• La Corse et la Pologne

    L’édition corse en Pologne :

    A l’automne 2006, la revue littéraire polonaise " Zabudowa " (http://zabudowa.republika.pl/) publiera une édition spéciale (vendue en kiosque avec, en plus, une publication sur le Web)) faisant une place dans ses rubriques à l’édition Corse. Joël Jégouzo a accepté gentiment de publier l’un de ses articles qui paraîtra en Pologne et que nous mettons en ligne ci-dessous : 

    Le Polar Corse : Chjam’è rispondi.

    La Corse publie. Beaucoup. La Corse invente. Beaucoup. Sans doute son insularité (géographique et culturelle) y est-elle pour quelque chose dans ce regain d’invention et d’expression qui la marque aujourd’hui. Son " insularité ", ou plutôt, la prise de conscience de sa place dans le monde. Le " monde ", oui : les cinq continents. Le sentiment que sa " corsitude ", ce sentiment d’appartenir à une entité historique, culturelle, que l’on vit ailleurs comme menacée, justement dans ses dimensions insulaires, méditerranéennes, ne l’est pas en réalité. Changeons de vocabulaire donc : laissons le mot de " corsitude ", chargé des représentations stéréotypées que le vieux continent a forgé d’une île imaginaire vouée à un sot exotisme, aux dépliants touristiques et parlons plutôt de " corsité " : le fait d’être corse, dans un monde globalisé, est une chance. Explorons cette corsité, semblent proclamer les éditeurs corses, dont l’ambition s’affiche à hauteur d’un investissement proprement militant pour que cette culture rayonne enfin, comme s’ils étaient persuadés que l’ancestrale culture corse représentait non seulement le salut pour la nation corse, mais un vrai laboratoire des mondes à venir.Car voici que confluent brusquement de sérieux héritages pour former les conditions d’un (re)surgissement exemplaire — celui du fait Corse. Au point de confluence, l’héritage culturel de la diaspora corse, la culture orale corse et la volonté d’être corse par-delà les dérives identitaires et les reniements de toutes sortes, leur tentation du moins, dans un monde culturellement aliéné à la civilisation libérale-américaine.L’héritage de la diaspora corse tout d’abord. On l’a dit de bien d’autres nations : c’est une chance de posséder une forte immigration à l’étranger, formant les têtes de pont d’une culture vivante, exposée au défi d’exister envers et contre l’exil. Une diaspora donc, non seulement ambassadrice du fait corse, mais et peut-être surtout, communauté affrontée aux autres cultures, sachant mieux mesurer les défis du monde, tel qu’il les réorganise.Au point de convergence, toujours, l’héritage de la culture orale corse — nous y reviendrons. Enfin, la volonté d’être corse : un corps, plutôt qu’un corpus à ressasser. Et donc la nécessité de rompre avec une représentation véhiculée par le vieux continent d’une terre mystifiée — et par mystification, entendons toutes les dérives intra et extra muros que la Corse a connues ou subies. Car le mythe impose une rhétorique et une langue dont il faut s’emparer. C’est bien ce que les éditeurs corses ont compris, qui convoquent désormais la littérature mondiale autour du texte corse. Faisant ainsi entrer de plein pied dans la langue corse une géographie expansive qu’il nous est possible, enfin, d’entendre, et c’est ce qui importe : que l’échange soit possible.Alors prenez in fine la langue Corse, enracinée dans une forte tradition orale. Voilà qui n’est pas sans évoquer la situation de l’Irlande au moment où Joyce entreprend d’écrire : minoritaire, enfermée dans la domination britannique. Joyce n’écrit pas en gaélique, mais il sait faire chanter sa langue natale dans la langue de l’oppresseur, pliant au passage les