• Des pistes à explorer de Luri à Barrettali:

     

    A l’initiative de Jean-Pierre Santini, des auteurs et éditeurs corses se sont réunis le Samedi 22 août dernier à Luri dans le Cap corse.

    De leur débat est sorti un manifeste que nous vous communiquons :




    Manifeste de Luri

    La littérature corse existe, mais elle souffre encore d’une étiquette régionaliste imposée le plus souvent par les circuits de distribution et les grandes chaînes de diffusion du livre. Elle a donc besoin de promotion pour faire entendre sa musique particulière au-delà des mers.

    Des auteurs, des plasticiens, des artistes, réunis à Luri le 22 août 2009 et tous concernés par cette question de la créativité, de la valorisation du livre, ont reconnu la dimension double de l’écriture, travail personnel et solitaire, et de la lecture, message au collectif qui a besoin d’une amplification par le groupe. Or, les moyens d’amplification ne seront efficaces que si la littérature corse est capable de présenter un minimum de cohésion. Edmond Simeoni a ainsi donné l’exemple de l’année 2013, où la ville de Marseille, capitale européenne de la culture, souhaite donner sa place à la Corse et à ses écrivains. En l’état actuel d’un monde littéraire insulaire fragmenté, comment répondre à cette échéance, sans éviter le copinage ?

    Xavier Casanova, du fait de sa grande expérience dans le monde de l’édition et de l’enseignement aux futurs libraires, a tenu les débats, en indiquant le besoin primordial d’une recension exhaustive et technique (au sens d’une fiche signalétique détaillée) de tous les ouvrages nouveaux paraissant en Corse. Jean-Pierre Santini a évoqué la piste d’une union des artistes, d’une union des écrivains, afin de lutter contre la désertification des territoires et des âmes. Elle ne prendrait pas obligatoirement la forme d’une association formelle, avec un local et des cotisations annuelles, mais pourrait loger sur une plateforme virtuelle. Ugo Pandolfi, qui anime avec brio le site Corsicapolar, a donné l’exemple précis d’un travail collectif « Piccule fictions » qui a réuni 26 auteurs autour d’un projet caritatif. Il a conseillé également de profiter de l’outil culturel de la CTC, un service public susceptible de répondre aux exigences minimales de recension systématique décrites par Xavier Casanova. Petr’Anto Scolca a parlé de l’édition italienne, tout aussi malade que la française, dans laquelle des auteurs s’étaient fédéré autour d’un projet littéraire, la New Italian Epic, NIE, rassemblant toutes les œuvres traitant de l’apocalypse et de la fin de l’humanité. Jean-Pierre Santini a conseillé aux auteurs présents de formaliser un texte de base, sur lequel les écrivains insulaires pourraient travailler en vue d’un manifeste de la littérature corse.

    Ce présent texte pose plusieurs pistes de réflexion.

    Il faut tout d’abord donner aux créateurs de l’île un étendard commun, un drapeau sous lequel fédérer toutes les forces. La littérature ne vit pas sans un souffle puissant, et l’image du désert, vox scriptanti in deserto, désert culturel, désert rural, désert social, pourrait être une image forte de la création insulaire. Un lieu de désolation, mais également un lieu de re-création. Tout simplement parce que de la solitude de l’écrivain naît le sentiment qui fera refleurir le sens collectif.

    Les auteurs réunis à Luri se proposent de transmettre à leurs amis de Corse du Sud et aux autres auteurs absents ce 22 août de faire connaître leur opinion sur ce point.

    L’île, et notamment le Cap Corse, regorge de tours, couvents et autres confréries, lieux solitaires, réhabilités à grands frais par le public, et peu ou mal utilisés. Ce sont des déserts de facto que l’on pourrait aisément convertir pour un usage temporaire de résidence d’écrivain. Ces créateurs ne sont guère exigeants en effet : un gîte, un couvert, et une connexion internet de bonne qualité, suffisent à leur bonheur.

    Les auteurs réunis à Luri se proposent d’établir une liste des écrivains désireux de bénéficier d’un hébergement temporaire d’un ou deux mois. Ils recenseront pour cela les avis des autres auteurs consultés.

    Une plateforme virtuelle, éventuellement mise en place par la CTC dans le cadre de l’outil culturel, pourrait servir de vitrine à la littérature insulaire en proposant des textes en ligne. Un comité de lecture, établi à compter des jurys littéraires déjà existants dans l’île, trierait a minima dans les textes écrits en Français. Les textes corses pourraient être acceptés sans comité de lecture, afin de promouvoir cette forme d’écriture.

