• UN EDITEUR EMBLEMATIQUE :

    Editions LA MARGE, maison créee par Jean-Jacques COLONNA D'ISTRIA. Si on devait parler d’un virus de l’édition, Jean-Jacques Colonna d’Istria l’a attrapé depuis de nombreuses années. Avec sa librairie La marge, il tenait une place importante dans l’édition corse. Il fait partie des membres historiques du Riacquistu et nombreux sont les auteurs corses de talent qui ont été publiés par cet éditeur cultivé, ouvert à tous les genres et à toutes les formes de l’Art. Tout le monde le sait en Corse, l’édition n’est pas une affaire d’argent mais surtout de cœur. Le label " La marge " est passé en d’autres mains, mais n’en doutons point, Jean-Jacques Colonna d’Istria a toujours le virus de l’édition et de la culture. Nous avons largement annoncé l’université d’été du Lazaret Ollandini où il exerce ses talents d’organisateur d’événements culturels. Le journal Le Point lui a consacré un article où, chose rare, ce " militant culturel " parle de lui. Extrait de l’article : " Il sait qu'il a contribué, avec la publication de plus de 300 ouvrages, au renouveau de l'édition contemporaine et des livres en langue corse. Se défendant de faire de la politique, " beaucoup plus pauvre et nu qu'il y a trente ans ", il emploie aujourd'hui ses connaissances et son savoir-faire à développer les échanges et organiser des événements originaux, consacrant tout aussi bien le livre napoléonien que le débat philosophique ou encore l'histoire du corail.

    Nous avons fait des recherches sur le virus de l’édition chez Monsieur Jean-Jacques Colonna d’Istria et nous avons trouvé qu’il s’agissait peut-être d’une maladie génétique qui lui viendrait d’un ancêtre prénommé Ottavio.Ottavio Colonna d’Istria, " un ben di babbu ", a écrit et édité au XVIIIème siècle, entre autres ouvrages, " Origine e discendenza della famiglia Colonna d’Istria ". Il disait : "Mon âme ne serait pas en paix et je n’aurais pas l’impression d’avoir mis la dernière main à l’entreprise commencée, si je ne donnais pas à mes coseigneurs une relation de toutes mes démarches et si je ne remettais pas à chacun d’eux en particulier un exemplaire de ce qui fut toujours et demeure leur éternel honneur. Pour réaliser plus aisément ce projet, j’ai jugé à propos d’éditer le présent livre… " " éditer ", le voilà le virus généalogique dont une souche est découverte et isolée !Jean-Jacques Colonna d’Istria est actuellement Directeur de publication de la maison Colonna Editions, toute récente, mais qui a déjà publié plusieurs ouvrages parmi lesquels un polar : " Molto Chic " dont l'auteur, Arlette Shleifer, avait déjà écrit "Luna ou le voyage d'une étincelle" ( 2002) et "Piège détaché" (2004) , publiés par La Marge.Jean-Jacques Colonna d'Istria a fait connaître Jean-Pierre ORSI avec son premier polar "La Chèvre de Coti Chiavari".Rappelons qu’il a aussi œuvré dans le domaine de l’art pictural en organisant de nombreuses expositions à " la marge " plus de 1000 ! Fait " Chevalier des Arts et Lettres " par Jack Lang, il est actuellement membre du Conseil Economique, Social et Culturel de la Région et du Fond Régional d’Art Contemporain, le FRAC, fonction que rappelle Maddalena Rodriguez - Antoniotti dans son très bel ouvrage " Comme un besoin d’ utopie ", publié chez Albiana. Un titre qui doit plaire à ce Corse contemporain, imprégné du passé mais tourné vers l’avenir…

    Editions ALBIANA:Editeur remarqué par le site NoirCommePolar

    Présentation par les Editions ALBIANA de sa série noire : " Nera ", créée en 2005. " Qui douterait encore que la Corse ne soit malheureusement, définitivement, une terre de polaret de romans noirs ? Banditisme, violence, vendetta, crimes crapuleux ou politiques, elle offre son lot d'affaires quasi quotidien.. La collection Nera ouvre les portes des bas-fonds du crime avec l'aide des auteurs insulaires… Elle propose de donner à lire cette profonde noirceur, ce goût pour le drame et la mort chevillés à l’âme, avec l’indispensable dimension littéraire qui seule peut rendre justice des mécanismes à l’oeuvre. Loin des clichés, jouant parfois avec eux, elle ouvre des espaces de pensée d’autant plus efficaces qu’ils viennent de l’intérieur de la société, des meurtrissures vécues enfin domptées par l’écriture. Nera est une jalousie précautionneusement ouverte sur la rue, sur la vie insulaire, ce que l’on voit et qui ne se dit pas. ".site : http://www.albiana.fr Extraits d’entretien :Bernard Biancarelli, Directeur de publication chez Albiana, répond à Joël Jegouzo sur le site Noircommepolar: http://www.noircommepolar.com

    1°/ Sur les Editions Albiana :"Albiana existe depuis plus de vingt ans, c'est dire qu'elle est née en plein coeur du mouvement culturel appelé en Corse U Riacquistu (la ré-appropriation). Elle a d'ailleurs signé son entrée dans le monde éditorial par un monumental dictionnaire Corse/français en quatre volumes (suivi par de la poésie en langue corse !). Cette participation proclamée et assumée à un fort mouvement culturel - caractérisé dans les esprits par l'éclat soudain mondial des fameuses polyphonies - a procédé en quelque sorte de la même approche : inventorier le patrimoine, ré-étayer les fondements et puis enfin ouvrir les champs de la création. Dans un cadre où la langue par exemple avait été très peu écrite jusqu'à présent - pour des raisons historiques et politiques que tout le monde désormais connaît - c'était une vraie gageure que de se mettre soudainement à écrire, à créer et, évidemment, à publier en corse. En ce sens, les éditeurs historiques dont font partie les éditions Albiana, ont grandement aidé à l'expression telle qu'on la connaît aujourd'hui. Ils ont fait non seulement oeuvre utile mais aussi, et surtout, oeuvre nécessaire et dans des conditions politiques qui ne furent pas les meilleures. Je le dis d'autant plus librement qu'à l'époque je n'étais pas concerné, sauf en tant que lecteur. Il est évident que les conditions ont évolué et que nous serions bien en peine de dire si celles d'aujourd'hui sont vraiment meilleures.Albiana, au bout d'un parcours de vingt ans, c'est une quarantaine de livres par an, un catalogue de plus de trois cent titres. C'est dire que le pourquoi de son existence aujourd'hui est devenu beaucoup plus simple à définir : une présence essentielle dans le panorama culturel insulaire à la fois comme médiateur de culture, passeur si l'on préfère, espace de création et d'invention, lieu de soutien à l'expression (notamment en langue corse). Tout cela adossé bien sûr à une structure d'entreprise importante à l'échelle insulaire (un secteur distribution, un secteur commercial, un atelier graphique et maintenant la grande librairie La Marge, forment un ensemble dont le secteur édition est le noyau de départ).

