• Les bandits corses par Jean-Philippe ANTOLINI

    La trilogie du bandit corse : vendetta, honneur et maquis

     Si les bandits corses ont pris une place trop importante dans l’imaginaire, notamment par les clichés romanesques de grands auteurs entrés dans le Panthéon des Lettres, ils font sans contestation partie de l’histoire de la Corse. Ils ont servi et servent encore d’arguments pour jeter l’anathème sur les Corses. De nombreux écrits (historiques ou non) leur sont consacrés.



    Toutefois un ouvrage récent mérite qu’on s’y arrête. Il s’agit de celui de Jean-Philippe Antolini, connu en Corse pour son engagement politique et son militantisme au sein du Comité Anti Répression (le CAR). Jean-Philippe Antolini, condamné en 2003 à 10 ans de réclusion criminelle par la cour d'assises spéciale de Paris, a rédigé, en prison, un mémoire universitaire : une thèse de doctorat intitulée " la Préhistoire de la montage corse mise en scène : l’exemple de la haute vallée du Niolu ", dans le cadre de l'université Pascal Paoli à Corte (Haute-Corse).

    Les bandits corses ( édition DCL ) est un récit historique qui établit aussi une sociologie de ce banditisme de terroir. Le terme de bandit d’honneur serait apparu vers les années 20 pour opérer une distinction entre les bandits d’honneur nés de la Vendetta et les bandits de perception, hors-la-loi cupides et irrespectueux. L’auteur explique que "La vendetta s'est érigée au cours des siècles, et même des millénaires, comme une justice parallèle parce que la justice n'existait pas. Et en l'absence de réelle justice, ce code a fini par devenir, au fil du temps, un véritable garde-fou de la société ". Des régions du Sud de la Corse comme la Cinarca ou le Taravu regroupaient plus de bandits que le Cap corse : topologie expliquée par la Vendetta plus meurtrière dans le Sud que dans le Nord de l’île.
    En 1931, à Guagno, l’assassinat d’un touriste ajaccien par le bandit Caviglioli, déclenchait une campagne médiatique qui poussait le pouvoir à mener une guerre d’épuration et à envoyer un corps expéditionnaire qui a débarqué en Corse sur un bateau nommé " Le Djebel ". Seul Spada échappera aux voltigeurs et à leur attirail militraire. François Caviglioli, de Lopigna, né en 1898, au maquis depuis 1927, fut abattu d'une rafale de fusil mitrailleur tirée par un gendarme le 2 Novembre 1931.
    En 1931, il restait encore une cinquantaine de bandits dans le maquis. Certains furent abattus au cours d'opérations de ratissage, d'autres, se rendirent les uns après les autres aux gendarmes. En 1934, le maquis avait été officiellement nettoyé de ses bandits. Le souvenir, oral du moins, de ces bandits, marqua jusque dans les années 60, les récits de beaucoup de veillées corses.


    Jean-Philippe Antolini fait une distinction entre le bandit d’honneur et le bandit de perception ( percepteur de rançons et, en quelque sorte, prévaricateur par rapport à l’intègre bandit d’honneur). Dans le journal Corsica, il explique que "  le bandit d'honneur était généralement respecté, d'autant qu'il appliquait les règles de la vendetta et que s'il ne le faisait pas, il était mis au ban de la société. Une fois au maquis, ces bandits d'honneur respectaient les gens, ne volaient pas, ne rackettaient personne et souvent, ils défendaient au contraire leur région contre les rançonneurs, les parcitori. "

