Michel Zèvaco, journaliste et écrivain dorigine corse, est né à Ajaccio en 1860 et mort à Eaubonne (Val d'Oise) en 1918.
Genre littéraire: roman populaire
Influences : Gaston Leroux, Victor Hugo
Ecrivain connu pour ses deux séries " Le Capitan " et " Le Chevalier de Pardaillan ".
Jean-Paul Sartre a dit de lui : " Surtout, je lisais tous les jours dans Le Matin, le feuilleton de Michel Zévaco : cet auteur de génie, sous linfluence de Hugo, avait inventé le roman de cape et dépée républicain. Ses héros représentaient le peuple ; ils faisaient et défaisaient les empires, prédisaient dès le XIVème siècle la Révolution française, protégeaient par bonté dâme des rois enfants ou des rois fous contre leurs ministres, souffletaient les rois méchants. Le plus grand de tous, Pardaillan, cétait mon maître : cent fois, pour limiter, superbement campé sur mes jambes de coq, jai giflé Henri III et Louis XIII. " ( extrait " Les mots ")

Jacques Siclier (critique et historien du cinéma) a dit à propos du Chevalier de Pardaillan : " Pardaillan peut être considéré comme un héros caractéristique de la France républicaine des années 1900. Il représente un symbole de liberté et d'héroïsme national, contemporain, ne l'oublions pas, du Cyrano de Bergerac réinventé par Rostand. On le voit, en 1572 (il a vingt ans) sortir, grâce à son astuce, de la Bastille où on l'avait arbitrairement enfermé. On le voit, seize ans plus tard, de nouveau captif, prendre la Bastille à lui tout seul. Ce n'est pas tout. Pardaillan ne croit ni à Dieu ni à diable. Il se range aux côtés des huguenots parce que les huguenots sont les victimes, mais la religion lui importe peu. Zévaco, qui reste discret quant à l'Église réformée, peint les représentants de l'Église catholique sous le jour le plus noir, du haut en bas de la hiérarchie. Son anticléricalisme foncier autre marque politique, de la Belle Époque fait de Pardaillan un homme complètement détaché de la religion et de la foi, uniquement soucieux de valeurs humaines. Et Pardaillan ne consent jamais à servir un maître. C'est un homme libre. Ni Dieu ni maître. "
Michel Zévaco ,journaliste, feuilletoniste et romancier populaire
Les récits de Michel Zévaco lui ont survécu parce quil a su mêler le roman de cape et d'épée à des préoccupations politiques qui percent à travers la légèreté du récit. Il s'est engagé toute sa vie sur le terrain politique. Professeur de Lettres à Vienne (Isère), il quitte son poste en 1881 pour sengager dans les Dragons en 1882. Cette période militaire lui inspire louvrage Boute-Charge (1888) sur le panache militaire que lon trouve ensuite dans ses récits de cape et d'épée. Ayant déjà des idées anarchistes malgré sa période militaire, à partir de 1888, installé à Paris, il se rapproche du socialisme et de l'anarchisme français.
En 1889, il entre à LEgalité, journal anarchisant dans lequel il publiera son premier feuilleton, Roublard et Cie (1889), où le discours politique tient une grande place. Zévaco se présente aux élections législatives de 1889, fonde des syndicats, et écrit pour faire passer ses idées (un article écrit contre le Ministre de lIntérieur lui valut quatre mois de prison, séjour qui sera suivi dun autre, pour raisons politiques également, quelques années plus tard). Il est condamné le 6 octobre 1892 par la cour d'assise de la Seine pour avoir déclaré dans une réunion publique à Paris : " Les bourgeois nous tuent par la faim ; volons, tuons, dynamitons, tous les moyens sont bons pour nous débarrasser de cette pourriture. "
Zévaco participera à plusieurs journaux et revues, parmi lesquels Len-dehors, Le Gueux ou Le Courrier Français.
Avec le roman feuilleton Borgia, paru en 1900 dans La Petite République Socialiste (journal dirigé par Jaurès), sa carrière de romancier débute réellement. Après le succès énorme de ce récit , il réduit ses activités journalistiques et se tourne vers la fiction avec Triboullet (1900-1901), Le Pont des soupirs (1901), et surtout, en 1902, le premier Pardaillan, début dune longue série.
