• Gildas Girodeau revient avec « Nuclear parano » au Festival du Polar corse et méditerranéen d'Ajaccio en juillet 2008 :




    Le 3 juillet 2008, à Marseille, des auteurs de polars embarqueront sur le car ferry Danielle Casanova pour la traversée vers Ajaccio où se déroulera le festival du polar corse et méditerranéen du 4 au 6 juillet. A bord se trouveront une quinzaine d’auteurs parmi lesquels le Catalan Gildas Girodeau.

    Gildas Girodeau, passionné de mer et de voile, a participé à de nombreuses compétitions et traversées de l'Atlantique en voilier. Dirigeant d'entreprise, il mènera avec une bande de copains la franchise " Subchandlers ", spécialisée dans la plongée sous-marine, à la notoriété internationale. Mais c'est au lycée Arago, de Perpignan, que sa passion pour l'écriture prend ses sources, ainsi que dans le bouillonnement politique et culturel des années 70. Aujourd’hui oléiculteur, Il continue à aimer la mer au travers du patrimoine maritime catalan, dont il est l’un des spécialistes. Il a été édité pour la première fois en 2005, par Cap Béar Editions, à Perpignan.



    La Retirada, le vin, la peinture, les magouilles politiques, les révoltes des vignerons, la tauromachie, les serial killer, la prostitution, les barbouzes... autant de thèmes du polar catalan avec ses auteurs qui se sont réunis pour la première fois lors d'une conférence au festival Polar et BD à Port-Vendres 2 (le retour), le 14 mai 2006 : René Grando (Tapas bulgares pour Germinal Poco), Gildas Girodeau (Rouge tragique à Collioure), Claude Delmas (La vie va vite en août) et Gil Graff (Chronodrome), le Flamand Dirk de Vos (la trilogie Would-be dont Le lézard espagnol) et le Gascon-Catalan François Darnaudet (la trilogie noire dont Le dernier Talgo à Port-Bou), sans oublier Ward le Basque (Meurtre à Aimé Giral)…

    Polar catalan en librairie (cliquer)

    En juillet 2007, Gildas Girodeau était venu au premier festival de polar corse et méditerranéen avec un personnage récurrent apparaissant dans deux ouvrages. Il revient en 2008 avec le troisième volet de ce qui est maintenant une trilogie où, en marin, il sait laisser sa part à l’imaginaire du lecteur. Son héros, Paul Feder, prend chair en même temps qu’il garde son mystère. Nous l’avions laissé charpentier de marine sous une fausse identité dans une île grecque, nous le retrouvons marin solitaire amarré à un quai de Port Vendres dans «Nuclear parano ». En quittant Paris, pour revenir sur la côte catalane, il est passé par une île lointaine. Son chemin de retour devait passer par la mer, cette mer où l’on peut tout jeter, ses péchés, ses chagrins, ses angoisses ; cette mer-dépotoir qui nous renvoie l’infiniment bleu, ce bleu infini qui referme le sillage du passé englouti ; cette mer qui nous offre un nouvel horizon… après chaque escale, un nouveau port…

    Il vient à l’esprit cette anaphore du poète irlandais William Butler Yeatz…

    Vents désespérés qui se lamentent sur les flots mouvants
    Vents désespérés qui planent au couchant
    Vents désespérés qui heurtent aux portes du ciel et frappent aux portes de l’enfer où ils précipitent vingt spectres frémissants

    Paul Feder l’a peut-être déclamée sur la route maritime de l’île de Kyros après l’épisode de "Rouge tragique à Collioures". Dans le premier volet "Malaguanyat", on l’apprend qu’il un idéaliste révolutionnaire et qu’il a laissé les armes sans renier ses convictions. D’origine catalane et donc Méditerranéen, c’est aussi un marin dans l’âme. Ayant quitté Paris où il travaillait dans un laboratoire d’analyse, il s’est installé, à la fin de Rouge tragique à Collioures, sur une île grecque pour revenir, avec Nuclear parano, à ses racines : la côte catalane. Il organise des charters sur sa goélette pour les estivants et, pour passer l’hiver, il s’amarre aux quais de Port Vendres. Sans qu’il les cherche, les emmerdements viennent à sa rencontre par le biais de son entourage ou de vieilles connaissances. Dans Nuclear parano, c’est un marin comme lui, Loïc Lebozec, qui, de nuit, vient gratter sur son panneau de descente aux cabines et le tirer de sa carrée. Paul ouvre et se retrouve mêlé à une affaire d’Etat liée à l’énergie nucléaire et des suicides bizarres chez des scientifiques. Bizarre ! Vous avez dit bizarre ! Mon dieu que c’est bizarre. Et les bizarreries ne manquent pas dans ce polar documenté. L’ouvrage est dédié aux militants antinucléaires et aux nageurs de combat utilisés pour de mauvaises raisons. La fiction vous laisse à la fin un goût amer de réalisme. L’Etat français n’a-t-il pas caché les dégâts de Tchernobil pour préserver les intérêts économiques et militaires du Nucléaire ? On se souvient de l’épisode de Rainbow Warrior. Qu’arriverait-il en cas de catastrophe nucléaire en France ? Dans le roman de Gildas Girodeau, des sentinelles d’un réseau dit Nuclear Watch traquent les pollutions nucléaires sur le Globe et sont les cibles des services secrets. L’une d’elle, Laure Blanchet est retrouvée au pied de la falaise du Cap Bearn. Le commissaire Costes est chargé de l'enquête avec une équipe dont les deux principaux éléments sont un flic vindicatif et sa collègue douée d’un instinct redoutable lorsqu’il s’agit de dégainer. Que fait Paul Feder au milieu de tout cela, sachant qu’il est sollicité de toutes parts, y compris par un scientifique américain qui lui met dans les pattes sa fille, une beauté farouche mais pas indomptable ? …

    Comme les deux volets précédents, Gildas Girodeau sait captiver le lecteur tout en traitant d’un sujet sérieux et sans tomber dans le documentaire ou le discours politique. En bon marin et comme Ulysse, il sait naviguer entre Charybde et Scylla. Son roman tient la route par les temps qui courent. Comme un livre s’écrit à deux (l’auteur et le lecteur), il sait habilement laisser sa part au lecteur qui peut imaginer, entre deux volets de cette trilogie, le cours de la vie d’un personnage dont le courage est de ne pas fuir son destin en essayant de maintenir le cap par tous les vents et même dans la tempête.



    Rouge tragique à Collioure (2007):

    Extrait :
    " Il faisait un vrai temps d’hiver dans le midi. Le vent du nord soufflait en tempête, dans un ciel cristallin ou aucun nuage ne parvenait plus à s’accrocher. Le petit cimetière était noir de monde. Paul frissonna, il avait oublié les morsures du vent. Le cercueil descendit au bout de ses cordages. Les fossoyeurs avaient du mal car son ami était lourd, lourd comme cette peine qui l’écrasait. C’était cette nuit. Dans l'appartement du 14 éme arrondissement de Paris, où Paul vivait depuis dix ans, un téléphone avait sonné. Au bout du fil, il ne reconnut pas la voix, tant elle était cassée, rompue. Cette voix venait d’ailleurs, d’un monde de tristesse lointain et monotone qu’il ignorait. "

    L’auteur est un enfant de Collioure, amateur d'art, de vin du terroir et passionné de la Méditerranée. Il a signé un polar dont l'histoire aux accents du sud se déroule sur la Côte Vermeille : Rouge tragique à Collioure. Ce qui semble l’œuvre du destin cache souvent les machinations les plus terribles. Rouge tragique à Collioure annonce la couleur de l'intrigue... Rouge comme le vin qui, selon la Bible, est le sang du Christ. Un vigneron, François lègue, après sa mort accidentelle, une bouteille de vin à son vieil ami Paul Feder. Cette bouteille apparaît comme jetée à la mer et donc porteuse d’un message. Paul Feder travaille dans un laboratoire d’analyse. Le vin rouge Collioure est un vin de caractère, équilibré et puissant. Il accompagne avantageusement les viandes rouges, gibiers et fromages de caractères. Dans la bouteille de François, que contient ce breuvage ? … In vino, véritas ! … Et cette vérité se révèle pleine d’emmerdements pour Paul mais aussi pour Deby la gamine de François et Jane, l'épouse californienne. Jane et le passé resurgit avec les amours adolescents de Paul.

