• Drôle de bienveillance pour « Les bienveillantes » !

    « Les bienveillantes » de Jonathan Littell, un livre encensé par une presse dithyrambique qui a déjà donné le prix Goncourt au fils de Robert Littell, grand reporter à « Newsweek », spécialiste des questions du Proche-Orient, auteur américain de « La compagnie », « Les enfants d’Abraham », « Le fil rouge », « Le sphinx de Sibérie » et donc de romans d’espionnage.

    Aux Correspondances de Manosque, nous avons assisté à la prestation de Littell fils devenu « grand » écrivain chez Gallimard. Ce grand garçon de 39 ans n’a pas besoin de faire de la promo car la presse s’en charge avec ardeur. Sorti des références aux historiens célèbres, il répugne à parler de la partie fictionnelle de cet ouvrage de 900 pages qu’il a écrit en 4 mois après 1 an et demi de recherches historiques et qu’il n’a pas eu encore le temps de lire. Peu enclin donc à répondre aux questions, il dit être davantage préoccupé par son installation à Barcelone, son déménagement et la scolarité de ses enfants. Il faut rendre hommage à la patience sans faille du présentateur, Pascal Jourdana, qui, professionnel, s’était ingurgité les 900 pages pour en tirer un débat qui aurait pu être intéressant si les réponses l’avaient été. Mais, pour cet auteur peu bavard, les jeux sont faits : son livre est un succès avant d’être lu et se vend comme des petits pains bénis par l’Intelligentsia parisienne.

    Le Nouvel observateur lui avait déjà consacré les honneurs en Août dernier avec un bandeau en première page : « Le premier roman de Jonathan Littell, attention Chef d’œuvre » et quatre pages avec photographie de star, sous la plume de Jérôme GARCIN. Comme cela ne suffisait pas, on y ajoute un article de Frédéric Hernandez ( qui évoque tout de même quelques points de polèmique), pendant que, dans un petit encart, Jacques Nerson siffle avec arrogance Laurent Gaudé (Goncourt 2004) dans le style « Gaudé écrit à la truelle » ou bien « Souffrirait-il de ce trouble obsessionnel compulsif, la palilalie ; besoin incoercible de répéter ses phrases ». Cela sent le règlement de comptes bête et méchant car le dernier ouvrage de Gaudé, « El Dorado », est un beau livre sur un sujet d’actualité : l’émigration africaine.

    Jacques Nerson devrait relire l’article de son confrère Jérôme Garcin et y relevait les couches successives d’éloges à coups de truelle jusqu’à l’emphase, les réponses faites pour l’auteur qui ne dit rien, l’analyse psychologique un peu merdique du héros, lorsqu’il écrit : « Ce n’est pas qu’il ait mauvaise conscience, ô non, c’est simplement qu’il éprouve le besoin intestinal de se décharger. Il a passé la guerre à vomir ses tripes devant les charniers, il lutte aujourd’hui contre la constipation ». Est-ce un message subliminal en direction du public ? Qui le sait ?

    Dans cet article, notre nouvelle coqueluche littéraire nous donne, lorsqu’il parle, l’image d’un enfant gâté. Il dit notamment : « Les Etats-Unis manquent follement de charme. Et je ne supporte pas de ne pas pouvoir fumer en buvant mon whisky, ou de ne pas pouvoir boire en fumant mon cigarillo ». Palilalie géniale, aurait peut-être écrit un autre Nerson. Ensuite, Jérôme Garcin nous explique que Jonathan LITTELL a choisi la nationalité française qui lui est refusée par « des ronds-de-cuir coupés du monde en marche par des murs de paperasserie. Il veut être Français, si l’être, ce n’est pas dire non à l’Europe. Attention à ceux qui ont dit non, ils vont priver la France d’un génie littéraire qui, en fin d’article, voudra bien dire quelques mots sur l’Allemagne « qui a pris en charge sa culpabilité et su tirer un trait sur son passé le plus noir ( Dixit Garcin loco Littel) mais aussi sur l’histoire de France avec son passif : « … des mythes bricolés et une colonisation prédatrice, meurtrière, odieuse et jamais assumée ». Il ajoute : « Le pourrissement de la vie politique française découle de ces apories et de ces contradictions intenables. Regardez les Anglais: ils ont décolonisé avec une certaine élégance et tourné la page pour devenir une nation moderne, pluriculturelle, dynamique, ouverte, riches de toutes ses diversités… » . Et notre journaliste de conclure : « C’est au rang d’écrivain français que Jonathan Littell aspire. Avec « Les bienveillantes », son magistral premier livre, il l’est ».

    Est-ce que, coup de théâtre prémédité, le prix Goncourt pourrait être attribué à un Américain, cette année ? La question finalement de la nationalité de l’auteur ne se pose pas puisque, en général, c’est l’éditeur qui obtient le prix, à quelques exceptions prés. Donc ! Pour ce coup d’édition, bravo Gallimard spécialiste du best - seller.

    Pour notre part et malgré la réponse itérative de l’auteur « américain » à certaines questions (manque de recul sur sa propre expérience et son ouvrage), nous nous demandons encore : Pourquoi choisir un SS, nazi de la guerre 1939-45, alors que Jonathan Littell a « roulé sa bosse, parcouru le monde, nourri des affamés, essuyé des tirs de mortier… et saisi par la fièvre humanitaire, diriger des missions en Bosnie, au Nord Caucase, en Afghanistan, en Chine, en Afrique, à Sarajevo et à Mostar ( pendant la guerre), à Grozny lors de la rébellion tchétchène, à Kaboul, au Rwanda, au Tadjikistan, et en Guinée ». Pourquoi a-t-il choisi une époque vécue par son père Robert, au lieu de se servir de sa propre expérience ?