    2°/ Sur la création de la collection " Nera "La collection noire, j'en rêvais depuis mon arrivée aux éditions Albiana (en 1998). Mais il existait déjà un éditeur à Ajaccio quasiment spécialisé dans le noir (Méditorial) et plutôt bon dans ses choix (il fut l'éditeur de Thomazeau par exemple, qui a ensuite fondé " L'écaillers du Sud ", une petite maison du Noir qui monte, qui monte,…). Sa collection était bien implantée et puis on ne marche pas sur les plates-bandes de quelqu'un que l'on connaît et que l'on respecte. Bref, nous étions restés en retrait. Son arrêt et notre envie toujours présente ont permis d'ouvrir le chantier. La collection Nera permettait aussi de dynamiser notre ligne éditoriale, de signaler au public que nous étions toujours en évolution et prêts pour les aventures. Nous avions au cours des années précédentes pris des risques éditoriaux chaque année, en publiant notamment pas mal de premiers romans ou des recueils de nouvelles, en dépit des préventions largement répandues dans la profession à ce sujet. Nombreux sont assez durs et violents, sans concession souvent pour le petit monde dans lequel nous vivons, mais ce qui selon moi les caractérise, c'est qu'ils ont laissé de côté le victimisme et le désir de justification, le pamphlet ou l'explication de texte, notamment du " problème corse " qui sont autant de pertes de temps et qui éloignent fatalement de la littérature. Il s'agit d'un vrai mouvement qui est la mutation du "Riacquistu " dont je parlais précédemment. Une attention soudaine pour la Corse d'aujourd'hui (ni celle d'hier, ni celle que désire l'Autre - ou que nous croyons qu'il désire - ni celle des cartes postales, ni celle des chromos) s'est manifestée et il nous a juste fallu aider à l'éclosion. La collection noire est évidemment pour nous un des outils qui nous manquaient pour aider à cet avènement. Et je peux certifier que son apparition a donné un coup de fouet qui s'est traduit par l'arrivée d'un grand nombre de manuscrits. Non seulement la collection Nera était profondément désirée chez nous, mais elle était probablement attendue par les auteurs - et certainement aussi par les lecteurs qui lui ont réservé un très bon accueilCollection Nera "MADE IN CORSICA"  et bientôt de nouveaux polars...

    Hommage à un éditeur corse; Collection " Misteri " de MEDITORIAL : Paul-André BUNGELMI, ancien éditeur :Un pionnier de la Noire made in corsica.

    Il y avait Misteri dans l’édition corse. Il s’agissait d’une collection de l’Editeur Méditorial qui a publié des polars corses dans les années 1990, d’excellents polars commis par des auteurs ayant pour la plupart fait leur chemin. J’ai lu huit de ces bouquins que j’ai le plaisir de citer :
    Comme un chien dans la vigne et caveau de famille , écrits par Elisabeth Milleliri
    La moisson ardente et raison d’état, écrits par Archange Morelli
    Trois jours d’engatze, écrit par Philippe Carrese
    La faute à Déguin, Qui a tué l'homme-grenouille, et Qui a tué monsieur cul, écrits par Philippe Thomazeau.

    Si nous connaissons les carrières poursuivies par ces auteurs découverts par l’Editeur Méditorial, nous ignorons le parcours de l’Editeur inspiré, après sa cessation d’activité. Voilà, ce que deux auteurs en ont dit :Philippe CarreseA l’époque (1992), j’ai envoyé le manuscrit à plus de trente maisons d’édition, y compris "Fleuve Noir". Tous l’ont refusé. J’ai croisé Paul André Bungelmi, en corse, un type adorable qui me l’a pris mais qui a été dépassé par le succès du livre. Fleuve Noir a repris la suite en moins de quinze jours. Paul André est un vrai méditerranéen, il a tout de suite tout compris, tout mon coté "sudiste" que pas mal de parisiens ont encore beaucoup de mal à cerner.
    François Thomazeau :Je ne connaissais Carrese que de nom et j'ai atterri chez Méditorial parce que ma mère avait vu un reportage sur "Trois jours d'engatse" sur France 3 Marseille. C'est elle qui m'a forcé à envoyer le manuscrit de Dégun à Méditorial. Comme Carrese, je ne rendrai jamais assez hommage au patron de cette maison, Paul-André Bungelmi, un honnête homme comme on n'en fait plus. Il a arrêté l'édition faute d'argent et tient un bar de nuit extrêmement sympa à Ajaccio. On amène sa bouffe, y a une cheminée au fond pour faire cuire le rata, et lui fait payer le vin. . 

    Un mémoire " perspectives des nouvelles technologies pour l’essor de l’édition littéraire corse " a été soutenu publiquement par Élodie Charbonnier UNIVERSITÉ PARIS III SORBONNE NOUVELLE    en Juin 2004

    Mlle Elodie Charbonnier a fait un travail sérieux et documenté dans ce mémoire sur l’édition corse. Elle explique l’évolution de l’édition littéraire corse par un survol historique, sociologique et topographique de l’île, en évoquant la " corsitude ", cette appartenance à la culture corse faite d’insularité, de méditerranéité et de francité. Elle rappelle la tradition littéraire d’abord orale et que récemment écrite. Enfin, elle constate le travail fait par les éditeurs corses qui se sont sentis investis d’une mission : faire vivre notre culture et notre langue, avec l’ambition d’un rayonnement qui passe la mer.Pour l’auteur du mémoire, les nouvelles technologies de l’édition devraient favoriser ce rayonnement et rompre l’isolement des villages qui ont perdu leur librairie et leur bibliothèque.Elle rappelle aussi l’importance en nombre des Corses de la diaspora, qui représentent une clientèle déjà existante. Cette diaspora peut être l’ambassadrice des éditeurs et des auteurs corses, partout où elle se trouve. Cette idée a fait son chemin avec la création récente d’une l’association " Corsica diaspora " sous le présidence du Docteur Edmond Siméoni.Extraits du mémoire : - Plusieurs études scientifiques récentes, dont les travaux des deux universitaires que sont Anne Meistersheim et Nadine Levratto, ont démontré que l’insularité est bien en soi un facteur de particularisme et ce, qu’il s’agisse d’économie, de sociologie, de culture, d’environnement ou encore de la relation liant l’insulaire à sa terre et à son histoire.- La tradition littéraire a ainsi fait de la Corse une terre mystique et mystifiée ; aujourd’hui, l’édition régionale reprend grâce à ces diverses publications les filons qui ont contribué à rendre cette petite île si célèbre. Cette catégorie littéraire est attrayante et peut même aider à augmenter les ventes ; mais la préoccupation principale des éditeurs insulaires est à présent de faire connaître et reconnaître leurs écrivains sur le continent français pour leurs qualités littéraires et non pas au nom d’un folklore déjà bien usé. Pour réaliser un tel pari, il me semble qu’il faudrait alléger quelque peu l’héritage historique et culturel de cette édition et ce, au profit d’une littérature touchant à tous les genres….- La Corse est une petite île méditerranéenne comptant une faible population. Urbanisation et diaspora ont achevé de vider les campagnes au profit des deux grandes villes que sont Ajaccio et Bastia. La répartition des différentes maisons d’édition dans l’île suit donc à peu près le même schéma. La commune d’Ajaccio abrite les éditions Albiana, Alain Piazzola, DCL, Lettres Sud, La Marge et Matina Latina ; quant à la région bastiaise, on y retrouve les éditions Mediterranea, Anima Corsa et Patrice Marzocchi. Seule exception à cette règle, les éditions Le Signet ont choisi de s’établir à Corte, ancienne capitale historique située au beau milieu des terres. Précédemment, nous avions constaté que Bastia était, au XIXe siècle, la ville corse où la production littéraire était la plus active ; mais aujourd’hui, il semble que cette palme revienne de peu à la baie d’Ajaccio….-Et sur l’association des éditeurs corses, Mlle Charbonnier écrit :Ayant pour but initial la promotion et la diffusion de l’édition corse, elle regroupait un grand nombre d’éditeurs qui éditait chacun selon sa propre politique éditoriale. Scindée à la fin de l’été 2003 suite à diverses mésententes, l’association s’est donc divisée en deux groupes...
    -Sur la maison DCL:Les éditions DCL (Distributeur Corse du Livre) ont, comme leur nom l’indique, pour activité principale la distribution du livre dans l’île. Didier Thueux, le Président Directeur Général de DCL, m’a expliqué lors d’un entretien[1] que l’activité édition s’était développée à la fin des années 1990, suite au projet de réédition d’un ouvrage épuisé de Gabriel-Xavier Culioli. Depuis, DCL édite une douzaine de livres par an, majoritairement dans les domaines de la littérature et des beaux-livres. Malgré tout, cette production ne représente qu’une infime part du chiffre d’affaire global car la distribution demeure leur activité principale. Pour en lire l’intégralité du mémoire de Mlle Elodie Charbonnier, aller sur site :http://www.chicha1.free.fr Suite du cursus universitaire de l'auteur:
    Par la suite, Mlle Charbonnier a présenté, en septembre 2005, son mémoire de DEA sur "Les perpspectives du Web pour l'essor de l'édition littéraire régionale en France métropolitaine". Elle y relève l'existence, en région, d'une forte activité littéraire dans ce secteur dynamique mais mal connu du grand public. Elle met l'accent sur le rôle essentiel des éditeurs régionaux pour la conservation et la diffusion du patrimoine culturel. Nous saluons son travail très documenté et son enquête sérieuse.Elodie Charbonnier.

