• Michel Jacquet, auteur provençal au festival corse du polar

    Avec Nina, Michel Jacquet fait la différence: une héroïne qui aime le figatellu.



    Dans son avant-propos, Michel Jacquet explique la genèse de son quatrième roman " Nina, la Belle de Mai ", paru aux Editions Autres Temps en octobre 2007.

    C’est sur le Vieux Port, lors d’un apéritif à la terrasse d’un café, que Nina mais aussi sa copine Ma Moune ont fait irruption dans l’imaginaire de l’auteur en pleine réflexion existentielle." Si tu n’es ni le meilleur, ni le premier, soit différent. Très jeune, je pris conscience que je ne serai jamais le meilleur. Difficilement le premier. Voulant mettre en application ce proverbe chinois, la volonté d'être différent m’obsédait. Un dimanche soir, alors que je terminais ma permanence judiciaire, au commissariat central de Marseille, j'étalais mon souci du moment à mon collègue de travail. Il était assurément question de mon parcours littéraire et de l'éventuel succès de mes ouvrages à venir. C'est au cours de ce petit apéritif plutôt anisé, sur le vieux port de Marseille, que la réponse me fut donnée. Mon coéquipier me l'expliqua avec une simplicité déroutante… "

    Attablé sur le Vieux Port (con ! C’est dur la vie !), notre auteur, renonçant à être le premier ou le meilleur, cherchait sa différence avec un collègue (néanmoins ami) qui lui disait : " Tu es toi. Comme chaque être humain, tu es unique. C’est pour ça que tu es différent. C’est tout."

    Il faut croire en la puissance dialectique d’un verre de pastis. L’ami flic le réconfortait en lui révélant que l’ego de chacun établit sa différence : Il s’agit là d’une lapalissade et non pas d’un paradoxe seulement et faussement dû à la paronymie entre les mots " ego " et " égaux ". Des gens sont plus égaux que d’autres, comme disait Coluche et nous ajoutons que d’aucuns sont plus ego que gogos. Il y a des évidences qui font du bien au moral… apprendre que je suis moi et seul à être moi, cela me conforte dans la conviction qu’il faut commettre ses propres erreurs mais aussi ses réussites. " Etre différent pour être vu. Etre différent pour être cru. Etre différent pour être lu " est un slogan publicitaire qui peut faire la différence.

    Toutefois une question se pose à rebours : suffit-il, pour être soi-même, d’être différent des autres ?… Bon ! Je m’égare… Vous poserez la question à votre prof de philo… Et puis tout compte fait, parfois, ça fait aussi du bien de ne pas être différent, par exemple d’un jeune homme beau, fort, en bonne santé, intelligent, riche et généreux. Ah ! Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait !

    C’est l’apparition de deux jeunes beautés méridionales à la table d’à côté qui va mettre le feu ou du moins l’étincelle dans le cerveau de l’écrivain qui faisait immédiatement la différence : celle de l’âge entre lui et les deux girelles. Conséquence : Elles prendront chair en beautés de papier sous sa plume et non dans son plumard.


    Nous le comprenons lorsque nous revenons à la première page de couverture sur laquelle une belle brunette auréolée de bleus allant de l’azuréen au bleu nuit, nous offre son profil dans ce cocon tamisé… Elle est en position de tir, bras tendu et au bout un revolver de 4 pouces bien en main entre ses quatre doigts différents, l’index sur la détente. Heureusement, elle ne vise pas le lecteur. Son tir est légèrement dirigé sur la droite. Donc, le danger ne vient pas de l’arme mais de la beauté et de la jeunesse de cette panthère brune au regard prédateur…




    Nous avons déjà consacré deux articles pour les précédents ouvrages de Michel Jacquet dont le personnage récurrent était le Nervi, laissé peut-être provisoirement à ses sculptures en bois d’olivier… Mon vier ! Monsieur Olivier ! … Mais ne nous égarons pas à nouveau! Nous connaissions déjà Anaïs, la girelle de la Belle de Mai, celle de Gilles Del Pappas. Faisons connaissance avec la Nina de Michel Jacquet.