    Se référant notamment à l’ouvrage sur les bourreaux ordinaires de Browning, il aborde la question sous un angle qui pourrait laisser penser que, finalement, les Nazis étaient des gens « ordinaires », souvent cultivés et raffinés, lorsqu’il s’agissait d’officiers SS (une caricature déjà utilisée au cinéma). Le plus pernicieux dans cet ouvrage, c’est de dire que les Nazis étaient, en majorité issus des classes moyennes (petits employés de préférence) et d’en déduire que ce sont les conditions économiques et politiques de l’Allemagne Hitlérienne qui ont transformé ces petites gens étriqués dans leur vie « ordinaire » en bourreaux au service d’une idéologie dominatrice. L’idéologie nazie se serait servie d’eux pour s’en débarrasser après qu’ils aient été psychologiquement détruits par les actes barbares qu’on leur imposait de commettre. Les idéologues nazis auraient voulu fabriquer des bourreaux insensibles, froids au point de tuer sans remord, sans mémoire. On esquisse le portrait du « bourreau – victime » qui sommeille en chacun de nous ( gens ordinaires ), se réveille si les circonstances l’exigent, tuent, massacrent, « génocident » et restent humains.

    Max Aue, bourreau nazi, est né en Alsace, de mère française et de père poméranien. Il a fait ses études de droit et d’économie politique en Allemagne. Il est cultivé. Il a lu les philosophes grecques mais aussi Kant, Flaubert… avant d’être envoyé sur le front de l’Est. Il fait une carrière militaire chez les SS où il atteint le grade de Lieutenant-colonnel. Un héros nazi , aux mains sales, qui se raconte avec froideur et ne renie pas son passé génocidaire. Un monstre humain .Son récit à la première personne « Je » n’est dicté que par le besoin de se raconter. Je du destin ou Je de dupe ? Je de vérité ou Je de manipulation ?

    On s’interroge aussi sur la raison pour laquelle l’auteur ne peut donner sa propre analyse de la partie romanesque de son ouvrage ? Pour laisser sa liberté au lecteur, dit-il. Un peu court pour un débat accepté et un opus de 900 pages, fruit d’une démarche personnelle et d’une profonde réflexion. A d’autres questions, il répond qu’il s’agit de questions de forme, point final. Et puis, réponse ultime : tout est écrit dans mon livre ! Nous avons enregistré l’intégralité du débat littéraire de Manosque consacré à Jonathan Littell le 23 septembre dernier et prendrons peut-être le temps de le retranscrire pour le publier en parallèle avec certains passage de l’article de Jérôme Garcin.

    En attendant, malgré la pression médiatique, je n’ai pas acheté « Les bienveillantes » : titre, comme chacun l’ignore, tiré de la mythologie grecque. Il s’agissait de déesses persécutrices, vengeresses, hideuses qu’on nommait « bienveillantes » par crainte de prononcer leur nom « Erinyes » ou « Euménides » et d’attirer ainsi leur attention. Finalement , les « bienveillantes » du Nouvel Obs ont réveillé les Euménides de « ÏLE NOIRE », blog habituellement non agressif.

    Jonathan Littell « accueille les compliments sans broncher ». Il a 39 ans et il en parait 25 (à croire que ses missions humanitaires ne l’ont pas trop éprouvé). Il n’a pas lu Kant, ni Hegel (pour ce dernier au point de ne pas se souvenir qu’il le cite dans son ouvrage). Il aurait vécu sa jeunesse dans la région de Cannes et, après un bac passé au Lycée Fénelon de Paris, il est allé poursuivre ses études à l’Université de Yale aux Etats-Unis ( sur l’Art et la littérature française)…. Et, qu’on se le dise, « il n’est pas devenu écrivain pour entrer dans le monde littéraire, qui l’indiffère », dixit Jérôme Garcin qui ajoute : « Il a trop roulé sa bosse, parcouru le monde, nourri les affamés, essuyer des tirs de mortier, pour trouver de l’intérêt aux petites stratégies parisiennes. D’ailleurs, en pleine rentrée littéraire de septembre, cet Américain, qui a habité Moscou et Istanbul vivra à Barcelone, où il a emménagé cet été avec sa femme belge et ses deux enfants». Erreur ! Il était à Manosque le 23 septembre dernier pour sa promo. La belle indifférence ! Le désintéressement ! N’est-ce pas un peu trop, tout de même, lorsque l’on lance une telle campagne publicitaire ?

    Bienveillante ! Une certaine presse, gardienne de nouvelles dynasties et distributrice de prix avant l’heure, l’est avec les fils et les filles de… Et cette bienveillance s’accompagne souvent d’une certaine arrogance pour les autres. Bien entendu, ce livre mérite d’être lu, à moins que vous ayez déjà lu tous les auteurs qui le nourrissent. Pour ma part, j’attends qu’on me le prête ou qu’on m’en fasse cadeau.

    Le Samedi 23 septembre dernier, il y avait d’autres jeunes auteurs de talent aux « Correspondances de Manosque » et, surtout, beaucoup plus loquaces lorsqu’on leur demande de parler de leurs écrits. Ils nous ont donné envie de les lire. Il s’agit de romans moins ambitieux comme « Les doigts écorchés » de Sylvie Robic, « L’absolue perfection du crime » de Tanguy Viel... Nous avons aussi assisté à un débat débridé et plein d’humour : José Manuel Fajardo et son traducteur Claude Bleton présentaient un opus épicurien « L’eau à la bouche », avec la complicité de Pascal Jourdana qui trouvait enfin des interlocuteurs au niveau de son talent de journaliste littéraire. Et puis, si vous passez par Manosque, Jean Giono, des peintres et des poètes y sont des étoiles permanentes. Une très belle exposition sur le peintre Lucien Jacques vous y attend jusqu’au 22 octobre 2006.