    Autre extrait :
    « … mais ce qu’il aimait le plus, en fait, c’était d’être intégré dans ce groupe d’humanité. Oui, ici jean avait sa place, il était l’un des leurs. De ce respect mutuel, de cette générosité des gens qui n’ont presque rien mais qui sont toujours prêts à partager, il avait tiré un équilibre, une force de vivre qu’il croyait bien avoir perdue. Ici sa vie avait un sens. »



    Malaguanyat Terminus Béar Aux éditions Cap Béarn Editions :

    La quatrième de couverture :
    " Paul Feder était confortablement installé dans ses emmerdements, quand Nathalie remit les pieds dans sa vie. Un jour, il y a bien longtemps, Nath avait planté Paul sans dire autre chose que " perds pas ton temps à me suivre, tout est fini " et voilà qu'elle l'alertait de son retour en France à bord d'un cargo brésilien. Pourquoi revenait-elle et pourquoi l'en informait-elle ? Parce qu'elle était en fuite et avait un service à lui demander, " un vrai gros service. Est-ce par curiosité ou pas fidélité au passé que Paul honore le rendez-vous que lui a fixé Nath à Brest ? Qui sait et qu'importe… Gildas Girodeau signe un polar sous lequel semble se cacher l'ébauche d'un autre roman, celui d'une génération. Il fut un temps, il y a bien longtemps, où des hommes et des femmes, en Espagne, en Grèce, au Nicaragua et ailleurs, combattaient les dictatures au nom de la liberté et du socialisme, peut-être inspirés par la lecture de " Matérialisme dialectique, matérialisme historique et psychanalyse ". Mais aujourd'hui, beaucoup ont déposé les armes. Certaines de ces reconversions ont été synonymes de passage à l'ennemi … Paul Feder n’est pas passé à l’ennemi. Voilà qui pourraient rebuter les amateurs de pur polar, qu'ils se rassurent, rien ne manque à " Malaguanyat terminus Béar " ni les cadavres, ni les tueurs, ni les femmes… ni le plaisir de lire une intrigue fort bien ficelée… ni celui de visiter le Pays catalan…

    Extrait :
    " Le taxi avançait péniblement sous une pluie battante. La chaussée qui serpentait dans ce coin perdu était inondée, de grandes gerbes d'eau jaillissaient sous les roues impatientes. Enfin, il ralentit puis s'arrêta devant une auberge plantée au milieu de la lande. Le chauffeur se retourna :
    - Ça fait seize €
    L’homme tendit un billet de vingt et laissa la monnaie.
    - Merci Monsieur, attendez ! Je vais prendre un parapluie et vous accompagner à l'auberge, la pluie va vous…
    Mais déjà la portière claquait, l'homme était parti. Le chauffeur incrédule suivit du regard la silhouette qui s’éloignait sur le chemin menant à la Pointe Saint Matthieu.
    - Bin çui là, il n’a pas peur de l'eau au moins ! Bon Dieu ! Moi qui croyais qu'il allait à l'auberge, mais qu'est ce qu'il va foutre par là-bas?"


    Gildas Girodeau a ecrit une nouvelle fantastique « La dernière fanfare» Editeur : Mare nostrum (2007)

    Extrait :
    " Le cri s’éleva pendant que la mère s’écroulait, évanouie. Il se propagea dans les rues de Céret tel un météore. Boulevard Jaurès il réveilla la plupart des clients de l’hôtel Vidal. Boulevard Joffre, il fit sursauter le garde municipal en faction devant la mairie. Jean-Luc, le libraire du " Cheval dans l’Arbre ", tressaillit à son passage, laissant tomber la pile de livres qu’il dépoussiérait. Marx, Engels et Sartre s’étalèrent sur la moquette. Plus personne ne lisait ce genre de littérature et Jean-Luc les contempla avec désespoir. Finalement, le cri finit sa course rue de la République chez José, le toiletteur pour chien. Bouleversé par la violence de ce cri venu agoniser dans son échoppe, il en oublia le caniche nain qu’il tondait et se fit mordre jusqu’au sang. "



    Gildas Girodeau embarquera le 3 Juillet prochain en soirée à Marseille sur le Car ferry Danielle Casanova pour se rendre au 2ème festival de polar corse et méditerranéen qui se déroulera du 4 au 6 juillet inclus à Ajaccio sur la place Foch, face à la mairie. Des dédicaces auront lieu à bord du bateau de la SNCM, partenaire du festival.



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  • Avant-première de la comédie "Madame Olivier" jouée par une troupe de Tchapacans





    Debout : Daniel Gomez, Michel Jacquet, Médéric Gasquet-Cyrus, Michel Sanz, Gilbert "Tonton" Donzel, André de Rocca.

    Assis : Serge Scotto, Eva Magny, le chien Sausicsse.






    Que font-ils ? et Qui sont-ils ?


    Vendredi dernier 23 mai à Septèmes les vallons, la salle « Louis Aragon» de cette ville accueillante était pleine pour une représentation en avant première.

    Dans cette pièce de théâtre, les Tchapacans font un simulacre de procès à l'Académie de Marseille. Rapidement les rires ont éclaté et ont accompagné tout le spectacle donné par la troupe des Tchapacans qui, malgré ce public dissipé (mais à qui la faute ? …), s’en est donné à cœur joie, sans perdre le fil loufoque d’un procès déjanté.

    L’affaire s’annonçait pourtant grave puisqu’il s’agissait de l’honneur de Madame Olivier, victime d’une discrimination lexicale sous le prétexte fallacieux qu’elle vivait de ses charmes. L’Académie de Marseille a refusé sa présence dans le dictionnaire du parler marseillais. D’abord, il faut signaler qu’il n’y a aucun lien avec le procès Fourniret et aucune parenté avec la compagne du tueur en série. Mme Olivier est une Marseillaise pur sucre des raffineries Saint Louis dans les quartiers nord de la cité phocéenne.
    Malheureusement décédée, elle était désavantageusement représentée à la barre par ses deux enfants qui, adultes, n’en sont pas moins restés au stade freudien de polymorphes pervers. Le fils Olivier (Michel Sanz ), supporter de l’OM et voleur d'après-skis, n’est pas sorti d’une habituelle Pagnolerie mais a plutôt la tchatche du stade vélodrome et des cités populaires. La fille Olive ( Gilbert Donzel dit « Tonton », seul comédien déjà membre de la troupe célèbre Quartier nord) est une grosse cagole et une pouffiasse comme sa mère. Leur défenseur est un certain André de Rocca plus vrai que nature avec ses effets de manches incontrôlés. Notre trio va pousser au bord de la crise d’hystérie la présidente du tribunal automédicalisée( Eva Magny) et le policier chargé de l’enquête (Michel Jacquet ), frustré de ne pouvoir utiliser un botin sur la tête du fils Olivier et rendu dépressif par l’objet de sa mission. Le procureur de la république Serge Scotto, à cause de ses initiales, est affublé d’une moustache hitlérienne et apparaît comme le psychopathe de la bande avec ses tics et ses accents teutons. A côté de lui l’avocat de l’Académie de Marseille ( Daniel Gomez) s’évertue à placer des phrases qu’il espère d’anthologie avec l’accent pieds noirs, tout en citant sa grand-mère comme seule référence littéraire. Il ne manquait qu’un expert et c’est le linguiste Méderic Gasquet-Cyrus qui joue son propre rôle dans l’esprit de ce tribunal, c’est-à-dire la démesure, les quiproquos et les calembours qui s’enchaînent sans temps mort.

    Tous les acteurs ont contribué à une profusion de jeux de mots et de pantomimes hilarantes dans un exercice difficile puisqu’il leur fallait éviter les écueils de la vulgarité. Le temps est passé très vite avec, au bout, le risque d’une déchirure musculaire des zygomatiques pour ceux qui n’ont pas l’entraînement quotidien d’un Méridional.

    Début d’exégèse de l’expression "Mon vier, Madame Olivier ! "

    « On a trop souvent jeté l’opprobre sur mon vier : il est temps de redresser cette injustice. Sans faire de viers, justement (c'est-à-dire sans faire de chichis… quoique), parlons du vier. Certes, le mot désigne vulgairement la verge, le pénis, le membre viril, le vit, le…oui, le sexe masculin. Mais n’oublions pas que le vier fait aussi la joie des zoologues maritimes férus du vier marin. Ce dernier n’est en rien le muge d’un matelot, ni la verge d’un capitaine, mais bien une holothurie, cet échinoderme de forme allongée muni de ventouses sur la face ventrale et de papilles rétractiles sur la face dorsale. En provençal (langue qui aime bien les images), on l’appelle aussi councoumbre de mar voire chichi de mer. Restons dans la métaphore animalière avec le vier d’âne (en provençal vié d’ase) qui désigne de manière triviale l’aubergine (la merinjano), mais aussi le sexe masculin. Mistral signalait dans son trésor dou Félibrige que la locution sies qu’un vié de muou (« tu n’es qu’un vier de mule ») signifie « tu n’es qu’un imbécile »… et n’oublions pas le fameux vier d’ours !
    Après ces allers-retours, revenons à mon vier, puisqu’on l’a souvent à la bouche, cette expression. L’interjection « mon vier ! », à juste titre considérée comme un juron, marque le faîte de l’exaspération et de l’énervement. « Mon vier ! » s’exclame le bricoleur mains de pàti, lorsqu’il se tanque le clou dans la main ; « mon vier ! » jure l’automobiliste marseillais, lorsqu’un piéton traverse au passage clouté, l’obligeant ainsi à ralentir de 10 km/h ; « mon vier, eh ! » tonitrue au bout du fil le client exaspéré de jongler aves les touches de son téléphone pendant qu’une voix pré-enregistrée lui dit : « Nous n’avons pas compris votre demande, veuillez taper sur * puis _ puis choix 1 ou -* choix 6 ou rappeler demain à partir de 9 heures… » ; « eh mon vier maintenant » gronde le chirurgien qui se rend compte qu’il vient d’oublier son i-Pod au fond de la panse de madame Gonzales, qu’il vient juste de recoudre…
    Quant à madame Olivier, elle en a vu passer, des viers ! Mon vier, madame Olivier ! est sans doute l’une des expressions marseillaises les plus authentiques… » (Propos de Médéric Gasquet Cyrus dans Marseille en V.O. octobre 2007)

    Nous ajouterons une galéjade : « Pourquoi les femmes devraient -elles se laver la bouche avec du "cif" ? La réponse est : Pour ne pas rayer les viers ».

