• Sergio CECCOTTI, artiste-peintre détective

    L’insolite normalité et les mystères métropolitains : Sergio Ceccotti, artiste peintre détective du quotidien.



    A Marseille, le centre de la Vieille charité proposait une exposition de faïences provençales et céramiques ottomanes, des pièces appartenant à un collectionneur et mécène marseillais, Pierre Jourdan-Barry. Des œuvres qui poussent au plaisir esthétique ceux qui les regardent… " Regards " est le nom de la librairie hébergée dans ce lieu culturel… Et dans cette libraire, nous avons trouvé un ouvrage sur le peintre Italien Sergio Ceccotti… une autre esthétique bien différente mais combien plus proche du polar… mais aussi du cinéma. On rencontre dans ses œuvres King Kong , Marylin Monroe, Laurel et Hardy, Gary Grant dans " Soupçons " d’Alfred H ( et donc Edward H. n’est pas loin)…. En feuilletant, on s’arrête sur des scènes qui racontent des histoires à imaginer comme « Intérieur suicide » ( Au premier plan un salon, une porte est ouverte sur un chambre où une femme gît dans son lit, son bras pend et sa main repose entre un verre et le combiné téléphonique décroché… On revient dans le salon, près de la fenêtre, sur un guéridon sont posés un journal, un verre et une tasse … Par la fenêtre, une horloge indique cinq heures cinq, le ciel est rougi et des fenêtres sont éclairées). …) Les intérieurs désertés , chambre d’hôtel ou appartement, contiennent des objets laissant supposer une présence humaine : un livre, une lettre… Les scènes quotidiennes deviennent insolites et réveillent en vous le détective qui dort. Comment, dès lors, résister à l’achat de ce livre sans aucun lien avec l’exposition du jour?



    Au début de l’ouvrage, Edward Luci-Smith, présente l’artiste et les œuvres reproduites, avec des repères de pages. Le texte concis et dense est une aide à la compréhension de l’œuvre. Ceccotti apporte sa contribution en répondant à trois questions. Ensuite, les pages sont entièrement occupées, sans texte, par les reproductions des peintures à l’huile sur toile. Edward Luci-Smith , auteur de l’ouvrage né à la Jamaïque, est poète, romancier, biographe et historien de l’art. Il a écrit de nombreux ouvrages sur l’art moderne et l’art contemporain.

    Sergio Ceccotti est né à Rome en 1935, Sergio Ceccotti étudie d'abord à la Internationale Sommerakdemie für Bildende Kunst de Salzbourg sous la direction d'Oskar Kokoschka. Il suit ensuite les cours de dessin de l'Académie de France à Rome de 1956 à 1961.
    À partir de 1960, Sergio Ceccotti expose dans de nombreuses galeries dont la Galerie Alain Blondel qui suit ses travaux depuis la fin des années 1980. Ses peintures sont présentes dans de nombreuses collections publiques et privées en Europe et aux Etats-Unis. Il vit à Rome.


    L’ouvrage acheté : Sergio Ceccotti - Edtion Lachenal et Ritter – par Edward Luci-smith :

    L'interview de l'artiste par Lydie Lachenal et Kenneth Mesdag Ritter, qui suit le texte principal, éclaire les questions fondamentales de la création. Après les reproductions d’œuvres marquantes, on trouvera un historique et une bibliographie très complète
    Inscrit dans la filiation de Chirico mais résolument moderne, Ceccotti utilise dans la figuration des plans proches de la BD et des tracking shots de cinéma. Ce flâneur des villes puise avec audace et talent dans les rues de Rome et de Paris les thèmes esthétiques, poétiques et métaphysiques de la réalité moderne qui nous entoure et que nombre de peintres préfèrent ignorer - une réalité puissante, colorée, insolite et souvent inquiétante. Sergio Ceccotti, comme de nombreux peintres italiens vivants, est souvent décrit comme l'héritier de ""La pittura metafisica" de Giorgio de Chirico, et bien qu'il le célèbre dans son tableau "Hommage à de Chirico', les influences sont multiples.
    Edward Luci-smith écrit " En fait, pourtant, la référence à la " pittura métafisica " peut induire le spectateur en erreur, et même lourdement. Pour aborder une analyse de l’œuvre de Ceccotti, il est nécessaire d’examiner ses acquis culturels et de noter en particulier qu’il fut l’élève de
    Kokoschka*. Bien entendu, il existe ici un certain parallèle avec Chirico lui-même puisque ce dernier devait beaucoup à la peinture d’Europe centrale, et tout particulièrement à l’œuvre d’Arnold Böklin… Dans ses tableaux, Ceccotti présente toutes les phases du malaise du Vingtième siècle. Il utilise sa part d’angoisse d’une façon profondément créatrice, pour tenir haut un miroir qui reflète de nombreux aspects de la société urbaine moderne… "