    Yahoo!

  • Voyage en Croatie et escapades en Bosnie Herzégovine et au Montenegro :<o:p></o:p>

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    Bien que faisant partie d’entités diverses plus vastes, la Croatie a réussi à préserver son identité. Sa culture  se présente comme une mosaïque des différentes influences au carrefour de plusieurs civilisations. Un séjour dans ce pays indépendant, au seuil de l’Union européenne, est l’occasion de découvrir des paysages à la fois uniques et proches de la Corse mais aussi  son riche héritage culturel longtemps occulté sous différentes identités dominatrices.

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    En Corse le CCU présidé par Ghjacumu Thiers a organisé une rencontre avec la littérature Croate en présence de Drazen Kutunaric, philosophe et poète, né à Zagreb. Sur le site de l’Adecec, vous pouvez retrouver un article sur cette rencontre sous le titre « Du côté de Corti » avec en prime des poèmes de Katunaric traduits en corse par Maria Anna Versini. A Ajaccio, le 1er avril 2005, au cours d’une cérémonie, à l’occasion de sa visite en Corse, l’Ambassadeur de Croatie en France , M. Bozidar Gagro, a décoré de l’Ordre de l’Etoile du matin ( à l’effigie de Katarina Zrinski), au nom du Président de la République croate ( M. Stipe Mesic),  Mme Yolande Tabak-Raibaldi, Présidente de l’association France-Croatie-Corsica, pour son action en faveur de l’amitié et des échanges culturels entre la Croatie et la Corse ainsi que son engagement humanitaire en faveur des populations croates pendant la guerre de 1991.

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    Depuis l’émission « Des racines et des ailes » consacrée à Dubrovnik, la Croatie est devenue une destination de vacances  pour les Français. Certes ce pays ne décevra pas les photographes, les sportifs et les adeptes de la bronzette en bord de mer. Il serait dommage toutefois de passer à côté de son histoire et de ne pas s’intéresser à la culture de cette « Autre Europe », pour reprendre l’expression trouvée dans le titre du livre écrit par Pedrag Matvejevitch, écrivain  né de père russe et de mère croate : « Epistolaire de l’Autre Europe », traduit en français aux Editions Fayard.  Il s’agit d’un recueil de lettres ouvertes dont la lecture n’est absolument pas ennuyeuse et qui donne des fragments de la vie intellectuelle sous le régime soviétique. L’auteur, dans son combat contre la censure et la répression idéologique,   nous fait part de ses réflexions et de ses voyages à travers différents pays de l’Est, de l’été 1972 jusqu’au 3 avril 1992.

    Les escales de ce voyage littéraire sont des étapes dans l’histoire de cette « Autre Europe » et de sa marche vers la liberté avec des moments d’actualité qui, au fil du temps, expliquent l’évolution et les ruptures de cette vaste partie du monde où les nations, les races, les religions… toutes les influences convergent.  

    La quatrième page de couverture reprend deux extraits :

    -         un extrait d’une lettre à Mickhaïl Gorbatchev : «  Quel sera le nouvel Etat russe : populiste et traditionnel comme auparavant ou démocratique et moderne, orthodoxe ou schismatique à la fois, plus blanc que rouge, moins slavophile qu’occidentaliste, aussi asiatique qu’européen, davantage « une Russie que la raison ne saurait embrasser » et « en laquelle on peut seulement croire » (Tioutchev) , ou bien cette autre Russie « robuste et au gros cul »  qu’a chanté Alexandre Block, avec le christ ou sans la croix ? Quelle qu’elle soit, elle devra compter avec tout ce que lui laisse l’Union soviétique, tout ce, aussi, dont celle-ci l’a privée, peut-être à jamais. »

    -         un extrait de la lettre « Sur le mal s’identité » à Czeslaw Milosz et à François Fetjo : «  Il serait souhaitable que l’Europe à venir fût moins auro –centriste que celle du passé, plus ouverte au reste du monde que l’Europe colonialiste, moins égoïste que l’Europe des nations, plus consciente aussi de son « esprit européen » et moins portée à l’américanisation. Il serait utopique de s’attendre à ce qu’elle devienne, dans un temps prévisible, plus culturelle que commerciale, moins communautaire que cosmopolite, plus compréhensive qu’arrogante, moins orgueilleuse qu’accueillante, plus encline à l’action qu’à la rhétorique et, en fin de compte, pourquoi pas, un peu plus socialiste à visage humain ou moins capitaliste sans visage. » 

    Dans cette lettre sur le mal  de l’identité,  il écrit : «  La définition de l’identité suppose une altérité : l’existence de l’autre, le « regard d’autrui ». Il met aussi en garde : « L’identité au sens étroit du mot risque de devenir un nouveau  joujou national »…  Matjevevitch s’est donné comme ligne de conduite la défense de la libre pensée, de la libre expression et du droit à la différence, tout en mettant en garde contre les dérives nationalistes.  Bien que censuré, il n’a pas connu la prison, avouant que  la situation était plus favorable en Yougoslavie que dans les autres pays de l’Est. Il ajoute que  le pouvoir sévissait plus particulièrement contre le nationalisme séparatiste et qu’il n’était nullement nationaliste. Il précise sur lui-même :

     «  Au cours des années soixante et dix, je fus confronté aux conséquences des Goulags. Je fis quatre voyages en URSS et appris quel avait été le sort de membres de ma famille la plus proche. Ces découvertes renforcèrent mes convictions et encouragèrent mes refus. Ne voulant pas me conformer à la ligne officielle ni soutenir les particularismes nationaux, je me rapprochais des philosophes de l’Ecole de Korgula réunis autour de la revue zagréboise « Praxis » qui critiquait également les staliniens et les nationalistes, les déformateurs de la théorie et de la pratique, tant soviétiques que yougoslaves ». 

