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Corse noire

... soeur de vos nuits blanches...


De Jean Giono à René Frégni

Publié par Difrade sur 23 Octobre 2007, 15:45pm

De Jean Giono à René Fregni, une filiation dans l'émotion:



Jean Giono est né le 30 mars 1895 à Manosque. Il est issu d'une famille d'origine piémontaise. Son œuvre romanesque a en grande partie pour cadre le monde paysan provençal. Inspirée par son imagination et ses visions de la Grèce antique, elle dépeint la condition de l'Homme dans le monde, face aux questions morales et métaphysiques, et possède une portée universelle : Jean Giono est loin d'être l'auteur régionaliste qu'on pourrait croire et il refusait cet enfermement. Inclassable, autodidacte, il devint l'ami de Lucien Jacques, d'André Gide et de Jean Guéhenno. Il resta néanmoins en marge de tous les courants de littérature de son temps.

Le 9 octobre 1970 Il s’éteint dans sa maison de Manosque. " C'est la mort, disait-il, qui donne à toute chose cette beauté aiguë. "



" Lorsque débute le "Neuvième Contadour", en août 1939, les gendarmes montent de Banon pour annoncer la déclaration de guerre. Tout le monde se sépare. En septembre, Giono est mobilisé à Digne. Le 16 de ce mois, il est arrêté pour ses publications pacifistes antérieures. Le cérémonial généreux d'un moment paraît sans lendemain. Mais Giono fut néanmoins le précurseur d'un après-demain qui ressemble fort à ce que nous vivons, ne voulons pas ou voulons vivre aujourd'hui. Giono sera libéré sur prononciation d'un non-lieu. L'autorité militaire le dispensera de toute obligation de service. Il passera donc la guerre à poursuivre son œuvre. Cependant comme ses idées d'anarchiste-paysan ne plaisent décidément pas aux autorités successives, Giono se retrouve de nouveau en prison à la Libération. Élargi au bout de sept mois, l'écrivain va s'orienter dès lors dans un non-engagement total sur le plan social, engagé qu'il est pleinement dans son art. " Ecrit de Jean-Charles REMY

Manosque est le cadre de ses principaux romans de Jean Giono, de "Colline" au "Hussard sur le toit", en passant par "Le bonheur fou".





Extraits de Presse : le Hussard sur les toits, Jean Giono – par Anne Rapin
" Sur son chemin, il découvrira la mort, l'héroïsme et la couardise, la rapacité et le dévouement, la délation et l'entraide. Du haut des toits de Manosque, où il se réfugiera pour échapper à la foule en chasse des "empoisonneurs de fontaines", il observera la folie des hommes, déchaînés par la peur, et leur rage meurtrière à trouver un bouc émissaire à cette épidémie aveugle.
Et puis, il rencontrera l'amour, en la personne d'une jeune femme fière, au teint de porcelaine, qui, seule chez elle, n'a pas hésité à lui offrir l'hospitalité quand il pleuvait dehors et à lui faire du thé quand il avait soif. Une petite sœur d'âme, orgueilleuse et volontaire, aussi "indomptable" qu'il est intrépide, Pauline de Théus, jeune épouse à la recherche de son mari, un vieil aristocrate. Angelo ne pourra renoncer à l'escorter dans son voyage, par devoir veut-il penser...
"

Site sur Jean Giono :