Zévaco a écrit plus de 1 400 feuilletons (dont, à partir de 1903, les 262 de La Fausta, qui met en scène le chevalier de Pardaillan) pour le journal de Jaurès, jusquà décembre 1905, époque à laquelle il passe au Matin,
Parallèlement à ce cycle romanesque, dautres uvres dont Fleurs de Paris (1904) et Les Mystères de la tour de Nesle (1905, publié fréquemment sous le titre de La Tour de Nesle).
Au journal " Le Matin ", à partir de 1906, il devient le feuilletoniste en vogue aux côtés de Gaston Leroux, avec plusieurs totres : Le Capitan, Nostradamus (1906), (1907), LHéroïne (1908), ou encore LHôtel Saint-Pol (1909). Il sera un auteur à succès jusquà sa mort en 1918. Entre 1906 et 1918, Le Matin publie en feuilletons neuf romans de Zévaco. Son dernier roman, posthume, est Le Pré aux Clercs. Les autres uvres publiées à titre posthume sont :
La Reine d'Argot Tome I et Primerose Tome II (1922 Tallandier, Le Livre national, 325 et 326)
La Grande Aventure Tome I et La Dame en blanc, La Dame en noir Tome II (1926 Tallandier, Le Livre national, 349 et 350)
Fleurs de Paris (1921 Tallandier, Librairie Populaire et moderne, Roman damour et de passion inédit 30 fascicules)
Déchéance (1935 Tallandier, Le Livre national, 972)

Plusieurs de ses romans ont fait lobjet dadaptation au cinéma et à la télévision, notamment :
1960 ; le film "Le Capitan" dAndré HUNEBELLE (1960) avec Jean Marais et Bourvil,
1988, une série télévisée de 15 épisodes, avec patrick Bouchitey (Pardaillan) et Philippe Clay.
1997: Pardaillan, téléfilm d'E. Niermas, avec Jean-Luc Bideau (Pardaillan père), Guillaume Canet (Pardaillan fils) et Garance Clavel (France).
Michel Zevaco est dorigine corse. Il est né à Ajaccio mais un village corse porte le même nom " Zévaco " et fut probablement créé (son nom au moins) par un Giovannali appelé Zevaco au XIVè siècle. D'autre part les premiers nom de famille "Zevaco" auraient été attribués au XVè siècle, à des habitants des faubourgs d'Ajaccio, originaires du village. Si une famille est incontestablement originaire du village, il n'y reste actuellement aucune trace de son nom, que ce soit sur la matrice cadastrale, sur une tombe, ou dans un lieu-dit, ni aucune légende qu'aurait pu rapporter la tradition orale. Ce nom ne figure sur aucun texte relatif à l'histoire du village depuis le 18ème siècle. On connaît Laurent Zevaco, maire d'Ajaccio en 1848. Plus récemment, Monseigneur Zevaco, né en 1925 à Vico, fut nommé évèque de Madagascar en 1968 par le pape Paul VI.
Michel Zévaco a écrit des romans de cape et dépée et historiques mais aussi un roman policier et mystère.
Nous avons choisi un extrait de " Fleurs de Paris " édité en 1904 (Un titre inspiré par " Les fleurs du mal " de Beaudelaire). Il sagit du Chapitre X intitulé " Lexpédition nocturne ".
LExpédition Nocturne
Deux heures du matin. Une de ces nuits funèbres des grands hivers parisiens. Lhôtel dAnguerrand était désert, son grand portail massif solidement fermé, ses croisées closes, sa façade muette et noire. À travers les persiennes de deux fenêtres qui se touchaient, une pâle et triste lueur, pourtant, filtrait
Sur le trottoir den face, un homme et une femme, renfoncés contre le mur de la maison que Lise avait habitée, immobiles, silencieux, raidis par lattention, fixaient cette double lueur.
À dix pas de là, une voiture stationnait
La femme, parfois, jetait à droite et à gauche un long regard qui fouillait la nuit. Mais lhomme ne pouvait détacher se yeux hagards de ces fenêtres.
Il eut un soupir rauque et passa le revers de sa main sur son front
Marche murmura la jeune femme. Songes-y ! Loccasion, la voici !
Oui, fit lhomme dans une sorte de grognement, mais il ne fit pas un pas.
