• Un Grand de la BD d'origine corse: Jacques TARDI


    Jacques Tardi
    est né en 1946. Son grand-père, d'origine corse, militaire de carrière, a fait la guerre de 14-18. C'est à travers les récits de sa grand-mère qu'il découvre l'horreur et l'atrocité de cette guerre qui alimentera ses cauchemars d’enfants et son imagination d’auteur de Bandes dessinées. Son père a été soldat pendant la seconde guerre mondiale. À seize ans, il entre aux Beaux Arts de Lyon puis il intègre les Arts Décoratifs à Paris. Il fait ses débuts de dessinateur à 23 ans dans le célèbre hebdomadaire Pilote. Sa première histoire longue " Rumeurs sur le Rouergue " paraît en 1972, début du succès et d’une longue suite comprenant l’alliance avec.les écrivains de polar ou de roman policier. Il adapte en images leurs histoires noires prenant souvent pour cadre le Paris. Il a ainsi travaillé avec Jean - Patrick Manchette qui écrit le scénario de Griffu en 1982, avec Didier Daeninckx en 1997 sur La Der des Ders.

    "J'ai entendu parler de la Grande Guerre, à l'âge de cinq ou six ans, par ma grand-mère. J'ai très vite voulu en savoir plus. Ce qu'elle me racontait avait trait au quotidien dans les tranchées. Je faisais des cauchemars, mais j'étais proprement fasciné. Par la suite, j'ai vu des photos et mon désir de dessiner cette guerre en a été accru." Propos de Tardi recueillis par Y. Alion pour Le Journal du Polar, décembre 97.

    Jacques Tardi a adapté les aventures de Léo Malet et de Nestor Burma., Brouillard au pont de Tolbiac en 1982, puis Rue de la gare en 1988, Casse pipe à la nation en 1996 et Une gueule de bois en plomb. Il collabore avec Daniel Pennac. Il réalisera en 1988 illustration de Voyage au bout de la nuit, œuvre majeure de Louis Ferdinand Céline, puis Casse pipe en 1989 et Mort à Crédit en 1991.

    Il est l’inventeur du personnage d'Adèle Blanc-Sec, dont il a écrit lui-même les scénari des aventures extraordinaires. Il est le dessinateur d’ affiches de films, des jaquettes de CD ou d’ illustrations de couvertures de romans. En 1985, les Editions Futuropolis/Gallimard ont publié deux importants volumes: Mines de Plomb et Chiures de Gomme, qui rassemblent et recensent de façon exhaustive l'ensemble de ses travaux graphiques (couvertures de livres, affiches de films, croquis, portfolios, caricatures...) ainsi que de nombreux inédits. Il est l’auteur du roman " Rue des rebuts ", publié en 1990. Sa notoriété fait que de nombreux sites vous proposent des biographies et bibliographies.



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    Dans l’actualité, il est " l’homme de peine " de la revue " L’étrangleur " aux côtés de Nadia Gibert " femme de tête " et Guillaume Prieur " homme de cabinet ". Nous avons pu nous procurer les numéros 2 à 5 mais pas le numéros 1. Les cinq revues datées du 2 au 6 février 1959 suivent les meurtres de l’Etrangleur pendant que la Police parisienne fait grève. La première victime est l’acteur Gaston Malinguet, suivi d’un aveugle, d’un représentant en timbres –poste de collection et d’un marchand de journaux ( ancien combattant de la guerre 1914-1918 dans l’Armée d’Orient* ). Ces revues accompagnent la bande dessinée " le secret de l’Etrangleur ". Entre le 2 et le 6 février 1959, la police est en grève et, dans la capitale plongée dans le brouillard, un mystérieux étrangleur rôde en commettant d’affreux forfaits… Jacques Tardi donne sa vision d’un roman "Monsieur Cauchemar" signé Pierre SINIAC, auquel nous avons consacré un article pour un autre roman " La course du Hanneton.. " édité après que l’auteur fut mort dans la solitude et l’oubli.

    Armée d’Orient* : rappelons-le, dans cette armée, il y avait de nombreux Corses qui ne sont pas revenus de la guerre - pour mémoire, Pierre Laurent Fabiani, originaire de Monticellu est mort à l’âge de 27 ans sur le front serbe, en laissant une femme, Jeanne Ceccaldi, de Partinellu, et deux fillettes, une de 2ans et un bébé qu’il n’aura pas connu. Il est enterré au carré militaire du cimetière St Pierre à Marseille.




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    Revenons un court instant sur " Voyage au bout de la nuit " illustré par Jacques Tardi dans un beau livre grand format, texte intégral , collection Futuropolis de Gallimard. La nouvelle édition est de novembre 2006 et reprend les préfaces des deux précédentes datant de 1932 et de 1949. Dans la première préface, il est écrit : " Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force. Il y va de la vie et de la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais. Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant, Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la vie ". Jacques Tardi avait déclaré à propos de son travail : " Avec Céline, je restais dans l'univers qui m'intéresse, 1914-1918, tout ça... Et c'est un très grand écrivain. Mais ses livres sont très peu dialogués, il aurait donc fallu que je coupe. C'est tout à fait possible d'adapter Céline en BD mais cela impliquait des coupes. Or j'avais moins de scrupules à les faire dans Malet que dans Céline ; c'est quand même une autre pointure ! Je l'ai donc illustré, pas adapté."
    Vous pouvez aller voir un interview complet du 17/08/05 sur le site du journal Le Monde à l’adresse ci-dessous :
    http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-680761@45-1,0.html



    Note sur Voyage au bout de la nuit
    :

    " La vie c'est ça un bout de lumière qui finit dans la nuit "… " Notre vie est un voyage / Dans l'hiver et dans la Nuit / Nous cherchons notre passage / Dans le ciel où rien ne luit " – extraits du roman de Céline.

    Nous n’allons pas nous lancer dans une exégèse du roman de Celine. Simplement, pour ceux qui ne l’ont pas encore lu, nous pouvons écrire que Louis-Ferdinand Céline, de son vrai nom Louis - Ferdinand Destouches, publie Voyage au bout de la nuit en 1932. Le héros ,Ferdinand Bardamu raconte dans le roman sa vie et nous montre la misère du monde contemporain. À vingt ans, en 1914, il se retrouve sur le front et les atrocités de la guerre le mettent au bord de la folie. Réformé, il fuit et arrive en Afrique où il découvre le système colonial. Clandestin en Amérique, il y rencontre Molly, une prostituée ( mais Molly était dotée d'une patience angélique… un cœur infini vraiment avec du vrai sublime dedans). Finalement, il revient en France, et après des études de médecine, s’installe en banlieue.

    Céline est mort en 1961. Le 1er juillet, à 18 heures, Louis-Ferdinand Céline meurt d'une rupture d'anévrisme. Son décès ne sera annoncé par la presse que le 4, après son inhumation au cimetière de Meudon.

    " À force d'être poussé comme ça dans la nuit, on doit finir tout de même par aboutir quelque part, que je me disais. C'est la consolation. Courage, Ferdinand, que je me répétais à moi-même, pour me soutenir, à force d'être foutu à la porte de partout, tu finiras sûrement par le trouver le truc qui leur fait si peur à eux tous, à tous ces salauds-là autant qu'ils sont et qui doit être au bout de la nuit. C'est pour ça qu'ils n'y vont pas eux au bout de la nuit. " extrait du roman de Céline.

    " Le livre français qui compta le plus pour nous cette année, ce fut Voyage au bout de la nuit de Céline. Nous en savions par cœur des tas de passages. Son anarchisme nous semblait proche du nôtre. Il s'attaquait à la guerre, au colonialisme, à la médiocrité, aux lieux communs, à la société, dans un style, sur un ton, qui nous enchantaient. Céline avait forgé un instrument nouveau : une écriture aussi vivante que la parole. Quelle détente, après les phrases marmoréennes de Gide, d'Alain, de Valéry ! Sartre en prit de la graine." Simone de Beauvoir, La force des choses. Paris : Gallimard, 1960.

    " Il faut relire Céline en le voyant. Céline a dit la vérité du siècle : ce qui est là est là, irréfutable, débile, monstrueux, rarement dansant et vivable." Philippe Sollers, Voyage au bout de la nuit, édition illustrée par Tardi. Paris : Futuropolis, 1988.
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