    L’édition corse est vivante, riche et diversifiée, peut-être au prix de dissensions. Une chose est sure : les éditeurs corses méritent tous notre soutien pour qu’ils continuent à exister en Corse et ailleurs.Nous avons parlé de trois éditeurs corses qui se sont intéréssés au polar. Il y en a un quatrième, les Editions DCL dont nous avons, dans un article précédent, présenté un ouvrage " Quand j'étais Bandit" . Nous pourrions aussi cité un cinquième : Edition Journal de la Corse qui a édité le deuxième livre de Jean-Pierre ORSI ,"Sous le regard de Napoléon", avec le commissaire Agostini et ses coéquipiers Léonetti, Lanteri et Mariani.      

    Yahoo!

  • L’édition corse en Pologne :

    A l’automne 2006, la revue littéraire polonaise " Zabudowa " (http://zabudowa.republika.pl/) publiera une édition spéciale (vendue en kiosque avec, en plus, une publication sur le Web)) faisant une place dans ses rubriques à l’édition Corse. Joël Jégouzo a accepté gentiment de publier l’un de ses articles qui paraîtra en Pologne et que nous mettons en ligne ci-dessous : 

    Le Polar Corse : Chjam’è rispondi.

    La Corse publie. Beaucoup. La Corse invente. Beaucoup. Sans doute son insularité (géographique et culturelle) y est-elle pour quelque chose dans ce regain d’invention et d’expression qui la marque aujourd’hui. Son " insularité ", ou plutôt, la prise de conscience de sa place dans le monde. Le " monde ", oui : les cinq continents. Le sentiment que sa " corsitude ", ce sentiment d’appartenir à une entité historique, culturelle, que l’on vit ailleurs comme menacée, justement dans ses dimensions insulaires, méditerranéennes, ne l’est pas en réalité. Changeons de vocabulaire donc : laissons le mot de " corsitude ", chargé des représentations stéréotypées que le vieux continent a forgé d’une île imaginaire vouée à un sot exotisme, aux dépliants touristiques et parlons plutôt de " corsité " : le fait d’être corse, dans un monde globalisé, est une chance. Explorons cette corsité, semblent proclamer les éditeurs corses, dont l’ambition s’affiche à hauteur d’un investissement proprement militant pour que cette culture rayonne enfin, comme s’ils étaient persuadés que l’ancestrale culture corse représentait non seulement le salut pour la nation corse, mais un vrai laboratoire des mondes à venir.Car voici que confluent brusquement de sérieux héritages pour former les conditions d’un (re)surgissement exemplaire — celui du fait Corse. Au point de confluence, l’héritage culturel de la diaspora corse, la culture orale corse et la volonté d’être corse par-delà les dérives identitaires et les reniements de toutes sortes, leur tentation du moins, dans un monde culturellement aliéné à la civilisation libérale-américaine.L’héritage de la diaspora corse tout d’abord. On l’a dit de bien d’autres nations : c’est une chance de posséder une forte immigration à l’étranger, formant les têtes de pont d’une culture vivante, exposée au défi d’exister envers et contre l’exil. Une diaspora donc, non seulement ambassadrice du fait corse, mais et peut-être surtout, communauté affrontée aux autres cultures, sachant mieux mesurer les défis du monde, tel qu’il les réorganise.Au point de convergence, toujours, l’héritage de la culture orale corse — nous y reviendrons. Enfin, la volonté d’être corse : un corps, plutôt qu’un corpus à ressasser. Et donc la nécessité de rompre avec une représentation véhiculée par le vieux continent d’une terre mystifiée — et par mystification, entendons toutes les dérives intra et extra muros que la Corse a connues ou subies. Car le mythe impose une rhétorique et une langue dont il faut s’emparer. C’est bien ce que les éditeurs corses ont compris, qui convoquent désormais la littérature mondiale autour du texte corse. Faisant ainsi entrer de plein pied dans la langue corse une géographie expansive qu’il nous est possible, enfin, d’entendre, et c’est ce qui importe : que l’échange soit possible.Alors prenez in fine la langue Corse, enracinée dans une forte tradition orale. Voilà qui n’est pas sans évoquer la situation de l’Irlande au moment où Joyce entreprend d’écrire : minoritaire, enfermée dans la domination britannique. Joyce n’écrit pas en gaélique, mais il sait faire chanter sa langue natale dans la langue de l’oppresseur, pliant au passage les règles du roman moderne au grain hérité du plus profond de son histoire. Cette jouissance séminale de la parole à la suture du parlé et de l’écrit, c’est dans son roman qu’il va donc la faire passer, abusant de phonétique, jouant du surgissement du son dans le mot. Lisez-le à haute voix, vous l’entendrez bien, allez ! Mais s’il y a de l’hérétique dans cette langue, c’est bien que son souci d’expérimentation formelle coïncide avec une conception offensive de la vie. Le vieil irlandais si vieux et d’un coup à la pointe de toute modernité… C’est cela que l’on entend ici et là dans le corse qui s’écrit aujourd’hui, au-delà du besoin ontologique d’exister par la révolte, dans et par cette formidable cambriole nourrie des rapines des autres possibilités langagières, en tout premier lieu offertes par la vieille langue corse.Mais ne poursuivons pas trop loin ce parallèle entre l’Irlande de Joyce et la Corse d’aujourd’hui. Encore que l’une et l’autre se soient façonnées par une construction identitaire fondée sur l'opposition à la culture qui les dominait. Ici, l’époque n'était guère propice à la liberté artistique, comme en témoignent la censure et l'exil de nombreux écrivains irlandais, de Joyce à Beckett. Ici toujours, la nation prenait ses distances avec ses repères historiques — la langue gaélique, l'Église catholique, un mode de vie rural — pour se réinventer dans un cadre européen et se démarquer du nationalisme violent qui sévissait dans le Nord. C’est peut-être, toute proportion gardée, ce à quoi la Corse opère aujourd’hui : à revisiter son passé pour l’accomplir autrement. Car voici que dans la régulation qui s’opère, le passé fait de nouveau fond sur l’histoire présente. Il n’est que d’évoquer cette coutume corse séculaire : le Chjam’è rispondi. Il y a là, sans doute, encore, une voie que les Corses contemporains n’ont pas fini d’explorer dans leurs œuvres. (voir le très bel article de J.-P. Ceccaldi à ce sujet sur son blog : http://blog.ifrance.com/flicorse).De quoi parlons-nous ? A l’origine d’une joute verbale au cours de laquelle les participants rivalisaient avec des mots scandés a capella. On n’est pas loin du Slam ou du Rap. Impromptu poétique, sur un schéma mélodique répondant à des règles précises avec un contenu ouvert aux débats de société. Nul doute que la Corse tienne là le filon des modernités à venir ! Imaginez : savoir pareillement syncoper son présent, le plier aux contraintes de l’histoire tout en exposant cette dernière à la (petite) frappe de l’actualité. Faire entrer dans l’insolite d’une voix individuelle une réponse sociétale. Pas étonnant, en outre, que le polar y tienne une place de choix, pour toutes les raisons déjà données à son sujet dans ce numéro et pour cette autre qu’il porte, mieux qu’aucun autre genre, lui-même trace de la structure Chjam’è rispondi : et la contrainte des règles du genre et la liberté sans laquelle le chant ne serait qu’une rengaine exténuée. La Corse édite donc. Selon un schéma connu : désertification rurale, migration vers les grands centres urbains. Ainsi, Ajaccio et Bastia, les métropoles, abritent-elles la quasi totalité des éditeurs actuels. Albiana, Alain Piazzola, DCL, Lettres Sud, La Marge, Matina Latina pour la première, Mediterranea, Anima Corsa, Patrice Marzocchi, pour la seconde. Ailleurs ? Rien, sinon les éditions Le Signet, établie à Corte, l’ancienne capitale historique.La Corse édite, du noir. Beaucoup. Avec les éditions Albiana par exemple, qui travaillent une voix corse empreinte d’un blues magistral, ou avec la naissance de ce personnage, le flicorse, qui, mieux qu’aucun autre, porte en lui toute l’ambiguïté du débat corse...Joël Jégouzo.  