    Donc, si un Marseillais vous dit « Mais quel gros vier ! », vous pouvez considérer à juste titre qu’il s’agit d’une insulte. Si un Marseillais vous dit : « Il n’y a pas de quoi en faire un vier », comprenez: "il n’y a pas de quoi en faire une histoire, un drame, une dispute". Par contre «mon vier, Madame Olivier !» est une interjection vulgaire marquant l'indignation, la déception, le refus, la méfiance, la colère. Cette interjection a une suite, je cite :
    " Mon vier madame Olivier, votre chien encule le mien et vous ne dites rien."
    On peut aussi rajouter :
    " Hé ! ça leur fait du bien".

    Le sujet sera défloré, sans huis clos, avec une tirade dite par Serge Scotto sur le fondement à 2 euros de l’outrage fait à Saucisse dans le rôle du chien violé.

    Dans le récit inachevé de Gustave Flaubert, Pécuchet disait que les animaux avaient aussi leurs droits, car ils ont une âme, comme nous, si toutefois la nôtre existe ? En 1978 fut proclamée à la Maison de l’Unesco la déclaration universelle des droits de l’animal. Tout naturellement Saucisse, le chien célèbre de Serge Scotto est venu témoigner dans le rôle de la victime car victime il y a, puisque l’expression «mon vier, Madame Olivier ! » peut se prolonger par «votre chien a enculé le mien… ». Finalement, ce sont les jurés qui auront le dernier mot, c’est-à-dire le public. Vendredi dernier, Mme Olivier est virtuellement entrée dans le dictionnaire du parler marseillais devant un parterre de connaisseurs. Espérons qu’il y aura de nombreuses voix ( ou voies) de recours… à condition de ne pas changer les acteurs de ce tribunal aux assises comiques.

    La comparution d’ un animal devant un tribunal ne fut pas toujours un sujet de comédie burlesque. En France, des procès ont été intentés à des animaux accusés d’un délit, un crime ou un dommage comme il l'aurait été à un être humain, en principe seul sujet de droit ou justiciable. Ainsi, au Moyen Âge et bien après, on condamna à la potence ou au bûcher des vaches, ou des truies. De même, l'Église étendit ses excommunications des hommes aux animaux : rats, mouches, sauterelles, taupes, poissons ; tout membre de la faune pouvait y succomber. Ainsi, en 1596, le port de Marseille fut obstrué, non pas par une sardine, mais par une quantité prodigieuse de dauphins. Le cardinal légat Acquaviva, qui habitait Avignon, délégua l'évêque de Cavaillon pour les exorciser. Le prélat partit sur-le-champ pour Marseille, se rendit au port et procéda à l'exorcisme en présence des magistrats et d'une foule énorme de curieux. Défense fut faite aux dauphins de rester dans le port. Les poissons se le tinrent pour dit et ne reparurent plus. Fornery, Histoire du Comtat-Venaissin. Le chien de Mme Olivier aurait pu ainsi tomber sous les Fourches Caudines de l’Etat ou de la religion. Aujourd’hui, il n’a valu à cette dernière qu’un refus académique qui fera un succès théâtral.

        

    Alors, nous disons un grand bravo et bon vent aux Tchapacans pour la prochaine saison théâtrale qui devrait les compter dans le programme de quelque grande salle marseillaise… En attendant, trois d’entr’eux sont retenus pour le festival du polar corse et méditerranéen, non pas pour les différencier des autres membres de cette troupe, mais parce qu’ils écrivent aussi des polars entr’autres talents dans leurs multiples vies. Le Samedi 5 juillet vers 18 heures, aux Ajacciens et aux gens de passage à Ajaccio, André de Rocca, Michel Jacquet et Serge Scotto feront l’amitié de présenter sur la place Foch ( place des plamiers pour les Ajacciens) un extrait de la pièce sous la forme d’un sketch adapté à la circonstance et au lieu.



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  • Giulio Angioni et Giorgio Todde invités à Ajaccio en juillet prochain:



    " Selon certaines sources, le choix adopté par Mondadori de vouer sa collection de romans policiers au jaune faisait référence , et à une aventure de Sherlock Holmes de Conan Doyle parue dans le Strand Magazine vers 1891, et à un texte de Robert Browning évoquant une affaire d'homicide survenue en Italie au XVIIe siècle dont il aurait lu les détails dans un "old yellow book" acheté en Italie. Le premier "libro giallo" paraît en 1929. Et cette expression de giallo ne s'appliquera pas à une littérature policière italienne, mais désignera, ni plus ni moins, des romans policiers. L'essentiel du fonds giallo sera anglo-saxon : Erle-Stanley Gardner, Ellery Queen, SS Van Dine, Agatha Christie, J-D Carr, Rex Stout.Puis Mondadori s'assurera l'exclusivité de Simenon en Italie. Plus tard, des auteurs italiens vont entrer dans la danse, Giorgio Scerbanenco en tête… " Sur le Giallo, commentaire d’Elisabeth Milleliri , journaliste et romancière.

    Au 19ème siècle, il existe des romans populaires italiens dont les thèmes ont été repris par le cinéma italien. On peut citer Za la mort et les Souris grises, feuilleton d’Emilio Ghione ( résumé du 1er épisode «La Busta nera » : Za-la-Mort et Za-la-Vie vivent retirés à la campagne avec la vieille tante Camilla. Un jour, Za recueille Leo, un pauvre orphelin affamé. Cette bonne action déclenche la guerre entre Za et la tristement célèbre bande des Souris Grises, habitants des égouts, qui, battus pour la première fois, promettent une vengeance sanguinaire).

    Avec " Il capello del prete " ( Le chapeau du prêtre) , le roman policier sort du feuilleton en 1887. (Un baron à la vie dissolue tue un riche prêtre et jette son corps dans un puits. Grâce à l'argent volé, il continue sans vergogne à mener une vie luxueuse, mais le remords de ce crime finit par le rattraper, et le mène jusqu'à la folie. Le roman d’Emilio De Marchi sera adapté au cinéma en 1943).

    Puis L’éditeur Mondadori crée ses livres jaunes, d’où vient l’étiquette " Giallo " collé au polar italien. Les premiers auteurs italiens sont Alessandro Varaldo ( inventeur du commissaire romain Ascanio Bonichi) Enzo D’Errico ( qui met en scène un clone de Maigret) Augusto De Angelis ( et son commissaire De Vincenzi) et Tito Spagnol… Dans la lignée anglo-saxone, va s’imposer Giorgio Scerbanenco avec son personnage d’Arthur Jelling, archiviste de la police de Boston. Après la guerre et le fascisme, de nouveaux auteurs ( Giuseppe Ciabattini, Tresoldi et Boero) et de nouvelles collections apparaissent comme les " Gialli Garzanti ". De son côté, Scerbanenco invente un nouveau héros détective, le docteur Lamberti. Carlo Fruttero et Franco Lucentini ( dont " La donna della domenica " a été adaptée au cinéma par Comencini) sont traduits dans plusieurs pays d’Europe. On peut citer aussi Mario Soldati, Antonio Perria et Attilio Veraldi qui se sont essayés au roman policier.

    En référence à la première collection à couverture jaune, on sent chez les auteurs italiens, la volonté de plonger dans leurs racines, leur langue, d’écrire avec passion sur leur ville, leur région et ses habitants. Certains font resurgir les mots oubliés, les dialectes inusités, les coutumes ancestrales et racontent l'histoire chaotique d'une Italie diverse.