    *Oskar Kokoschka (né le 1er Mars 1886 à Pöchlarn en Autriche; † le 22 février 1980 à Villeneuve en Suisse), est un écrivain et peintre expressionniste autrichien. De 1903 à 1909, Kokoschka suit les cours de la Kunstgewerbeschule de Vienne (il présente le concours d'entrée en même temps qu'Hitler et, à la différence du futur dictateur, le réussit)

    Tableau de Koloschka

    L'univers de Ceccotti est très proche de celui de l'artiste américain Edward Hopper, par cet attachement à une certaine mélancolie urbaine, par quelques éléments typiques tels que le traitement de la quotidienneté, de l'histoire d'une époque avec ses mythes, ses modes, sa culture, son architecture des espaces extérieurs et ses ambiances intérieures... Entre influence Pop, Surréaliste, Réaliste, le travail de Ceccotti, proche d'un film de série noire, révèle une vision sociologique, métaphysique et contemporaine du monde, où se mêlent légende et vie ordinaire. Il utilise le principe du découpage des scènes tel un story-board ou une planche de bandes dessinées, il crée une séquenciation des plans supplantant évidemment la camera du cinéaste. La multiplicité des images dans une toile permet simultanément une lecture parcellaire et globale. Ceccotti nous introduit dans un monde où tout paraît à priori normal, mais les détails allégoriques ou fantaisistes induisent quelque chose d'inquiétant, d'étrange; au seuil de multiples petites perturbations auxquelles nous assistons en tant que témoin privilégié, celles-ci nous tiennent en haleine par un suspens électrique. Mélancolie de la métropole, lassitude, angoisse des temps modernes, sensation d'un arrêt du temps, grâce à ses procédés techniques, Ceccotti nous entraîne dans un visible quasi photographique, dans une peinture de la réalité qui nous entoure sans tabous culturels, en créant des images poétiques.

    Propos de Sergio Ceccotti : " … Je me promène dans la ville de préférence le dimanche, et j’ajoute : les dimanches d’été. Les magasins fermés, la circulation réduite, la sensation d’arrêt du temps, tout cela permet de regarder les choses en elles-mêmes, en dehors de leur fonction : une pompe à essence fermée n’est plus le même " objet ", la chose près de laquelle on s’arrête pour faire le plein – voilà ce qui nous amène fatalement à de Chirico, qui nous a ouvert les yeux, au début du XXème siècle, sur la mélancolie des métropoles, la lassitude et l’angoisse qu’engendre la modernité. Le paradoxe est que lui-même n’a jamais abordé directement le thème de la métropole – ce qui l’aurait situé dans son époque -, il a bâti au contraire des images intemporelles toujours actuelles aujourd’hui, à partir d’éléments tirés très probablement de ses souvenirs d’enfance, c’est-à-dire de la province grecque à la fin du XIXème siècke, ce qu’il y a de plus loin de notre modernité. " extrait des trois questions posées par Lydie Lachenal et Kenneth Mesdag Ritter dans l’ouvrage de Edward Luci-smith.






    Sergio Ceccotti, artiste-peintre détective:









    Sergio Ceccotti et les influences:






    Propos de spécialistes:


    Propos d’Antonio Del Guercio : Sergio Ceccotti travaille dans le sens contraire: vers une réduction de la "spectacularité" de l'image, une banalisation iconographique. Mais cette réduction et cette banalisation subissent de légères effractions : un détail bizarre, une présence incongrue, une subtile aberration de la perspective rendent l'image élusive ou inquiétante. Mais c'est surtout la reconquête tenace de l'intensité nue de la peinture - du charme qui émane de l'économie interne de ses moyens - qui donne toute leur force aux œuvres de Ceccotti. Ce charme et cette intensité, ils les a cherchés en dialoguant avec les ré-articulations figuratives que l'on fit dans les années 20 et 30 à partir du silence stupéfié de la Métaphysique " deChiriquienne " ; mais en dialoguant aussi avec une certaine peinture romaine d'avant-guerre. Et avec les ambiguïtés iconologiques du Surréalisme, dont il a recueilli - avec un calcul mesuré et sans grandes déclamations - quelques échos troubles et feutrés. Et naturellement, devrais-je dire, cette peinture est vouée à la nuit urbaine (où il lui arrive parfois de rencontrer les traces des désolations chantées par Edward Hopper), au kitsch, aux intérieurs claustrophobes, aux indéchiffrables colloques entre les objets inanimés, aux miroirs inutiles, au bruit qui monte lorsque rien ne bouge et que personne ne parle. Et à la longue durée du regard. "


    Les Lettres françaises - Décryptez le Ceccotti code, par Christine Sourgins

    Ceccotti est un peintre d’intrigues, d’énigmes quotidiennes dans un cadre urbain : une rue de Paris, un intérieur d’appartement, de bureau, une chambre d’hôtel. Quelques personnages viennent rôder sur la toile mais ce qui impressionne d’abord c’est le théâtre des lieux. Des dispositifs panoramiques se réfèrent au théâtre, ou bien au balayage d’une caméra : à droite, derrière une baie vitrée, la ville, devant nous un salon se déploie en profondeur, à gauche une enfilade révèle des silhouettes. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi cette part de gros gâteau crémeux au premier plan ? Arsenic ou cholestérol ? On songe à Hitchcock mettant en valeur un verre de lait dans ses films. Et ce revolver qui traîne ? Il aime ces allusions au monde policier. Dans ses toiles, quelque chose a ou va avoir lieu. Mais le peintre évite l’anecdote descriptive : c’est au spectateur de reconstituer le scénario.
    Voici un nocturne : au premier plan la pluie frappe les carreaux et le fenestron télévisuel diffuse les Portes de la nuit ; au mur une gravure du déluge biblique ; au fond de la pièce on butte sur la cage vitrée d’une douche semblable à celle de Psychose : Cherchez la mise en abîme. Parfois elle est si vertigineuse qu’un personnage se raccroche à la corniche de l’immeuble. Ceccotti pratique le jeu du tableau dans le tableau, ici un Braque, là un Buffet... Sa peinture parle aussi de la Peinture : il partage le goût de la nuit, des trains et des femmes nues avec Delvaux, des lieux esseulés avec Hopper, d’une inquiétante étrangeté avec Chirico. à cela s’ajoutent des jeux plastiques où la sphère d’un luminaire répond au carré d’une fenêtre, l’intérieur s’oppose à l’extérieur, le vert acide au bleu saphir. Il donne des indices qui nous mènent en tableau : il peint un livre dont l’auteur se nomme... Ceccotti. Son roman ? La Robe rouge - titre et sujet du tableau. C’est dire l’ironie des choses.
    Les objets vedettes sont ceux qui délivrent un message : télévision, téléphone, portable, journal, courrier, livres... Tous signifient une société obsédée de communication, où, plus on communique, moins on communie. Aussi les personnages sont absents, en manque ou en attente. Et si les références cultivées ou les rébus visuels servaient à restaurer une communion perdue, au monde, à la société, à nous mêmes ? Alors pourquoi ce parfum années soixante, celui du métro avec son ambiance rétro alors qu’une voyageuse lit le numéro récent d’un quotidien célèbre ? Le costume de ces années évoque tout un univers de romans ou de films noirs. Cette période paraît plus à même de traduire la dignité du quotidien, le mystère qui réside dans la banalité. Ce décalage vestimentaire donne à cette œuvre un soupçon de hiératisme, d’une mise à distance de la réalité, grâce à laquelle on peut regarder en face les apparences trompeuses : dans un salon au design inactuel règne une ambiance de farniente, qui vacille quand on aperçoit un magazine avec, en couverture, un terroriste du XXIe siècle...




    Les sites choisis pour plus :

    http://www.galerie-blondel.com:83/4daction/L_expo/vx/53
    http://www.etciu.com/sergioceccotti.htm
    http://www.ca-doro.com/artCECCOTTI2.htm


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