guerre mondiale.
La Corsité est un fort enracinement. Elle sexplique par linsularité, la coexistence dune histoire et dune culture. Quant à la filiation, les succès de la généalogie auprès des Corses démontrent le respect quils ont pour leur passé humain. A cet égard, nombre de familles corses ont un passé humain riche denseignement.
La Corsitude, aujourdhui encore au fond, cest aussi être désigné comme tel ( dans des évaluations dembauche, on peut trouver sur les fiches de candidats insulaires lobservation " corse attitude "). Cela ouvre à un sentiment de solidarité dont Henri Ceccaldi ne sest jamais départi.
" Connais-tu la Corse ? " est le titre dun ouvrage de Petru Rocca avec, en illustrations, des aquarelles de R.G Gautier et des cartes dressées par Petru Ciavatti. Diogène le conseillait dans un de ses articles Petru Rocca a dirigé le premier parti ouvertement autonomiste, issu en 1927 du Partitu Corsu dAzione. Mais, en ce qui me concerne, cest en lisant les articles de Diogène que jai appris à mieux connaître la Corse mystifiée, et par mystification, comme me le disait mon ami Joël Jegouzo de Noir Comme polar, entendons toutes les dérives extra et intra muros que lîle a connues ou subies. Dans lun de ses dernier écrits paru le 12 Septembre 1960, Henri Ceccaldi disait : " Un séjour prolongé à la montagne ma permis de relire " en toute sérénité ", comme dit lautre, des vieux journaux et revues insulaires davant et après les 2 guerres : rien na changé dans notre actualité corse. Dans un journal de 1922, par exemple, un politicien fait un long exposé sur lurgence du relèvement agricole et économique de la Corse. Dans une revue spécialisée de 1930, le tourisme et léquipement hôtelier sont des " nécessités vitales " pour notre département. La plupart des articles affirment que la Corse " se meurt ", quelle est " abandonnée ", que des mesures " énergiques " simposent Et nous arrivons ainsi à lautomne 1960 Javoue quil est difficile de faire preuve doriginalité dans lexploitation des sujets de mécontentement. Aussi je me propose, dans mes prochaines chroniques, de dire tout le bien que je pense des choses qui vont mal. " Il na pas assisté à lévolution de la Corse depuis les années 1960 dont il aurait été un témoin attentif car, dans ses écrits, on retrouve les germes de cette évolution. Il na donc pas pu commenter les plans dactions, les schémas daménagement et de développement continuant à vouloir faire de la Corse un parc dattraction touristique et les raisins de la colère dAléria en août 1975. Alors que les nombres des touristes et des résidences secondaires se sont accrus, le mouvement démigration des Corses na pas été enrayé.



Lorsque le journal " Linformateur " fit peau neuve pour devenir lhebdomadaire " Linformateur corse " , Henri Ceccaldi fut cité parmi les grands absents aux côtés dautres disparus qui ont participé à la vie du journal. LInformateur corse existe, comme le Petit Bastiais et le Journal de la Corse ( doyen des journaux corses puisque sa création remonte à 1817).
Henri Ceccaldi a toujours écrit comme lexigeait son origine. A lexpression " Corse attitude " des chasseurs de têtes pour lemploi, nous préférons, en ce qui le concerne, celle de " corse a(l)titude " (Altitude comme lassociation Altitudes quil avait créée) car Diogène savait en toute chose prendre de la hauteur. Il faisait preuve dune réflexion marquée au " coin " du bon sens. Il savait aussi prendre de la distance avec la dramaturgie corse, en jouant avec talent dun autre atavisme: lhumour. Il sagit dun humour qui sauve du désespoir tout en faisant appel aux consciences. Nous aurions aimé le rencontrer au " coin du feu " dans le village dEvisa ou au " bar du coin " à Ajaccio.
Note sur l'Anthologie de la littérature corse de Mathieu Ceccaldi:
*Lassociation Mimoria Bisinca a réédité, avec léditeur et libraire ajaccien Alain Piazzola, le dictionnaire de Mathieu Ceccaldi, avant de lancer une souscription pour la réédition de son anthologie de la littérature corse qui reste la plus documentée et la plus complète à ce jour. Les cadres de cette association sont trois Eviséens : Laure Quattrini-Ceccaldi, Hevé Battini et Ignace Ceccaldi. La sortie de lAnthologie est prévue pour mars 2008 à loccasion du Salon du livre de Paris. Une souscription est ouverte. Pour tout renseignement écrire à ladresse : Association Mimoria bisinca, U chjosu à lortu, 20126 Evisa. Le premier tirage sera limité et, pour être sûr davoir cet ouvrage incomparable, vous pouvez dés maintenant souscrire ( même sur papier libre ) au prix de 28 euros ( plus 8 Euros prix de port). A la publication, le prix sera de 26 euros.
Remerciements :
Nous remercions Laure Quattrini-Ceccaldi de lassociation " Mimoria Bisinca " et Margrethe, veuve dHenri Ceccaldi, pour nous avoir remis les photocopies des articles écrits par Henri Ceccaldi dans la période de 1954 à 1960.
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