    Découverte de la littérature polonaise et polonité : 

    La culture est un magnifique espace d’échange dans lequel chacun a quelque chose à apprendre de l’autre. Les échanges sont porteurs de nouvelles richesses que ce soit en littérature, en musique ou dans les arts visuels. La culture est l’essence de notre identité. Elle la perpétue en s’enrichissant. Elle renforce le fil ténu entre la Corse et sa diaspora. L’identité corse est indissociable d’une culture et d’une langue corses. La culture a besoin d’échanges pour exister en se réinventant. Comme l’humanisme, elle ne peut être enfermée dans l’immobilisme et le communautarisme. La langue a besoin de la culture pour garder toutes ses richesses et ne pas se perdre pour devenir un patois. Pour sortir la culture corse de la vitrine exotique montrée au tourisme de masse et des stéréotypes véhiculés par un racisme rampant, il faut continuer à porter notre regard sur le reste du Monde, et le reste du monde portera un autre regard sur nous. C’est, vous dirait un Corse, chose presque atavique et naturelle pour un insulaire qui, traditionnellement, a le goût du voyage et le sens de l’hospitalité.L’intérêt porté par la revue Polonaise sur la littérature corse méritait donc que nous parlions de ce pays géographiquement et intellectuellement si proche. Depuis plusieurs années, un événement est organisé en France : les semaines polonaises. La France a, depuis longtemps, entretenu des rapports privilégiés avec la Pologne qui a lutté, pendant des siècles, pour sa liberté. C’est l’occasion de découvrir la richesse littéraire d’un pays qui a donné de grands auteurs dans plusieurs genres et de réentendre les Polonaises de Frédéric Chopin. Sans remonter à la Genèse et en toute modestie de notre part, avant de vous citer, de façon non exhaustive, quelques noms polonais qui ont passé les frontières et conquis une renommée internationale, passons par un peu d’histoire qui peut donner un éclairage sur la culture littéraire polonaise.
    La " Rzeczpospolita " (ancienne république polonaise) était multireligieuse et multiethnique. Au XVIIIème siècle, l’asservissement de la Pologne à la Russie va être à l’origine du nationalisme polonais qui atteint son apogée pendant les insurrections " romantiques " et la période dite " des partages ", avec le développement des idées nationalistes chez les communautés allemande, ukrainienne, biélorusse, tartare, lituanienne et juive. Les Polonais qui refusaient la collaboration et l’asservissement, ont choisi l’exil et/ou la lutte armée. Un mouvement dit de résistance " organique " préconisait de travailler souterrainement et sur le terrain l’identité polonaise par l’ouverture d’écoles, lorsque la langue était interdite ou encore dans des cercles littéraires. Pour une grande part, cette résistance s’est organisée dans les arts et les lettres. Nombreux furent aussi les peintres qui rendirent hommage à cette culture, en lui restituant un cadre formel. Dans ce contexte, la littérature est devenue un instrument politique et de lutte contre l’oppression, utilisant les métaphores en poésie et les allégories dans le roman. Le héros romantique devenait héros national, défenseur de la culture et de l’âme polonaises. Il est resté le héros non-conformiste de la jeunesse polonaise. Il lutte pour la liberté mais aussi pour des valeurs (religieuses) et des idéaux humanistes. En juillet 2005 , l’éditeur Atlantica a sorti un ouvrage : "  Valeureuse Pologne : ses souvenirs, ses hommes d’état et ses personnalités remarquables " écrit par Laurence Catinot-Crost, historienne et romancière.l'Hymne national "La Pologne n'est pas encore morte tant que nous vivons"L'histoire de l'hymne national polonais est particulièrement intéressante, jalonnée d'épisodes captivants. C'est dans un manoir de la campagne au nord de la Pologne que naquît l'auteur de son texte, rédigé au mois de juillet 1797, dans une ville lointaine située en terre italienne, étrangère mais amie, qui avait offert son hospitalité aux soldats polonais après le partage de la Pologne par ses voisins. Cet hymne, chanté spontanément sur la mélodie d'une mazurka traditionnelle, d'un jour à l'autre est devenu le chant des Légions polonaises en Italie. En gagnant toujours en popularité parmi les Polonais, cet hymne a survécu avec eux à un siècle et demi de domination étrangère. En 1926 il fut reconnu officiellement comme hymne national.Ce bref rappel insuffisant a pour but de mettre en exergue une généalogie expliquant la prépondérance des thèmes nationaux et patriotiques dans la littérature polonaise. Après des années de soviétisme, la Pologne a rejoint la communauté européenne, dont elle a toujours été un membre important, notamment, dans le domaine culturel. Nous vous donnons quelques noms et quelques modestes indications pour susciter le désir d’aller plus loin dans la découverte des Polonais.

    Au Panthéon de la littérature polonaise, nous rendons hommage à un grand écrivain philosophe, Witold Gombrowicz et à deux grands poètes : Adam Mickiewicz et Czeslav Milosz.