Tu noses pas ! reprit la femme. Tu aurais dû amener deux ou trois aminches
Jamais ! Je ne veux pas quon voie que je vais faire cela moi ! Cest déjà trop que tu aies fait venir Biribi nous navions pas besoin de sapin !
Biribi est un frère. Allons, vas-y ! Cest la fortune ! continua la femme dans un murmure imperceptible et ardent. Avant-hier soir, nous ne pouvions pas acheter deux sous de pain Pour un mauvais quart dheure à passer, nous voilà riches ! Est-ce que ce nest pas un peu notre tour, dis ?
Assez ! haleta lhomme. Ne me remets pas ces colères-là au ventre jy vais !
Bon ! Te rappelles-tu bien le plan, tel que Charlot te la remis ce matin ?
Je lai là, dit lhomme en se frappant le front.
Il traversa la rue ; dun bond il atteignit le faîte du mur de bordure, se hissa à la force du poignet, sauta Il était dans lintérieur de lhôtel !
Alors, lattitude de Jean Nib saffaissa Il monta les degrés du perron, silencieux comme un spectre, et, avec quelques outils, se mit à travailler : au bout de cinq minutes, la porte souvrit
Jean Nib, dans le vestibule, se mit pieds nus ; il réfléchit quelques instants, très calme, très sûr de lui, puis il monta.
Jamais il navait pénétré dans cet hôtel mais la fièvre de laction décuplait sa mémoire et il lisait en pensée le plan quil avait étudié toute la journée. Il savait dailleurs, par Charlot, cest à dire Gérard, que le baron dAnguerrand avait renvoyé toute la domesticité, ne gardant quune vieille bonne qui couchait dans les combles. Le coup était facile il était sûr datteindre le but
Ce quil ferait alors le coup de couteau final il lécartait de son imagination
Il monta, franchit des couloirs et des pièces, marchant de son pas souple, les mains étendues, sentant lobstacle à distance, se glissant, ne provoquant pas un craquement. Tout à coup, il se vit, ou plutôt se sentit dans une vaste salle qui nétait pas prévue dans cet itinéraire du crime : Jean Nib comprit quil était égaré.
Il tira de sa poche une petite lanterne sourde, fit jouer un ressort, et un mince filet de lumière électrique jaillit. Jean Nib vit quil était dans un salon somptueux, et à la vue des richesses entassées là, un sourire terrible crispa ses lèvres, les veines de son front se gonflèrent, ses prunelles se strièrent de rouge Tout à coup, il eut un sursaut effrayant Quelquun était là qui le regardait !
Quelquun ! Une femme en toilette de soirée, jeune, belle, avec des yeux très doux et un sourire un peu triste
Jean Nib se ramassa pour bondir
Subitement, il se détendit, haussa les épaules et il eut un ricanement silencieux Cette femme, cétait un portrait un grand portrait en pied ce nétait quun portrait !
Lassassin soupira, essuya son front mouillé de sueur, et alors, avec une sorte de curiosité morbide, examina le portrait Plus il le regardait, plus il se sentait attiré, fasciné Le jet de sa lanterne éclairait la tête de la femme et faisait vivre les yeux, tandis que tout le reste se noyait dombre Jean Nib simmobilisait dans cette contemplation Lassassin, peu à peu, tombait à une rêverie profonde, étrange, qui nétait pas la rêverie spéciale du crime, qui était quelque chose dinexprimable quil tâchait pourtant dexprimer :
Quelle est belle ! Ou plutôt quelle a dû être belle, jadis ! Car le portrait il y a des années quil a été fait Quand ? Je ne sais pas mais il y a longtemps, cest sûr Oui, voilà un sourire qui dit bien des douleurs Quelle a dû être bonne ! Oh ! et ses yeux ! ces grands yeux bleus où il y a comme une lumière ! Ah ça ! où ai-je vu ces yeux-là, moi ?
Jean Nib se disait ces choses, sans que ses lèvres eussent une agitation, mais un frisson convulsif, parfois, le secouait. Et il reprit :
Ces yeux ! Oh ! mais est-ce que je vais les voir partout ? Où les ai-je vus ? Où ? Oh ! je veux le savoir ! Cela maffole Oh ! jy suis ! Ce sont les yeux de cette gosse qui sappelle Marie Charmant ! Les mêmes yeux ! ces yeux où jai cru voir, moi, des choses que pourtant je navais jamais vues !