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    Le livre s’ouvre à Zagreb en novembre 1970 sur l’évocation du manuscrit « 7000 jours en Sibérie » de Karlo Steiner et sur une lettre écrite à Leonid Brejnev au printemps 1971 pour la libération de André Siniaski et Iouri Daniel qui firent paraître des livres sous des pseudonymes (respectivement Abraham Terz et Nikolaï Arjjak) .  Le 28 juin 1972, l’auteur était à Moscou avec la délégation de  l’Union des écrivains de Yougoslavie et, à son arrivée, il se demande ce qui reste de russe dans cette ville, dans la mesure où elle est devenue soviétique.  Le 3 avril 1992, pour la dernière lettre, il se trouve à Zagreb où Karlo Steiner vient de mourir, après avoir séjourné au service de gériatrie de Vrapce, un mouroir d’où ses amis l’ont sorti pour qu’il puisse mourir dignement chez lui.  Celui-ci est l’auteur d’un ouvrage sur les goulags écrit avant celui de Soljenitsine, sans bénéficier de la même diffusion.

    Dans le premier chapitre intitulé « Une bouteille à la mer », lorsqu’il n’est pas à Zagreb, Matvejevitch voyage dans les grandes villes comme Moscou, Leningrad, Odessa (où est né son père), Erevan en Arménie (où il se lie d’amitié avec la poétesse Metaxe qui lui parle du génocide de 1915 ), Tbilissi et Gori  (fief de Staline en Géorgie), Kiev… Le deuxième chapitre s’intitule « Exercices de morale » en référence au recueil de soixante-cinq lettres ouvertes qu’il avait écrites et qui sont parues à Belgrade en 1985. Les deux  derniers chapitres s’intitulent « Héroïdes » et « Epitaphes ».  L’auteur, spécialiste des questions de dissidence dans les cultures et littératures d’Europe orientale, professeur de littérature française à l’université de Zagreb et professeur invité à la Sorbonne nouvelle de Paris (où il enseigne les littératures slaves) évoque à travers ses lettres ouvertes et ses réflexions des faits mais aussi les personnalités les plus diverses qui ont traversé l’histoire de cette Autre Europe. Vous y trouverez des grands noms de la politique et de la culture.

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    Dans la grande librairie de Dubrovnik, située dans la rue principale qui relie la « porte de la terre » à la « porte de la mer » de la vieille ville fortifiée, avec l’aide de notre guide Vesna,  nous avons choisi de découvrir le prix Nobel croate : Ivo Andric.

    La librairie ne disposait que de la version française d’un recueil intitulé « Contes de la solitude » préfacé par Pedrag Matvejevitch (incontournable lorsqu’il s’agit de littérature slave). La préface biographique est intitulée « Ivo Andric entre l’Occident et l’Orient ».  Reprenant la formule schismatique de Miroslav Krleza (autre écrivain croate traduit en français) «  Ni Rome ni Bysance », Pedrag Matvejevitch écrit ; «  Ivo Andric regardait à la fois Bysance et Rome, sans perdre de vue l’islam, l’Est et l’Ouest, l’Europe et « l’Autre Europe », et plus particulièrement les Balkans appartenant à l’une et à l’autre ». Il ajoute ; «  Croate par son origine et catholique par sa religion, Serbe par son choix et aussi d’adoption, Bosniaque de naissance et par ses racines, Yougoslave par sa détermination et son appartenance, non seulement nationale ou politique. Il n’était guère facile de porter toutes ces différences dans le pays où il était né et où il avait vécu. Les nationalistes croates l’ont accusé de trahir sa propre nation ; les nationalistes serbes se son efforcés de le « serbiser » entièrement, sans tenir compte des différences que relèvent son origine  et son parcours ; les nationalistes bosniaques de confession musulmane lui reprochaient la description des supplices que la population chrétienne a soufferts sous l’oppression turque – oublient ainsi leur propre origine slave… Que reste-t-il, à part un masque, à un homme qui devait déjà porter le lourd fardeau de son propre génie – à celui qui était peut-être le plus grand écrivain né , au cours de ces derniers siècles, dans les Balkans. »

    Ivo Andric est mort le 13 mars 1975. Il avait reçu le prix Nobel de littérature en 1961. Comme « Les contes de la solitude », son roman « Le pont sur la Drina » (Na Drini cuprija) se trouve en livre de poche n° 3321 Biblio ( prix de 6, 10 euros). La postface est de….. Matvejevitch, bien sûr !  Le pont de la Drina relie les rives entre Serbie et Bosnie, Orient et Occident….  Il se trouve à Visegrad où se côtoient, depuis le 16ème siècle, chrétiens, juifs, musulmans de Turquie ou « islamisés ».   C’est là que Andric a fait ses premiers pas et il a écrit : «  Aux instants où me fatiguait et m’empoisonnait un monde  dans lequel je vivais par un mauvais hasard et  miracle me maintenais en vie, lorsque l’horizon s’assombrissait et que vacillait la direction, j’étendais alors pieusement devant moi, tel un croyant son tapis de prière, le dur sentier, misérable, sublime de Visegrad, qui apaise toute douleur et efface toute souffrance, car il les contient toutes en lui et toutes les surplombe » (  extrait d’un texte repris dans la préface des Contes de la Solitude).