    L’auteur affiche même une certaine estime pour Nonce Romanetti, "le Roi du Maquis" dont il dit : " D'abord un charisme exceptionnel et une très grande intelligence qui lui avait permis de comprendre le rôle essentiel que jouaient les médias. C'était quelqu'un d'exceptionnel. Il a passé treize années au maquis et les gendarmes ne lui auraient probablement jamais mis le grappin dessus s'il n'avait été trahi. Je prépare sa biographie et j'ai rencontré des villageois de Calcatoggio, son village, qui m'en parlaient avec les yeux qui brillent alors qu'ils ne l'ont jamais connu. Le plus intéressant avec cet homme, c'est qu'il a été décrit tantôt comme bandit d'honneur, tantôt comme bandit de perception et tantôt un peu des deux.. C'est cette différence dans les sentiments qu'il a pu inspirer qui rend le personnage si intéressant et si complexe. "  
    Nous avons retrouvé sur la Toile ( site Leboncoin.fr), un appel d’un certain Antolini à la recherche de renseignements sur Nonce Romanetti. Nous reproduisons le message : " Mis en ligne par ANTOLINI le 24 avr à 05:24.Code postal: 20290 : " Je suis à la recherches de documents, surtout des articles de presses (j'ai tous les livres à part de celui de René Dulac)concernant le bandit corse Nonce Romanetti qui a tenu le maquis entre 1913 et 1926. Il était très célèbre et rencontrait de nombreux journalistes dans son "palais vert", lui que l'on appelait "le roi du maquis". Si vous avez quelque chose, je suis acheteur. Merci d'avance. " S’agirait-il de Jean-Philippe Antolini en quête de documents sur ce bandit corse ?

    A la question "Vous rappelez pourtant que la vendetta est à l'origine de centaines de morts chaque année!" Jean-Philippe Antolini répond : "C'est tout le paradoxe : il y aurait probablement eu davantage de victimes si la vendetta n'avait pas existé. En réalité, la seule période où le phénomène a été endigué, c'est sous Pasquale Paoli qui a su imposer une justice égale pour tous " et il ajoute : " Si la vendetta est restée vivace avant et après l'époque de Pasquale Paoli, c'est bien parce que les États qui se sont imposés en Corse n'ont jamais appliqué le principe de justice. En revanche, Pasquale Paoli avait réussi le tour de force de faire diminuer la vendetta en appliquant un principe simple : celui qui tuait était tué, sa maison détruite, une colonne d'infamie était érigée à la place... "

    Pour l’intégralité de l’entretien intitulé " 
    V pour Vindetta. D'un mémoire universitaire rédigé en prison, Jean-Philippe Antolini a tiré un ouvrage sur "les vies romanesques" des bandits corses. Vendetta, honneur et maquis : la trilogie d'une Corse pas si ancienne que cela" (Entretien. signé par Antoine Albertini dans le journal CORSICA) - Aller à l’adresse :
                 http://info.club-corsica.com/cul_92_001.html
     


    Deux portraits de bandits corses extraits de l’adresse ci-dessous:
    http://perso.orange.fr/bludimare/bandits.htmhttp://perso.orange.fr/bludimare/bandits.htm


    Nonce Romanetti (de Calcatoggio) : Ce bandit-dandy, courtisé par les touristes et sollicité par les journalistes, avait pris le maquis en 1913, il y organisait de somptueuses réceptions, cumulait les aventures amoureuses et faisait signer son Livre d 'Or à ses invités célèbres. Comme sa vie, sa mort, le 25 avril 1926, dans une embuscade, fut excessive et brutale. Cinq mille personnes assistèrent à ses obsèques. Le dernier "roi de la montagne", ici (moustachu au centre de la photo) avec le cinéaste Abel Gance, fut un hors-la-loi mondain.


    Surnommé le "bandit de Dieu", le célèbre Spada (de Lopigna), crucifix au cou, est arrêté en mai 1933 et conduit à Marseille pour des examens psychiatriques. Meurtrier multirécidiviste et grand racketteur devant l'Èternel, il ne quitte jamais son crucifix. Déguisé en curé ou en femme, Spada apparaît toujours là où on ne l'attend pas pour commettre de nouveaux forfaits. Ultime provocation : "le tigre" (comme on le surnomme) convoque la presse dans sa tanière du maquis, qu'il a pompeusement baptisée pour la circonstance <<mon palais vert>>. Un an après, il est arrêté et envoyé dans un asile psychiatrique. Il fut guillotiné 21 juin 1935 devant la prison de Bastia.



