• Les Insolations de Tigrane Yégavian

     

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    Yemen, Paris, les Arménies, les Ibéries, les Levants… C’est la configuration géographique et spatiale de la sélection des poèmes rassemblés par Tigrane Yegovian  dans son recueil « Insolations ». Aden, Paris, Lisbonne, Ankara, Alep… y sont des étapes d’un voyage poétique fait de confidences, de sensations et d’émotions dans une langue musicale qui va parfois jusqu’à l’incantation avec des images fortes, fulgurantes. L’âge de l’auteur, l’évocation d’Aden et l’Orient font surgir l’ombre du lumineux Rimbaud. Le titre « Insolations »  traduit bien la fièvre des textes et fait penser aux Illuminations du grand poète français…On trouve chez les deux, fébrilité, sensibilité, mysticisme et même désespoir.

    C’est au Yémen que Tigran Yegavian a été victime d’une sévère « insolation » et c’est par Aden que commence le voyage poétique qui se poursuit dans un éparpillement voulue dont l’élément stable est le moi du poète, un moi fragmenté lui-même. On pense à Montaigne qui a écrit « Nous sommes des lopins ». Nous sommes faits de fragments que nous tentons de rassembler. Dans son recueil fragmenté, Tigrane Yégavian suit son chemin de Damas. Son enfance à Lisbonne, ses vacances à Alep, ses études à Paris, son séjour de globe-trotter à « Aden figée »  où plane dans une ambiance jaunie le fantôme de Rimbaud sous un soleil de feu… et les deux Arménies, indissociables à ses yeux malgré la déchirure historique du génocide. Sans doute, a-t-il besoin de donner un sens poétique à l’espace pour l’habiter et essayer de réunir ses fragments de vivre entier. Il est arrivé à Lisbonne alors qu’il n’était qu’un bébé.  Il a grandi dans cette capitale de la poésie avec ses grands poètes. Fernando Pessoa y invite éternellement à rejoindre sa table devant le  café A Brasileira dans le Chiado. Son ombre plane à jamais sur les pavés de Lisbonne. Tigrane, lui, est allé en Syrie pour retrouver un pan de son arménité éparpillée… Ses voyages donnent un sens à ces fragments qui constituent son héritage culturel.

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    La poésie est la « connaissance du réel incréé » disait René char. Elle explore le domaine de l’irrationnel. Elle recrée les choses. L’état poétique est proche de l’état mystique. Le rimbaldien Tigran Yegovian s’est sans aucun doute imprégné des poètes portugais mais aussi de Baudelaire, de Verlaine ou encore du grand poète palestinien Mahmoud Darwich, considéré comme l'un des plus grands écrivains arabes, mort en 2008 à Houston, aux Etats-Unis.

    Tigrane Yégavian a publié avec « Insolations » son premier ouvrage. Le français est sa langue maternelle et sa langue d’écriture. Il parle plusieurs langues dont le portugais, l’arménien et l’arabe. Il fait des grands reportages notamment pour le magazine France-Arménie et voyage beaucoup. Ses bagages universitaires et sa vie déjà bien remplie lui permettent de donner un sens nouveau au réel. Il nous parle en langage poétique des lieux qui ont une importance capitale à ses yeux. Il a habité ces lieux et ces lieux l’habitent. Il ne vous propose pas de simples cartes postales mais nous prête ses yeux et son cœur pour imaginer, sentir, aimer, éprouver des émotions et se laisser porter par la musique des mots… grâce à la magie de sa langue. Seule le langage poétique a cette magie qui pousse l’empathie du lecteur au-delà des mots. Il se débarrasse de l’inutile besoin de tout signifier, il privilégie l’image et le rythme pour renouveler la vision des choses, les rendre plus essentielles, plus neuves. Il faut le lire avec son cœur, avec son âme, avec aussi un regard intérieur qui va chercher en soi ce que l’on ne peut exprimer.

    Poème de Tigrane Yegavian (26 ans) dit par Jean Eckian. Il s'agit d'un texte extrait du recueil de poèmes "Insolations" (2010), paru aux éditions Le Cercle d'Écrits Caucasiens...

     

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