    A Dubrovnik, nous avons donc trouvé une version française des contes de la solitude (édition « L’esprit des péninsules », éditeur installé 4 rue Trousseau à Paris 11ème, qui a une collection « Balkaniques » dirigé par Eric Naulleau). Ce recueil avait pour premier titre « La Maison isolée », ouvrage complété par deux textes et un portrait de la ville de Sarajevo sous le titre français. Matvejevitch, dans la préface, nous présente Ivo Andric, comme un écrivain de génie timide et ayant pour ligne de conduite la modestie. Dans son discours prononcé lors de l’attribution du prix Nobel , Ivo Andric indiquait comme modèle narratif celui qui « s ‘applique à l’instar de la légendaire  et disserte Schéhérazade à faire patienter le bourreau, à suspendre l’inévitable arrêt de mort et à prolonger l’illusion de la vie et de la durée. » Il a su européaniser la narration orientale «  alliant un fatalisme venu des Mille et Une Nuits à une analyse psychologique moderne », selon les commentaires sur son œuvre.

    Les contes de la solitude s’ouvrent sur un prologue qui décrit une maison de Sarajevo, où, lorsqu’il se prépare et se met au travail, «  ne cessent d’affluer, avec une multitude de détails minutieux, personnages des récits et fragments de leurs conversations, réflexions et comportements.   Viennent ensuite frapper à la porte (de son imaginaire) un vizir déchu, un menteur invétéré, un aventurier français en pays ottoman,, un prince aux yeux tristes, un directeur de cirque malheureux en amour, une prostituée au grand cœur,  un géomètre jaloux, une esclave suicidaire…  chaque personnage est une partie d’humanité avec sa grandeur et ses petitesses décrites par un épicurien dans la lignée d’Epitecte. En France, vous trouverez des œuvres de Andric en livres de poche.

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    Lors de notre escapade en Bosnie, notre guide croate, Léonida, nous a communiqué deux autres noms d’écrivains : Miroslav Krleza et Slavenko Draculic. Nous n’avons pas trouvé de traduction française du second mais Miroslav Krleza, considéré comme la figure centrale de la littérature croate au 20ème siècle,  est publié en France. Il est  né à Zagreb en 1893 et sa mort remonte à 1981. Il a écrit dans tous les genres littéraires. Il s’est opposé aux autorités austro- hongroises , puis à la monarchie yougoslave. Il s’est ensuite rapproché du parti communiste et a été récupéré par le parti titiste sans avoir été un idéologue. Lorsqu’il réfute  la formule de Naumann sur l’unité de la « Mitteleurope » utilisée comme prétexte politique par le pangermanisme et l’impérialisme autrichien,    Krleza restait fidèle aux prises de position de sa jeunesse : "c’est le point de vue d’un homme qui a souffert, du temps de l’Autriche-Hongrie, de son appartenance à une nation vassale, la  croate" (selon l’incontournable Matvejevitch).  On peut citer parmi ses œuvres traduites : Mars dieu Croate  (recueil de nouvelles mettant en scène un paysan croate victime de la machine militaire austro-hongroise), Le balades de Petritsa Kerempouh ( œuvre poétique racontant l’histoire de l’homme croate à travers l’Histoire) Le retour de Philippe Latinowicz ( roman dont le personnage principal est un peintre introverti, en conflit avec les milieux socioculturels croates. Il souligne l’antagonisme entre une vision régionaliste étroite et une vision universaliste).

    Une thèse de doctorat présentée par Sinbeva Katunaric-Béné en 2001 souligne l’importance de Mirosla Krleza. Elle est intitulée « Deux écrivains dans le siècle. André Malraux, Miroslav Krleza littéraire de l’entre-deux-guerre ».

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    Bien sûr, cet article n’est qu’une modeste approche de la littérature croate qui compte d’autres écrivains dignes d’intérêt. On peut citer parmi les  poètes,  Radivan Ivsic et Tin Ujevic. Parmi les écrivains contemporains, nous avons découvert une femme, Marica Bodrozic, née en 1973 en Dalmatie et qui s’est imposée d’abord en Allemagne avec un premier roman traduit depuis lors en français sous le titre « Tito est mort » : un recueil de nouvelles dont les récits nous plongent dans la paysannerie du Sud croate au début des années 1980.  Il faut souligner que les plus grands écrivains croates du 20ème siècle ont partagé l’histoire de la Yougoslavie et une langue commune  dans cette entité géopolitique disparue. Certains ont du s’expatrier dans divers pays d’Europe et d’Amérique. Les sujets contemporains les plus abordés sont tout naturellement l’identité culturelle, le nationalisme et les guerres d’indépendance.  Il apparaît souhaitable de ne pas se limiter à la Croatie et de s’intéresser aux écrivains issus de toute la Yougoslavie. Certains n’ont jamais été traduits en français et notamment Radomir Konstantinovic, né en 1928 en Serbie, qui est décrit par Rada Ivekovic ( sur le site République des lettres ) comme « une grande figure isolée de la littérature et de la philosophie européennes ». Il est l’auteur de La mort de Descartes et de  La philosophie du bourg, ouvrages qui attendent toujours une traduction française.    

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    On ne peut évoquer la littérature croate, sans rappeler que, au IXème siècle, l’écriture glagolitique y est inventée pour faciliter la christianisation des peuples slaves.  La dévotion pour la langue écrite, mode de transmission de la culture classique et apanage d’une nouvelle classe sociale – que ce soit en caractères latins ou glagolitiques – restait une marque de la culture croate au Moyen âge et au-delà. Le latin demeura la langue officielle au Sabor, le Parlement croate, jusqu’au milieu du XIXème siècle, à une époque où la langue littéraire croate était pourtant déjà fixée. Alors que la Croatie a adopté l’écriture latine, les Serbes ont choisi la cyrillique.