    D'autres ouvrages sur les bandits corses :


    Paul silvani raconte la vie de trois bandits corses dans " Bandits corses de légende : Bellacoscia-Zampaglinu ", paru en 1999 Editions Albiana.. La vie dévoilée des frères Bellacoscia, célèbres bandits du XIXe, entre sinistres ténèbres et lumières médiatiques. Complété de la vie d’un autre bocognais célèbre, Zampaglinu, lieutenant de Pascale Paoli, qui fut l'un des dernier à combattre l'invasion française au nom de la nation corse.



    Jérôme Monti, qui a pris le maquis après un meurtre, relate son aventure dans " Quand j’étais bandit " Editions DCL collection Orchidée (1997) avec de belles illustrations d’après nature par A.L Lacault. Il nous parle de la Corse à l’aube du XXème siècle avec des descriptions lyriques. Gabriel Xavier Culioli a écrit la Préface en terminant par : " Honneur à Jérôme Monti, voyou corse à la plume de seigneur !… "

    Pierre BONARDI, auteur de "Les rois du maquis, Romanetti, Spada et Cie"- les éditions de France, 1931, 214 pages. Récit documentaire sur la Corse et ses bandits.. Ces rois du maquis sont en réalité les 3 bandits corses Spada, Romanetti et Saêtta. Bonardi colporte quelques unes de leurs légendes, les agrémentant d'une analyse des comportements et habitudes insulaires. Dans la prémière édition de 1926, le texte est accompagné de 74 illustrations en noir d'Henri Epstein.


    La vie et les aventures de Nonce Romanetti, Le roi du maquis – La Découvrance Editions : Les rencontres d'un journaliste parisien avec le célèbre bandit corse et la gendarmerie, entre 1920 et 1926. Auteur: D'AITONE Jean






    Spada, dernier bandit Corse Auteur : Lucia Molinelli-Cancellieri - Ouvrage paru en 1994 ; Edition Lacour-Ollé.

    Il y en a d'autres...




    Définition du Bandit d’honneur à l’adresse :
          http://perso.orange.fr/bludimare/bandits_honneur.htm

    " Face à un État centralisateur, le bandit d'honneur finit par incarner les valeurs de résistance et de liberté des Corses. Il n'y a qu'une façon de devenir bandit d'honneur : c'est d'avoir tué un homme pour la satisfaction d'une "vindetta" et de "prendre le maquis". Prendre ou tenir le maquis, n'est en aucune façon une fuite, et à l'origine, le bandit prenait même le maquis pour éviter précisemment le bannissement. Se laisser arrêter, emprisonner ou exiler ce serait déserter. Le bandit est tout le contraire d'un banni et l'étymologie est ici trompeuse, c'est au contraire un homme qui tient son poste et c'est ainsi qu'il est considéré, aidé, nourri et soutenu par le clan pour échapper à la loi. Mais si l'on s'en tient à l'image populaire du bandit, on est amené à penser qu'il n'est nullement un personnage exceptionnel et marginal ; il est une figure limite, et par là pleinement révélatrice des valeurs et comportements de la société dont il est issu.Il est le porteur actif de l'idéologie commune, l'honneur, la fidélité, " parola data e petra lampata un si ripiglianu piu " (parole donnée et pierre lancée ne se reprennent plus), le mépris de la mort - détenteur d'un contre-pouvoir qui n'est souvent que la forme inversée du pouvoir, exilé de l'intérieur dans une île où le bannissement est pire que la mort, le bandit corse réalise au mieux, dans la marginalité apparente de son existence, l'articulation du pouvoir et de l'honneur. "