    Sur le site Cairn l’article « Le roman policier italien : entre mystère et silence… pose la question : « Existe-t-il un roman policier italien ? »



    C’est avec Leonardo Sciaccia que le roman prend prise avec le réalité de la société italienne ( la corruption , la mafia…) Il invente, pour dénoncer la main mise de la Mafia sur la Sicile, la forme du « roman-enquête » (le Jour de la chouette, 1961 ; À chacun son dû, 1974) ; il décrit aussi, plus généralement, la dérive des institutions politiques italiennes (l’Affaire Moro, 1979). Proche de Sciascia, le Sicilien Andrea Camilleri, mêlant enquête sur la mafia et jeux sur la langue, réinvente l’Italien illustre » dans la Forme de l’eau (1994). Du même auteur, le Jeu de la mouche (1995) analyse cette prégnance du dialecte, comme l’Opéra de Vigàta restitue la Sicile des notables du xixe siècle.

    A lire: Portraits d’écrivains

    La nouvelle génération a fourni de nouveaux noms comme Carlo Lucarelli, Marcello Fois, Andréa G. Pinketts, Cesare Battisti…

    Enzo Russo, avec son " Nessuno escluse " a écrit sur les particularismes régionaux de l’Italie. Le doyen sicilien Andrea Camilleri, inventeur du commissaire Montabalno, a fait passer les frontières au polar sicilien et, comme Jean-Claude Izzo en France ou Vasquez de Montalban en Espagne, symbolise l’émergence de ce polar régional, urbain ou de terroir.




    Luca Crovi , né en 1968, journaliste, scénariste, critique, éditeur, spécialisé dans le polar et le thriller. Il est l’auteur d’un opus sur le polar italien : Tutti i colori del giallo. Il giallo italiano da De Marchi a Scerbanenco a Camilleri. Marsilio. Venezia, 2002. 364 p. (Toutes les couleurs du polar. Le roman policier italien de De Marchi à Scerbanenco à Camilleri.)



    Vidéo ci-dessous:
    mms://media.mi.interact.it/Interactv/NonLeggere/56k/LucaCrovi.wmv

    Ce livre comprend plus de trois cent soixante pages pour évoquer toutes les nuances de ce " Jaune " désignant le polar italien. Crovi fait une approche en partie chronologique et en partie générique, dans un long parcours historique qui commence à la fin du dix-neuvième siècle (vers la fin des années 1880, avec la publication de ce Cappello del prete (Le chapeau du curé) de De Marchi) et qui voit le roman policier naître d’une profusion de feuilletons, et jusqu'à l’époque contemporaine marqué par le Sicilien Andre Camilleri…. " Parallèlement, il nous entretient également du destin du polar à la télévision et au cinéma, ainsi que dans la bande dessinée, disserte sur les illustrateurs des collections les plus connues (les grands Giove Toppi et Walter Molino entre autres), fait un crochet du côté des femmes écrivains qui ont su se créer une bonne place dans le marché ces quelques dernières années, et s'amuse à reconstituer l'histoire des imitations, des plagiats et des hommages dont a été victime en Italie le grand-père de tous les détectives, Sherlock Holmes. Sans oublier bien sûr un chapitre sur le roman policier historique (Umberto Eco, seul connu à l'étranger, n'est pas le seul à connaître) et des présentations assez approfondies des deux auteurs qui ont le plus influencé l'évolution et la réception du genre : Camilleri, justement, et avant lui Giorgio Scerbanenco ".

    Voir compte rendu sur site Belphégor :

    On trouve dans " Tutti i colori del giallo " la saga des " Libri gialli Mondadori "( livres jaunes de l’Editeur Mondadori), à partir donc de 1929. Ce premier âge de grand essor du polar connaîtra cependant un temps d'arrêt entre 1941 et 1947 (fascisme).
    Cet ouvrage encyclopédique accompagné de réflexion est un outil de référence pour ceux qui veulent mieux connaître les " Jaunes " italiens et comprendre la place du polar dans la culture italienne.

    Vous pouvez retrouver un article de réflexion sur le polar italien : "Le noir Italien : ni bûcher , ni Nobel" sur le site Corsicapolar.eu.


    Le roman est un genre qui a eu du mal à s’enraciner en Corse ou la culture est de tradition orale, donc plus tournée vers la poésie et le théâtre. La littérature orale corse n'a jamais été fermée sur elle-même et visait à intéresser toutes les classes de la société. Les œuvres circulaient sur l’île, véhiculées par les bergers transhumants, les marchands ambulants, les colporteurs et de simples voyageurs. Elles s'exportaient parfois au-dehors, notamment vers les îles voisines comme la Sardaigne qui est la plus proche. En Sardaigne presque tous les écrivains sont bilingues. Même s’ils ont émigrés sur le continent, même s’ils écrivent le plus souvent en italien leur style a gardé une certaine « sarditude » de style et de contenu. Ils utilisent les images, les proverbes et des tournures de phrases empruntées au patrimoine de la langue sarde.

    Site sur la littérature sarde
    et Accueil du site



    Ferrandi Jean-François, économiste, a été en poste à Bruxelles et, ces dernières années, à Rome et à Genève, pour la commission Européenne. En 1982, dans la première assemblée de Corse il a occupé la présidence de la commission où il a planché sur la reconnaissance du peuple corse et l’enseignement de sa langue. Il a écrit « La Corse dans le miroir sarde ». Dans cette étude économique il fait le parallèle entre la Corse et la Sardaigne, îles voisines, jumelles qu’un mur invisible construit par la folie des hommes et des Etats a séparé longtemps. Il a tenté d’y percer quelques fenêtres. Il voulait tracer quelques pistes d’un avenir commun. Cet ouvrage est sorti à L’Harmattan en 1999.

    Au prochain festival du polar corse et méditerranéen, deux Sardes, Giorgio Todde et Giulio Angioni, sont annoncés. Il s’agit de deux auteurs à succès en Italie et dont certains ouvrages ont été traduits par des éditeurs français.


    Giorgio Todde est chirurgien de l'oeil, son scalpel autopsie la noirceur du monde. «Pour moi, dit-il, écrire est une réflexion sur la mort et la mort la plus stimulante pour la pensée est la mort par assassinat ». Il exerce à Cagliari, en Sardaigne, où il est né. Il écrit depuis l'âge de vingt ans, tous les jours et s’en explique :

    - "Enfant, lorsque, en vacances, je regardais un coucher de soleil, j'étais pris immédiatement à la gorge par l'angoisse la plus douloureuse. J'ai compris plus tard que c'était mon rapport avec la mort, la perte du corps qui était en jeu. Et c'est encore comme ça, même si maintenant je vais mieux. Le paysage est tout pour moi, parce qu'il est, après le mamelon maternel, la deuxième attache identitaire. Le reste vient après. Je suis pessimiste, car les êtres humains s'habituent à tout, aux banlieues les plus dures, aux camps de concentration, aux dépaysements les plus inhumains. Un peuple qui sauve son fromage de brebis et détruit le paysage est un peuple qui mérite de disparaître. Dans mes romans, je ne décris jamais le paysage, parce que, j'en suis convaincu, on ne peut pas le faire. Tu peux parler de ce qu'on ressent, mais notre langue n'a pas les moyens de rendre ce qu'on voit. Le paysage nous englobe et nous repousse à la fois, nous laissant anéantis sur son seuil, comme vidés de notre propre substance humaine."
    - " J'avais une honte extrême d'écrire. C'était une chose si intime que j'en avais honte comme d'aller nu dans la rue. Un jour qu'on était à la mer, mon frère aîné, musicologue à l'université de Florence, est tombé sur des papiers de moi. Il m'a dit que c'était très bien. Je lui ai montré d'autres choses, et il m'a poussé à publier. J'ai une énorme confiance dans son jugement esthétique. Le narcisse qui somnole en chacun d'entre nous a fini par prévaloir. Cela se passait en l'année 2000. En 2001, j'ai fait éditer l'Etat des âmes (Albin Michel 2003). J'écris depuis que j'ai vingt ans. En gros, un roman par an. J'en ai rédigé une trentaine, dont la plupart attendent d'être publiés. Certains sont plus ou moins prêts, mais il y a beaucoup de travail d' editing, de scalpel et de polissage. Parfois, il y a quatre ou cinq fins, et il faut en choisir une. C'est très excitant, comme si on se mettait à refaire la création. "
    - " Le passé, c'est la seule chose qui me fait sentir justifié dans le monde. Je trouve ma consolation dans le fait que des gènes sont venus de très loin jusqu'à moi, génération après génération, d'espèce en espèce, depuis l'origine de la vie. Je suis évidemment darwinien comme tout être civilisé et agnostique. Sans foi aucune, mais habité par une très forte exigence religieuse, je me console en contemplant cette continuité animale, d'où je proviens. Je crois même que l'ADN n'influence pas que la forme de notre nez ou de nos yeux mais aussi nos pensées."
    - " Dans mes romans, il y a toujours le mort, ou si l'on veut la mort. Pour moi, écrire est une réflexion sur la mort et la mort la plus stimulante pour la pensée est la mort par assassinat. Celui qui a vu vraiment un mort assassiné fait une expérience sur laquelle il va réfléchir, consciemment ou inconsciemment, toute sa vie. Le mort assassiné a encore sur son corps la main de l'assassin, son souffle. Tu la vois, tu la sens, tu la humes, cette présence. J'étais étudiant quand j'ai vu mon premier assassiné, tué à la serpe, par son beau-frère. Tuer quelqu'un à la serpe demande un très grand savoir-faire. La serpe t'attrape au cou puis l'autre tire. Ce qui n'est pas évident. Chez Agatha Christie, le mort est ionisé, propre sur lui, il ne perd pas de sang, il ne pue pas. Il est vite oublié, ce qui compte, c'est trouver l'assassin. "
    - " J'ai la manie, de par ma formation, de la classification, du tableau, qui est la pulsion la plus grande de mon écriture. J'écris pour essayer de mettre de l'ordre, sans quoi j'aurais fini probablement dans un hôpital psychiatrique. Dans la médecine, tout est classé, répertorié, et pourtant on ne comprend absolument pas pourquoi il me vient à moi un infarctus et à toi une tumeur. Je sais très bien que classer ne résout rien, mais ça me calme de savoir où j'en suis."