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    Nous avons résidé à Dubrovnik, dans le quartier de Babin Kuk (traduction : hanche de la grande mer), où en prenant le bus n° 6, nous étions à 20 minutes de la vieille ville.  A partir de cette ville pittroresque, escale entourée d’îlots où  d’immenses bateaux de croisières jettent l’ancre, nous avons fait des excursions : village de Cilipi et son folklore, Ston et ses 5kms de muraille, île de Korcula et ses philosophes, Mostar et son pont (Bosnie Herzegovine), et le Monténegro : la bouche de Kotor et Nicolas, enfin Budva et la Jet set. Il vous suffit d’acheter un guide touristique ou de surfer sur le Web pour trouver des photographies montrant la beauté de ces pays où la mer pénètre les terres montagneuses, multipliant les fjords, les presqu’îles et les îlots. 

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    L’île de Korcula et à son école philosophique avec Matvejevitch :

    Extrait :«  Nous nous retrouvions dans l’île de Korcula. En 1971, les organisateurs me proposèrent d’entrer dans le conseil de cette école hérétique, au moment où elle subissait les pires avanies, attaquée aussi bien par les bureaucrates au pouvoir que des particularistes qui régentaient la culture. Je me retrouvais parmi des intellectuels  qui, comme moi, cherchaient leur salut. Je rencontrais là le vieux Ernst Roch, marqué par son passage forcé de l’Allemagne de l’Est à celle de l’Ouest, Herbart Marcuse, au zénith de sa renommée, Henri Lefebvre avec ses soixante-huitards, Erich Fromm, en pleine maturité, Jurgen Habernas, encore jeune, Eugen Fink, Lucien Goldmann, Pierre Naville, Lombardo Radice, ainsi que de nombreux philosophes et sociologues appartenant à toutes les nationalités yougoslaves, parmi lesquels Rud Supek et Gaio Petrovitch. Aux premiers colloques assistaient également Leszek Kolakocski, venu de Pologne, et Karel Kosik, de Tchécoslovaquie. Nous lumes des passages de la lettre de « 2000 mots » et en discutâmes avant même qu’elle ne fût diffusée à Prague. Vinrent aussi Kostas Axelos et d’autres collaborateurs des revues parisiennes Arguments et Socialisme ou Barbarie ; puis Agnès Heller, Férenz Feher et Georges Markus de Budapest, encore liés à Lukacs ; quelques amis de Sartre, autour de « l’institut Gramsci » de Rome… Les Trotskistes réunis autour d’Ernest Mandel se manifestèrent à leur tour, ainsi que des anarchistes tels que Daniel Guerin et ses disciples, des libres penseurs comme Lelio Basso. Max Horkheiner et Theodor Adorno, fondateurs de « l’école de Francfort », sympathisèrent avec cette école d’hétérodoxie. Les dirigeants soviétiques ne permirent jamais à leurs philosophes de se joindre à nous…  En Union soviétique, elle (l’école de Korcula) fut considérée comme « le pire des révisionnistes », ses membres qualifiés de traîtres et de calomniateurs du communisme et du socialisme. La ligue des communistes de Yougoslavie lui reprochait de se livrer à une critique de tout ce qui existe… notre école et la revue Praxis furent ensevelies, en 1974. Cette même année, j’adressai une lettre à Tito et lui conseillai naïvement de se retirer…»

    La lettre a été adressée le 17 juillet 1974.  Matvejevitch y ajoute un post-scriptum dans lequel il  reconnaît à Tito d’avoir résisté au fascisme et au stalinisme, d’avoir transformé les conflits fratricides en une résistance les plus puissantes d’Europe lors  de la seconde guerre mondiale, et d’avoir évité à son pays le sort de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie sous le régime soviétique. Il lui reproche d’avoir gouverné trop longtemps, de s’être entouré d’incapables, de flatteurs et de politicards, d’avoir fait passé en premier ses ambitions d’acteur mondial et, par sa culture politique acquise en Union soviétique, son incapacité à affronter les problèmes de la démocratie moderne. Il ajoute : «  Dans un pays plurinational, les responsabilités, au lieu de s’additionner, se multiplient. »

     

    Dubrovnik et la Croatie :<o:p></o:p>

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    «  Il est difficile d’imaginer une ville qui offre à la vue plus d’unité, qui soit d’une solidité plus reposante. Tout est simple et fort : une loggia qu’on aperçoit de biais, le sol d’une rue aux larges dalles qui fuit entre deux lignes de toits : ou là-bas ces trois terrasses étagées comme les paliers d’un temple. Mais la merveille du site, l’instrument de charme inépuisable est ce chemin de ronde qui contourne la ville. Il vous promène un peu au dessus d’elle… » Jules Romains, extrait de « Les Hommes de bonne Volonté ».

    «  La longue file beige et grise de touristes s’étirait dans la grande rue de Raguse… Les montagnes pelées de l’Herzégovine maintenaient Raguse sous des feux de miroirs ardents. » Marguerite Yourcenar , extrait de « Nouvelles orientales »<o:p></o:p>

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    « Raguse » ( Rocher ) est l’ancien nom de Dubrovnic. En parlant des habitants de Dubrovnic, on dit encore les Ragusains. Dubrovnik a subi un important tremblement de terre en 1667 dont certains murs gardent encore la trace.  Elle a été sous occupation française pendant 9 ans à partir de 1809 (armée napoléonienne) puis est passée sous domination autrichienne. Après l’occupation austro-hongroise, la création du Royaume yougoslave (1918-1940) puis le communisme (1940 à 1991), la Croatie est devenue indépendante en 1991 et a été reconnue par l’Union Européenne en 1992.    Elle est entrée dans deux conflits armés, en 1991 avec la Serbie et  en 1993 avec la Bosnie. Le 6 décembre 1992, Dubrovnik a été bombardée par les Serbes, après que l’eau et l’électricité aient été coupées aux habitants de la ville assiégée. Les dernières guerres dans les Balkans ont duré 4 ans, jusqu’en 1995.