    Sur le site de la gendarmerie nationale – article consacré au corps des voltigeurs corses – extrait : "Si la Corse fait partie intégrante de la France depuis 1768, l'autorité de l'État s'est heurtée à de gros obstacles pour s'y affirmer. En 1822, par exemple, 190 homicides ou tentatives de meurtres sont commis dans l'île, où l'on dénombre, l'année suivante, 400 à 500 bandits dans le maquis (dont 360 contumax), pour une population de 170 000 à 180 000 habitants"). Le "bandit ", explique un rapport officiel de 1853, " est celui qui, après un premier crime, refuse de se soumettre à la justice et se constitue en rébellion ouverte contre la loi : contumax, il ne se borne pas à suivre le jugement, il se met en état de guerre contre la force publique ; son existence est un défi à l'autorité, une insulte à la loi, un danger permanent pour la société " . L'un d'eux, Théodore Poli, véritable " Roi de la montagne ", peut ainsi s'offrir le luxe de quitter sa forêt d'Aïtone et de descendre à Bastia pour s'emparer du bourreau et l'exécuter en pleine ville. "


    Selon Grégory Auda, auteur des " Bandits corses " paru en 2005 Editions Michalon et archiviste à la Préfecture de police de Paris : "  le banditisme corse est l'expression d'une résistance à un pouvoir lointain, incapable de comprendre la sensibilité insulaire. Fruit d'une recherche à partir d'archives, de lettres de bandits, de comptes rendus policiers et de la presse de l'époque, ce livre retrace l'histoire du banditisme corse des années 1920 aux années 1950. " Il fait une mise au point : " Est-ce à dire que le crime organisé national est corse par essence ? Certainement pas. Est-ce prétendre que tous les Corses sont des bandits, que l’air si pur de l’île de beauté aurait un effet criminogène ? Bien sûr que non. Est-ce affirmer que les aventures des délinquants corses, ont eu un impact sur la mystique criminelle, qu’ils sont sur-représentés dans les rangs de la grande criminalité française et internationale? Assurément. " Mais là, il s’agit d’une autre histoire d’hommes plus récente, celle des parrains…


     
    Et les femmes corses ?…


     Un livre ( paru en 1996 aux Edition Albiana et épuisé) raconte quelques vies de femmes corses , sous le titre " L’univers criminel féminin en Corse à la fin du XVIIIe siècle " écrit par Marie-Josée Cesarini Dasso. A la fin du XVIIIe siècle, la Corse entre dans l'ère tourmentée de son histoire qui suit la conquête française. L’auteur fait le portrait de femmes entraînées sur le chemin de la criminalité, à la fois coupables et victimes, et dont la marginalité délinquante aura parfois les traits d’une émancipation, celle que confère la rupture avec les ordres établis, politiques ou sociaux.


     

     
    Cinéma :

    Nous avons trouvé un documentaire récent sur Spada : « André Spada, la fin des bandits corses »- Réalisateur : Paul Rognoni (France, 2004, 52 min). Production : Production France 3 Corse, Mouvement.

    Film programmé au festival européen du cinéma et du monde rural à Lama( Haute-Corse) du 28 juillet au 3 août 2007 voir à l’adresse ci-dessous :

    http://www.festilama.org/contenu/pages/programmation/fiche_film.php?id=18

    Résumé : « Parcours d’un homme, André Spada, le dernier bandit corse, le dernier guillotiné de l'île en 1935. A travers son histoire hors du commun, racontée par Spada lui-même dans ses lettres ou à travers des archives filmées de L'époque, commentée par quelques témoins privilégiés, ce sont trente ans de l’histoire de la Corse qui défilent avec le récit de sa vie de hors-la-loi dans le maquis. Trente années noires où la France affirme sa domination, où la société corse se transforme dans la douleur. A travers toute une iconographie de l’époque, le film fait revivre une époque charnière où la Corse superpose la législation française aux codes coutumiers de l’honneur, du banditisme et du brigandage. »



    Autres sites à consulter :

    Bandits corses

    http://www.legraindesable.com/html/banditscorses.htm
    http://www.corsica.net/corsica/fr/discov/hist/histvend.htm
    http://www.univ-corse.fr/congres/Poli.pdf

    Voltigeurs corses :

    http://pageperso.aol.fr/jnpbustanico/Voltigeurs.html
    http://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/medias/sourcepdf_gie/maitrise_corse.pdf




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