http://www.centrejeangiono.com

Bibliographie :
1924 Accompagnés de la flûte, un recueil de poèmes
1929 Colline – et Un de Beaumugnes
1930 Regain
1931 Le Grand Troupeau
1932 Jean le Bleu
1934 Le chant du monde
1935 Que ma joie demeure
1936 Les vraies richesses
1937 Refus d’Obéissance – et Batailles dans la montagne
1938 Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix – et Le Poids du ciel.
1940 Traduction de Moby Dick, de Melville.- et Pour saluer Melville.
1941 Triomphe de la Vie en Suisse
1943 L'eau vive – et Le Bout de la route, Lanceurs de Graine, La femme du Boulanger, le Voyage en calèche
1947 un Roi sans divertissement – et Virgile
1948 Noé et de Fragments d'un paradis
1949 Mort d'un personnage
1950 Ames fortes
1951 Grands chemins – et Le Hussard sur le toit.
1953 Moulin de Pologne – et De Voyage en Italie.
1954 Notes sur l'affaire Dominici suivies de Essai sur le caractère des personnages.
1958 Angelo
1959 Domitien
1963 Le désastre de Pavie
1965 Deux Cavaliers de l'orage
1969 Le Cœur Cerf
1977 Publication posthume de Faust au Village:

De nombreux écrivains ont vécu ou vivent dans les Alpes de Haute Provence : Maria Borrely, Jean Proal Alexandra David-Néel (qui a son musée à Digne les Bains), Pierre Magnan et René Frégni... Leur langue riche et colorée porte son héritage et celui des troubadours du Moyen Age tel Albertet de Sisteron.





René Frégni :

A 15 ans, René Fregni est peintre en bâtiment, comme son père. A 17, il prend la route, vagabonde gentiment et se présente, avec deux mois de retard, au service obligatoire de l'armée. Le doux déserteur goûte de la prison militaire (six mois), s'évade du fort d'Eton et cavale durant cinq ans. Il fait la plonge en Turquie, le manutentionnaire en Italie, le berger en Corse. Puis rentre en France, et affronte son procès. Il suit une formation d'infirmier en psychiatrie et tient sept ans dans cet univers clos. Il fait du théâtre avec les patients, avant de s'y lancer seul. Il s'installe sans aucun confort dans un cabanon de ses parents près de Manosque. Il écrit…tout en animant des ateliers d’écriture en milieu carcéral.

En prison, pendant 6 mois, René Frégni découvre Giono, Rimbaud, Céline... s'éblouit, écrit à son tour ce qu'il pense être des témoignages inoubliables.
"J'avais déjà cette émotion d'écrire, seul devant ma page blanche. Et même si ce que j'écrivais était de peu de valeur, je me croyais un grand. J'éprouvais pour l'écriture une passion qui ne s'est jamais démentie depuis. "

L'infirmier en Hôpital psychiatrique devenu acteur de café-théâtre écrit tout d'abord "Les Chemins noirs". Il y raconte la prison militaire, ses voyages, la Corse. . Son second roman qui s'intitule "Tendresse des Loups" dit une passion réinventée. Douloureuse, marginale. En 1989, il obtient le prix populiste avec "Les Chemins noirs", puis le prix Paul Léautaud en 1998 avec "Elle danse dans le noir". Entre temps, il a abandonné le café-théâtre pour cette écriture qui dévore tout et à laquelle il se donne entièrement.

René Frégni quitte chaque semaine les vignes de Manosque pour animer un atelier d'écriture aux Baumettes. "C'est un travail dur et riche' Qui apporte des histoires et rend plus humain. C'est un temps aboli, empli d'échanges et de complicités. Aux Baumettes je rencontre des hommes qui ne sont pas comme les autres. Un peu comme des machines qui tourneraient trop vite ou mal. Je les amène sur ce terrain des mots et je les vois, peu à peu, venir à l'émotion. "
Et d'ajouter, songeur :"Ils habitent la prison. Moi, c'est la prison qui m'habite. Comme une expérience trop forte, comme quelque chose qui m'accompagnerait jour et nuit, comme une musique de cris de fer".

" Je porte mes barreaux sans cesse en moi " confia un jour Kafka à son jeune ami Gustave Janouch. " C’est la prison qui m’habite ", dit René Frégni.

Dans "On ne s'endort jamais seul", René Frégni se sert de l'expérience que peuvent lui apporter "ceux" des Baumettes. Chaque petit détail est un détail vrai ; Comme sont vrais la vie des voyous, leurs amitiés, la prostituée...