règles du roman moderne au grain hérité du plus profond de son histoire. Cette jouissance séminale de la parole à la suture du parlé et de l’écrit, c’est dans son roman qu’il va donc la faire passer, abusant de phonétique, jouant du surgissement du son dans le mot. Lisez-le à haute voix, vous l’entendrez bien, allez ! Mais s’il y a de l’hérétique dans cette langue, c’est bien que son souci d’expérimentation formelle coïncide avec une conception offensive de la vie. Le vieil irlandais si vieux et d’un coup à la pointe de toute modernité… C’est cela que l’on entend ici et là dans le corse qui s’écrit aujourd’hui, au-delà du besoin ontologique d’exister par la révolte, dans et par cette formidable cambriole nourrie des rapines des autres possibilités langagières, en tout premier lieu offertes par la vieille langue corse.Mais ne poursuivons pas trop loin ce parallèle entre l’Irlande de Joyce et la Corse d’aujourd’hui. Encore que l’une et l’autre se soient façonnées par une construction identitaire fondée sur l'opposition à la culture qui les dominait. Ici, l’époque n'était guère propice à la liberté artistique, comme en témoignent la censure et l'exil de nombreux écrivains irlandais, de Joyce à Beckett. Ici toujours, la nation prenait ses distances avec ses repères historiques — la langue gaélique, l'Église catholique, un mode de vie rural — pour se réinventer dans un cadre européen et se démarquer du nationalisme violent qui sévissait dans le Nord. C’est peut-être, toute proportion gardée, ce à quoi la Corse opère aujourd’hui : à revisiter son passé pour l’accomplir autrement. Car voici que dans la régulation qui s’opère, le passé fait de nouveau fond sur l’histoire présente. Il n’est que d’évoquer cette coutume corse séculaire : le Chjam’è rispondi. Il y a là, sans doute, encore, une voie que les Corses contemporains n’ont pas fini d’explorer dans leurs œuvres. (voir le très bel article de J.-P. Ceccaldi à ce sujet sur son blog : http://blog.ifrance.com/flicorse).De quoi parlons-nous ? A l’origine d’une joute verbale au cours de laquelle les participants rivalisaient avec des mots scandés a capella. On n’est pas loin du Slam ou du Rap. Impromptu poétique, sur un schéma mélodique répondant à des règles précises avec un contenu ouvert aux débats de société. Nul doute que la Corse tienne là le filon des modernités à venir ! Imaginez : savoir pareillement syncoper son présent, le plier aux contraintes de l’histoire tout en exposant cette dernière à la (petite) frappe de l’actualité. Faire entrer dans l’insolite d’une voix individuelle une réponse sociétale. Pas étonnant, en outre, que le polar y tienne une place de choix, pour toutes les raisons déjà données à son sujet dans ce numéro et pour cette autre qu’il porte, mieux qu’aucun autre genre, lui-même trace de la structure Chjam’è rispondi : et la contrainte des règles du genre et la liberté sans laquelle le chant ne serait qu’une rengaine exténuée. La Corse édite donc. Selon un schéma connu : désertification rurale, migration vers les grands centres urbains. Ainsi, Ajaccio et Bastia, les métropoles, abritent-elles la quasi totalité des éditeurs actuels. Albiana, Alain Piazzola, DCL, Lettres Sud, La Marge, Matina Latina pour la première, Mediterranea, Anima Corsa, Patrice Marzocchi, pour la seconde. Ailleurs ? Rien, sinon les éditions Le Signet, établie à Corte, l’ancienne capitale historique.La Corse édite, du noir. Beaucoup. Avec les éditions Albiana par exemple, qui travaillent une voix corse empreinte d’un blues magistral, ou avec la naissance de ce personnage, le flicorse, qui, mieux qu’aucun autre, porte en lui toute l’ambiguïté du débat corse...Joël Jégouzo.  