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    En 2007, la Croatie devrait entrer dans l’Union Européenne. Cette entrée alimente les conversations et se fera sans grand enthousiasme puisque 70% des Croates y seraient opposés par crainte de la  montée des prix dans un pays où le salaire moyen est de 650 euros et où la reconstruction est financée par la manne touristique. Beaucoup de Croates, comme Matvejevitch, pensent que la communauté européenne méprise les pays de l’Est pour leur pauvreté et leur impose des conditions trop draconiennes pour faire partie de cette union. Malgré leurs bas salaires, les Croates s’en sortent par une politique d’accession à la propriété et des revenus immobiliers (locations touristiques). La taxe foncière n’existe pas. La solidarité (nationale et  familiale) explique l’absence de mendiants dans les rues et le sentiment de sécurité dans un pays où la délinquance est très inférieure à ce que nous connaissons en France.  Le taux de chômage est de18% mais baisse jusqu’à 11% en été par les emplois saisonniers. L’allocation de chômage est de 120 Euros tous les trois mois. La Sécurité sociale prend en charge les visites médicales chez les généralistes et les médicaments prescrits sont gratuits. Les enfants vont à l’école à partir de 7 ans. C’est le système du contrôle continu qui est appliqué pour la délivrance des diplômes. Les études se terminent par une grande soirée  avec les profs. L’âge de la retraite est à 65 ans.  La population est très majoritairement  catholique.

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    Dans une ville comme Dubrovnik, les prix de l’immobilier ont augmenté de façon exponentielle jusqu’à atteindre 9 à 10.000 euros le mètre carré dans la ville historique (intra muros). Les capitaux étrangers sont à l’origine de cette envolée et notamment les capitaux de nouveaux milliardaires russes.  Aujourd’hui,  7,2 kunas (monnaie nationale) correspondent à 1 euros  (1 kunas est l’équivalent de 90 centimes de Franc et se divise en 100 lipas). Des appartements sont loués aux touristes pour un prix journalier moyen de 90 euros. La Croatie met en avant l’absence de pollution et la sécurité  comme arguments touristiques.  C’est encore vrai. Le coût de la vie est encore favorable au tourisme français car les prix sont inférieurs d’environ 10% par rapport à notre pays, bien que les produits y soient davantage taxés (ce qui n’est pas le cas en Bosnie Herzégovine où les prix sont encore inférieurs à ceux de la Croatie ).

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    Nous avons relevé, de façon anecdotique, que la longueur du bras de Roland de Roncevaux (à qui on a érigé une statue dans la ville historique de Dubrovnic) a servi de mesure avant d’être remplacé par le système métrique,  et,  pour un zeste  d’histoire, que Napoléon Bonaparte a joué un rôle bénéfique dans la modernisation de la Croatie, notamment en matière d’infrastructure routière et de législation. Tito conserve une bonne image et non pas celle d’un dictateur comme le Roumain Ceaucescu,  même si il a, lui aussi, abusé des procès politiques, de la censure et  du culte de la personnalité. Il nous a été dit que «  Tito n’était pas un dictateur. Il était apprécié par tout le monde ». Il faut rappeler que Tito était d’origine croate. Feu Milosevic le Serbe est désigné comme le responsable des dernières guerres et donc comme le mauvais sujet des nationalismes dans les Balkans avec sa grande Serbie : rêve d’un mégalomane et cauchemar des populations des Balkans.

     

    En Bosnie Herzégovine, à Mostar où un pont relie les parties chrétienne et musulmane, il nous a été dit que, en novembre 1993,  la destruction de ce pont construit au 16ème siècle  n’avait pas divisé les deux communautés et qu’elles avaient toujours rétabli un passage entre les deux rives. Ce pont reconstruit en 2004  à l’identique (et appelé le vieux nouveau pont ) reste un symbole fort des relations qui devraient exister entre toutes les communautés religieuses (voir photo). Aucune précision n’a été fournie sur les auteurs de la dernière destruction mais nous avons appris que les bombes étaient croates.  De jeunes hommes plongent de 25 mètres (milieu du Pont) dans la Néréva. Alors qu’en Croatie, la reconstruction a fait  disparaître une grande partie des destructions dues aux dernières guerres, les dégâts sont plus visibles en Bosnie où certains bâtiments en moitié effondrés et criblés d’impacts témoignent de la violence des combats. Si vous allez en Bosnie, sachez que la monnaie nationale est le Mark compensé mais que vous pouvez payer en Kunas ou en Euro. Le calcul est simple, on vous divise l’addition par deux pour payer en euros et elle est multipliée par 4 pour les Kunas.  La Bosnie, agressée par la Serbie de Milosévic, a été libérée par l’OTAN après 4 ans de Guerre  (dont un an contre les Croates en 1993).   La paix  a été l’objet des accords de Dayton en 1995. Si vous passez par Mostar, aller au restaurant « Stari Mlin » ( le Vieux moulin). Vous pourrez y goûter une spécialité le « cévapcici » ( prix du plat 2,5 euros). <o:p></o:p>

    Sarajevo sera associé au regret de n’avoir pas eu la possibilité d’y faire une excursion. Il paraît que c’est une ville qui a une âme. Notre guide Léonida nous a dit «  Quand on arrive à Sarajevo, on se sent bien et les gens y sont très accueillants ».  Nous n’attendrons pas les prochains jeux olympiques dans cette ville pour aller y passer un week-end.