    Dans le projet d’écriture, Nina devait être une cagole… Mais attention, une cagole n’est pas un cageot ou une estrasse. C’est un joli brin de fille, aguicheuse et vulgaire. Là, je prends un gros risque : dire à une cagole qu’elle est vulgaire, cela suffit pour se faire étriper. Et après avoir lu le roman, Nina et son amie Ma Moune peuvent se révéler de vraies tigresses à la simple idée qu’elles auraient pu être des cagoles. Vais-je assumer ? Bon ! Tant pis ! Je vais faire le cagagnard, qui se croit malin comme un renard mais fond comme neige au cagnard. Je balance. J’ai trouvé la définition dans " La Tchatche de Marseille ", ouvrage écrit par Michel Ficetola qui ajoute pour illustrer la définition : " Choisir entre Paule et Carole, c’est choisir entre la vérole et la pécole. Une cagole, c’est une cagole ! " Et puis c’est Michel Jacquet, lui-même, qui a reconnu avoir péché par la pensée, avant de se repentir.

    Michel Jacquet, au fil de l’écriture, n’a pu se résoudre à cette image péjorative et trop superficielle d’une fille issue du petit peuple de la Belle de mai… A la corbeille la cagole devenue une cagade littéraire (cagade signifiant " grossière erreur ou bêtise ") ! Pour son quatrième roman, il nous présente une vraie héroïne de roman : Nina, une beauté méridionale conforme au joli nom de la Belle de Mai, quartier populaire du 3ème arrondissement de Marseille : " Concernant Nina, dit-il, j'ai préféré enlever ce coté cagole. J'ai trouvé qu'il était déplacé. Il était trop en décalage par apport à l'aventure qui arrive à cette femme. Donc pour parler de Nina c'est une jeune femme d'une trentaine d'année qui travaille dans une maison de retraite. Elle fait la connaissance d’un homme d'une cinquantaine d'année élégant, charmant. Tous deux tombent amoureux. C'est à partir de ce moment là que l'histoire démarre ".

    Tant pis pour Nina ! Son amant aura la cinquantaine dans le roman. Ce sera comme ça et pas autrement. En plus, elle ne sera entourée que par des hommes du 3ème âge. Et là, sur le papier, l’auteur a su faire valoir sa différence en tête-à-tête avec lui-même. Notre Nina est donc une belle et brave fille qui a du tempérament et de la mentalité, comme on le dit à Marseille. Elle est une Babi (marseillaise d’origine italienne). Elle fait partie d’une de ces tribus marseillaises comme on en trouve au cinéma chez Robert Guédiguian. La tribu a son village. Ce n’est pas l’Estaque mais la place Cadenat dans le quartier de la Belle de Mai à Marseille… On peut citer Marius dit " Papy Moustache ", Augustin, un ancien maçon, son épouse Marinette, et Maryse, l’amie coiffeuse qui s’est expatrié Place Castellane, un quartier chic… Mais la belle de la tribu, c’est Nina et sa meilleure amie est Ma Moune. Nina bosse dans une maison de retraite. Dans son immeuble, l’âge moyen n’est pas loin de celui de son lieu de travail mais, là, ce sont des vieux qui la chouchoutent et veillent sur elle…. En parlant de chouchouter, son petit ami, elle l’appelle Chouchou, à ne pas confondre avec ciuciu (prononcé tchioutchiou avec le " i " discret) qui signifie " âne ". Nina a aussi une énorme qualité : elle aime le figatellu et a un faible pour les insulaires. Et son Chouchou est vraiment chou car il choisit un restaurant corse pour un dîner en amoureux, sauf que la serveuse est superbe (une beauté latine dans un restaurant corse, donc une Corsoise, ai-je pensé, même si elle se prénommait Sylvie ) et la présence de cette pin-up charmante suscite la jalousie de Nina qui en devient désagréable. Par sa colère froide, Chouchou impressionne tout de même la panthère qui rentre ses griffes. Chouchou n’était pas un Tchioutchiou… Je l’ai déjà dit.