    Découverte de la littérature polonaise et polonité : 

    La culture est un magnifique espace d’échange dans lequel chacun a quelque chose à apprendre de l’autre. Les échanges sont porteurs de nouvelles richesses que ce soit en littérature, en musique ou dans les arts visuels. La culture est l’essence de notre identité. Elle la perpétue en s’enrichissant. Elle renforce le fil ténu entre la Corse et sa diaspora. L’identité corse est indissociable d’une culture et d’une langue corses. La culture a besoin d’échanges pour exister en se réinventant. Comme l’humanisme, elle ne peut être enfermée dans l’immobilisme et le communautarisme. La langue a besoin de la culture pour garder toutes ses richesses et ne pas se perdre pour devenir un patois. Pour sortir la culture corse de la vitrine exotique montrée au tourisme de masse et des stéréotypes véhiculés par un racisme rampant, il faut continuer à porter notre regard sur le reste du Monde, et le reste du monde portera un autre regard sur nous. C’est, vous dirait un Corse, chose presque atavique et naturelle pour un insulaire qui, traditionnellement, a le goût du voyage et le sens de l’hospitalité.L’intérêt porté par la revue Polonaise sur la littérature corse méritait donc que nous parlions de ce pays géographiquement et intellectuellement si proche. Depuis plusieurs années, un événement est organisé en France : les semaines polonaises. La France a, depuis longtemps, entretenu des rapports privilégiés avec la Pologne qui a lutté, pendant des siècles, pour sa liberté. C’est l’occasion de découvrir la richesse littéraire d’un pays qui a donné de grands auteurs dans plusieurs genres et de réentendre les Polonaises de Frédéric Chopin. Sans remonter à la Genèse et en toute modestie de notre part, avant de vous citer, de façon non exhaustive, quelques noms polonais qui ont passé les frontières et conquis une renommée internationale, passons par un peu d’histoire qui peut donner un éclairage sur la culture littéraire polonaise.
    La " Rzeczpospolita " (ancienne république polonaise) était multireligieuse et multiethnique. Au XVIIIème siècle, l’asservissement de la Pologne à la Russie va être à l’origine du nationalisme polonais qui atteint son apogée pendant les insurrections " romantiques " et la période dite " des partages ", avec le développement des idées nationalistes chez les communautés allemande, ukrainienne, biélorusse, tartare, lituanienne et juive. Les Polonais qui refusaient la collaboration et l’asservissement, ont choisi l’exil et/ou la lutte armée. Un mouvement dit de résistance " organique " préconisait de travailler souterrainement et sur le terrain l’identité polonaise par l’ouverture d’écoles, lorsque la langue était interdite ou encore dans des cercles littéraires. Pour une grande part, cette résistance s’est organisée dans les arts et les lettres. Nombreux furent aussi les peintres qui rendirent hommage à cette culture, en lui restituant un cadre formel. Dans ce contexte, la littérature est devenue un instrument politique et de lutte contre l’oppression, utilisant les métaphores en poésie et les allégories dans le roman. Le héros romantique devenait héros national, défenseur de la culture et de l’âme polonaises. Il est resté le héros non-conformiste de la jeunesse polonaise. Il lutte pour la liberté mais aussi pour des valeurs (religieuses) et des idéaux humanistes. En juillet 2005 , l’éditeur Atlantica a sorti un ouvrage : "  Valeureuse Pologne : ses souvenirs, ses hommes d’état et ses personnalités remarquables " écrit par Laurence Catinot-Crost, historienne et romancière.l'Hymne national "La Pologne n'est pas encore morte tant que nous vivons"L'histoire de l'hymne national polonais est particulièrement intéressante, jalonnée d'épisodes captivants. C'est dans un manoir de la campagne au nord de la Pologne que naquît l'auteur de son texte, rédigé au mois de juillet 1797, dans une ville lointaine située en terre italienne, étrangère mais amie, qui avait offert son hospitalité aux soldats polonais après le partage de la Pologne par ses voisins. Cet hymne, chanté spontanément sur la mélodie d'une mazurka traditionnelle, d'un jour à l'autre est devenu le chant des Légions polonaises en Italie. En gagnant toujours en popularité parmi les Polonais, cet hymne a survécu avec eux à un siècle et demi de domination étrangère. En 1926 il fut reconnu officiellement comme hymne national.Ce bref rappel insuffisant a pour but de mettre en exergue une généalogie expliquant la prépondérance des thèmes nationaux et patriotiques dans la littérature polonaise. Après des années de soviétisme, la Pologne a rejoint la communauté européenne, dont elle a toujours été un membre important, notamment, dans le domaine culturel. Nous vous donnons quelques noms et quelques modestes indications pour susciter le désir d’aller plus loin dans la découverte des Polonais.

    Au Panthéon de la littérature polonaise, nous rendons hommage à un grand écrivain philosophe, Witold Gombrowicz et à deux grands poètes : Adam Mickiewicz et Czeslav Milosz.