Soudain, la vision sévanouit Jean Nib venait de pousser le ressort de sa lanterne.
Et il reprit sa marche glissante, sans un craquement, sans une erreur, marchant dinstinct à lune des quatre portes qui souvraient sur ce vaste salon à celle-là et pas à une autre.
Quelques minutes plus tard, il se trouvait devant une serrure à travers laquelle passait un rais de lumière. Et il dit en lui-même :
Cest là ! Lhomme que je vais tuer est là ! Et la chambre voisine, cest celle de la jeune fille que je vais tuer ! Le père et la sur de celui qui me paye pour tuer !
Alors Jean Nib tâta du bout des doigts, ausculta pour ainsi dire, la serrure : elle nétait pas fermée ! Il ny avait quà tourner le bouton !
Les sourcils de Jean Nib se contractèrent. Il frissonnait. Sil se fût vu, à cette seconde de lutte suprême contre la tentation du forfait, il se fût épouvanté
Brusquement il secoua sa crinière. Dun geste rapide, il se fouilla, et lorsque sa main reparut, elle se hérissait dune lame épaisse emmanchée solidement Il navait quà ouvrir et à se ruer !
La porte ouverte, Jean Nib sarrêta court : lhomme quil devait tuer dormait sur un fauteuil
Cela lui produisit une étrange impression, comme si une main eût arrêté sa main.
Il fit trois pas, le couteau au poing, la mâchoire violente, les yeux convulsés.
Si lhomme sétait éveillé à ce moment, il était mort.
Le baron Hubert dAnguerrand dormait près dune table sur laquelle il y avait une lampe et un amas de divers papiers.
Jean Nib sapprocha jusquà le toucher presque. Le baron ne séveilla pas. Il murmurait des mots confus.
Lassassin évitait de regarder la victime.
Son regard errait, hagard, morbide, et promenait sa flamme de folie dans les angles de cette chambre. Ses doigts crispés jusquà une sensation de douleur se raidissaient sur le manche du couteau
Tout à coup, il leva le poing ! Lentement, le couteau se dressa dans lair
Mon fils balbutia la victime qui, au fond de son rêve, parlait à quelquun.
Les cheveux de Jean Nib se hérissèrent ; ses yeux se gonflèrent comme si les larmes eussent voulu jaillir et doucement, son poing retomba et il murmura :
Il appelle son fils ! Pauvre bougre ! Tu ne sais pas quelle affreuse crapule cest, ton fils ! Moi, je suis Jean Nib nest-ce pas ? Ça veut tout dire ! Eh bien, je vaux encore mieux que ton fils !
Sourdement, il répéta :
Son fils ! Il appelle son fils ! Allons ! finissons-en !
Le couteau, de nouveau, décrivit son effroyable parabole, et, un instant, demeura suspendu au-dessus de la poitrine du baron dAnguerrand.
Voilà ! songea lassassin dans une sorte de morne délire. Ma main va sabattre sur la poitrine qui est là ! Le sang va jaillir et cet homme sera mort ! Et cet homme dort ! Et cet homme ne ma fait aucun mal, à moi ! Oh ! faire cela ! Être ce que je ne suis pas encore ! Dégringoler cette dernière pente du crime ! Tuer ! Tuer ce malheureux qui ne se défend pas, qui dort ! et appelle son fils ! Oh ! je ne peux pas ! je ne peux pas !
Dix minutes plus tard, Jean Nib ouvrait une fenêtre et modulait un coup de sifflet si doux quà peine pouvait-il être entendu Alors, Rose-de-Corail sapprocha vivement de la voiture qui stationnait au coin de la rue de Babylone, et murmura :
Ça y est ! À nous, Biribi ! enlevons les macchabées ! Cest dans lordre et la marche du programme imposé par celui qui casque !
Michel Zévaco porte encore une fois, dans ce roman, haut la bannière de la littérature populaire, au meilleur sens du terme. L'histoire se passe à Paris, à la fin du XIXe siècle. Disparitions, réapparitions, meurtres, trahisons, vengeances, tous les ingrédients du genre y sont. Et vous ne vous ennuierez pas pendant une seule ligne...
Vous pouvez lire gratuitement le roman complet sur le site : Ebooks libres et gratuits.
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