    Le site eddyburg.it, de l'urbaniste Edoardo Salzano, recueille les chroniques de Giorgio Todde que l'auteur tient régulièrement dans le journal La Nuova Sardegna. Georges Todde est sarde et ophtalmo. Ses adversaires sont ceux qui pourraient voir, mais ne le veulent pas. À eux il dédie chaque quinze jours un article sur la Nouvelle Sardaigne. Ses articles proposent sa Sardaigne (qui aussi est celle de Renato Soru). Ses articles parlent à toute l’Italie et au monde.

    Quelques ouvrages traduits en français :



    Giogio Todde a mué en héros de roman policier le Docteur Efisio Marini, étrange expérimentateur sur cadavre du 19ème siècle. Sa première enquête, "L'État des âmes", est sorie en France chez Albin Michel. L’état des Ames est un polar récompensé par le prix Berto, autant dire le Goncourt en Sardaigne. On le trouve en Folio policier, n°378, paru en 2005. Il est traduit de l'italien par Thierry Laget.

    1892. Dans le petit village d’Abinei, rien ne croît ni ne diminue, les décès sont exactement compensés par les naissances. Bref, quand quelqu'un naît, quelqu'un meurt...
    • C'est un vrai polar. Avec un meurtrier et son complice — et je ne vous dirai pas qui. Avec trois victimes, dont une très jolie femme qu'Efisio Marini va momifier après l'avoir autopsiée. La première victime est une veuve âgée, morte de la consommation d'une hostie empoisonnée. Comment cette hostie a-t-elle pu arriver dans le ciboire et passer entre les mains du curé ? La seconde victime, c'est la belle Graziana Bidotti : n'est-ce pas elle l'assassin puisque Milena Arras voulait la déshériter ? Et quand meurt le gros député libéral Rais Manca, ne peut-on pas supposer que l'assassin est un de ces bandits illettrés tel Serafino Lovicu ? Beaux contrastes entre ces bandits et le curé qui cite Xénophon en plus d'être latiniste. Mais qui n'est pas troublé par les beaux yeux de Graziana ? Même l'auteur, qui sait de quoi il parle, étant ophtalmologue.
    • C'est une histoire sarde. Avec forte chaleur, femmes tout en noir, bandits de grands chemins et débiles qui prennent le maquis et deviennent bergers de chèvres qui se gardent toutes seules. L'action se passe principalement dans un village hors du temps et perdu dans la montagne, Abinei, où la population stagne, avec ses huit cents âmes que décompte le curé, don Càvili, lui qui connaît à l'unité près, le nombre des hosties qu'il lui faut consacrer chaque dimanche. S'il calcule le nombre exact des habitants, tenant l'état des âmes, ce n'est pas parce que l'Institut italien de statistiques n'existe pas encore, mais parce qu'à chaque naissance dans le village correspond une mort qui équilibre le nombre des vivants. L'accoucheuse met le curé au courant des futures naissances et il peut se soucier des futurs défunts. Plusieurs personnages semblent avoir l'esprit aussi tordu que les chênes rabougris qui poussent sur les versants de la Barbagia. Ce milieu a attiré des chercheurs avant d'inspirer Giorgio Todde. En 1897, Alfredo Niceforo a publié une théorie scientiste sur "La Délinquance en Sardaigne". Ce milieu sauvage, Maurice Le Lannou l'avait superbement étudié dans sa superbe thèse de géographie : "Pâtres et paysans de la Sardaigne" (1941).
    • C'est un hommage à un savant du XIXè siècle. Dans cette île du Mezzogiorno, qui en est en 1892 plus près de l'âge du bronze qu'à l'âge du bronzage, l'enquête de la police est évidemment animée par un officier venu du Nord, le capitaine Pescetto, vite exaspéré par la situation insulaire et l'archaïsme de la mentalité du village sarde. L'enquête est aussi et surtout menée par le médecin Efisio Marini (1835-1900), un personnage réel qui allie la psychologie à ses connaissances médicales, et que ne découragent pas les 170 kilomètres de routes poussièreuses qui séparent Cagliari du terrain des crimes. Ce Merisi était célèbre pour ses momifications par pétrification et Napoléon III lui a décerné la Légion d'honneur. Il était aussi inspiré par les recherches sur la forme du crâne, et lorsqu'il visite Lovicu en prison, le voyant atteint d'épilepsie, il tient à mesurer son crâne : " Il est dolicocéphale ! Alfredo Niceforo, tu t'es trompé ! Alfredo, tu n'es qu'un âne! Lovicu est dolicocéphale, comme moi, comme vous, capitaine !"



    La peur et la chair :

    Après L'état des âmes, paru en français en 2003, voici un autre roman policier de Giorgio Todde, situé comme le précédent en Sardaigne à la fin du 19è siècle. Dans La Peur et la Chair, un médecin de Cagliari, auteur d'un procédé de pétrification des cadavres, enquête sur les mœurs étranges de ses concitoyens et sur un trafic d'opium. La "présence oppressante des éléments physiques, voire physiologiques, la chair et la pierre, le sec et l'humide, confère au roman une atmosphère saisissante" (Le Monde des Livres, 18/02/05). Traduit par Vincent Raynaud, Albin Michel, "Carré jaune"



    Cagliari, 1861. On retrouve au pied d'une falaise un homme, le crâne brisé, le bras droit méticuleusement découpé et jeté dans une barque. C'est un notable : l'avocat Giovanni Laconi. Dans l'île, devant les disparitions qui se multiplient, on parle d'histoires anciennes, de vengeance, d'une créature mi-bête, mi-homme… Le peuple, habitué aux secrets, épouvanté, se terre et se tait. Efisio Marini, jeune médecin proche de la famille du mort, sera mêlé à l'histoire ; une bien terrible histoire en vérité ; de celles qui, leur tour venu, nourriront elles aussi les plus effroyables superstitions. Avidité, sensualité, amours malsaines et secrets de famille inavouables : Giorgio Todde n'a pas fini de nous hanter...



    Folle bestialité (référence au 11ème chant de l’Enfer de la Divine Comédie qui évoque les trois dispositions que le ciel de tolère pas : Incontinenza, malizia e la matta bestialitade) est le troisième roman traduit en français du sarde Giorgio Todde. Traduit de l’italien par Vincent Raynaud. Albin Michel " Carré jaune ".
    Quinquagénaire grisâtre, Ugolino est météorologue depuis 26 ans. Fin prévisionniste, il se trompe rarement. Il a conçu une théorie sur la "climatologie sociale", un parallèle entre comportement humain et météo. Il est discrètement amoureux de Gilda, sa collègue depuis douze ans. Le soir où elle lui donne enfin rendez-vous, elle meurt peu avant, assassinée dans sa baignoire. Le curieux commissaire Ferfuzio enquête. Selon le psy traitant Gilda, elle était équilibrée, normale. Pourtant, elle sympathisa avec Cosmino, un patient obsédé par les excréments. Le policier imagine une piste "intestinale".
    Professeur et écrivain, Costante est le meilleur ami d’Ugolino. Ayant changé son mode de vie et son aspect, le météorologue espère cerner le caractère profond de Gilda. La réponse peut se trouver dans les livres qu’elle lui a légué. L’universitaire Sperlengo est assassiné, écorché vif. Dans son coffre-fort, on découvre un texte rappelant ceux de Dante. Costante confirme qu’il s’agit d’un chant inconnu de la " Divine Comédie ", sur le thème de la Folle Bestialité. Ce poème "intestinal" apporte une certaine notoriété à Costante, qui fait des conférences sur ce texte.
    Sœur aînée de Gilda, Emilia devient l’amante d’Ugolino. Un 3e homme est cruellement assassiné. On ne voit pas de lien avec Gilda, comme s’il s’agissait de brouiller les pistes. Le fou Cosmino et le psy sont hors de cause : Ferfuzio les estimant en danger, ils étaient sous la protection de la police. Sans délaisser la belle Emilia, Ugolino tente une expérience de méditation. Il s’essaie avec succès à la lévitation. Survoler les faits, pour mieux comprendre...
    On est ici aux antipodes du roman policier ordinaire. Bien sûr, sous une chaleur écrasante, la météo joue son rôle. Les références à Dante et à son œuvre sont affichées. Mais on retient d’abord les personnages : Ugolino qui ressemble à un petit chien, tandis que Costante a l’allure d’un grand insecte, et le policier possède un laid visage "cubiste". On sent qu’une forme de folie relie les protagonistes de l’affaire. Derrière une apparente normalité règne la Folle Bestialité, à l’exemple du fou Cosmino. Si le sujet est abject ou sordide, le récit est plein d’inventivité et de fantaisie – voire de drôlerie. La narration poétique et souriante relativise les crimes, mais l’intrigue reste subtilement présente. Voilà un roman délicieusement déroutant.
    voir article sur le site Libération.