    Un grand écrivain et philosophe : Witold Gombrowicz ( 1904-1969 )Né en 1904 à Maloszyce, il est issu de la noblesse terrienne et donc d’un milieu favorisé. Il fait des études de droit puis, sans grande conviction, s’installe comme juriste à Varsovie. Il y fréquente le Café littéraire Ziemanska et, en 1933, publie un premier recueil de contes " Mémoire du temps de l’immaturité " ( Barakaï ), mal reçu par la critique. En 1939, il part en Argentine , pour un voyage offert par l’Union des écrivains polonais. Il y vivra pendant 24 ans. En 1951, il collabore avec la revue de la diaspora polonaise " Kultura " et avec l’institut littéraire de Paris. C’est le début de sa célébrité, qui lui permettra de vivre de son travail d’écrivain à partir de 1955. Après un séjour à Berlin, il se rend à Paris où, en 1964, il rencontre une étudiante canadienne, Rita Labrosse, qu’il épousera. Il s’installe à Vence où il décédera le 24 juillet 1969, année de sa dernière création, une pièce de théâtre intitulée " Opérette ". Dans le genre léger de l’opérette, il traite des sujets lourds de la fin de l’Histoire et du fiasco des idéologies. Gombrowicz a souffert, presque toute sa vie, d’une maladie pulmonaire. Il disait que : "  Le vrai réalisme devant la vie est de savoir que la chose concrète, la vraie réalité, c’est la douleur…Moi, je vois l’univers comme une entité complètement vide, où la seule chose réelle est celle qui fait mal : précisément la douleur. "Bibliographie : 1933 : " Mémoire du temps de l’immaturité ( Barakaï ) , recueil de contes1935 : " Yvonne, princesse de Bourgogne ", pièce de théatre, et son premier roman " Ferdydurke "1937 : " Les envoutés ", roman1953 : "  Trans-Atlantique ", feuilleton dans la revue Kultura, puis roman et une pièce de théâtre " Mariage "1955 : " Pornographie ", roman1961 : " Cosmos ", romanDe 1957 à 1971 : Journal I, II et III1968 " Entretien avec Dominique de Roux " , réédition sous le titre " Testament " en 19771969 : " Operette ", pièce de théâtre.L’action, humour et le suspens sont utilisés par Gombrowicz pour être lu par un large lectorat. Ses principaux thèmes, le ton, l’humour noir, le style baroque apparaissent dès son premier recueil de contes.Dans Trans-Atlantique, il pousse le jeu sur le style à l’extrême. Il y raconte son arrivée en Argentine à la veille de la deuxième guerre mondiale, un début réaliste suivi d’une évolution vers le fantastique et même le grotesque. Il caricature la diaspora polonaise, prenant ses distances avec les mythes et les stéréotypes d’un nationalisme qui étouffe l’individu au nom de l’indépendance de la patrie. Il ne s’agit cependant pas d’un roman blasphématoire contre son peuple et Gombrowicz prend la précaution de préciser dans la préface : "  Je conviens aussi que " Trans – Atlantique est un navire corsaire qui porte en contrebande un lourd chargement de dynamite, destiné à faire exploser le sentiment national toujours en vigueur chez nous. Tout en restant Polonais, cherchons à être quelque chose de plus ample et supérieur au Polonais ! ". Sa vision apparemment " Nietzschéenne " de la polonité trouve sa signification dans son concept de " forme ", thème de son premier ouvrage " Mémoire du temps de l’immaturité ". Pour ce " palatin de l’antiforme ", l’homme n’est jamais authentique et toujours déformé, comme si il jouait derrière un masque, sans vrai visage. Sa polonité, selon Joël Jégouzo, s’inscrivait en faux de l’héritage polonais qu’il nommait à juste titre la " polonitude ", concept identitaire qui, selon lui, enfermait la société polonaise restée tournée vers son passé. " L’homme est à la fois maître et esclave de sa forme ", disait-il. L’antiforme Grombrowiczienne est une forme qui s’oppose à la tyrannie du moule social et psychologique imposé à notre immaturité. C’est donc le refus aussi du masque identitaire, le refus de l’enfermement et le " choix " de chercher librement " quelque chose de plus ample et supérieur " à la forme polonaise, tout en restant polonais. Ce n’est pas une trahison , c’est une ouverture sur l’avenir. Ce roman " Trans-Atlantique " , mal compris, est l’ouvrage le plus polonais de son auteur., alors qu’il lui a valu d’être regardé comme un " déserteur de la cause polonaise ", pour certains, et un "  provocateur prétentieux " pour d’autres. Quant à lui, il aimait à dire de lui : " Je suis un humoriste, un pitre, un équilibriste.. " et de nous tous : " L’homme est un éternel acteur.. ".
    Un autre auteur contemporain vivant, Slawomir Mrozek, qui a aussi écrit sous le pseudo de Diaman Prutus, évoque dans ses écrits un monde déformé par une schématisation dans laquelle la forme prend le dessus sur le sens. Il crée des personnages qui sont des schémas humains ( Mrozek est né en 1930 , ses œuvres dramatiques sont traduites et jouées dans de nombreux pays ).Dans Cosmos et Pornographie, il y a aussi du suspens. Le style devient plus naturel, mais l’histoire est plus étrange, avec des côtés malsains et pervers. C’est du roman noir existentiel. " Pornographie " est un titre en trompe l’œil : derrière la couverture, il n’y a pas de photo X ou d’érotisme.Ferdydurke est un collage de nouvelles avec une unicité de thème : l’imitation, le désir de ressembler à autrui et de rendre autrui comme soi-même, et aussi désir d’échapper à autrui, de fuir, de rester soi-même. . " Les envoûtés " est un roman feuilleton fantastique où tout tourne autour d’un chiffon qui bouge tout seul.Du 27 avril au 25 mai 1969, Gombrowicz a livré sa vision sur l’évolution de la philosophie du 20ème siècle. Ses propos ont fait l’objet d’une publication après son décès sous le titre de " cours de philosophie en 6 heures un quart ", donnés à son épouse et à Dominique de Roux, co-auteur de " Testament ". Il s’agit d’un opus court mais dense : une sorte d’anti-manuel de philosophie " pro philosophique ". Editions Rivages poche. A lire !Gombrowicz a toujours dénoncé la routine et la paresse intellectuelle. Il refusait de se laisser influencer par les modes et nous exhorte à penser librement. Ces livres restent à la portée de tous et, pour la plupart, ont fait l’objet d’édition en poche chez Gallimard. Le Journal écrit entre 1957 et 1971 s’adresse à ceux qui veulent aller plus loin dans la connaissance de ce penseur moderne.Nota : Il faut aussi citer, comme auteur polonais important pour mieux comprendre la polonité,   Jean - Chrysostome PASEK et l’ouvrage de cet auteur "  Mémoires de Jean-Chrysostome PASEK, gentilhomme polonais 1656-1688 " édité en France. C’était le livre de chevet de Gombrowicz et selon Joël Jégouzo " un superbe ouvrage du baroque polonais, une tradition littéraire qui remonte à Rabelais ".

    Deux grands poètes : Adam Mickiewicz et Czeslav MILOSZ

    1°/ Adam Mickiewicz (1798 – 1855), héros national: En 2005, les Polonais ont commémoré le 150ème anniversaire de sa mort. Il s’agit d’un poète emblématique dans le Panthéon de la culture polonaise. D’origine lituanienne et héritier d’une tradition pluriculturelle, il est le chef de file des Romantiques. En Pologne, il a fait naître une conscience nationale qui a, sans doute, ouvert la voie à l’indépendance dans une Pologne privée de liberté et distribuée entre trois grandes puissances. Il met le concept de " Peuple " au dessus de celui de " Nation " et la liberté au dessus des appartenances. Pour lui, la Pologne devait être le " Messie des nations " et, devenue indépendante, concourir à l’unification des peuples européens. Il a passé la plus grande partie de sa vie en exil (pendant 23 ans, à Paris), tout en combattant et en essayant d’organiser le résistance et la reconquête.Il a écrit une œuvre majeure : "  Les Aïeux ", qui a déclenché les manifestations d’Octobre 1956 et inspiré celles de mars 1968 puis le mouvement Solidarnosc. Il laisse une œuvre toujours rayonnante et un message universel de liberté, tout en affirmant son enracinement profond en Lituanie.Il est né en 1798 à Zaosie ( actuelle Biélorussie ). En 1812, sa famille héberge une partie de l’armée de Napoléon placée sous le commandement de Jérôme, Roi de Naples. Etudiant à Vilnius, il participe à la fondation des organisations de la jeunesse progressiste et patriote : Les Philomates et les Philarètes. En 1815, il est nommé professeur de littérature latine, histoire et droit. En 1823, il est arrêté comme membre des Philomates, incarcéré puis interdit de séjour en Lituanie et sur les anciens territoires polonais. Après 5 ans passés en Russie où il rencontre Bestuzev, Rylejev (poètes dékabristes ) et Pouchkine, il voyage et rencontre Goethe à Weimar. Il s’installe en France en 1832.Pendant son long séjour en France, il a une intense activité littéraire et occupe plusieurs fonctions, notamment, en 1840, il obtient une chaire de littérature slave au Collège de France où il côtoie Edgar Quinet et Jules Michelet. Il en fut exclu car ses cours tournaient à l’émeute. " En exil et pélerin " ( " exult et pérégrinus ", premiers mots de la première grande chronique polonaise qui fonde le récit polonais et a pour auteur un moine français, Gallus Anonymus) : formule reprise par Mickiewicz qui reste actif dans la résistance polonaise. En 1855, il se rend en Turquie pour soutenir les " légions polonaises " dont la création a été négociée entre le Prince Czartoryski et Napoléon III. Il y meurt du choléra. Inhumé d’abord au cimetière polonais de Montmorency, son corps a été rapatrié à Cracovie en 1890. C’était un innovateur qui travaillait la langue polonaise dans ses écrits allant jusqu’à bouleverser la métrique du vers polonais pour lui donner d’autres rythmes. "  Le pays d’enfance. Il restera à jamais saint et pur comme le premier amour " (A.Mickiewicz, épilogue du poème épique " Pan Tadeusz ", 1834 dont s’inspira Andrezj Wajda pour son film " Pan Tadeuz, quand Napoléon traversait le Niemen , sorti en 1999 )