    Dès le premier chapitre, l’auteur annonce : " Un seul éclair, une seule détonation, une seule balle. Un trou sanguinolent au milieu du front et… la mort. Instantanée. Rien ne pouvait laisser présager un tel drame ; une si belle journée !… " Mais qui était visé ? La quatrième page de couverture le dit : " Nina est une belle jeune femme qui n’a pas froid aux yeux. Dans son quartier de la Belle de Mai, à Marseille, elle partage sa vie entre Ma Moune, sa meilleure amie, et Chouchou, celui qui pourrait peut-être devenir son grand amour. Chouchou est abattu sous ses yeux et dés lors une course-poursuite s’engage jusqu’à Lyon, au cours de laquelle Nina, de victime, devient chasseur. Pour découvrir coûte que coûte la vérité, elle va naviguer en eaux troubles, baignant entre pègre, DST et Stups. "

    Vous comprenez pourquoi j’ai écrit " Chouchou n’était pas un Tchioutchiou " en utilisant un temps de trépassé. Mais qui était ce Chouchou qu’elle croyait connaître ? Après sa mort brutale, notre Nina va donc se frotter à de gros voyous et là, ce n’est plus de la galéjade (même si elle n’est jamais loin ). Toute la petite tribu sera mobilisée et même renforcée... Nous n’en dirons pas plus… D’autres personnages entrent en scène… Bien sûr qu’il y a aussi des policiers mais, parfois, on se demande qui est qui ? … Alors, pour savoir, il faut aller jusqu’au bout de l’histoire et même monter jusqu’à Lyon où il y a des bouchons mais les gens qui s’intéressent à Nina n’y ont pas forcément le bouchon à la rigolade.

    Je pense que vous avez compris que, avec Nina la Belle de Mai, vous pouvez passer un bon moment de détente, en sachant que la détente est aussi l’endroit d’une arme sur lequel on appuie pour tuer. Et puis si certains s’interrogent encore sur ce qu’est le polar marseillais et bien le polar de Michel Jacquet en est un. La preuve en est que Nina ira même faire un tour à Lyon, histoire de montrer qui elle est et de quel bois elle se chauffe… du bois d’olivier ?
    Et bien sûr ! Mon vier ! Monsieur Olivier !…
    Alors là, j’ouvre une parenthèse finale et pas très finaude [Vous vous demandez pourquoi je ponctue toujours " Olivier " avec une phrase dans ce style un peu graveleux voisin de " poil au nez ! " Sauf qu’il ne s’agit pas du nez ! C’est parce que cette phrase de l’anthologie marseillaise est à l’origine d’une pièce de Théâtre jouée et co-écrite par Michel Jacquet, Sanz (le scénariste des BD Nico et Sanz ), Serge Scotto (avec son chien Saucisse ) et André La Rocca, écrivain et journaliste spécialiste de l’O.M. Fermons la parenthèse ouverte ci-dessus en attendant les trois coups, poil au cou ! … ]


    Petit lexique :