    Les auteurs réunis à Luri demandent aux autres auteurs de se prononcer favorablement sur ce point, afin que la CTC puisse être saisie.




    Poser des pistes de réflexion ? C’est l’occasion d’un retour sur la journée « livres ouverts » tenue à  Barrettali en août 2007 et aux questions qui y avaient été posées :

    Y a-t-il un caractère singulier, voire spécifique, de la littérature corse ?
    L’autochtonie souffre-t-elle ou s’aiguise-t-elle de sa confrontation à la francophonie ?
    L’émergence de la littérature corse peut-elle être synchronisée avec le mouvement de riacquista, voire de décolonisation, faisant alors surgir la même problématique que celle des littératures maghrébines et africaines à l’amorce des indépendances ?
    Alors, en quoi la langue corse importe-t-elle à la littérature corse ?
    La littérature corse peut-elle être autre que " mineure "(au sens deleuzien de ce qui mine la littérature d’un parcours nomade) ?



    Ajoutons une première nouvelle question :  lorsque l’on parle de littérature, doit-on y ajouter un adjectif ?

    Sur le site Médiapart,  Jérôme Ferrari donne sa réponse en répondant à la question : Votre désir est-il de faire émerger une «littérature corse», avec le risque réducteur que comporte ce terme, ou tout simplement que la littérature prenne enfin en compte les écrivains corses ?

    La question serait plus facile s’il était possible de savoir avec précision ce que signifie littérature « corse ». Il est d’ailleurs tout aussi délicat de savoir de quoi on parle quand on se réfère à la littérature « française ». S’il s’agissait d’une simple question de localisation, il n’y aurait pas de problèmes mais ce n’est bien sûr pas le cas. L’adjectif « corse » a généralement, en Corse comme sur le Continent, des connotations qui me déplaisent et qui, bien que sans rapport avec un projet littéraire, peuvent lui nuire énormément en le faisant disparaître sous des controverses idéologiques sans intérêt. Il m’est arrivé de souhaiter être Albanais ou Bouriate.
    D’un autre côté, je ne peux pas faire comme si la Corse n’était pas un élément constitutif de mes romans. Mais je refuse l’alternative qui consisterait soit à ne plus se référer à la Corse, soit à vouloir faire de la littérature régionale. L’idée même de littérature régionale me paraît grotesque. Tout roman naît dans une région particulière, il le faut bien, mais son monde est, en droit, celui de la littérature tout court, sans adjectif. C’est là, et là seulement, qu’il doit être jugé. Je souscris totalement aux analyses de Milan Kundera sur ce point. J’ai traduit la plupart des œuvres de Marco Biancarelli non parce qu’il est corse mais parce que la brutalité et la puissance de son style me paraissent uniques. Voici donc mon désir : que les romans soient lus pour ce qu’ils sont. Si tel était le cas, je suis certain que la littérature prendrait naturellement en compte certains écrivains corses et j’en serais ravi. Mais je crains de ne pas être exaucé avant longtemps.


    Des questions en cacheraient-elles d’autres ?

    La littérature ? Que représente cette entité supérieure ? Qui sont les gardiens du temple ? D’évidence, la question posée sur la littérature corse comme étant « mineure » s’adressait à des auteurs répondant à l'étalon deuleusien suivant: philosophe-linguiste-sociologue-politologue-universitaire. La réponse de Jérôme Ferrari s’adresse à un étalon littéraire qui exclut tout adjectif « régional »du champ de la littérature. C’est un autre débat…

    Toutefois le jugement porté par Jérôme Ferrari sur l’ecrivain en langue corse Marcu Biancarelli ( … brutalité et puissance de son style me paraissent uniques, dit-il. ) donne le critère du style littéraire. Pour entrer dans la littérature, il faut avoir du style. De ce point de vue, c’est sans doute aussi l’usage de la langue corse qui donne son style unique à Marcu Baincarelli. Est-il pour autant un auteur régional ? Le traducteur de ses ouvrages en français en fait-il un auteur reconnu?

    Si on ne parle plus de littérature régionale, peut-on parler de littérature post-coloniale ? Faut-il comprendre le « post » comme un « méta », c’est-dire une littérature vers un au-delà du colonial?

