What a Wonderful Wager, Mister Bensaïdi!
Le titre ne peut laisser indifférent les Internautes amateurs de jazz, puisquil sagit dun des morceaux les plus connus dun des papes de cette musique aux racines noires, le regretté Louis Armstrong ( première version en 1968 et il la reprendra avec The Oliver NelsonsOrchestra en 1970 avec une nouvelle introduction). Pour ceux qui préfèrent le Hard Rock , TNT en a fait la version " All The Way To The Sun " en 2005. Même Celine Dion a donné sa version dans son Album " A New Day
Live in Las Vegas , en 2004 ). Du côté des musiques de film, on la retrouve dans " Bowling for Columbine " de Michael Moore ou dans " A la rencontre de Forester " en 2001 avec lacteur Sean Connery dans le rôle principal
Sean Connery , le premier et le meilleur James Bond... Cela nous raméne au film de Faouzi Bensaïdi , qui joue lui-même le rôle du tueur professionnel, Buster Keaton aux allures de ce James Bond des années 1960. Notre acteur réalisateur ne manque pas de culture cinématographique. Avant ce film , il avait réalisé " Mille mois " dont il avait dit lui-même quil sagissait " dun film arabe social et humaniste ". Pour WWW, What a Wonderful World, il nous dit " Mon film revendique sa différence en assumant une individualité libre et indépendante face à une identité collective oppressante. Je pense que le salut du monde arabo-musulman passe par lémergence de lindividu ". Cest un point de vue fort dit tout en finesse, comme son film. Tout en sinscrivant dans le genre noir, il ne recule pas devant le lyrisme qui côtoie le burlesque du cinéma muet
Cest tout un monde cinématographique qui défile avec des références que nous vous laissons découvrir car cest la découverte des clins dil et des inspirations qui en font le plaisir. Donc point dérudition castratrice du plaisir des autres. Et même si vous navez pas une culture cinématographique de militant cinéphile, ce film est un florilège de genres qui devrait vous séduire. Novateur, il reste marocain en rupture avec le cinéma marocain mais pas avec lidentité marocaine. Cest un film contemporain où la mort et lamour apparaissent comme des jeux virtuels. Et le virtuel permet tout jusquà la déjante, même sur des sujets graves comme l'émigration ou un certain 11 septembre.
Lhistoire pourrait apparaître banal : Un tueur à gage, Kamel joué par Bensaïdi, passe par lInternet pour ses contrats. Après chaque meurtre sur e-commande, il a recours aux services dune intermittente de la prostitution, Souad, mais cest une autre qui décroche, Kenza (joué par Nehza Rahil) dont la seule voix provoque chez lui les feux de lamour. Kenza avait déjà croisé le chemin de Kamel qui se met donc à la recherche de celle qui savère être un agent de la circulation. Laffaire se complique encore lorsque un hacker , Hicham, candidat à lexil pour lEl Dorado européen, tombe par hasard sur les contrats très spéciaux de Kamel
Ces deux fils forment la trame du film qui nest pas banal. Les dialogues surprenants, le choix des musiques et les chorégraphies font apparaître tout le talent de Faouzi Bensaïdi qui met en scène le Maroc du 21ème siècle entre archaïsme et modernité, tout en démontrant que les technologies sont à la portée de tous et que chacun peut se les approprier. Avec ce film, il sest approprié beaucoup du cinéma des autres ( Almodovar, Jamush, Tati, Murnau, Fellini, Arthr Penn, Orson Welles
le musichall, la comédie musicale, le dessin animé, le polar, le cinéma indien , le cinéma muet, le burlesque
) et il nous offre son cinéma sans mimétisme, avec la générosité dun passionné qui aime la déjante. What a Wonderful Wager !
Si le titre correspond à un morceau de jazz, le fond noir prend, sous des lumières froides, les tonalités dun rap , le lyrisme ajoute la poésie dun Slam qui, par la magie de lInternet, pourrait être un I Slam.
Faouzi Bensaïdi a été primé deux fois à Cannes pour son premier long-métrage " Mille mois ", en 2003. Se déroulant en 1981, Mille mois est centré sur le personnage de Mehdi, un jeune garçon vivant dans un village des montagnes de l'Atlas et veillant à la chaise de l'instituteur. Sa mère et son grand-père lui font croire que son père est parti travailler en France alors qu'il est en prison. A tout moment, l'équilibre de l'enfant menace de s'écrouler...
Le réalisateur ,né à Meknès en 1967, avait été doublement récompensé, avec le prix "Premier regard", suivi de celui du Ministère français de la Jeunesse. En 1998, à la Biennale de Cinéma à lInstitut du Monde Arabe de Paris, il avait présenté son premier court - métrage " La falaise ", qui recevra vingt-trois prix. Parmi ses autres courts-métrages, " Le mur", sera très remarqué. La caméra, délibérément plantée face à un mur dans une rue dune grande ville marocaine, filme en plan fixe tous les événements cocasses, émouvants ou graves qui, en vingt-quatre heures, peuvent se produire en un lieu apparemment si banal... Le mur est sélectionné en 2000 pour la "Quinzaine des Réalisateurs" à Cannes et décroche un autre prix . " Mes courts - métrages ont constitué des pistes pour lavenir ", avait confié le cinéaste. André Téchiné lavait remarqué, et choisi en 2001 à la fois comme son co-scénariste et acteur pour son film " Loin ", dont laction, qui se situe à cheval sur la France et le Maroc, " reflète lexigence dhonnêteté de Téchiné et prend en compte le point de vue marocain ", avait affirmé Faouzi. Diplômé en 1990 de lInstitut Supérieur dArt Dramatique et dAnimation Culturelle (ISADAC) de Rabat, il est entré en 1994 au Conservatoire dArt Dramatique de Paris, qui lui a offert une passerelle avec la FEMIS, la fameuse école française de cinéma. Deux ans plus tard, cest en qualité de comédien quil est retenu pour Mektoub, de Nabil Ayouch, lun des cinéastes marocains les plus en vue. Il y incarne un inspecteur de police. En 2002, Faouzi a tenu lun des premiers rôles dans Le cheval de vent, de Daoud Aoulad-Syad, celui dun voyageur auquel il prête un attachant burlesque poétique. Il qualifie sa démarche artistique delliptique. Il aime déjouer les attentes du public, sans le larguer. Il propose une manière personnelle de regarder le monde et les êtres.