    Giulio Angioni, né en 1939 à Guasila, est anthropologue et écrivain. Il enseigne l'anthropologie culturelle à l'Université de Cagliari, en Sardaigne, depuis 1981. Depuis1992, il est président de la Societé des Europeanistes -Europeanists Society, qui siège à Bruxelles. Il est le rédacteur de diverses revues scientifiques et nomamment d’ Europaea. Il est considéré, avec Sergio Atzeni et Salvatore Mannuzzu, comme l’ un des premiers écrivains de la nouvelle vague du roman sarde contemporain de résonance européenne. Il aime signaler qu'il a eu comme maîtres Ernesto De Martino et Alberto Mario Cirese, qui a étudié et enseigné en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne.

    Site officiel de l’auteur
    Site de la rivista internazionale Europaea :

    Giulio Angioni est l’auteur de nombreux romans dont " L’Or Sarde ", le premier traduit en français aux Editions Métailié (2003)



    L’Or sarde traduction de L'oro di Fraus, publié par Editori Riuniti en 1988, puis Il Maestrale en 1995.:
    Le récit nous entraîne alors au plus profond d’une Sardaigne intérieure remplie de mystères. Entre légendes locales, rumeurs incessantes et l’ombre de la mafia qui plane sur ce étrange univers, notre héros, mi-flic, mi-humaniste, risque bien d’exhumer quelques mythes enfouis depuis bien longtemps et d’y laisser sa peau. Avec un récit nerveux, sans respiration, Giulio Angioni, livre une histoire étrange sur laquelle plane de nombreuses ombres et où les forces obscures occupent un rôle à la mesure de l’atmosphère qui s’y dégage. Ce polar antipolar se joue dans une Sardaigne qui n'a jamais été racontée comme l’auteur le fait.

    Fraus est un petit village typique de Sardaigne, où rien de bien grave n'arrive jusqu'au jour où un Benvenuto, gamin du village, disparaît et est retrouvé mort, quelques jours plus tard, dans le puits sacré de Cavanna. Veneranda, le seul maire philosophe d'Italie, qui pense qu'un maire doit tout faire et savoir au sein de sa communauté, qui sait "que le maire est le plus haut responsable de la police de sa commune", décide de mener l'enquête. Ce sera haut, épique, loin d'être de tout repos, mais surtout dangereux et imprévisible.
    "Je ne sais pas comment je vais donner la mesure de mes idées et le ton de sentiments que je ne domine pas"… Récit enfiévré de cette enquête haletante, L'or Sarde marque par son ton et sa vie de village, où tout le monde cause, chacun a un avis et l'expose, où les propos vont toujours en s'amplifiant, parfois jusqu'à l'absurde, et où "on a plus de chances de tomber sur une sorcière que sur une intellectuelle".

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    Presse :

    " Il faudra toute l'obstination et le courage du maire de la ville, le narrateur, pour traquer la vérité ailleurs. Par exemple jusqu'au fond des galeries désaffectées de la mine de talc : l'or sarde. Pour le coup, on n'hésitera pas à qualifier de joyau ce premier roman traduit en français de Giulio Angioni, anthropologue italien qui en a écrit bien d'autres sur cette Sardaigne où ce sexagénaire vit depuis toujours. D'où cette empathie mêlée de nostalgie pour l'île et ses habitants qu'il met en scène autrement qu'en simple guide touristique ". France Soir, 01/01/2004

    " Giulio Angioni est né en 1939. Aussi son île est-elle son monde, à plusieurs titres. Un : il a toujours vécu là; deux : anthropologue, il en a fait l'objet de son métier; trois : écrivain de polars à ses heures, il ne saurait imaginer un instant qu'ils se passent ailleurs. Le lieu justement de l'Or Sarde est un petit village que le rapt d'un enfant maquillé en viol (ou le contraire ou autre chose) plonge dans l'émoi, la douleur et la stupeur. Ici, le mal ne peut venir que de l'extérieur, des profondeurs de l'histoire ou des contrées lointaines. Celui qui mène l'enquête est un petit maire divers de gauche, ancien communiste, ancien soixante-huitard, ancien élève d'un collège religieux, actuel professeur de philosophie, porté à la dispute, aussi rêveur que têtu, courageux parce que trouillard, cherchant un avenir à un bled ne vivant que du passé. Soudain, ce qui n'existait que dans les chroniques sanguinolentes du continent semble avoir élu domicile dans ce trou du cul du monde. Et si les puissances infernales de la mafia et de la drogue, de mèche avec les pouvoirs de la politique et de l'argent, avaient voulu faire d'un village somnolent l'épicentre d'horribles trafics, non sans gêner le vol de goélands et exhumant au passage des mythes enfouis? " Libération, Jean-Baptiste Marongiu, 25/09/2003.

    Bibliographies des romans noirs publiés en Italie :
    L’oro di Fraus (Editori Riuniti 1988, Il Maestrale 1998), traduit en français " L’or sarde ".
    Il sale sulla ferita (Marsilio 1990),
    Una ignota compagnia (Feltrinelli 1992),
    Lune di stagno (Demos 1995),
    Il gioco del mondo (Il Maestrale 2000),
    Assandira (Sellerio editore 2004)
    Alba dei giorni bui (Il Maestrale 2005) - Aube des jours boeufs (le Mistral 2005), le Prix Giuseppe Dessì 2005
    Vincitore XX° Premio G.Dessì 2005 Sez. Narrativa.
    La pelle intera (Mistral), 2007
    Afa (Sellerio 2008)






    En 2006, après les policiers , Angioni est passé au roman historique en voulant réhabiliter Sigismondo Arquer, brulé par l'inquisition en 1571... tout un programme dans Les flammes de Toledo pas encore traduit en français :Le fiamme di Toledo (Sellerio editore 2006) Prix Corrado Alvaro 2006, Prix International Mondello 2006.

    Et deux nouveautés en Italie :

    La pelle intera ( Editions Mistral 2007) : Après les flammes de Toledo, cet autre roman est plus bref. L’auteur décrit la détresse dans laquelle on peut se trouver dans une tragédie collective comme celle de la seconde guerre mondiale et l'occupation allemande, spécialement pour les plus jeunes sollicités et obligés à prendre parti avec les armes en poing. Efis Brau, le protagoniste, est un adolescent confronté à une telle tragédie. Mais le pelle entière est avant tout un livre qui naît d'une forte exigence de récit et donc de sens sur la catastrophe tragique d'une des plus terribles guerres dans lesquelles nous avons été impliqués au cours de ces derniers siècles.

    Afa (Sellerio 2008) : Un homme ordinaire, Josto Melis, directeur d'un journal local, passe ses lourdes journées estivales entre le siège du journal, son appartement avec une terrasse et les dîners importants d'un homme qui est momentanément seul en ville, femme et fille étant en congé au bord de mer. Le roman s'ouvre sur un diner de travail qui se termine de façon imprévue : une femme vient s’asseoir à côté de lui, lui fait une scène de jalousie et s’éclipse. On pense à une erreur de personne. Toutefois le tintinabulement de ses bracelets et le parfum obsèdent Josto hanté par une antique divinité féminine. Il n’est plus comme avant et cette divinité féminine va l’obséder. Un appel téléphonique donné à son épouse rendue jalouse. Dans l’étrangeté de ces jours d'un été lourd, Josto sent le besoin de revenir dans son pays natale pour se confier à don Agostino, un prêtre, un ami et un confident. Le retour improvisé vers ses racines se transforme en matériel journalistique sans répondre vraiment à son attente. Il interrompt son voyage intérieur entre passé et présent, entre des souvenirs et des mythes, entre des suggestions levées du mystère de cette rencontre et curiosité. Retour en ville, dans les brumes du soir, la même femme, sans nom et sans visage, revient s'asseoir près de lui pour une brève conversation, avant de disparaître à nouveau. Il reste dans l’équivoque et le mystére…

    Des « démons terribles sont craints encore ici chez nous » , constate l’auteur de ce roman qui sonde des peurs ancestrales et des croyances irrationnelles dans une « île de pierre ».
    Tous les renseignements en italien

    BONUS : Vous trouverez un dossier sur l’évolution de la littérature italienne sur le Site Encarta.