    Aujourd’hui, les auteurs corses seraient-ils dans  une problématique qui repose sur une idéologie "libéral-humaniste " soucieuse de dégager avant tout un universel, avec le risque de manquer ou d’occulter les enracinements locaux, les particularités revendiquées ou héritées, les identités assumées, voire inventées ou seulement imposées par l’histoire ?

    La constitution de peuples en Etats-nations solderait-elle tout résidu de la colonisation ?

    Que la minorité " au sens deuleuzien " mine la littérature corse de son parcours nomade est une formule ambiguë qui laisse supposer le choix unique entre la minorité  ou la soumission à ce qui est majorité. Que la littérature corse soit mineure et donc dans des conditions révolutionnaires au sein de la grande littérature française, cela a-t-il encore  un intérêt ?

    Pour reprendre la phrase de Jérôme Ferrari : « Tout roman naît dans une région particulière, il le faut bien, mais son monde est, en droit, celui de la littérature tout court, sans adjectif » et il ajoute : «Voici donc mon désir : que les romans soient lus pour ce qu’ils sont. Si tel était le cas, je suis certain que la littérature prendrait naturellement en compte certains écrivains corses et j’en serais ravi. Mais je crains de ne pas être exaucé avant longtemps. » Cela nous ramène à la dernière question de la journée «  i libri aperti » d’août 2007 à Barettali : Que signifie alors le récent " printemps "de la littérature corse ?



    Lors de la journée à Barettali, un auteur corse diplômé a dit qu’il n’avait pas relevé encore de chef d’œuvre de la littérature corse en ce qui concerne notamment le roman. On se pose alors la question : le chef d’œuvre est-il le roman militant, le roman total , le grand roman d’une vie, le grand roman d’une époque, peut-être d’une génération ? Serait-il uniquement une des œuvres primées par quelques concours des associations littératures parisiennes érigées en académies ?  Un auteur corse, basque, catalan, breton, occitan… doit-il entrer au Panthéon de cette littérature avec un grand « L » et sans adjectif pour être reconnu comme écrivain ? Si on parle de littérature française, peut-on refuser l’adjectif « corse » ?

    Des questions qui en appellent d’autres. Des pistes qui peuvent conduire à des impasses ou se perdre dans l'infini. Le débat sur l’existence d’une littérature corse sera-t-il refermé un jour et mérite-t-il qu’on s’y intéresse ? Est-ce un vrai débat  avec des discours faux? Finalement la littérature corse serait-elle uniquement constituée des ouvrages écrits en corse et qui s’adressent à un lectorat corse ? Leur traduction en ferait-elle des œuvres universelles ou  des récits exotiques pour les autres lecteurs? De fil en aiguille, la question de l’existence d’une littérature corse ne risque-t-elle pas de déboucher sur une aporie ?  

    Sans doute devrait-on commencer par s’entendre sur le mot « littérature ». Il est inséparable du mot « culture ». La littérature exploite toutes les possibilités du langage. Elle est l’expression de l’humain. Elle est déterminée par une langue, une époque, une société… Elle fait revivre le passé et cherche à agir sur le futur. Elle est une interrogation sur le monde etc… Dans tout cela, l’adjectif « corse » est-il vraiment grotesque lorsqu’il s’agit de littérature ?


    Le vrai problème d’une littérature corse est-il  celui de sa représentation : Qui parle au nom ou à la place de qui ? Finalement on a le droit de penser ce que l’on veut car heureusement le lecteur corse comme les autres lecteurs garde ses droits impréscriptibles tels qu’édictés par Daniel Pennac ( un Corse non déclaré comme tel en Littérature )…

    1°/ Le droit de ne pas lire.
    2°/ Le droit de sauter les pages
    3°/ Le droit de ne pas finir le livre
    4°/ Le droit de relire.
    5°/ Le droit de lire n’importe quoi.
    6°/ Le droit au Bovarysme (maladie textuellement transmissible…)
    7°/ Le droit de lire n’importe où.
    8°/ Le droit de grappiller.
    9°/ Le droit de lire à haute voie.
    10°/ Le droit de nous taire.

    pour aller plus loin :  quelques sites et articles parlant de la littérature corse :