    2°/ Czeslav MILOSZ ( 1911 – 2004 )Il est né le 30 juin 1911 à Szetejnie ( en Lituanie comme Mickiewicz ). Il décède le 14 Août 2004 à Cracovie , à l’âge de 93 ans. Il a vécu les guerres et les totalitarismes qui l’ont jeté sur les routes de l’exil, avec des retours toujours éphémères. Sa poésie est l’expression de cette émigration forcée qu’il ressentait comme un bannissement " spirituel ". " Chassé du paradis ", il souffrait d’être la victime l’incompréhension " de simples mangeurs de pain ". Sa longue vie " d’éternel pèlerin " l’a façonné et a fait de lui un défenseur tenace de la pensée libre. Il était marxiste dans la Pologne " bourgeoise " et disait non aux communistes de la Pologne " populaire ". Il était athé mais regrettait le perte de l’imagination religieuse. Il était hostile à la " Polonité " par opposition au " zèle patriotique ", tout en affirmant son attachement à sa langue et à son pays natal. Tout en exprimant cette liberté de pensée par de l’inconstance et des contradictions dans ses choix politiques et religieux, il avait un projet poétique "poétiser la réalité " et était en quête du mystère de l’existence. Si, poète maudit, il a percé ce mystère, il ne l’a pas divulgué avant de mourir. Il laisse une œuvre variée dans le style et multiple dans la forme. C’est par " La pensée captive ", premier livre publié à l’Etranger qu’il est connu du lectorat occidental en 1953. Par la suite lauréat du Prix Nobel de littérature en 198O, il est aussi récompensé par le Prix littéraire européen avec " La prise du pouvoir ". En 1997, il obtient le prix Nike avec la parution de " Chien mandarin ". Il faut citer ses poèmes dont " Anthologie personnelle " paru en 1998 et ses essais dont " La recherche de la patrie " en 1992. 

    La Pologne est la patrie de deux cinéastes célèbres : Roman Polanski et Andrzej Wajda 

    1°/ Roman Polanski : Roman Polanski est né à Paris en 1933 de son vrai nom " Raymond Liebling ". Il rentre avec ses parents en Pologne où il se trouve lors de l’invasion nazie en 1939. Il s’évade du Ghetto de Cracovie et échappe aux camps de la mort où sa mère disparaîtra. Il retrouve son père après la guerre. Il fréquente une école des Beaux arts, et en 1950 tourne dans quelques films et entre à l’école du cinéma de Lodz. Il réalise d’abord des courts métrages, puis, son premier long métrage en 1962 "  Le couteau dans l’eau ". Il séjourne en Angleterre où il réalise " Répulsion ", " L’étrange cul de sac " et " Le bal des Vampires ".. En 1968, il sort son premier film hollywoodien " Rosemary’s Baby ". L’année suivante , son épouse Sharon Tate est assassinée sauvagement par le tueur en série Charles Manson, alors qu’elle est enceinte de 8 mois. Il retourne en Europe où il tourne Macbeth. En 1974, il obtient un grand succès avec " Chinatown ". Il tourne ensuite Tess, Pirates, la Neuvième porte, la jeune fille et la Mort., Pianiste. En 2005, son dernier film est une adaptation de " Oliver Twist " de Charles Dickens.Avec Le Pianiste, sorti en 2003, il évoque l’occupation nazie en Pologne et le ghetto de Varsovie. Il a obtenu la Palme d’or à Cannes. Polanski est aussi acteur et a joué dans de nombreux longs métrages réalisés ou non par lui. Il a notamment fait l’acteur dans des films de Andrzej Wajda comme " Zemsta " ( La vengeance) dans lequel il joue le personnage de Papkin en 2002, mais aussi " Génération une " en 1955 dans le rôle de " Mundek ", ou encore" Dudzio " dans " Do widzenia, do jutra " en 1960.

    2°/ Andrzej Wajda : Andrzej Wajda est né en 1926 à Suwalki. Il a fait des études aux Beaux Arts de Cracovie et ensuite, comme Polanski, à l’Ecole Supérieure de Cinématographie de Lodz. Il a occupé plusieurs fonctions dans des instances du Cinéma polonais dont il s’est fait le défenseur et, en 1988, on le retrouve aux côtés de L. Walesa dans Solidarnosc. C’est un novateur dans le domaine de l’expression cinématographique et un intellectuel qui s’inspire de la peinture et de la littérature polonaises et étrangères. On retrouve dans son œuvre les thèmes du romantisme  ( héroïsme, vertus morales..) et de l’humanisme ( la mort, l’amour, la haine..), dans un style fait de baroque, de lyrisme et de métaphore poétique. Il met en scène, sous son éclairage, sa vision personnelle et artistique de l’histoire de la Pologne mais aussi de la tradition polonaise et de la polonité. En 1950, il participe à la création du mouvement appelé " Ecole polonaise du cinéma " qui va faire connaître le cinéma polonais dans le monde entier. En 1955, il débute avec la réalisation de " Pokolénie " (la même année Roman Polanski réalise " La bicyclette ", film dans lequel il joue lui-même la victime). Quelques titres de films à revoir :  Kanal  1957,  Cendres et diamants  1958, L’homme de marbre 1976, l’homme de fer 1981 Danton 1982. Il a obtenu la Palme d’or à Cannes pour l’Homme de fer , le lion d’or à Venise pour l’ensemble de son œuvre et d’autres distinctions dont la légion d’honneur en France.Andrzej Wajda a fait l’adaptation cinématographique de plusieurs œuvres de la littérature polonaise dont " Pan Tadeusz " , film sorti en 1999. 

    La " Noire " polonaise :

    Dans les année 1980 , on assiste à un retour à l’affabulation dans la littérature et, dans les années 1990 , à l’intrigue. Des auteurs polonais apparaissent dans le roman noir, le polar et le thriller. Nous avons noté l’existence en France d’une librairie polonaise avec une boutique en ligne : Librairie franco-polonaise LEKTURA, 24 rue Saint Jacques à Lille (59). Cette librairie vous propose des ouvrages en polonais ou traduits. Nous avons relevé des auteurs connus comme Alex Joe, Joanna Chmivlewska, Jaroslav Miklaszeask, Marek Krajewski ...Dans son deuxième roman , le Flicorse s’ immerge "  Dans les arcanes du Tueur ". Nous avons relevé l’ouvrage de l’auteur polonais Manuela Gretkowska " Tarot Paryski ", dans lequel l’auteur vous fait suivre une piste spirituelle et mystique dans un labyrinthe culturel où vous rencontrerez le Tarot, l’humour, le sexe et la Kabbale. Du 10 au 12 Novembre 2006 à Berlin, aura lieu le 3ème colloque France – Allemagne - Pologne sur le polar. 
    Yahoo!

