-
L'absolu perfection du crime...
L’absolue perfection du crime, Tanguy Viel - Les Editions de Minuit, 2001
J’avais acheté ce livre (Edition de poche 2006) lors des Correspondances de Manosque et je l’avais oublié sur une étagère. Je ne connaissais pas l’auteur et c’est le titre qui m’avait arrêté. Au prix de 6€, le risque n’était pas grand. Je viens de le lire dans le TGV et j’ai bien aimé. Alors, j’en parle.
Pierre, le narrateur, se retrouve rattrapé par son passé lorsque surgit Marin tout juste sorti de prison. Après une correction pour non assistance à son ami en prison, il rejoint avec son ami leur bande sous la houlette d’un vieux truand qui a déjà un pied dans la tombe. La « famille » se reconstitue avec un projet fou imposé par Marin: le braquage du casino d’une ville portuaire programmé dans la nuit du 31 décembre. Pierre se laisse embarquer avec la volonté de l’âne qui recule, tout comme Andrei. Marin se comporte comme le chef de cette bande de petits truands dont l’âme damnée est un vieux parrain de quartier qu’ils appellent « l’oncle » et qui vit avec une femme taciturne.
Tous suivent Marin, leader égoïste, par faiblesse et lâcheté. Ils arrivent à se persuader qu’ils vont s’enrichir en commettant un hold-up qui sera l’absolue perfection du crime. On sent que tous les personnages s’enfoncent dans la fatalité. Ils ne sont pas maîtres de leur destin crépusculaire. Dans la racine du terme « fatalité », on trouve le mot latin « fatum » mais aussi celui grec de « ate » qui signifie « erreur ». Ils savent qu’ils vont commettre la plus grosse erreur de leur vie mais ils vont jusqu’au bout de leur folie collective. On comprend que l’on a affaire à des bras cassés, des branques dont l’obstination ne peut être qu’une erreur fatale. Peu avant l’action, Pierre dit cyniquement: «Tant qu’à faire, on n’a qu’à se déguiser en bagnards [lors de l’opération ». Dans le groupe soudé malgré tout, arrive un nouveau « Lucho », compagnon de cellule de Marin. Le projet devient encore plus fou dans sa réalisation puisqu’une Montgolfière sera utilisée pour sortir le butin du Casino. Qu’est-ce qui pourra bousculer ce destin commun ? La trahison peut-être ? Mais alors, leur destin pourrait être encore plus tragique qu’un braquage raté et quelques années de prison.
Nous n’en dirons pas plus pour ménager l’épilogue. Malgré tout ce que j’ai pu dire, le lecteur sera captivé par un récit fluide, une langue efficace, des flash-back… L’auteur ne s’embarrasse pas de dialogues. On pénètre dans les pensées. On vit de l’intérieur les réactions des personnages. Le casse d’un Casino a inspiré des cinéastes et rappelle des films de série B des années 50. Dans ce petit roman filmique, les scènes d’action sont bien maîtrisées. Avec un scénario déjà vu, l’auteur a écrit un petit polar qui peut faire agréablement passer un voyage en train.
L’Absolue perfection du crime est le troisième roman de Tanguy Viel, auteur breton.
4ème de couverture :
« L’Absolue perfection du crime reprend l’un des poncifs les plus usés du cinéma de genre, l’histoire d’un hold-up raté – le casse manqué d’un casino – qui renvoie, de Verneuil à Melville pour ne parler que des Français, à un nombre incalculable de séries B et à quelques chefs-d’œuvre. Ceux qui, à l’instar du roman de Tanguy Viel, réussissent à s’approprier la mythologie et à se jouer des codes narratifs. Viel ne s’en prive pas et n’évite aucune des scènes les plus attendues : les retrouvailles à la sortie de prison, la préparation minutieuse du plan, le casse du casino avec évasion du magot par la voie des airs au moyen d’une montgolfière téléguidée, le partage du butin, l’arrestation, les trahisons, la vengeance... Jamais pourtant le roman ne se défait de son absolue singularité. Parce que l’écrivain réussit, à travers le cheminement de ses antihéros, de petits mafieux piégés par leurs rêves, des hommes fatigués qui font semblant d’y croire, à imprimer son propre univers, déjà sensible, on l’a vu, dans son premier roman. Mais surtout parce que L’Absolue perfection du crime est, une fois encore, une éblouissante réussite formelle. Construit au cordeau, en trois actes impeccables menés tambour battant, ce roman impressionne d’abord par sa virtuosité et son inventivité narratives. » (Michel Abescat, Télérama)
Tags : Viel, roman, livre, littérature, polar