    - Pour une litérrature corse
    http://pourunelitteraturecorse.blogspot.com/
    - La littérature corse extiste-t-elle ?
    http://www.transcript-review.org/fr/issue/transcript-17--la-corse-/editorial
    - Antholigie : auteurs corses et textes en langue corse
    http://corsica.net.free.fr/html/francais/mainframefr.htm
    - Du côté de Corti
    http://www.adecec.net/corti/neriadegiovanni.html
    - La littérature corse existe-t-elle, ( blog Plume de paon )
    http://www.lesplumesdupaon.fr/nouveau/litt_corse/index_litt_corse.html
    - Etude sur le roman  en langue corse
    http://adecec.net/adecec-net/parutions/urumanzucorsu2.html
    - Cumenti, petite anthologie de la littérature corse
    http://www.interromania.com/studii/sunta/renucci/cumenti001.htm
    - site Interromania
    http://www.interromania.com
    - Invistita
    http://www.invistita.fr/


    Anthologies de la littérature corse :

    - celle de Mathieu Ceccaldi , rééditée en 2008 par l’Association Mimoria bisinca et  les Editions Alain Piazzola, "bible" de la littérature corse publiée en 1973 par Klincksieck. (De Salvatore Viale à Noël Rocchiccioli en passant par Santu Casanova, Dominique Carlotti et Anton Francescu Filippini...)

    - Celle récente et bilingue de jean-guy Talamoni, éditée chez DCL.

    - Litterature corse de J.J Franchi qui  propose  une anthologie de textes littéraires contemporains,


     



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    Ancre latine : une nouvelle maison d’édition innovante car de type associative entre auteurs

    Mlle Elodie Charbonnier a fait un travail sérieux et documenté dans un mémoire universitaire sur l’édition corse (mémoire " perspectives des nouvelles technologies pour l’essor de l’édition littéraire corse " soutenu publiquement au sein de l’UNIVERSITÉ PARIS III SORBONNE NOUVEL en Juin 2004) .  Elle y explique l’évolution de l’édition littéraire corse par un survol historique, sociologique et topographique de l’île, en évoquant la " corsitude ", cette appartenance à la culture corse faite d’insularité, de méditerranéité et de francité. Elle rappelle la tradition littéraire d’abord orale et que récemment écrite. Enfin, elle constate le travail fait par les éditeurs corses qui se sont sentis investis d’une mission : faire vivre notre culture et notre langue, avec l’ambition d’un rayonnement qui passe la mer 

    Pour l’auteure du mémoire, les nouvelles technologies de l’édition devraient favoriser ce rayonnement et rompre l’isolement des villages qui ont perdu leur librairie et leur bibliothèque.

    Elle rappelle aussi l’importance en nombre des Corses de la diaspora, qui représentent une clientèle déjà existante. Cette diaspora peut être l’ambassadrice des éditeurs et des auteurs corses, partout où elle se trouve.

    Extraits du mémoire :

    - Plusieurs études scientifiques récentes, dont les travaux des deux universitaires que sont Anne Meistersheim et Nadine Levratto, ont démontré que l’insularité est bien en soi un facteur de particularisme et ce, qu’il s’agisse d’économie, de sociologie, de culture, d’environnement ou encore de la relation liant l’insulaire à sa terre et à son histoire.

    - La tradition littéraire a ainsi fait de la Corse une terre mystique et mystifiée ; aujourd’hui, l’édition régionale reprend grâce à ces diverses publications les filons qui ont contribué à rendre cette petite île si célèbre. Cette catégorie littéraire est attrayante et peut même aider à augmenter les ventes ; mais la préoccupation principale des éditeurs insulaires est à présent de faire connaître et reconnaître leurs écrivains sur le continent français pour leurs qualités littéraires et non pas au nom d’un folklore déjà bien usé. Pour réaliser un tel pari, il me semble qu’il faudrait alléger quelque peu l’héritage historique et culturel de cette édition et ce, au profit d’une littérature touchant à tous les genres….

    - La Corse est une petite île méditerranéenne comptant une faible population. Urbanisation et diaspora ont achevé de vider les campagnes au profit des deux grandes villes que sont Ajaccio et Bastia. La répartition des différentes maisons d’édition dans l’île suit donc à peu près le même schéma. La commune d’Ajaccio abrite les éditions Albiana, Alain Piazzola, DCL, Lettres Sud, La Marge et Matina Latina ; quant à la région bastiaise, on y retrouve les éditions Mediterranea, Anima Corsa et Patrice Marzocchi. Seule exception à cette règle, les éditions Le Signet ont choisi de s’établir à Corte, ancienne capitale historique située au beau milieu des terres. Précédemment, nous avions constaté que Bastia était, au XIXe siècle, la ville corse où la production littéraire était la plus active ; mais aujourd’hui, il semble que cette palme revienne de peu à la baie d’Ajaccio….