  • Lecture de La nausée à l'Universisté d'été d'Ajaccio:

    Le 7 juillet dernier, Raphaël ENTHOVEN ouvrait la séance de philo avec le constat des séances précédentes: la philosophie ne peut évacuer la question du sens. Alors, si le monde n'est pas absurde, il énonçait la question du jour: savoir si on peut donner un sens à ce monde à travers le roman de Sartre.En écrivant La nausée, Sartre voulait donner à penser à travers un récit. Il disait lui-même que la philosophie à la quelle il croyait, les vérités qu'il atteindrait s'exprimaient dans ce roman, son ambition étant d'être à la fois Spinoza et Stendhal. En 1938, dans ce roman, il exprime en 250 pages ce qu'il développera en plus de 800 pages dans son ouvrage L'être et le néant édité en 1943.La nausée est le journal de bord d'une homme, Antoine Roquentin, qui se découvre lui-même alors qu'il écrit l'histoire d'un illustre inconnu , le Marquis de Rollebon. Roquentin va être saisi à la gorge par le non-sens, découvrir l'inéxistence de Dieu, l'effrayante et obscène nudité de l'univers... La nausée lui tombe dessus et lui ouvre les yeux sur son existence."La chose, qui attendait, s'est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j'en suis plein.- Ce n'est rien: la chose, c'est moi. L'existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J'existe..."La nausée, qui commence par des mots qui manquent, va lui apparaître comme une porte ouverte. Nous sommes condamnés à être libres par le Tribunal de la vie. A partir de là, Roquentin fait sa révolution copernicienne. Sartre déroule un récit à portée philosophique et qui supporte d'autres lectures: psychanalytique, biographique, culturelle, émotionnelle... Roquentin ( ou Sartre, le jeu est subtil) nous relate ses ballades dans le réel d'un monde où les choses, en perdant leurs fonctions, deviennent inommables et les hommes jouent les imbéciles ou les salauds...Parmi ses imbéciles et ses salauds, un personnage reste inaperçu même lors de cette lecture de La nausée, faite pourtant en Corse:  "le Corse".

    Le personnage "le Corse" dans La nausée:

    Dans ce roman, Jean-Paul Sartre utilise des sobriquets. L'action se situe à Bouville, en vérité Le Havre. L'Autodidacte est le sobriquet d'un personnage humaniste qui se révèle aussi pédéraste. C'est le Corse qui va le prendre la main dans le panier d'un jeune lycéen et qui va lui donner deux coups de poing au visage, en l'humiliant puis le chassant de la bibliothèque. Le Corse va être lui-même humilié par Roquentin. Le Corse est gardien de la bibliothèque de Bouville et son épouse en est la concierge. Dans l'Edition "Folio", à la page 113, on trouve une description du Corse: " Le gardien venait vers nous: c'est un petit Corse rageur, avec des moustaches de tambour-major. Il se promène des heures entières entres les tables en claquant des talons. L'hiver, il crache dans des mouchoirs qu'il fait ensuite sécher contre le poêle..." Ensuite de la page 233 à 236, Roquentin relate l'incident dans la bibliothèque. On apprend que le Corse se nomme Paoli lorsque le jeune sous-bibliothècaire (qu'il terrorise aussi) l'apelle par son nom. Après qu'il ait frappé l'Autodidacte avec un "gémissement voluptueux", Roquentin le prend par le cou  et le soulève de terre "tout gigotant"... " il était devenu bleu et se débattait, cherchait à me griffer; mais ses bras courts n'atteignaient pas mon visage. Je ne disais mot, mais je voulais lui taper sur le nez et le défigurer. Il le compri, il leva le coude pour protéger sa face: j'étais content poarce que je voyais qu'il avait peur..."et il ajoute plus loin: " Autrefois, je ne l'aurais pas laissé sans lui avoir brisé les dents..."Pourquoi avoir choisi le sobriquet le Corse, pour un personnage petit et rageur qui prend plaisir à jouer les gros bras et se fait humilier par plus fort que lui? On peut se poser la question lorsque l'on constate qu'il s'agit, dans La nausée, du seul sobriquet évoquant des origines. Peut-être Raphaël ENTHOVEN a-t-il passé sous silence ce personnage dans une universisté d'été en Corse, pour éviter de sortir de l'essentiel de l'oeuvre et ouvrir un débat sur ce choix inspiré par le racisme anticorse alimenté par des caricatures tenaces.A chacun de se faire une idée, en relisant une oeuvre majeure de Sartre.

    Yahoo!

  • A las cinco de la tarde, roman de g-m Bon , troisième volet d’une trilogie :

     

    "  A cinq heures de l’après-midi, il était juste cinq heures de l’après-midi, le glas commença à sonner et tout le reste n’était que mort… " Le poème de Fédérico Garcia Lorca raconte une corrida et la mise à mort d’un torrero.

    A las cinco de la tarde ! " ; c’est aussi le titre du troisième volet écrit par g-m Bon, créateur de " Cavalier " né avec " Bar de la Poste, Marseille " et " Contes cruels, Toulouse " ( aux Editions L'Ecailler du Sud).

    Ce personnage aux allures de novillero évolue dans les arènes sanglantes des guerres du Milieu marseillais. Après le décès de sa mère Millanoise, son père était resté près de Millau, dans l’Aveyron. Cavalier a vécu dans une ferme isolée sur les Causses du Larzac, au milieu des chevaux. Devenu citadin et flic, il traîne sa nostalgie des espaces ventés ( "  Sa mer à lui, c’était le vent soufflant sur les roches grises du Larzac ") et de ses plus lointaines origines espagnoles . Le poète Garcia Lorca l’accompagne dans sa vie mais aussi des peintres : Greco, Goya ou Zurbaran. Il craque pour " des yeux de plaines brûlées, des yeux de gitanes andalouse ".A 45 ans, il sillonne Marseille au volant de sa MG d’occasion d’un rouge lie-de-vin, modèle de1974. Il a le visage émacié, aux traits fins, les cheveux broussailleux et la silhouette d’un novillero que l’on prenait parfois pour un gitan. Il a voyagé en Afrique et en Amérique du Sud. Du Portugal, il a ramené un maillot de l’équipe de foot de Benfica. Sombre et taciturne, il ne se lie qu’à de joyeux drilles qui l’extirpent de sa coquille, et , lorsqu’il boit de l’eau , c’est toujours avec du Ricard. Marseille lui apparaît comme une Babylone trépignante, chaotique, fiévreuse. Après un premier poste à Lille, il était passé par Paris et " il portait la marque de fabrique du 36 quai des Orfèvres, la police judiciaire parisienne, où il venait de passer plus de dix ans. Et aux yeux des Marseillais, il resterait un Parisien ". Il a du mal à s’adapter à la cité phocéenne, "  sa moiteur, la pulsion même de la ville, trop de gens y courent après un rêve de grandeur perdue " et parmi eux deux vieux truands : Graziani, le Corse et Moretti , le Napolitain.

    Il n’est pas encore cinq heures de l’après-midi lorsque le cadavre de Graziani est découvert lardé de coups de couteau. Les blessures du truand corse ressemblent à une étoile à 6 branches : les six coups du diable ! Le dernier a l’avoir vu vivant ou mort est le parrain napolitain Moretti qui vit avec sa vieille mère. Autour de ce dernier, les victimes de règlements de comptes se multiplient. Est-ce le début d’une nouvelle guerre des gangs ? Un gnome semble diriger les meurtres sur le terrain. Qui est ce gnome accompagné de tueurs bulgares ? Cavalier est chargé de faire la lumière. Il peut compter sur son collègue corse Dionisi, le bien nommé qui aime et est aimé des femmes. Et puis, il y a Marciano, un vieux poulet pied-noir avec ses archives personnelles. Cavalier s’insurge contre la loi de l’argent et pense qu’il pourrait finir anar, comme son père, dans un pays où se pose la question de savoir si servir l’Etat avait encore un sens. Il n’a aucune indulgence pour les hommes politiques, désabusé par un Président qui " piétine les lois, jusqu’à plus soif " , et un Ministre de l’Intérieur, décrit comme étant " un petit coq ambitieux et arriviste. Beaucoup d’esbroufe et peu de réussite. Pas une journée sans une sortie devant les caméras ". Dans la fiction, il se nomme " Romani " même si les journaux annonce qu’il s’est fait prendre en photo à Séville en compagnie de son épouse, que l’on disait partie vivre au Maroc : un couple sur la voie de la réconciliation après des déboires sentimentaux. Pour clore la description , c’est un homme pressé de devenir Président.  Cavalier s’épanche sur son métier, sans savoir ce qu’il aimait dans la police. Finalement, il ne se voyait rien faire d’autre et s’accommodait de tout, même de la mort.