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    Frédéric H. Fajadie mort le 1er Mai 2008:

     

     

    Le néo-polar ne s’est jamais remis de la mort de Jean-Patrick Machette et voilà que Frédéric H. Fajardie nous a quittés sur la pointe des pieds le jour du 1er Mai, lui qui était un homme de gauche ayant concouru à donner au polar à la Française une dimension éthique. 

     

    Biographie sur le site http:/fajardie.free.fr/index2.htm

     

    Si vous voulez lire l’œuvre noire de Frédéric H. Fajardie, il vous en parle lui-même sur le même site : «  Toutes mes nouvelles ‑ les 365 ‑ sont disponibles chez Fayard, sous forme d'anthologie dans la collection « Omnibus ». C'est une compilation en deux volumes… ».

     

    À ce jour, il a publié 21  romans noirs, dont 6  « Padovani » ; 13  romans classiques ; 5 ouvrages pour jeunes lecteurs ; 19 recueils de nouvelles (hors anthologies et rééditions) ;3 essais/pamphlets ; 2 curiosités.


     
     
     
     




    Son premier roman était intitulé « Tueurs de flics » ( Padovani Septembre 1975). Dans cette première aventure policière, le commissaire Antonio Corrado Padovani, mis à pied, veut continuer une enquête sur des assassinats de flics. Il obtient ce sursis à sa démission pour mener son enquête) à terme. Trois tueurs fanatiques, cruels et rusés déciment les rangs de la police, de la politique, de la magistrature. Les trois bourreaux ne manque pas d’imagination et de cruauté dans le raffinement qu’ils mettent à tuer. Avec son groupe d’assistants aux  portraits profondément humains, Padovani dirige ce qui devrait être sa dernière enquête. On sait maintenant qu’il en fera cinq autres

     

     
     
     
     


    Son dernier titre est prémonitoire « Tu ressembles à ma mort » ( roman noir 2007). Dont nous reproduisons la présentation sur le site Fajardie : «  Mars 1938, dans une Europe au bord du gouffre, la France fête la nomination du second gouvernement de Léon Blum. Mais à Paris, juste avant de prendre leur service, un chauffeur et un mécanicien de locomotive sont assassinés de quarante coups de poignard. Quelques jours plus tard, deux autres employés de la toute jeune SNCF sont tués à Arras de la même façon. Le point commun des cheminots : ils sont militants du Front populaire et devaient acheminer des trains « spéciaux » contenant armes et munitions. L'enquête est confiée au commissaire de la Sûreté nationale, Henri Perlbag. Cet ancien rescapé de Verdun, gentleman solitaire et désabusé, souffrant de ses anciennes blessures, n'a qu'une petite Citroën et de faibles moyens pour déjouer un redoutable complot contre la France. Le commissaire Perlbag est loin de se douter de ce qu'il va découvrir surtout dans un domaine où il n'attendait plus rien...   Tu ressembles à ma mort est un grand polar sentimental et plein d'humour sur l'engagement politique, les valeurs républicaines et la justice sociale signé par Frédéric H. Fajardie. »

    Rappel sur le néo polar : roman noir social post- soixante –huitard:

     
     
     
     



    Sur le site " Noir comme l’espoir ", Patrick Pécherot écrit : " Les seventies et leur parfum de révolution marqueront l’émergence d’une génération d’auteurs majeurs qui renouvèleront le style tout en poursuivant le chemin tracé par les grands anciens, y compris dans sa dimension critique. Qu’ils s’appellent Manchette, Raynal, Pouy, Daeninckx, Fajardie, Villard, Jonquet… ils construiront une œuvre qui s’inscrit bien au-delà de ce que l’on a alors appelé, dans une tentative de qualifier en vrac tout récit policier en prise directe sur les réalités sociales ou politique, le néo –polar … "

     

    Le leader historique en est Jean-Patrick Manchette qui est entré dans la Série noire en 1971 avec un roman signé avec Jean-Pierre Bastid e " Laissez bronzer les cadavres ". Il a dit : " Dans le roman criminel, violent et réaliste à l’américaine, l’ordre du Droit n’est pas bon, il est transitoire et en contradiction avec lui-même. Autrement dit le mal domine historiquement. La domination du mal est sociale et politique. Le pouvoir est exercé par des salauds. On reconnaît là une image grossièrement analogue à celle que la critique révolutionnaire a de la société capitaliste… Lorsque le héros n’est pas lui-même un salaud… lorsqu’il a connaissance du bien et du mal, il est seulement la vertu d’un monde sans vertu. Il peut bien redresser quelques torts, il ne redressera pas le tort général du monde, et il le sait, d’où son amertume ."

     

    A la suite de Manchette, les " barons " du Néo –polar sont Jean Vautrin ( A bulletins rouges, Billy Ze Kick, Boody Mary, Groom, Canicule), Marc Villard ( Légitime démence, Nès pour Perdre, Corvette de nuit…) , Frédéric H Fajardie (Tueurs de flics, Le souffle court, Clause de style, La théorie du 1%), Hervé Prudon ( Mardi gris, Tarzan malade, Banquise…), Joseph Bialot (Le salon du prêt à saigner ; Le sentier, Babel ville…), Sébastien Japrisot ( Compartiment tueurs, La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil) qui est devenu scénariste pour le grand écran ( Le passager de la pluie, La course du lièvre à travers les champs…) ou encore Jean-François Coatmeur, Hervé Jaouen, Hugues Pagan, Jean-Hugues Opel, Tonino Benaquista

     

    En 1979, les collections " Engrenage " et " Sanguine " furent créées pour ce nouveau genre. Les auteurs et les éditeurs de néo-polars ont voulu vendre des bouquins bon marché et c’est toujours dans cet esprit que fonctionnent certaines collections.

     

    Dans les années 1980, des auteurs réalisent et scénarisent une série policière « Néo polar », anthologie d’histoires inspirées de romans du néo-polar français. Sept épisodes ont été diffusés sur Canal+ en 1984 et FR3 en 1985. Dans la distribution, Michel Beaune, Dominique Blanc, Jean-Pierre Léaud, Vincent Lindon, Claude Nougaro, Florent Pagny. Parmi les scénaristes, on trouve Férédric Fajardié, Hervé Jaouen et Marc Villard entre autres ; et parmi les réalisateurs , Jean-Pierre Bastid, Michel Andrieu, Patrick Jamain… Quelques titres d’épisodes : Shangaï Skipper, La Théorie du 1%, Salut ma puce… On voit apparaître des néo- polars dans des collections grands formats.

     

    Manchette disait que le polar était une " littérature ferroviaire ". Jean Bernard Pouy sera surnommé " l’homme des trains " après avoir écrit un premier roman ferroviaire " La vie duraille " cosigné avec Daniel Pennac et Patrick Raynal. On lui doit aussi " Train perdu, wagon mort Il a multiplié les romans avec des titres évocateurs à deux reprises de son passé de professeur de philosophie comme Spinoza encule Hegel et la suite : A sec ! (Spinoza encule Hegel : le retour). Dans le néo –polar, les arpenteurs du réel sont plutôt spinoziens bien sûr. ". Il est à l’origine de l’aventure du Poulpe, alias donné au personnage de Gabriel Lecouvreur, à cause de ses longs bras. À partir de sa fiche identitaire, il a vécu sous la plume de nombreux polardeux revendiquant leur opinions de gauche et anti- Front national. Les petits polars du Poulpe étaient édités par les Editions La Baleine au premier petit prix de 39 francs. " Qu’est-ce qui fait courir Gabriel le juste ? L’injustice, surtout si elle est pratiquée par un patron sans scrupules, un intégriste vachard, des néonazis pédophiles, des trafiquants de cassettes porno et des politiciens véreux. Défenseur d’une gauche orpheline de ses promesses évanouies, Lecouvreur va, court, vole et nous venge… " - Article " La pieuvre est faite " de Emmanuel Laurentin dans Télérama n°2508 du 7 février 1998 dans une rubrique " La rage et le noir : le polar " pages 10 à 18. On peut citer comme bon récit du poulpe, celui de Patrick Raynal " Arrêtez le carrelage ". Patrick Raynal, patron de la série noir, a dit : " Je suis un marxiste qui pratique la concurrence ".

