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Corse noire

... soeur de vos nuits blanches...


Villes noires

Publié par Difrade sur 24 Octobre 2006, 17:52pm

Dans un article précédent, nous avions évoqué  Sarajevo.  Ivo Andric, écrivain croate, a écrit un très beau texte sur cette ville bosniaque dans le recueil «  Contes de la solitude » dont vous nous livrons quelques brefs extraits :

-         « Vue d’en haut, cette ville vous parle par ses édifices, ses jardins, ses rue dessinées, inscrites sur les pentes des monts abrupts comme sur les pages d’un livre entrouvert. Devant nous surgissent les fragments embrumés de son passé. »<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

-         « … à l’entrée même du défilé montagneux au fond duquel la Miljacka se glisse, comme un fil par le chas d’une aiguille… La ville s’élargit, embellit, surtout au cours des XVI° et XVII° siècles, tout en restant à la lisière du défile, telle une araignée devant la fissure d’où elle a surgit mais ne s’éloigne jamais complètement »<o:p></o:p>

-         « Les anciens textes religieux serbes la nomment « Sarajevo, ville donnée par Dieu, »<o:p></o:p>

-         «  Sarajevo possède ainsi deux aspects et deux visages, l’un sombre et sévère, l’autre lumineux et resplendissant… »<o:p></o:p>

-         « … Ville aux anciennes et nobles traditions, ville de confréries artisanales, de conscience et de fierté civiques, ville commerçante où non seulement l’argent mais aussi le bon goût étaient respectés, ville où s’est développé le sens de l’ordre et de la beauté, d’une vie harmonieuse et heureuse… »<o:p></o:p>

-         « … La mort n’y assombrit pas la vie, la vie n’y profane pas la mort. »<o:p></o:p>

-         «  Quelle que soit l’heure du jour, quel que soit le lieu, quand vous regardez Sarajevo étendu à vos pieds, la même pensée surgit toujours, même inconsciente. Une ville est là. Une ville qui, en même temps, se transforme, agonise et renaît. »<o:p></o:p>

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Cette ville n’a pas encore trouvé un Jean-Claude Izzo ou un Montalbo  mais, nul ne doute qu’elle est un lieu ou, comme Ivo Andric, les écrivains peuvent trouver une source d’inspiration littéraire. Dans notre article « Voyage en Croatie », nous avions aussi évoqué l’écrivain serbe Radomir Konstantinovic, notamment pour son ouvrage : « Philosophie du bourg », où il propose, par une approche philosophique, une analyse de l’évolution comportementale et sociale des sociétés modernes devenues citadines.   

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C’est cette évolution que traduit souvent la littérature et notamment la Noire dont les intrigues sont le plus souvent situées en milieu urbain. Pour illustrer ce constat, nous avons trouvé et acheté un recueil de nouvelles édité par LIBRIO. L’opus s’intitule « Villes noires » et contient des nouvelles écrites par Didier Daeninckx, Thierry Jonquet, Michel Quint et Jean-Bernard POUY , quatre polardeux qui ( dixit l’Editeur) «  se sont imposés comme les plus grands auteurs contemporains du roman noir à la française, confirmant leur passions pour les gens simples et les engagements forts. »

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Villes noires :<o:p></o:p>

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Ce voyage littéraire en quatre récits nous invite dans les ruelles de Naples, sur les canaux de Hambourg (Nous dit-on…) et face à la géométrie parfaite des immeubles d’Ostende.

Nous sommes avertis : « Vous ne vous promènerez plus en ville, comme avant. » L’accroche de la 4ème page de couverture est alléchante lorsque l’on y lit aussi : «  les capitales européennes tombent le masques et révèlent leur nature sauvage, débridée, mystérieuse… »  mais ne vous attendez pas à autre chose que de petites intrigues bien ficelées mettant en scène les  réseaux de trafic d’êtres humains, des crimes mafieux, des amours contrariés, des voyageurs sans bagages… pour les grandes villes européennes, vous irez  voir  notamment  Hambourg sur le catalogue d’une agence de voyages.

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Dans la première nouvelle écrite par Thierry Jonquet , « Hambourg » est le nom d’une péniche dont le propriétaire est originaire de cette ville où ses parents sont morts sous les bombardements alliés pendant la deuxième guerre mondiale pendant lesquels il a lui-même était blessé et a perdu une jambe. Ce sera la seule allusion à la ville, car l’action se passe d’abord en Chine, puis sur les canaux entre Prague et Paris.  A croire que l’auteur ne connaissait pas assez Hambourg pour y situer l’action de sa Nouvelle et a su tourner la difficulté, mais l’astuce laisse sur sa fin le lecteur attiré par le titre de l’ouvrage et la quatrième page de couverture. Une « grande capitale européenne » ne peut être réduite à une péniche sans provoquer une certaine déception. Heureusement, Jonquet se rattrape en nous présentant des personnages intéressants : Dietrich, passeur de clandestins qui est un gros dégueulasse avec peut-être un reste d’humanité enfoui dans sa carcasse adipeuse et répugnante ; Lieu, jeune chinois à l’âme pure et Ginka , une jeune  prostituée paumée. Tous les trois glissent sur l’eau trouble des canaux. Dietrich est le maître à bord qui conduit les deux jeunes gens vers leurs noirs destins.   

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Patrick Daeninckx est sensé nous amener à Ostende. En fait nous faisons  le voyage avec les parents de la mariée en partant de Bruxelles. Le mariage est à Ostende et le père, raciste ordinaire et nostalgique des anciennes colonies belges, n’arrive pas à accepter que sa fille y épouse un africain du Zaïre (ex Congo belge), qui l’a mise enceinte. Heureusement,  il peut se consoler d’avoir un fils Rodolphe, militaire et parachutiste belge. A Ostende,  la surprise viendra de ce fils et elle est de taille pour ce père issu de la grande bourgeoisie belge. Une occasion pour l’auteur de dénoncer ( encore et toujours) le racisme et le colonialisme.

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Comme on est arrivé à Ostende, on y reste avec Michel Quint pour la troisième nouvelle intitulée « L’oiseau de  la Kermesse » et dédiée à la mémoire de Ronny Couteurre*. Quint nous sert « un petit plat en prose » à l’accent épicé de la Wallonie, « un hommage au noir des toiles d’Ensor* et à l’infernal théâtre de Ghelderode* ». Vous ne serez pas déçu par le style déjanté et le contenu, en lisant le récit de « Mieke », danseuse exotique dans un peep-show d’Ostende. Elle vient de perdre Voske, son vieil « imprésario », oiseau de kermesse,  bâtard des lendemains de fête, fils d’une amazone qui s’est fait engrosser au bal du Rat mort par le peintre Ensor et le dramaturge de Guelderode.  Pour apprécier la nouvelle de Quint, il faut connaître ces deux créateurs belges.

James Ensor, peintre avant-gardiste, revendiquait une place pour le laid dans la peinture. Pour lui , la vie était une farce, les visages des masques derrière lesquels on trouvait des squelettes. C’était un artiste obsédé par la mort avec une vision pessimiste du monde mise en scène dans des fêtes et des carnavals. Il s’est rendu célèbre par son tableau provocateur : «  L’entrée du Christ à Bruxelles ». On peut citer aussi « Les Masques singuliers », « Ensor aux masques » ou «  Les squelettes voulant se chauffer ». Il est mort en 1949 et l’essentiel de son œuvre est antérieur à 1915.  

Michel de Ghelderode est un dramaturge belge décédé en avril 1962. Il a beaucoup écrit (60 pièces  de théâtre, une centaine de contes, 20.000 lettres, des articles sur l’art et le folklore). Il est le créateur d’un univers noir, à la fois cruel et macabre, fantastique et grotesque. De son éducation religieuse à l’Institut Saint Louis de Bruxelles, il retiendra les rites et la magie, croyant plus au diable qu’à Dieu.  Il a écrit sur lui-même : «  Je me sens vraiment contemporain de ces gens du Moyen âge ou du pré - Renaissance. Je sais d’eux comme ils vivent et connais chacune de leurs occupations. Je suis familier de leur cerveau et de leur cœur comme de leur logis et de leur boutique. »  Ses pièces de théâtre ont été joués partout dans le monde. Bien que Flamand, il était d’expression française. Vous trouverez sa biographie et ses œuvres sur le site Wikipédia.

Ronny Couteurre, on connaît sa grande et large carcasse débonnaire. Il a décidé de quitter le théâtre de la vie le 21 juin 2000 à Frétin. Il avait 48 ans et 30 ans de carrière de comédien, auteur, réalisateur et metteur en scène. Il animait une émission sur FR3 Nord Pas de calais «  Ronny coup de cœur ». On se souvient de lui dans « Les enfants du printemps » ou dans « Merci Bernard », « Les quatre-Vingt-Unards », « Marion et son tuteur » …  Il avait écrit un opéra « Les contes d’un buveur de bière » et faisait des one man show. Il avait baptisé sa maison « La ferme des Hirondelles ».

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Nous quittons, dans un vol d’hirondelle, la Belgique pour l’Italie avec Jean-Pierre POUY qui nous amène à Naples pour la dernière nouvelle du recueil. Et même si une hirondelle ne fait pas le printemps, c’est le 31 mai que Chantal, héroïne, fête ses trente ans. Ses copains lui offrent deux places d’avion pour Naples et c’est  Bertrand (narrateur du récit) qui est choisi au hasard pour l’accompagner amicalement.  La nouvelle est intitulé «  Le soufre » , celui des solfatares de Pozzuoli et peut-être allusion à la sulfureuse Chantal… certainement aussi à l’air ambiant de cette ville : « A Naples. Le mythe. Un peu. Napoli. Le baiser de feu. Santa Lucia. Des conneries. Mais on y était…» A peine descendu de l’avion,  Bertrand est repéré comme le pigeon voyageur, proie choisie d’une arnaque bien napolitaine, donc plus folklorique que méchante.  Moins folkloriques sont les fréquentations de la mystérieuse Chantal et Bertrand l’apprendra à ses dépends.

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NOTA BENE : Si vous aimez les nouvelles noires, « Villes noires » est bien de la littérature ferroviaire qui se lit rapidement pendant un voyage entre deux gares, entre deux villes… Mais si votre gare d’arrivée est Hambourg, Ostende ou Naples, il ne s’agit pas d’un guide de voyage, même si des illustrations dessinées par Olivier Balez accompagnent chaque récit. Par contre, si vous allez à Sarajevo, lisez le magnifique texte de Ivo Andric car il est bien mieux qu’un dépliant touristique.

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