    -Et sur l’association des éditeurs corses, Mlle Charbonnier écrit :

    Ayant pour but initial la promotion et la diffusion de l’édition corse, elle regroupait un grand nombre d’éditeurs qui éditait chacun selon sa propre politique éditoriale…

    Suite du cursus universitaire de l'auteur:,

    Par la suite, Mlle Charbonnier a présenté, en septembre 2005, son mémoire de DEA sur "Les perpspectives du Web pour l'essor de l'édition littéraire régionale en France métropolitaine". Elle y relève l'existence, en région, d'une forte activité littéraire dans ce secteur dynamique mais mal connu du grand public. Elle met l'accent sur le rôle essentiel des éditeurs régionaux pour la conservation et la diffusion du patrimoine culturel. Nous saluons son travail très documenté et son enquête sérieuse.

    Dans cette littérature régionale, et depuis la date de ce mémoire (2004), le polar a connu une véritable implantation en Corse avec l’apparition d’auteurs chez différents éditeurs dont Albiana qui a créé sa collection. Cette collection « Nera » compte aujourd’hui de nombreux auteurs et de nombreux titres.

    Les Editions Ancre latine:

    Une nouvelle maison d’édition vient de naître en juin 2009, dans le prolongement du festival du polar corse et méditerranéen qui est organisé à Ajaccio chaque année en juillet, et ce, sous forme associative et sous la dénomination « Ancre latine ». Cette maison d’auteurs corses et méditerranéens a pour objectif la promotion de la littérature corse et méditerranéenne et a publié ses deux premiers ouvrages dans une collection « Ile noire ». Nous vous en communiquons les deux extraits ci-dessous.

     

    http://www.calameo.com/viewer.swf?bkcode=000018813d828c5ace9b0&langid=fr&authid=kWxwmaprwTSj

    http://www.calameo.com/viewer.swf?bkcode=0000188131b2438704291&langid=fr&authid=dz9x5q3JxbQI

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  • Un moment ordinaire à Ajaccio

     

    Il y a des moments ordinaires à Ajaccio qui valent d’être vécus et le petit déjeuner à la terrasse d’un café en fait partie.  L’autre jour, attablé, je prenais mon café près du marché en profitant de la fraîcheur matinale. La terrasse était occupée par des Ajacciens et sont venus prendre leur petit déjeuner des clients d’origine maghrébine ainsi que deux marchands ambulants africains. Ils ont été accueillis chaleureusement et ont pris paisiblement leurs consommations avec des croissants dans une ambiance amicale.  Un moment ordinaire aux antipodes des accusations  ordinaires de racisme dont les Corses font l’objet  lorsque quelques troublions viennent inscrire sur les murs des slogans racistes.

    J’ai quitté cette terrasse satisfait de cette réalité humaine  qu’offre la Corse en réglant mon café avec verre d’eau  servi aimablement en terrasse pour le prix de 1€20. A ce tarif, j’ai fait la tournée des bars et je vous ai ramené une photo d’un établissement qui , pour le même prix, vous offre les canistrelli.

     

     

     

     

     

                                              La parution de  « U cosu »  écrit par Michel Moretti et  publié sur le site Corsicapolar.eu offre l’occasion aussi de revenir sur la lecture de "La Nausée" de Jean-Paul Sartre…

     

      

     

     

    U cosu, la chose de la nausée...

    La philosophie ne peut évacuer la question du sens. Alors, si le monde n'est pas absurde, peut-on donner un sens à ce monde à travers le roman de Sartre ? En écrivant La nausée, Sartre voulait donner à penser à travers un récit. Il disait lui-même que la philosophie à la quelle il croyait, les vérités qu'il atteindrait s'exprimaient dans ce roman, son ambition étant d'être à la fois Spinoza et Stendhal. En 1938, dans ce roman, il exprime en 250 pages ce qu'il développera en plus de 800 pages dans son ouvrage L'être et le néant édité en 1943. La nausée est le journal de bord d'un homme, Antoine Roquentin, qui se découvre lui-même alors qu'il écrit l'histoire d'un illustre inconnu, le Marquis de Rollebon. Roquentin va être saisi à la gorge par le non-sens, découvrir l’inexistence de Dieu, l'effrayante et obscène nudité de l'univers... La nausée lui tombe dessus et lui ouvre les yeux sur son existence. "La chose, qui attendait, s'est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j'en suis plein.- Ce n'est rien: la chose, c'est moi. L'existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J'existe..."La nausée, qui commence par des mots qui manquent, va lui apparaître comme une porte ouverte. Nous sommes condamnés à être libres par le Tribunal de la vie. A partir de là, Roquentin fait sa révolution copernicienne. Sartre déroule un récit à portée philosophique et qui supporte d'autres lectures : psychanalytique, biographique, culturelle, émotionnelle... Roquentin (ou Sartre, le jeu est subtil) nous relate ses ballades dans le réel d'un monde où les choses, en perdant leurs fonctions, deviennent innommables et les hommes jouent les imbéciles ou les salauds... Parmi ses imbéciles et ses salauds, un personnage passe inaperçu : "le Corse".