     

    Quelques  autres auteurs  :

     

    " De Dominique Manotti à Thierry Jonquet en passant par Dennis Lahane ou Cesare Battisti et Paco Ignacio Taïbo II, les écrivains témoignent de leur temps et s’ancrent dans le réel. Même si l’imaginaire et l’efficacité de l’intrigue restent le pivot de ces fictions, la description de milieux particuliers, de marges interdites ou de professions singulières leur confère une valeur documentaire. " Christian Barbault dans un article de Valeurs mutualistes n°236 Mars/Avril 2005 – article " Le polar, une passion contemporaine ".

     

    Sans oublier les femmes  :

     

    Depuis 1990, des femmes se sont affirmées dans le genre avec notamment : Andréa H.Japp ( La Bostonienne), Brigitte Aubert ( Les quatre fils du Docteur March), Maud Tabachnik (Un été pourri ), Fred Vargas ( Debout les morts) , Claude Amoz ( Le Caveau )… puis s’y sont maintenues, comme leur homologues anglo-saxonnes.

     

     

     
     
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  • Les Citronniers, film d'Eran Riklis

    Le réalisateur israélien Eran Riklis rend compte, sans manichéisme, de la réalité extrême d'un Moyen-Orient toujours mystérieux pour les Occidentaux. Dans ce qu’elle a de surréaliste, la réalité y courtise la fiction. Le film 'Les Citronniers' met en scène, au-delà du politique, l'individu et son quotidien face à l'absurde. Eran Riklis offre un cinéma humaniste mais sans certitudes. Fragilité des frontières. La guerre. La paranoïa militaire. Une histoire ordinaire, où des arbres deviennent une menace pour la sécurité d'un pays. Invitation à s'interroger…

    Le film «  Les citronniers  » s’ouvre dans une cuisine sur le découpage des citrons en rondelles La scène est remarquablement filmée. Pourquoi 'Les Citronniers' et non 'Les Oliviers' ? demande Mathieu Menossi pour Evene.fr au réalisateur qui répond : « La force symbolique de l'olivier est trop évidente. La guerre, la paix, l'olivier… Et je désirais mettre de la couleur dans mon film. Un film doux-amer qui contient toutes les propriétés du citron. Il sent bon mais on ne peut le manger tel quel. Enfin, je suis un fan de la chanson américaine 'Lemon Tree', dont je propose une version orientale dans le film. »

    L'action se déroule sur la "Ligne verte", à la frontière cisjordanienne, au coeur du conflit israélo-palestinien. Quelques pas séparent les acteurs mais ils ne se parlent pas car une ligne les sépare, symbolisant le manque de communication qui règne au Moyen-Orient. C’est cette ligne qui va être l’objet d’un jeu subtil où on suggère plus qu’on met en évidence. A chacun de penser. Il y a une réelle esthétique poétique et de l’humour dans ce film où chaque relation humaine révèle, au-delà des apparences, une profondeur à sonder.


    Salma Zidane , une veuve de 45 ans, vit dans un petit village palestinien de Cisjordanie. Le ministre de la Défense israélienne aménage en voisin envahissant et dominateur. Le verger de Salma jouxte sa propriété qui fait l’objet de mesures de protection drastiques. Cette femme fière lutte contre les autorités israéliennes, qui veulent couper ses citronniers, plantés par sa famille des décennies auparavant. Cette plantation constituerait une menace pour la sécurité, car des terroristes pourraient s'y cacher. Face à l’oppresseur, Salma est aidée dans son combat par Ziad, un avocat qui ne tarde pas à tomber amoureux d'elle. Salma est bien décidée à sauver coûte que coûte ses magnifiques citronniers. Quitte à aller devant la Cour Suprême afin d'y affronter les redoutables avocats de l'armée soutenus par le gouvernement. Mais une veuve palestinienne n'est pas libre de ses actes surtout lorsqu'une simple affaire de voisinage devient un enjeu stratégique majeur. Salma va trouver une alliée inattendue en la personne de Mira l'épouse du ministre. Entre les deux femmes s'établit une complicité qui va bien au-delà du conflit israélo-palestinien.

    Ce film est une allégorie politique sur l’absurdité du contexte israélo-palestinien. Suha Arraf en est co-scénariste. L'actrice arabo-israélienne Hiam Abbass, de la lignée des belles et grandes tragédiennes comme la Grecque Irène Papas, est remarquable dans son rôle de cette femme à la rage contenue, digne et courageuse et chaque acteur donne chair à son peronnage. Réalisme des dialogues et poésie de l'image, l’angoisse côtoie la douceur. Ce mur qui se dresse devant le verger de citronniers confine au silence comme une mort, accentuant le caractère insaisissable d'une situation inextricable et en constante mutation. Incohérence extrême des hautes instances politiques et judiciaires israéliennes, incapacité des deux camps à communiquer sur des bases rationnelles et humaines, Riklis porte son regard de cinéaste dans un souci permanent d'impartialité. A l’ombre des Citronniers, il nous éclaire d’une lueur humaniste et nous sert une citronnade délicieuse mais amère

    Salma Zidane ( comme Zizou dont on voit furtivement la photo collée sur un mur de l’appartement) est veuve. Ses citronniers et son vieux métayer ( constituent son environnement humain, car ses enfants vivent loin d’elle. Elle porte le deuil de son mari et le tchador imposés par quelque censeur intégriste qui assoie son pouvoir sur la guerre. Dans cette vie d’un autre temps et sous son foulard, c’est une femme moderne. Son aventure amoureuse avec son avocat démontre chez elle un féminisme assumé. Ziad, le jeune avocat, a été formé en Russie où il a laissé un enfant. Il mange des boîtes de poissons comme des friandises et il sent ses doigts en permanence pour détecter une éventuelle mauvaise odeur. Leur relation bien qu’intense ne peut être qu’éphémère. Ils le savent…


    Mira Navon (la femme du ministre de la Défense israélien) est la seule à réaliser que, derrière la clôture, derrière les arbres, il y a une femme. Elle ne cède pas à la peur d'un attentat terroriste. « A l'origine, explique le réalisateur, le synopsis se focalisait sur le destin de ces deux femmes et sur leur solitude. J'y ai ensuite ajouté des arbres, des politiciens. Et l'on se retrouve d'un seul coup avec un film à plusieurs niveaux, à la fois sur tout et sur rien ». Hiam Abbas    (Salma Zidane) et Rona Lipaz-michael (Mira Navon) sont excellentes et émouvantes chacune dans son rôle.

    Un soldat, perché sur sa tour de contrôle, est surnommé Rapido, parce qu’il est toujours le dernier. Il ne pense qu'à son entrée à l'université. Un peu drôle, un peu simple, un peu triste, il n’en a rien à foutre de l’armée et s’entraîne à des tests d’intelligence insensés. Dans un film politique sur une tragédie, ce personnage apporte de la légèreté.

    Que vous soyez pro-israélien ou pro-palestinien, vous pouvez vous identifier à ce que vivent les personnages. Si un citronnier peut devenir une menace pour la sécurité d'Israël, que peut-on espérer du dialogue entre les plus hauts représentants des deux camps ?

    «  Avec Les Citronniers, j'espère malgré tout susciter une certaine forme d'espoir et d'optimisme
     », nous dit Eran Riklis et il ajoute : « Plus que réalisateur et citoyen d'Israël, je suis surtout un réalisateur et citoyen du monde. Je ne travaille ni pour Israël ni pour la Palestine, mais pour ce que je considère comme ma propre vérité. Il s'agit surtout d'être honnête avec soi-même et de rester seul maître de ses choix. 'Les Citronniers' pointe du doigt une réelle psychose sécuritaire. Si mon film ne fait pas l'unanimité et qu'il provoque tout un processus de réflexion de part et d'autre, tant mieux. Mon but n'est pas de satisfaire tout le monde.  »

    Biographie :

    Né en 1954 à Jérusalem, Eran Riklis est élevé aux États-Unis, au Canada et au Brésil. Il travaille dans le cinéma depuis 1975. Il est marié à une réalisatrice prénommée Dina et père de deux enfants : Tammy, un journaliste pigiste, et Jonathan, un pianiste de jazz. Il vit aujourd'hui à Tel Aviv, mais se considère comme un citoyen du monde. Diplômé en 1982 de la National Film School de Beaconsfield, en Angleterre, il signe son premier long métrage, On a Clear Day You Can See Damascus, un thriller politique tiré d'une histoire vraie, en 1984. Sept ans plus tard, il tourne Cup Final, salué par la critique internationale et sélectionné dans plusieurs festivals dont Venise et Berlin, puis Zohar, qui s’impose comme le plus grand succès du box-office israélien des années 90. Eran Riklis réalise ensuite Vulcan Junction, un hommage nostalgique au rock and roll, puis Temptation, l’adaptation d’un best-seller israélien. C’est alors qu’il signe La fiancée syrienne qui obtient dix-huit récompenses internationales parmi lesquelles le Prix du public du festival de Locarno, le Grand Prix des Amériques et les Prix de la critique internationale (Fipresci) et du public au festival des films du monde de Montréal.
     
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