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    Dans le Monténégro, fraîchement indépendant, des véhicules roulent sans plaque minéralogique dans l’attente d’une première immatriculation monténégrine. Les monténégrins ont une réputation de méditerranéens, c’est-à-dire d’être peu travailleurs et donc plutôt fainéants.  Ainsi, sous quelque latitude que nous nous trouvions, plus un peuple est au sud, plus il est entouré par la mer, et plus les mêmes traits de caricature (et non de caractère) reviennent dans les imaginaires collectifs de ceux qui vivent plus au Nord. La guide croate, Sonia, nous a énuméré les dix commandements du Monténégrin dont nous reportons un court extrait: «  Chaque homme est né fatigué… Quand vous voulez travailler, attendez que ça vous passe. »   Le Monténegro utilise déjà l’Euro comme monnaie nationale bien que ne faisant pas encore partie de la communauté européenne : une curiosité de la géopolitique européenne puisque la Grande Bretagne, composante importante de l’UE, a refusé l’ Euro, préférant royalement garder la Livre Sterling. Contrairement à la Croatie et à la Bosnie Herzégovine, nous y avons croisé quelques gitanes tendant la main, notamment à Budva, station balnéaire devenue le rendez-vous de la Jet-set après Saint-Tropez.

    Nous avons préféré Kotor, ville vénitienne située au fond d’un immense fjord ( la bouche de Kotor) entouré de montagnes noires, avec ses trois portes donnant respectivement sur la mer,  la terre et  la rivière, ses palais à trois niveaux de styles différents ( gothique, renaissance et baroque ), ses petits commerces  et le charme de ses ruelles.

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  • Lecture de La nausée à l'Universisté d'été d'Ajaccio:

    Le 7 juillet dernier, Raphaël ENTHOVEN ouvrait la séance de philo avec le constat des séances précédentes: la philosophie ne peut évacuer la question du sens. Alors, si le monde n'est pas absurde, il énonçait la question du jour: savoir si on peut donner un sens à ce monde à travers le roman de Sartre.En écrivant La nausée, Sartre voulait donner à penser à travers un récit. Il disait lui-même que la philosophie à la quelle il croyait, les vérités qu'il atteindrait s'exprimaient dans ce roman, son ambition étant d'être à la fois Spinoza et Stendhal. En 1938, dans ce roman, il exprime en 250 pages ce qu'il développera en plus de 800 pages dans son ouvrage L'être et le néant édité en 1943.La nausée est le journal de bord d'une homme, Antoine Roquentin, qui se découvre lui-même alors qu'il écrit l'histoire d'un illustre inconnu , le Marquis de Rollebon. Roquentin va être saisi à la gorge par le non-sens, découvrir l'inéxistence de Dieu, l'effrayante et obscène nudité de l'univers... La nausée lui tombe dessus et lui ouvre les yeux sur son existence."La chose, qui attendait, s'est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j'en suis plein.- Ce n'est rien: la chose, c'est moi. L'existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J'existe..."La nausée, qui commence par des mots qui manquent, va lui apparaître comme une porte ouverte. Nous sommes condamnés à être libres par le Tribunal de la vie. A partir de là, Roquentin fait sa révolution copernicienne. Sartre déroule un récit à portée philosophique et qui supporte d'autres lectures: psychanalytique, biographique, culturelle, émotionnelle... Roquentin ( ou Sartre, le jeu est subtil) nous relate ses ballades dans le réel d'un monde où les choses, en perdant leurs fonctions, deviennent inommables et les hommes jouent les imbéciles ou les salauds...Parmi ses imbéciles et ses salauds, un personnage reste inaperçu même lors de cette lecture de La nausée, faite pourtant en Corse:  "le Corse".

    Le personnage "le Corse" dans La nausée:

    Dans ce roman, Jean-Paul Sartre utilise des sobriquets. L'action se situe à Bouville, en vérité Le Havre. L'Autodidacte est le sobriquet d'un personnage humaniste qui se révèle aussi pédéraste. C'est le Corse qui va le prendre la main dans le panier d'un jeune lycéen et qui va lui donner deux coups de poing au visage, en l'humiliant puis le chassant de la bibliothèque. Le Corse va être lui-même humilié par Roquentin. Le Corse est gardien de la bibliothèque de Bouville et son épouse en est la concierge. Dans l'Edition "Folio", à la page 113, on trouve une description du Corse: " Le gardien venait vers nous: c'est un petit Corse rageur, avec des moustaches de tambour-major. Il se promène des heures entières entres les tables en claquant des talons. L'hiver, il crache dans des mouchoirs qu'il fait ensuite sécher contre le poêle..." Ensuite de la page 233 à 236, Roquentin relate l'incident dans la bibliothèque. On apprend que le Corse se nomme Paoli lorsque le jeune sous-bibliothècaire (qu'il terrorise aussi) l'apelle par son nom. Après qu'il ait frappé l'Autodidacte avec un "gémissement voluptueux", Roquentin le prend par le cou  et le soulève de terre "tout gigotant"... " il était devenu bleu et se débattait, cherchait à me griffer; mais ses bras courts n'atteignaient pas mon visage. Je ne disais mot, mais je voulais lui taper sur le nez et le défigurer. Il le compri, il leva le coude pour protéger sa face: j'étais content poarce que je voyais qu'il avait peur..."et il ajoute plus loin: " Autrefois, je ne l'aurais pas laissé sans lui avoir brisé les dents..."Pourquoi avoir choisi le sobriquet le Corse, pour un personnage petit et rageur qui prend plaisir à jouer les gros bras et se fait humilier par plus fort que lui? On peut se poser la question lorsque l'on constate qu'il s'agit, dans La nausée, du seul sobriquet évoquant des origines. Peut-être Raphaël ENTHOVEN a-t-il passé sous silence ce personnage dans une universisté d'été en Corse, pour éviter de sortir de l'essentiel de l'oeuvre et ouvrir un débat sur ce choix inspiré par le racisme anticorse alimenté par des caricatures tenaces.A chacun de se faire une idée, en relisant une oeuvre majeure de Sartre.

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