    Un grand écrivain et philosophe : Witold Gombrowicz ( 1904-1969 )Né en 1904 à Maloszyce, il est issu de la noblesse terrienne et donc d’un milieu favorisé. Il fait des études de droit puis, sans grande conviction, s’installe comme juriste à Varsovie. Il y fréquente le Café littéraire Ziemanska et, en 1933, publie un premier recueil de contes " Mémoire du temps de l’immaturité " ( Barakaï ), mal reçu par la critique. En 1939, il part en Argentine , pour un voyage offert par l’Union des écrivains polonais. Il y vivra pendant 24 ans. En 1951, il collabore avec la revue de la diaspora polonaise " Kultura " et avec l’institut littéraire de Paris. C’est le début de sa célébrité, qui lui permettra de vivre de son travail d’écrivain à partir de 1955. Après un séjour à Berlin, il se rend à Paris où, en 1964, il rencontre une étudiante canadienne, Rita Labrosse, qu’il épousera. Il s’installe à Vence où il décédera le 24 juillet 1969, année de sa dernière création, une pièce de théâtre intitulée " Opérette ". Dans le genre léger de l’opérette, il traite des sujets lourds de la fin de l’Histoire et du fiasco des idéologies. Gombrowicz a souffert, presque toute sa vie, d’une maladie pulmonaire. Il disait que : "  Le vrai réalisme devant la vie est de savoir que la chose concrète, la vraie réalité, c’est la douleur…Moi, je vois l’univers comme une entité complètement vide, où la seule chose réelle est celle qui fait mal : précisément la douleur. "Bibliographie : 1933 : " Mémoire du temps de l’immaturité ( Barakaï ) , recueil de contes1935 : " Yvonne, princesse de Bourgogne ", pièce de théatre, et son premier roman " Ferdydurke "1937 : " Les envoutés ", roman1953 : "  Trans-Atlantique ", feuilleton dans la revue Kultura, puis roman et une pièce de théâtre " Mariage "1955 : " Pornographie ", roman1961 : " Cosmos ", romanDe 1957 à 1971 : Journal I, II et III1968 " Entretien avec Dominique de Roux " , réédition sous le titre " Testament " en 19771969 : " Operette ", pièce de théâtre.L’action, humour et le suspens sont utilisés par Gombrowicz pour être lu par un large lectorat. Ses principaux thèmes, le ton, l’humour noir, le style baroque apparaissent dès son premier recueil de contes.Dans Trans-Atlantique, il pousse le jeu sur le style à l’extrême. Il y raconte son arrivée en Argentine à la veille de la deuxième guerre mondiale, un début réaliste suivi d’une évolution vers le fantastique et même le grotesque. Il caricature la diaspora polonaise, prenant ses distances avec les mythes et les stéréotypes d’un nationalisme qui étouffe l’individu au nom de l’indépendance de la patrie. Il ne s’agit cependant pas d’un roman blasphématoire contre son peuple et Gombrowicz prend la précaution de préciser dans la préface : "  Je conviens aussi que " Trans – Atlantique est un navire corsaire qui porte en contrebande un lourd chargement de dynamite, destiné à faire exploser le sentiment national toujours en vigueur chez nous. Tout en restant Polonais, cherchons à être quelque chose de plus ample et supérieur au Polonais ! ". Sa vision apparemment " Nietzschéenne " de la polonité trouve sa signification dans son concept de " forme ", thème de son premier ouvrage " Mémoire du temps de l’immaturité ". Pour ce " palatin de l’antiforme ", l’homme n’est jamais authentique et toujours déformé, comme si il jouait derrière un masque, sans vrai visage. Sa polonité, selon Joël Jégouzo, s’inscrivait en faux de l’héritage polonais qu’il nommait à juste titre la " polonitude ", concept identitaire qui, selon lui, enfermait la société polonaise restée tournée vers son passé. " L’homme est à la fois maître et esclave de sa forme ", disait-il. L’antiforme Grombrowiczienne est une forme qui s’oppose à la tyrannie du moule social et psychologique imposé à notre immaturité. C’est donc le refus aussi du masque identitaire, le refus de l’enfermement et le " choix " de chercher librement " quelque chose de plus ample et supérieur " à la forme polonaise, tout en restant polonais. Ce n’est pas une trahison , c’est une ouverture sur l’avenir. Ce roman " Trans-Atlantique " , mal compris, est l’ouvrage le plus polonais de son auteur., alors qu’il lui a valu d’être regardé comme un " déserteur de la cause polonaise ", pour certains, et un "  provocateur prétentieux " pour d’autres. Quant à lui, il aimait à dire de lui : " Je suis un humoriste, un pitre, un équilibriste.. " et de nous tous : " L’homme est un éternel acteur.. ".
    Un autre auteur contemporain vivant, Slawomir Mrozek, qui a aussi écrit sous le pseudo de Diaman Prutus, évoque dans ses écrits un monde déformé par une schématisation dans laquelle la forme prend le dessus sur le sens. Il crée des personnages qui sont des schémas humains ( Mrozek est né en 1930 , ses œuvres dramatiques sont traduites et jouées dans de nombreux pays ).Dans Cosmos et Pornographie, il y a aussi du suspens. Le style devient plus naturel, mais l’histoire est plus étrange, avec des côtés malsains et pervers. C’est du roman noir existentiel. " Pornographie " est un titre en trompe l’œil : derrière la couverture, il n’y a pas de photo X ou d’érotisme.Ferdydurke est un collage de nouvelles avec une unicité de thème : l’imitation, le désir de ressembler à autrui et de rendre autrui comme soi-même, et aussi désir d’échapper à autrui, de fuir, de rester soi-même. . " Les envoûtés " est un roman feuilleton fantastique où tout tourne autour d’un chiffon qui bouge tout seul.Du 27 avril au 25 mai 1969, Gombrowicz a livré sa vision sur l’évolution de la philosophie du 20ème siècle. Ses propos ont fait l’objet d’une publication après son décès sous le titre de " cours de philosophie en 6 heures un quart ", donnés à son épouse et à Dominique de Roux, co-auteur de " Testament ". Il s’agit d’un opus court mais dense : une sorte d’anti-manuel de philosophie " pro philosophique ". Editions Rivages poche. A lire !Gombrowicz a toujours dénoncé la routine et la paresse intellectuelle. Il refusait de se laisser influencer par les modes et nous exhorte à penser librement. Ces livres restent à la portée de tous et, pour la plupart, ont fait l’objet d’édition en poche chez Gallimard. Le Journal écrit entre 1957 et 1971 s’adresse à ceux qui veulent aller plus loin dans la connaissance de ce penseur moderne.Nota : Il faut aussi citer, comme auteur polonais important pour mieux comprendre la polonité,   Jean - Chrysostome PASEK et l’ouvrage de cet auteur "  Mémoires de Jean-Chrysostome PASEK, gentilhomme polonais 1656-1688 " édité en France. C’était le livre de chevet de Gombrowicz et selon Joël Jégouzo " un superbe ouvrage du baroque polonais, une tradition littéraire qui remonte à Rabelais ".

    Deux grands poètes : Adam Mickiewicz et Czeslav MILOSZ

    1°/ Adam Mickiewicz (1798 – 1855), héros national: En 2005, les Polonais ont commémoré le 150ème anniversaire de sa mort. Il s’agit d’un poète emblématique dans le Panthéon de la culture polonaise. D’origine lituanienne et héritier d’une tradition pluriculturelle, il est le chef de file des Romantiques. En Pologne, il a fait naître une conscience nationale qui a, sans doute, ouvert la voie à l’indépendance dans une Pologne privée de liberté et distribuée entre trois grandes puissances. Il met le concept de " Peuple " au dessus de celui de " Nation " et la liberté au dessus des appartenances. Pour lui, la Pologne devait être le " Messie des nations " et, devenue indépendante, concourir à l’unification des peuples européens. Il a passé la plus grande partie de sa vie en exil (pendant 23 ans, à Paris), tout en combattant et en essayant d’organiser le résistance et la reconquête.Il a écrit une œuvre majeure : "  Les Aïeux ", qui a déclenché les manifestations d’Octobre 1956 et inspiré celles de mars 1968 puis le mouvement Solidarnosc. Il laisse une œuvre toujours rayonnante et un message universel de liberté, tout en affirmant son enracinement profond en Lituanie.Il est né en 1798 à Zaosie ( actuelle Biélorussie ). En 1812, sa famille héberge une partie de l’armée de Napoléon placée sous le commandement de Jérôme, Roi de Naples. Etudiant à Vilnius, il participe à la fondation des organisations de la jeunesse progressiste et patriote : Les Philomates et les Philarètes. En 1815, il est nommé professeur de littérature latine, histoire et droit. En 1823, il est arrêté comme membre des Philomates, incarcéré puis interdit de séjour en Lituanie et sur les anciens territoires polonais. Après 5 ans passés en Russie où il rencontre Bestuzev, Rylejev (poètes dékabristes ) et Pouchkine, il voyage et rencontre Goethe à Weimar. Il s’installe en France en 1832.Pendant son long séjour en France, il a une intense activité littéraire et occupe plusieurs fonctions, notamment, en 1840, il obtient une chaire de littérature slave au Collège de France où il côtoie Edgar Quinet et Jules Michelet. Il en fut exclu car ses cours tournaient à l’émeute. " En exil et pélerin " ( " exult et pérégrinus ", premiers mots de la première grande chronique polonaise qui fonde le récit polonais et a pour auteur un moine français, Gallus Anonymus) : formule reprise par Mickiewicz qui reste actif dans la résistance polonaise. En 1855, il se rend en Turquie pour soutenir les " légions polonaises " dont la création a été négociée entre le Prince Czartoryski et Napoléon III. Il y meurt du choléra. Inhumé d’abord au cimetière polonais de Montmorency, son corps a été rapatrié à Cracovie en 1890. C’était un innovateur qui travaillait la langue polonaise dans ses écrits allant jusqu’à bouleverser la métrique du vers polonais pour lui donner d’autres rythmes. "  Le pays d’enfance. Il restera à jamais saint et pur comme le premier amour " (A.Mickiewicz, épilogue du poème épique " Pan Tadeusz ", 1834 dont s’inspira Andrezj Wajda pour son film " Pan Tadeuz, quand Napoléon traversait le Niemen , sorti en 1999 )

    2°/ Czeslav MILOSZ ( 1911 – 2004 )Il est né le 30 juin 1911 à Szetejnie ( en Lituanie comme Mickiewicz ). Il décède le 14 Août 2004 à Cracovie , à l’âge de 93 ans. Il a vécu les guerres et les totalitarismes qui l’ont jeté sur les routes de l’exil, avec des retours toujours éphémères. Sa poésie est l’expression de cette émigration forcée qu’il ressentait comme un bannissement " spirituel ". " Chassé du paradis ", il souffrait d’être la victime l’incompréhension " de simples mangeurs de pain ". Sa longue vie " d’éternel pèlerin " l’a façonné et a fait de lui un défenseur tenace de la pensée libre. Il était marxiste dans la Pologne " bourgeoise " et disait non aux communistes de la Pologne " populaire ". Il était athé mais regrettait le perte de l’imagination religieuse. Il était hostile à la " Polonité " par opposition au " zèle patriotique ", tout en affirmant son attachement à sa langue et à son pays natal. Tout en exprimant cette liberté de pensée par de l’inconstance et des contradictions dans ses choix politiques et religieux, il avait un projet poétique "poétiser la réalité " et était en quête du mystère de l’existence. Si, poète maudit, il a percé ce mystère, il ne l’a pas divulgué avant de mourir. Il laisse une œuvre variée dans le style et multiple dans la forme. C’est par " La pensée captive ", premier livre publié à l’Etranger qu’il est connu du lectorat occidental en 1953. Par la suite lauréat du Prix Nobel de littérature en 198O, il est aussi récompensé par le Prix littéraire européen avec " La prise du pouvoir ". En 1997, il obtient le prix Nike avec la parution de " Chien mandarin ". Il faut citer ses poèmes dont " Anthologie personnelle " paru en 1998 et ses essais dont " La recherche de la patrie " en 1992. 

    La Pologne est la patrie de deux cinéastes célèbres : Roman Polanski et Andrzej Wajda 

