• La bête sur la lune, pièce écrite par Richard Kalinoski

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    « Une bête sur la lune » , ce titre est tiré d’une histoire qui raconte que les Turcs tiraient au fusil sur  une bête imaginaire nichée sur la lune ( lors des éclipses) avant de retourner leurs fusils contre les Arméniens dés les années 1893-1895 lors des massacres hamidiens, prémices barbares du génocide de 1915 . Cette première pièce d’un jeune auteur, Richard Kalinoski a été créée aux Etats-Unis en 1995, reprise par Irina Brook à Londres en 96, à Bobigny en 98 et  au théâtre de l’œuvre en 2001.

    Simon Abkarian, Corinne Jaber, deux comédiens magnifiques ont incarné en 2001 la subtilité des sentiments de deux êtres qui ont hérité des massacres de leurs familles respectives et qui cherchent maladroitement à s’apprivoiser, évoluant sans cesse sur le fil de la rupture. Les acteurs, lui arménien du Liban et elle syrienne d’Allemagne,  ont apporté cet élan de dignité retenue, sachant s’affronter avec perspicacité. L’amour est à qui supplantera l’autre, dit le philosophe existentialiste et ce n’est pas toujours le plus fort qui gagne.Il arrive même que les deux gagnent en surplus d’âme.

    Si les massacres tuent les corps, longtemps après ils hantent encore les esprits des survivants et de leur descendance. C’est un lourd héritage, celui de la photo d’une famille décapitée et le souvenir de la réalité tragique vécue. Entre Aram et Seta, les paroles et le silence cachent les racines d’une douleur partagée par l’ensemble des peuples opprimés. Le génocide arménien de 1915 les réunit aux Etats-Unis, terre d’exil, un d’origine siècle plus tard là-bas. Malgré leurs douleurs respectives, un amour semble naître et ne pourra s’épanouir que par les petits pas qu’ils feront l’un vers l’autre. Torturé entre un passé qu’il veut taire et l’espoir d’un présent où les enfants à naître viendraient combler les trous laissés dans la photo de famille par le massacre des siens, Aram, le mari, garde la tête haute. Mais Seta, sa jeune femme épousée par correspondance, est stérile. Les années passent, Vincent, un jeune immigré italien vient à fréquenter la maison. C’est lui, devenu vieux, qui rapporte aujourd’hui le récit d’Aram et Seta, si fragile et si forte.

    En 2001, cette pièce profonde et subtile a récolté cinq Molières. Elle a révélé l’acteur arménien Simon Abkarian.

     

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    En 2012, elle vient de faire l’objet d’une nouvelle création jouée par une troupe d’amateurs. Nous avons assisté à une représentation samedi dernier au Théâtre de La criée à Marseille, dans une salle comble. Cette troupe  révèle d’excellents acteurs et la mise en scène de Katia Arslanian  (médecin généraliste à l’origine) est innovante. Cette dernière a su préserver ce joyau du théâtre et même l’enrichir d’un narrateur. Un petit orphelin d’origine italienne fréquente le couple en mal d’enfant. Dans la mise en scène de Katia Arslanian,  l’enfant est un narrateur vieillissant, la voix off à laquelle s’ajoute la musique du doudouk. La mémoire se transmet d’âme à âme.  Le tact et la pudeur concourent à la grande sensibilité qui se dégage du texte, du jeu des acteurs et de la mise en scène.

    L’auteur Richard Kalinoski, estd’origine arménienne. C’est une évidence lorsque l’on connaît bien les Arméniens. Il a écrit une pièce qui va à la fois au plus profond de l’âme humaine et de l’identité arménienne. Une œuvre profonde qui, au delà de la question arménienne, nous fait l’invitation d’en passer par l’autre pour découvrir ce que nous sommes.

    La distribution :

    Aram Tomasian : Christophe Vic
    Seta Tomasian : Aurore Sayas
    Le vieux monsieur / Vincent (le jeune garçon) : Patrick Guindolet / Michel Paume
    avec la participation de Jacques Vincensini, musicien de doudouk

    Katia Arslanian pour la Cie Théâtre Jean Thomas
    en Résidence au Théâtre de l’Albatros
    29 rue des Teinturiers
    84000 Avignon

    Richard Kalinoski est né dans le Wisconsin, aux États-Unis. Étudiant à l’American Film Institute à Los Angeles, il obtient son diplôme en écriture dramatique à Carnegerie-Mellon University. Il enseigne dans trois états différents dans des Publics Schools, avant de se voir confier la direction des Études anglaises au Nazareth College de Rochester. En 1992, il reçoit le prix du Massachussetts et en 1993 celui de la Caroline du Sud pour l’écriture dramatique. Écrite deux ans plus tard, Beast on the Moon (Une bête sur la lune) est classée comme étant « l’une des dix meilleures productions de l’année » par le Philadelphia Inquirer. Pour écrire cette pièce, l’auteur s’est inspiré du témoignage de la famille de sa femme, elle-même d’origine arménienne. Saluée par le public et la critique, Beast on the Moon a été présentée dans plusieurs états des États-Unis ; elle est aussi montée par d’autres productions au Canada, en Europe et à Moscou.

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