Aujourd’hui, René Frégni est toujours aussi passionné. René Frégni est un auteur comblé, dont le livre "Où se perdent les hommes" va devenir un film. Lors qu’il prépare un nouvel ouvrage, Il n‘en parle pas parce que "cela porte malheur. " Et il ajoute, en touchant son front : "Il est là".

Dans le roman Où se perdent les hommes, Ralph gagne son pain en animant un atelier d'écriture dans une prison de Marseille. Ralph est subjugué par Bove, un homme silencieux, obstiné. Bove a tué sa femme par jalousie, et peint sans cesse, sur les murs de sa cellule, la beauté figée de la morte. Ralph, en manque d'amitié, en manque d'amour, en manque d'écriture, s'approprie la vie, l'amour, le talent de Bove. Jusqu'à la démesure, jusqu'au salut... René ne s'est pas perdu parmi les détenus, " ces enfants dangereux qui ont choisi le luxe, le risque et la souffrance ". Il a trouvé en eux des frères d'infortune. Et leur offre ce roman : " A l'homme qui séjourna tant d'années dans la cellule C 318, et dont le numéro d'écrou 26966 hantera sans répit le temps qui me reste à vivre... "

Avec Les Chemins noirs, son premier roman, René Frégni avait trouvé son éditeur Denoël et son public. Suivront Tendresse des loups, Les Nuits d'Alice, Le Voleur d'innocence (éd. Denoël et Gallimard Folio) et des textes pour la jeunesse, Marilou et l'assassin, La Vengeance de la petite Gitane (éd. Souris Noire). Des histoires d'une violente noirceur, avec des traces autobiographiques : Morsures, fragilités, tendresses…. Si des tâches de sang viennent rougir la lavande, lorsque l’on referme le livre, restent l’humanisme des personnages et la douceur provençale faite de sensualité et de chaleur. L’auteur se dit " intellectuellement pessimiste mais optimiste par les sens ".

René Fregni, sur les couches mnésiques de sa vie et de ses lectures, écrit des romans dans lesquels ombres et lumières, noirceur et lyrisme, ont créé une musique originale chargée d’émotion. En s’installant à Manosque, comme Jean Giono, il est devenu un voyageur immobile… Comme Jean Giono, il suit son propre chemin littéraire et, si sa région nourrit son lyrisme, l’émotion donne à ses récits humanistes une portée universelle que chacun pourra ressentir.

René Fregni se présente : " A l'âge de 19 ans, comme tous les jeunes gens, je fus appelé sous les drapeaux, je m'y rendis mais sans trop me presser. J'arrivai à la caserne souriant, bronzé et on me mit au trou. Mi-figue Mirador j'y croupis quelques mois en compagnie du silence et des puces. Un beau matin le désir me vint d'être amoureux. Je m'évadai de ce cachot. Déserteur. Muni de faux papiers je franchis la frontière, courus l'Europe, me livrai aux menus travaux et misères de la route, séjournai à Istanbul. Je revins deux ans plus tard caresser ma langue maternelle. A Marseille on m'embaucha dans un Hôpital Psychiatrique comme auxiliaire puis infirmier. Pendant 7 ans j'observai les étranges contorsions de la folie. Ayant un peu perdu là toute notion du bien et du mal j'écrivis deux pièces de théâtre que je jouai dans le Sud de la France. Sans m'en rendre compte je glissai du théâtre à l'écriture romanesque et là tout me servit : ce que j'avais vu dans les prisons militaires, sur les routes, à l'asile. J’entamai alors le grand voyage immobile. Je savais qu'un jour Rimbaud avait dit : " En avant, Route ! " Il ne me restai plus qu'à faire le plein de mon stylo ".