    Un Cageot : fille plutôt moche
    Une estrasse : c’est un cageot mal fagoté.
    Une girelle : C’est un petit poisson de roche coloré. C’est aussi une belle gonzesse comme on n’en trouve qu’à Marseille.
    Vier : pénis ou individu plutôt chique-molle. L’expression " Tu ne vas pas me faire un vier " signifie "tu vas pas en faire un fromage et me casser les coui…"
    Cagagnard : peureux, celui qui attrape vite la cacagne ( pour cacagne, je vous laisse deviner )
    Tchatche : bagou.
    Pécole : Maladie, petite vérole (peut-être de l'italien piccola, la petite, par opposition à la grosse (vérole)). Pour les écoliers, c'est une certaine maladie, dont ils disent : " Il a la pécole : il a la peau du cul qui se décolle... ". Y a-t-il un lien avec le provençal pecolo, qui désigne la crotte qui s'attache à la laine des brebis ou au bas des robes ?
    Avoir de la mentalité : A Marseillle, cela s’adresse aux gens du Milieu. Celui qui a de la mentalité (sous-entendu la bonne ), c’est le dur-à-cuir qui respecte courageusement des règles stoïciennes de vie. Mais on trouve aussi des tas d’honnêtes gens qui, à l’occasion, font la nique aux caïds question mentalité. C’est quelque chose que les estrangers ne comprennent pas. Dans la cité phocéenne, on peut avoir la mentalité d’un voyou sans en être un. Et c’est valable pour les femmes du cru.. qui l'eut cru!


    Michel Jacquet se présente sur son blog :


    Né en 1955 à Marseille, j’ai vécu mon enfance entre Septèmes-les-Vallons Bouc Bel-Air. Deux charmants villages à mi-chemin entre Aix-en-Provence et Marseille. Marié et père de famille, je suis entré dans la police en 1982. Affecté dans un premier temps à Versailles, dans les Yvelines, j’ai pu retourner sur Marseille 4 ans plus tard. Le commissariat du 3ème arrondissement de Marseille, puis le 15ème m’ont accueilli pour le reste de ma carrière que j’ai effectuée dans la sécurité publique. Un flic de quartier comme beaucoup l’affirme. J’en suis fier.


    En 1993, pris depuis quelques années par le démon de l’écriture, je publie à compte d’auteur " L’Enfer Blanche ". Un premier livre, un premier bonheur. L’histoire de la dérobade d’une vie.
    Plus de dix ans s’écoulent et, en 2004, " La Rouste " est éditée aux éditions les Presses du Midi.


    Le pied à l’étrier en somme. Ne voulant pas en rester là, j’écris dans la foulée " Le Nervi" en 2005 chez Autres Temps. C’est la naissance d’un personnage qui m’accompagnera très souvent dans ma vie littéraire. Raymond Garcia. Impatient de faire vivre d’autres aventures à ce héros au grand cœur, " Label Flic " arrive en 2006 toujours chez Autres temps...





    2006 sera aussi l’année de ma participation au collectif "Le Noir Dans Le Blanc " en compagnie d’écrivains de diverses origines. Lilian Bathelot, Thierry Crifo, Eric Hossan, Jérôme Presti, Eddy Vaccaro, Ancy Neyrol et Alexia Pavier ont fait partie de l’aventure. J’ai eu l’immense plaisir d’être récompensé par le jury varscins pour la nouvelle " L’Ivresse Décime " avec Lilian Bathelot pour " Pipant Février ".


    Pour les amateurs, j’annonce déjà avec beaucoup d’avance sur le calendrier, la sortie de " Illégitime Défiance " en cours d’écriture qui sera en librairie fin 2008. Comme vous le constatez, nous avons largement le temps.

    adresse du blog de l'auteur: http://www.michel-jacquet.com/


    Michel Jacquet a participé activement à l'opération "Noirs de Corse" et il est l'auteur de la nouvelle "Neige corse" dans le recueil "Piccule fictions" publié au profit de l'association Handi 20.

    L'auteur embarquera le 3 juillet  prochain au soir sur le Danielle Casanova et sera présent au festival du polar corse et méditerranéen qui se déroulera du 3 au 6 juillet sur la place Foch à Ajaccio.








    Avec Serge Scotto et André de Rocca, il jouera un sketch le Samedi 5 juillet sur la place foch. Il s'agit d'une courte adaptation de la comédie déjantée "Madame Olivier". Nous étions à l'avant-première qui représente un danger pour les tristes qui, par manque d'entraînement quotidien, risquent une déchirure des zygomatiques.


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