    1°/ Roman Polanski : Roman Polanski est né à Paris en 1933 de son vrai nom " Raymond Liebling ". Il rentre avec ses parents en Pologne où il se trouve lors de l’invasion nazie en 1939. Il s’évade du Ghetto de Cracovie et échappe aux camps de la mort où sa mère disparaîtra. Il retrouve son père après la guerre. Il fréquente une école des Beaux arts, et en 1950 tourne dans quelques films et entre à l’école du cinéma de Lodz. Il réalise d’abord des courts métrages, puis, son premier long métrage en 1962 "  Le couteau dans l’eau ". Il séjourne en Angleterre où il réalise " Répulsion ", " L’étrange cul de sac " et " Le bal des Vampires ".. En 1968, il sort son premier film hollywoodien " Rosemary’s Baby ". L’année suivante , son épouse Sharon Tate est assassinée sauvagement par le tueur en série Charles Manson, alors qu’elle est enceinte de 8 mois. Il retourne en Europe où il tourne Macbeth. En 1974, il obtient un grand succès avec " Chinatown ". Il tourne ensuite Tess, Pirates, la Neuvième porte, la jeune fille et la Mort., Pianiste. En 2005, son dernier film est une adaptation de " Oliver Twist " de Charles Dickens.Avec Le Pianiste, sorti en 2003, il évoque l’occupation nazie en Pologne et le ghetto de Varsovie. Il a obtenu la Palme d’or à Cannes. Polanski est aussi acteur et a joué dans de nombreux longs métrages réalisés ou non par lui. Il a notamment fait l’acteur dans des films de Andrzej Wajda comme " Zemsta " ( La vengeance) dans lequel il joue le personnage de Papkin en 2002, mais aussi " Génération une " en 1955 dans le rôle de " Mundek ", ou encore" Dudzio " dans " Do widzenia, do jutra " en 1960.

    2°/ Andrzej Wajda : Andrzej Wajda est né en 1926 à Suwalki. Il a fait des études aux Beaux Arts de Cracovie et ensuite, comme Polanski, à l’Ecole Supérieure de Cinématographie de Lodz. Il a occupé plusieurs fonctions dans des instances du Cinéma polonais dont il s’est fait le défenseur et, en 1988, on le retrouve aux côtés de L. Walesa dans Solidarnosc. C’est un novateur dans le domaine de l’expression cinématographique et un intellectuel qui s’inspire de la peinture et de la littérature polonaises et étrangères. On retrouve dans son œuvre les thèmes du romantisme  ( héroïsme, vertus morales..) et de l’humanisme ( la mort, l’amour, la haine..), dans un style fait de baroque, de lyrisme et de métaphore poétique. Il met en scène, sous son éclairage, sa vision personnelle et artistique de l’histoire de la Pologne mais aussi de la tradition polonaise et de la polonité. En 1950, il participe à la création du mouvement appelé " Ecole polonaise du cinéma " qui va faire connaître le cinéma polonais dans le monde entier. En 1955, il débute avec la réalisation de " Pokolénie " (la même année Roman Polanski réalise " La bicyclette ", film dans lequel il joue lui-même la victime). Quelques titres de films à revoir :  Kanal  1957,  Cendres et diamants  1958, L’homme de marbre 1976, l’homme de fer 1981 Danton 1982. Il a obtenu la Palme d’or à Cannes pour l’Homme de fer , le lion d’or à Venise pour l’ensemble de son œuvre et d’autres distinctions dont la légion d’honneur en France.Andrzej Wajda a fait l’adaptation cinématographique de plusieurs œuvres de la littérature polonaise dont " Pan Tadeusz " , film sorti en 1999. 

    La " Noire " polonaise :

    Dans les année 1980 , on assiste à un retour à l’affabulation dans la littérature et, dans les années 1990 , à l’intrigue. Des auteurs polonais apparaissent dans le roman noir, le polar et le thriller. Nous avons noté l’existence en France d’une librairie polonaise avec une boutique en ligne : Librairie franco-polonaise LEKTURA, 24 rue Saint Jacques à Lille (59). Cette librairie vous propose des ouvrages en polonais ou traduits. Nous avons relevé des auteurs connus comme Alex Joe, Joanna Chmivlewska, Jaroslav Miklaszeask, Marek Krajewski ...Dans son deuxième roman , le Flicorse s’ immerge "  Dans les arcanes du Tueur ". Nous avons relevé l’ouvrage de l’auteur polonais Manuela Gretkowska " Tarot Paryski ", dans lequel l’auteur vous fait suivre une piste spirituelle et mystique dans un labyrinthe culturel où vous rencontrerez le Tarot, l’humour, le sexe et la Kabbale. Du 10 au 12 Novembre 2006 à Berlin, aura lieu le 3ème colloque France – Allemagne - Pologne sur le polar. 
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