Dans son roman Lettre à mes tueurs, publié comme le reste de la plus grande part de son œuvre chez Denoël, le narrateur est un écrivain en panne d'inspiration qui prête main-forte à un de ses amis truands. S'ensuit une série de rebondissements dont un interrogatoire assez musclé à l’Evêché, le commissariat central de Marseille. La réalité a rattrapé la fiction : René Frégni a été placé en garde à vue pendant trois jours pour une histoire de blanchiment d'argent dans un restaurant qu'il cogère avec un ancien délinquant. Sur son site, on peut lire un communiqué à ce sujet : " J'ai été arrêté et mis en garde à vue durant trois jours. Avant même de prouver mon innocence devant les tribunaux je tiens à dénoncer avec la plus grande vigueur les conditions de détention dans les geôles de l’Evêché à Marseille. Ces geôles se trouvent dans les sous-sols des locaux de la PJ, même les policiers enquêteurs n'y descendent jamais, c'est un service à part... J'ai eu la sensation en franchissant ces grilles de descendre vers le plus sombre Moyen Age. Dans cet autre monde dix gardiens vous mettent à poil et vous fouillent. On vous retire montre chaînettes, lacets, ceinture et on vous pousse dans un cachot sans air, ni lucarne de trois mètres carrés. On m'a même confisqué mes lunettes de vue de peur que je les brise et me tranche les veines. Pas le moindre trou ou cabinet pour faire ses besoins. Certains détenus frappent pendant deux heures contre la porte et finissent par uriner par terre, là où les autres sont couchés, sur le béton. Il n'y a qu'un petit banc pour trois détenus. Pas la moindre paillasse ni litière. L'odeur qui règne dans ces cages est immonde. Celles des fauves dans les cirques ne sentent pas aussi mauvais. Les fauves ont l'avantage de respirer à travers leurs barreaux. Sans montre ni lumière extérieure on ne sait plus si c'est le jour ou la nuit. J'ai découvert qu'en 2004 existaient sous terre, dans les caves de l’Evêché à Marseille, la ville où j'ai grandi, les plus sinistres geôles que l'on puisse imaginer, entre le Moyen Age et la cour des miracles… "

René Fregni aime la rue, les rencontres, les échanges, la mer, les gens, le ciel bleu, le soleil sur la peau. Et encore, lire, écrire, écrire à l'infini...
En juillet dernier, " l’ami écrivain " a pris le " bateau livre " pour se rendre au festival du polar corse et méditerranéen. Dans les senteurs du maquis porteuses de souvenirs remémorés, il a fêté son anniversaire. Ceux qui étaient présents ont pu écouter ses paroles imprégnées de miel et d’encens, sous un ciel corse qui lui renvoyait des nuances lavande. René Frégni était entouré d’anciens et nouveaux amis. Parmi les nouveaux, le chien de la maison, qui a du flair, ne s’y était pas trompé en le gratifiant de son affection débordante.


Présentation de quelques romans :

Maudit le jour (2006),
Résumé : Un écrivain mêlé à d'étranges rituels en l'honneur de la Vierge noire de Manosque, une inconnue ivre de chair et de mots et ses fantasmes sadomasochistes raffinés, l'exquis paradis d'un petit village basculant dans une folie meurtrière, les clameurs d'une Marseille illuminée par les mystères du ballon rond et les rêves éperdus de ses taulards, quelques songeries sur les toits aux couleurs de Giono, un homme enlevant pour quelques grammes d'amour un nourrisson la nuit de Noël...
Sous différents masques plus ou moins autobiographiques, René Frégni nous régale d'une suite de très troublantes aventures de Manosque à Marseille... Noires, tendres, pleines d'humour, portées par une plume charnelle et vive, ces nouvelles mettent en scène une humanité solaire ou souffrante, joyeuse ou fêlée, oscillant entre réalité et fiction.

L’été (2002) :
" Quel été ! Paul, le narrateur, aura du mal à l'extirper de sa mémoire. C'est en plein soleil que le destin pose sur le rocher Sylvia, belle et diabolique comme une sirène. Folle de pâtes à la sauce tomate, elle écrit le jour pour mieux se connaître et fabrique la nuit des pizzas pour se loger. Entre ces deux occupations, elle manipule les hommes. Paul succombe à ses seins " aussi arrogants que ses yeux " comme d'autres à la roulette. Impossible d'en guérir. Avant lui, et pendant lui, il y a Altona, un peintre génial, pas facile à éliminer. On est touché par la plume sensuelle de René Frégni et sa passion pour les femmes. " R. V. ( Nouvel obs’)
" C'est l'été, un été de tous les dangers. Dans une France du Sud chahutée par le soleil, lumière trop crue et air trop lourd. Une menace rôde et cherche sa victime : c'est l'amour en petite robe noire qui frappe au cœur tout craquelé de Paul, narrateur et clone triste de l'auteur. Paul tombe amoureux d'une beauté inhumaine, une Sylvia aussi manipulatrice que mystérieuse, incendiaire que ténébreuse. Dans un décor de tragédie antique (le Midi), la passion va jouer un de ces derniers rôles, drapée dans une écriture plus que jamais incandescente... Frégni, dont il faut lire Les Chemins noirs, Où se perdent les hommes et le magnifique Elle danse dans le noir (édition Denoël et poche), a deux obsessions, la littérature et la femme. Il les marie en un seul roman, un seul orage. Eclair et tonnerre. " Martine Laval (Telerama)

Carcérales (2001) pages et images de prison par R. Frégni, C.-A. Gouvernet, Y.Jeanmougin (Ed. Parenthèses)
" René Frégni est écrivain, Charles Gouvernet peintre et Yves Jeanmougin photographe. Le premier anime des ateliers d'écriture dans les centres de détention de Luynes et des Baumettes, en compagnie de "longues peines". Le second a fait de même pour le dessin et la peinture. Quant au troisième, il a promené son objectif dans ce monde clos pour fixer dans le respect de ses sujets, leur existence quotidienne. Tous trois ont réuni leurs expériences dans un album très sobre et très émouvant intitulé : Carcérales, pages et images de prison. Les textes de détenus y côtoient ceux de Frégni, leurs œuvres graphiques celles de Gouvernet, sans idée de hiérarchie, quant aux clichés de Jeanmougin, ils disent mieux que tous les discours la solitude dans la promiscuité, le désespoir sous la bravade. Les barreaux ne retiennent pas le rêve, n'étouffent pas le talent, la privation de liberté n'entrave pas celle de l'expression. C'est ce que nous dit ce beau livre d'images et de fraternité, tout en changeant notre regard sur ce monde à part que nous ne voulions pas voir. " 25/3/01 Jean Contrucci (La Provence).

Elle danse dans le noir (1998)
René Frégni a dédié " Le voleur d’innocence " à sa mère. Dans son univers mélancolique, l’image de la mère est obsessionnelle. Nous sommes loin de Folcoche et René Frégni entretient sans aucun doute un dialogue intime avec cette mère qui n’est plus là physiquement. Le narrateur d'Elle danse dans le noir perd, avec sa fille, sa femme, partie avec son amant. " Autant juillet fut léger avec ma fille, autant ce mois d'août m'accable. " " … On devrait avoir la force d’attendre qu’il n’y ait plus entre nous d’ours en peluche. Les livres se partagent, les hivers aussi. Les enfants… " Cette déchirure le renvoie implicitement à la hantise d'un abandon maternel et cela réveillent ainsi une autre souffrance: La longue maladie de sa mère, son effacement petit à petit. " J'ai toujours été persuadé depuis que j'ai compris que ma mère mourrait un jour […] que je ne pourrais pas rester vivant à la surface de la terre alors qu'elle, désormais, serait toute seule dessous ". C’est une longue plainte, une révolte contre l’inexorable jamais admis. L’auteur évoque des " chemins noirs ", des routes qui ressemblent à la vie.

" René Fregni narrateur dit ces douleurs que sont la rupture et la mort avec délicatesse et humanité, avec justesse, tout au bout de l'émotion. Aux Baumettes où il organise des ateliers d'écriture, il rencontre toujours ce même besoin d'amour, urgent, poignant, chez les prisonniers auxquels il apprend à s'évader par les mots. L'écriture n'est pas une Rédemption, mais une consolation. " Les mots nous sauvent de tout. Ils remontent de si loin. Ils nous viennent de nos mères. Précisément, écrire la mère quand elle n'est plus permet de lui rendre vie, de la retrouver, d'exhumer un passé regretté. Elle danse dans le noir n'est peut-être que la tentative ultime pour Frégni de s'acquitter d'une lourde dette, cet amour immense de la mère pour le fils " écrit Jean-Claude Renart

Dans un passage (pages 34 à 39) l’auteur évoque les ateliers d’écriture à la prison des Baumettes, là où il rencontre des hommes qu’il comprend le mieux. Il les appelle " ses complices d’émotion " qui, pendant leur détention, s’accrochent aux mots pour ne pas se pendre. Il évoque Polo qui, sorti des Baumettes où il a passé vingt ans, tient un bar boulevard Oddo à Marseille. " C’est un Corse de cinquante ans qui a été un grand voyou dans sa jeunesse". Sa femme est " une belle Corse noire de cheveux, de robe et de regard ". Devant la " ligne de pastis pour achever les gladiateurs ", beaucoup de Corses. Polo trouve encore la force de sourire, d’être ému par la présente de celui qu’il présente en disant " mon ami l’écrivain ".

Plus loin dans l’ouvrage (page 100) René Frégni est à la terrasse d’un autre café à Manosque : " Il y a des jours que l’on devrait pouvoir ne pas vivre. On est là au mouvais moment et l’heure douce du café, cet instant de trêve, brutalement est plus cruelle que la solitude de l’insomnie ".
Dans son autre ouvrage " Maudit le jour ", il écrit : " Je suis aujourd’hui convaincu que les plus grandes histoires d’amour, souvent féroces et dévastatrices, parfois étranges, commence toujours simplement à la terrasse d’un café… "

C’est une histoire de café restaurant à Manosque qui lui attirera des ennuis passagers et donnera matière à son ouvrage " Lettre à mes tueurs ".

Les chemins noirs (1988) Premier roman

Un homme jeune, très jeune, commet un jour sans le vouloir un acte irréparable, et dès cet instant la vie sera pour lui une longue cavale qui le mènera de Verdun à Paris, de Paris à Marseille, de Marseille en Corse, de Corse en Italie, d'Italie au Monténégro, du Monténégro en Turquie, de Turquie en Grèce, et enfin Grèce à Marseille, dans l'immédiat après Mai 68, où il découvrira en tant qu'aide-infirmier cet autre monde qu'est l'hôpital psychiatrique. Telle est donc la trame picaresque du premier roman de René Frégni qui sait de quoi il parle, longtemps familier de la route et compagnon de l'aventure, et qui surtout exprime admirablement la solitude, la détresse, l'humour et l'inébranlable volonté de survivre d'un être désormais en marge.



Bibliographie succincte :

Ses principaux éditeurs sont Denoël et Gallimard. René Fregni est aussi un auteur-jeunesse….



Les chemins noirs (1988) Prix Populiste
Tendresse des loups (1990)
Les nuits d'Alice (1992) Prix spécial du jury du Levant et prix Cino del Duca
Marilou et l'assassin (1992) Livre jeunesse
Le voleur d'innocence (1994)
Où se perdent les hommes (1996)
Elle danse dans le noir (1998) Prix Léautaud
La vengeance de la petite gitane (1998) Livre jeunesse
Vierge Noire (1998)
On ne s'endort jamais seul (2000) Prix Antigone
La nuit de l'évasion (2001) Livre jeunesse
Carcérales (2001)
L'été (2002)
Lettre à mes tueurs (2004)
Maudit le jour (2006) Nouvelles










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