     

    Le Corse de La nausée...

    Dans ce roman, Jean-Paul Sartre utilise des sobriquets. L'action se situe à Bouville, en vérité Le Havre. L'Autodidacte est le sobriquet d'un personnage humaniste qui se révèle aussi pédéraste. C'est le Corse qui va le prendre la main dans le panier d'un jeune lycéen et qui va lui donner deux coups de poing au visage, en l'humiliant puis le chassant de la bibliothèque. Le Corse va être lui-même humilié par Roquentin. Le Corse est gardien de la bibliothèque de Bouville et son épouse en est la concierge. Dans l'Edition "Folio", à la page 113, on trouve une description du Corse : " Le gardien venait vers nous : c'est un petit Corse rageur, avec des moustaches de tambour-major. Il se promène des heures entières entres les tables en claquant des talons. L'hiver, il crache dans des mouchoirs qu'il fait ensuite sécher contre le poêle..." Ensuite de la page 233 à 236, Roquentin relate l'incident dans la bibliothèque. On apprend que le Corse se nomme Paoli lorsque le jeune sous-bibliothècaire (qu'il terrorise aussi) l'appelle par son nom. Après que Paoli a frappé l'Autodidacte avec un "gémissement voluptueux", Roquentin le prend par le cou et le soulève de terre "tout gigotant"... "il était devenu bleu et se débattait, cherchait à me griffer ; mais ses bras courts n'atteignaient pas mon visage. Je ne disais mot, mais je voulais lui taper sur le nez et le défigurer. Il le comprit, il leva le coude pour protéger sa face : j'étais content parce que je voyais qu'il avait peur..."et il ajoute plus loin : " Autrefois, je ne l'aurais pas laissé sans lui avoir brisé les dents..."

     

    Pourquoi avoir choisi le sobriquet " le Corse ", pour un personnage petit et rageur qui prend plaisir à jouer les gros bras et se fait humilier par plus fort que lui ? On peut se poser la question lorsque l'on constate qu'il s'agit, dans La nausée, du seul sobriquet évoquant des origines. Peut-être faut-il passer sous silence ce personnage pour éviter de sortir de l'essentiel de l’œuvre et ouvrir un débat sur ce choix inspiré par le racisme anticorse alimenté par des caricatures tenaces. A chacun de se faire une idée, en relisant une œuvre majeure de Sartre où la seule caricature identitaire tombe encore sur un Corse.

     

    Nous n’allons pas tomber dans un discours victimaire mais l’anecdote est là. Une fois encore, elle témoigne de l’attention particulière portée aux Corses. Si un Corse est un petit personnage rageur, c’est parce qu’il est corse alors qu’un Périgourdin ou un Franc- comtois " petit et rageur " sera désigné uniquement comme étant " petit et rageur ". On peut être un grand philosophe et avoir ses préjugés "dans un monde où les choses, en perdant leurs fonctions, deviennent innommables et les hommes jouent les imbéciles ou les salauds. "

     

    Dans un livre " Ma belle Marseille " écrit par Carlo Rim en 1934, je citerai simplement les paroles d’un personnage, le Commandant Orlandi, qui sur le Cyrnos, ressemblait à Neptune et disait à Carlo Rim , journaliste : " C’est la première fois que vous allez en Corse. Bien entendu, vous n’y resterez que quatre jours, vous photographierez la chaise à porteurs de Laetitia Bonaparte et les Calanques de Piana. Vous interrogerez une jeune paysanne de Palmeca que vous appellerez Colomba et un jeune chasseur de Monte d’Oro que vous prendrez pour Matteo Falcone ou pour Spada. Et puis, vous écrirez un article définitif "

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