    Cavalier croise dans la fiction quelques personnages pour lesquels les ressemblances ne sont pas forcément fortuites. Pour ceux qui vivent à Marseille depuis de nombreuses années, " Le chinois " qui animait des parties de Volley sur la plage des Catalans est un commissaire célèbre d’origine vietnamienne, chef du GIPN à Marseille. Antoine et Mémé GUERINI étaient de vrais truands qui ont alimenté les chroniques judiciaires . Des noms comme Croce, Mosca et Luchesi restent aussi associés au grand banditisme marseillais. En mélangeant fiction et réalité, l’auteur donne de la crédibilité à son récit, et il est bien informé puisqu’il est journaliste parisien ayant traité des faits divers. Le réalisme est encore renforcé  par un connaissance apparente des milieux judiciaire et policier de Marseille, où " on a vu des gens se suicider de deux balles dans la tête et d’autres survivre avec onze projectiles dans la peau. ".

    Cavalier est un flic à la psychologie nuancée qui, " la vie étant ce qu’elle est, était rentré dans les rangs. Marre de se battre contre les moulins à vent. Marre de s’opposer à une hiérarchie qui, du commissaire de base jusqu’au préfet, fait siennes les pires inepties de la classe politique… La désinvolture de son chef commençait à lui taper sur le système. S’imaginait-il vraiment qu’on pourrait trancher la question en vingt secondes, entre deux portes ? " Lorsqu’il est sous le coup du découragement, il décide d’aller passer le week-end dans la bergerie du Larzac, héritage paternel… à la différence avec Fabio Montale, fils d’Italiens et flic débonnaire qui se réfugie dans son cabanon aux Goudes mais qui fréquente, comme lui,  le Bar des treize coins, près de l’hôtel de police de Marseille.

    Italiens, Espagnols, Corses mais aussi Sénégalais, Réunionnais, Comoriens, Maghrébins… se sont succédés ou côtoyés dans le quartier du Panier. Jean-Claude Izzo disait justement : "  Depuis sa fondation, Marseille n’est qu’une ville de l’exil. Nous devons sans cesse apprendre à vivre ensemble. " Finalement Cavalier reconnaît lui-même que " Au fil des mois, il commençait pourtant à s’adapter à Marseille. De toute façon, c’était Marseille ou rien. Ce qui le fascinait dans cette ville folâtre et rebelle ? Le métissage des cultures peut-être. Ou son erratique violence. Aucune autre ville de province n’aurait pu lui apporter ainsi son compte d’émotions "… tout en rêvant de vendre la bergerie, vider son compte d’épargne et filer en Andalousie, près de Jerez de la Frontera, la Mecque des dresseurs de chevaux , ou de Ronda.

     

    On peut être Marseillais et Corse, Marseillais et Espagnol, Marseillais et Italien, Marseillais et Arménien, Marseillais et  … On est plus rarement simplement un Marseillais. Marseille est plus qu’une ville, elle est un port méditerranéen où tous se réclament de cette mer que Fabio Montale contemplait comme un paysage lunaire qui n’embrasse rien que du bleu. Le bonheur côtoie la nostalgie et, en regardant les bateaux quitter les quais, on peut rêver de retour au pays. Personne n’est obligé d’y renier ses origines. Lorsque l’on parle de Marseille, on est amené à évoquer toute la Méditerranée dont la Corse où Cavalier a séjourné : " Il se leva et alla se poster à la fenêtre d’où il observa, entre deux immeubles, une partie du pont supérieur d’un ferry. En raison d’une grève des marins, plus aucune liaison avec la Corse n’était assurée depuis trois jours. Et il se souvint alors de son unique enquête en Corse. Une sorte de voyage au pays de l’impunité. Là-bas, tous les témoins sont sourds, aveugles ou alités. Encore pire qu’à Marseille. Naturellement, il n’avait pas trouvé l’homme qu’il cherchait. Une quête insensée, de hameau en bergerie, jusqu’au col de Vizzavona où il avait retrouvé un peu les mêmes sensations qu’au Larzac. Là-haut, en parlant avec les bergers, il avait pris conscience que les Corses n’avaient aucune raison de se sentir français. Au nom de quoi ? Génois et Français les avaient à chaque fois soumis par la force. Et ce fut Bonaparte, le traître, qui écrasa durablement la résistance… "  Une vision sans aucaun doute très caricaturale de la Corse en dehors du fait que cette île est devenue génoise et française par la force.

     

    Le poète andalou  fusillé à Grenade :

     

    Frédérico Gracia Lorca est un poète, dramaturge, peintre, pianiste et compositeur espagnol né le 5 juin 1898 dans la province de Grenade où il sera fusillé le 19 août 1936 par les rebelles antirépublicains qui ont jeté son corps dans une fosse à Viznar. Sous la dictature franquiste , ses œuvres furent interdites puis censurés jusqu’à la mort de Franco, en 1975.

    Jean Cassou, écrivain et critique d’art français, lui a rendu un bel hommage en écrivant: "  Toucher à Garcia Lorca, rompre cet hymne vivant, cette jeunesse et cet enivrement de rossignol, ce fut une offense atroce à tout ce qui, dans ce coin de terre, est nature ; floraison et beauté. Ce fut injurier la vigne et l’olivier, l’œillet et le jasmin, frapper à mort la nuit, la lune, la mer, jeter le plus insolent défi à ces passions que le peuple porte en lui et qui lui paraissent à ce point sacrées qu’il ne peut les égaler qu’aux éléments éternels… " Pour Jean Cassou, l’inspiration essentielle de ce poète " réside dans un sens exceptionnel de l’âme populaire et son plus haut talent en un art non moins extraordinaire pour transformer cette inspiration en une poésie pure..."

    "Frédérico Garcia lorca fut l’ami des surréalistes Luis Bunuel et de Salvador Dali, qui, en 1929, collaborèrent pour le film " Un chien andalou ", que Lorca prit comme une allusion à son homosexualité au moment de sa rupture avec le peintre Eimilio Aladren. Le poète fit alors un long séjour au Etats Unis qui lui inspirèrent sa collection de poèmes " le Poète à New York ". Il rentre en Espagne en 1930 , au moment de la chute de la dictature de Primo de Ribera et du rétablissement de la République. Il vit à Madrid où il devient le directeur de la société de théâtre étudiante , La Barraca ". Quand la guerre civile éclate, il rejoint Grenade , conscient du danger qui le menaçait dans le ville la plus conservatrice de l’Andalousie.

     

    En 2002, Michel Rostain avait mis en scène le poème de Frédérico Garcia Lorca, Il s’agit d’un chant funèbre pour Ignacio Sanchez Mejias, torero célébre mort le 13 août 1934 deux jours après avoir été blessé aux arènes de Manzanares. " Llanto por Igancio Sanchez Mejias " a été présenté au Théatre National de Toulouse sur une musique de Vicente Pradal. A las cinco de la tarde… à cinq heures de l’après-midi ! L’heure de la mort pour Frédérico Garcia Lorca. "  A cinq heures de l’après-midi, terribles cinq heures de l’après-midi ! Il était cinq heures à toutes les horloges. Il était cinq heures à l’ombre du soir ".

    l’Afghanistan, à cinq heures de l’après-midi :

    Samira Makhmalbaf, jeune cinéaste iranienne, s’est approprié ce poème, chant funèbre, en projetant les images de l’Afghanistan au lendemain de la chute des Talibans. Une femme rêve de liberté sous sa burka bleue, liberté d’apprendre, d’être belle et d’être ambitieuse en écho aux versets, sourates et autres psalmodies du Coran. Espoir d’émancipation d’une jeune femme en opposition à un patriarcat nostalgique des archaïsmes intégristes dans un pays dévasté, miné, envahi par des réfugiés pakistanais, affamé… un pays où les femmes sont réduites à se taire, attendre et survivre, où l’espoir de changement ne semble pas permis. La famille de la jeune fille quitte finalement Kaboul sans destination.

    Yahoo!





    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires